J'ai
passé l'été à Cordoue et à Grenade.
Théophile
Gautier écrivait, après avoir vu la mosquée de Cordoue :
« Quand
on songe qu'il y a mille ans, une œuvre si admirable et de proportions si
colossales était exécutée en si peu de temps par un peuple tombé depuis dans la
plus sauvage barbarie, l'esprit s'étonne et se refuse à croire aux
prétendues doctrines de progrès qui ont cours aujourd'hui; l'on se sent même
tenté de se ranger à l'opinion contraire lorsqu'on visite des contrées occupées
jadis par des civilisations disparues. J'ai toujours beaucoup
regretté, pour ma part, que les Mores ne soient pas restés maîtres de
l'Espagne, qui certainement n'a fait que perdre à leur expulsion. »
Gustave
le Bon, dans sa civilisation des Arabes, traitait les
Ibères d'aborigènes, en ajoutant froidement : les Britanniques sont
colonisateurs, les Arabes civilisateurs.
Évitons
la polémique et donnons à notre propos un tour plus scientifique avec Ibn
Khaldoun. Vers 1400 Ibn Khaldoun expliquait notre déclin comme un
Tocqueville, et décryptait aussi notre soumission actuelle.
Il
oppose le rat des villes et le rat des champs, et de quelle manière ; car il a
compris bien avant Oswald Spengler, autre prestigieux admirateur des Arabes (la
liste va de Voltaire à Goethe...) que les cités nous font dégénérer, comme le
confort repu :
« Les
habitants des villes, s’étant livrés au repas et à la tranquillité, se plongent
dans les jouissances et laissent à leur gouverneur ou à leur commandant le soin
de les protéger en leurs personnes et leurs biens Rassurés contre tout danger
par la présence d’une troupe chargée de leur défense, entourés de murailles,
couverts par des ouvrages avancés, ils ne s’alarment de rien. Les gens de la
campagne, au contraire, évitent le voisinage des troupes et ils montrent, dans
leurs expéditions, une vigilance extrême. »
C'est
l'historien américain du franquisme Stanley Payne qui a fait scandale en
Espagne en parlant d'un peuple anesthésié. Mais j'ai moi-même écrit que les
Français se laissent tuer parce que les Français sont déjà morts.
Ibn
Khaldoun invite lui à préserver la pureté du sang :
« Leur
isolement est donc un sûr garant contre la corruption du sang. Chez eux, la
race se conserve dans sa pureté... La pureté de race existe chez les peuples
nomades parce qu’ils subissent la pénurie et les privations, et qu’ils habitent
des régions stériles et ingrates, genre de vie que le sort leur a imposé et que
la nécessité leur a fait adopter. »
Il faut
aimer la frugalité raisonnée :
« Les
gens de la campagne recherchent aussi les biens de ce monde, mais ils n’en
désirent que ce qui leur est absolument nécessaire ; ils ne visent pas aux
jouissances que procurent les richesses ; ils ne recherchent pas les moyens
d’assouvir leur concupiscence ou d’augmenter leurs plaisirs. »
Mais
notre historien romain Tite-Live faisait l'éloge de la frugalité dans sa
préface :
« Mais
ce qui importe, c'est de suivre, par la pensée, l'affaiblissement insensible de
la discipline et ce premier relâchement dans les mœurs qui, bientôt entraînées
sur une pente tous les jours plus rapide, précipitèrent leur chute jusqu'à ces
derniers temps, où le remède est devenu aussi insupportable que le mal. »
Ibn
Khaldoun rappelle que la dure vie du désert préserve la
liberté, la noblesse et le courage :
« Puisque
la vie du désert inspire le courage, les peuples à demi sauvages doivent être
plus braves que les autres. En effet, ils possèdent tous les moyens lorsqu’il
s’agit de faire des conquêtes et de dépouiller les autres peuples... »
Et il
déteste les impôts, marque de servilité et d'hébétude :
« Tout peuple qui aime mieux payer
un tribut que d’affronter la mort a beaucoup perdu de cet esprit de corps qui
porte à combattre ses ennemis et à faire valoir ses droits...
Lorsqu’un peuple s’est laissé dépouiller de son indépendance, il passe dans un
état d’abattement qui le rend le serviteur du vainqueur, l’instrument de ses volontés,
l’esclave qu’il doit nourrir. » [1]
Jamais
on n'en a autant payé, et on est en pleine faillite encore !
Dans un
bel esprit libertarien il dénonce le contribuable :
« Une
tribu ne consent jamais à payer des impôts tant qu’elle ne se résigne pas aux
humiliations. Les impôts et les contributions sont un fardeau déshonorant, qui
répugne aux esprits fiers. Tout peuple qui aime mieux payer un tribut que
d’affronter la mort a beaucoup perdu de cet esprit de corps qui porte à
combattre ses ennemis et à faire valoir ses droits. »
Ibn Khaldoun
rappelle le péril des conquêtes arabes :
« Sous
leur domination, la ruine envahit tout. Ajoutons que les Arabes négligent tous
les soins du gouvernement ; ils ne cherchent pas à empêcher les crimes ; ils ne
veillent pas à la sûreté publique ; leur unique souci c’est de tirer de leurs
sujets de l’argent, soit par la violence, soit par des avanies. » [2]
Mais
d'un autre côté cette saine barbarie est garante d'une force vitale supérieure
:
« Nous
avons déjà dit que les nations à demi sauvages ont tout ce qu’il faut pour
conquérir et pour dominer. Ces peuples parviennent à soumettre les autres,
parce qu’ils sont assez forts pour leur faire la guerre et que le reste des
hommes les regarde comme des bêtes féroces. »
Enfin la
clé du génie arabe :
« Cette
bande ne serait jamais assez forte pour repousser des attaques, à moins
d’appartenir à la même famille et d’avoir, pour l’animer, un même esprit de corps. Voilà justement ce
qui rend les troupes composées d’Arabes du désert si fortes et si redoutables ;
chaque combattant n’a qu’une seule pensée, celle de protéger sa
tribu et sa famille. L’affection pour ses parents et le
dévouement à ceux auxquels on est uni par le sang font partie des qualités que
Dieu a implantées dans le cœur de l’homme. » [3]
Pour
survivre et triompher il faut retrouver un génie familial, tribal et médiéval.
Avis aux bons lecteurs.
Ibn Khaldoun,
Prolégomènes, Livre Premier, 2nde section, De la civilisation chez les nomades,
pp. 270-315 (sur classiques.uqac.ca)...
Nicolas Bonnal
http://www.dedefensa.org/article/ibn-khaldun-et-le-modele-arabe-de-la-liberte-1Ibn
NOTES
de H. Genséric
[1] Il en est ainsi,
aujourd’hui, des taïfas arabes du Golfe : Arabie, Emirats, Qatar, Koweït,
Oman, Bahreïn. Ces pays croupions paient des fortunes colossales à l’Oncle Sam
(donc indirectement à Israël) pour se sentir protégés. Contre qui ? Le
seul ennemi qu’ils ont, à part leur propre peuple esclave, est justement
l’Oncle Sam. Donc cette protection à coup de milliards de dollars, est de type
maffieux : "Tu raques, sinon je te zigouille". Les récentes
attaques yéménites contre les raffineries Aramco prouvent que cette protection
est illusoire, même contre les va-nu-pieds les plus démunis des Arabes. Les
Yéménites prouvent, comme les Syriens, les Libanais (en particulier le Hezbollah)
et les Algériens, qu’il y a encore des « Arabes » qui savent ce que
« honneur » veut dire.
[2] C’est en raison de pareilles
vérités évidentes et constatées depuis toujours, que la majorité des Arabes n’aime
pas Ibn Khaldoun, et qu’il est particulièrement ostracisé au Moyen-Orient, et
chez tous les Islamistes d'Orient et d'Occident.
[3] Asabiyya,
esprit de corps et réseau mobilisable
Ce terme est
usuellement utilisé pour parler de la solidarité clanique, pour bien souligner
l’idée de réflexe tribal, dont le comble serait cette illustre maxime arabe:
«Soutien ton frère, qu’il soit oppresseur ou opprimé».
C’est à l’aide de ce
concept, qu’Ibn Khaldoun déploie toute une modélisation de la prise du pouvoir
à partir de ses différentes observations des naissances et chutes des dynasties
et des empires de son temps. Il commence par cartographier le pouvoir en
identifiant trois zones d’inégales densités démographiques: le centre (hadhara),
la périphérie (badawa) et le no man’s land (wahshiya).
Pour lui le «centre», c’est la civilisation, la source de l’État: hadhara
qui implique à la fois l’idée de présence et de pérennité, toutes deux
nécessaires au pouvoir. Dès lors, l’urbanité est son évidente caractéristique
avec sa démographie importante et son économie florissante. Il y aurait alors
une sorte de «cercle vertueux» du pouvoir: un État doit nécessairement avoir
une importante population qui lui garantirait ainsi davantage de richesses. Et
inversement, il faut du pouvoir pour gérer et protéger cette population ainsi
que son économie. Quant à la périphérie, il la conçoit à partir de deux
éléments: la nature et le mouvement. La badawa qui est de la
racine du terme bédouin, désigne une forme d’existence proche de la nature,
avec une population représentant 1 à 2% du poids démographique du centre. Il la
voit comme plus vertueuse car inévitablement plus fidèle aux lois de la nature.
Certes la nature est parfois brutale mais jamais vicieuse. Pour Ibn
Khaldoun, le pouvoir du centre ne peut être pris voire réactivé qu’à partir
d’une asabiyya mobilisant des acteurs de la périphérie. En effet, ce
sont les seuls à posséder la force et la détermination nécessaires à la guerre
qui reste le mode politique standard d’alors.
L'exemple du Yémen d'aujourd'hui est édifiant : les "bédouins" houthis ont suffisamment de force de cohésion et d'asabiyya pour pouvoir prendre le pouvoir central et, malgré leur pauvreté, battre l'armée la plus riche du monde arabe.
Il en est de même du Hezbollah libanais, qui est l'émanation de la faction la plus pauvre et la plus méprisée de la société libanaise : les chiites. Leur solidarité et leur détermination sont si fortes qu'ils sont les seuls, dans la région, à pouvoir contrer efficacement Israël.
L'exemple du Yémen d'aujourd'hui est édifiant : les "bédouins" houthis ont suffisamment de force de cohésion et d'asabiyya pour pouvoir prendre le pouvoir central et, malgré leur pauvreté, battre l'armée la plus riche du monde arabe.
Il en est de même du Hezbollah libanais, qui est l'émanation de la faction la plus pauvre et la plus méprisée de la société libanaise : les chiites. Leur solidarité et leur détermination sont si fortes qu'ils sont les seuls, dans la région, à pouvoir contrer efficacement Israël.
VOIR
AUSSI :
- Témoignage.
Les terroristes islamistes sont les dignes héritiers des bédouins arabes du
7ème siècle
Hannibal GENSÉRIC
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerLes détracteurs de l'Empire islamique n'étaient pas seulement des usurpateurs qui s'intéressaient qu'au pouvoir et à la fortunes ; ils ont chassé les descendants du prophète "MOHAMMED" jusqu'à ce jour parce qu'ils portent la piété et la connaissance du saint coran. Ces grassouillets le savent et le dissimulent aux musulmans pour jouir des richesses en complicité avec leurs cousins khazars et cabalistes.
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