Nous ne nous
attarderons point aujourd'hui sur l'énième flip-flop de Donaldinho, bien pressuré par un Deep State en état de choc,
dans le Nord-est syrien. Nous partons, mais
finalement pas tout à fait, enfin si, mais peut-être que non : cela
tourne à la farce... Le pétrole, limité, de Deir ez-Zoor n'est évidemment qu'un
prétexte : il s'agit d'empêcher Assad de reconstruire son pays et surtout,
comme le suspecte le MAE turc
lui-même, de maintenir une présence sur la route de l'arc chiite pour embêter
l'Iran. Le fidèle lecteur de nos Chroniques, lui, le sait déjà depuis
longtemps.
Dans un
mauvais remake de série B, quelques troupes américaines partent puis reviennent
finalement, vers les puits de pétrole
mais aussi, chose incongrue, vers une base récemment
abandonnée du côté d'Hassaké. Là, elles vont côtoyer les forces syriennes qui se
déploient massivement et commencent d'ailleurs à échanger des coups avec les
Turcs et leurs affidés, histoire de délimiter le territoire et bien montrer au
sultan où s'arrête la petite aventure ottomane.
Laissons là
la tragi-comédie américaine - qu'il est loin le temps où l'Empire faisait
preuve de consistance et de crédibilité - pour voir un peu ce qui se passe dans
le Grand jeu énergétique.
Gazprom commence les essais de la
première branche du Turk Stream, celle à destination d'Ankara, qui
devrait entrer en service d'ici quelques semaines. La seconde branche, à
destination des Balkans et de l'Europe centrale, passera par la Bulgarie. L'ironie
n'échappe à personne, comme nous l'expliquions l'année
dernière :
Sofia regrette maintenant amèrement d'avoir succombé aux pressions de
l'Empire - l'une des dernières torpilles de feu McCainistan - en
annulant le South Stream en 2014. La victoire présidentielle
du russophile Ramen Radev en 2016 a sans doute quelque chose à y voir...
Cependant, même le Premier ministre Boyko Borissov, pourtant bon petit soldat
de la clique atlantiste et qui a saboté le South Stream contre les intérêts de
son pays, semble ne plus savoir quoi faire pour rattraper sa trahison.
Il s'était publiquement humilié fin mai en présentant ses excuses à Poutine
lors d'une visite à Moscou et, depuis, mendie la possibilité de recevoir une
branche du Turk Stream. Peu rancunier, car grand gagnant en fin de compte, le Kremlin
considère sérieusement la possibilité, même si
rien n'a été signé encore. Dans ce contexte, une portion de gazoduc d'une
vingtaine de kilomètres, commencée en juin, vient
d'être inaugurée à la frontière
turco-bulgare. Objectif évident : raccorder la Bulgarie au Turk Stream.
Les travaux seront terminés dans le
courant de l'année prochaine, qui verra l'or bleu russe gagner ensuite la
Serbie, une branche continuant sur la Hongrie et l'Autriche, une autre vers la Bosnie. Ca aussi,
c'était prévu :
Sueurs froides américaines riment souvent
avec énergie russe et les derniers développements ne démentent pas cet axiome. Après tant
d'autres, les Serbes de Bosnie veulent également une
branche du Turk Stream qui passera par la Serbie voisine et
irriguera les Balkans. Belgrade devrait d'ailleurs se méfier. Premier pays à
avoir connu une "révolution de couleur" made in Soros en 2000, la
Serbie pourrait bien renouveler ce type de mésaventure. L'achat de drones
militaires chinois (une première en Europe), les exercices militaires
anti-aériens communs avec la Russie (une autre première) et surtout la volonté de rejoindre
l'Union Économique Eurasienne malgré les "avertissements" de l'Union
Européenne pourraient donner quelques idées aux excités de Washington et
Bruxelles. Tout ressemblance avec des faits, l'Ukraine par exemple, etc. etc.
A l'autre
bout de l'Eurasie, Gazprom commencera également d'ici quelques semaines ses
premières livraisons à la Chine par le pharaonique Sila Sibirii, bien connu des lecteurs
ainsi que des stratèges du Washingtonistan qui en font une jaunisse.
Les think
tanks impériaux ne savent d'ailleurs plus quoi inventer pour décrédibiliser le
gaz russe et l'empêcher de rejoindre le Rimland. Dans une "analyse"
qui restera dans les annales, le fumeux Atlantic Council perd les
pédales et évoque, la larme à l’œil,
les "crimes environnementaux barbares" ou la colonisation du Yamal au
XVIème siècle sur les Nenets pour justifier le nécessaire arrêt des
importations en provenance du pays du grand méchant Poutine. Pas de problème en
revanche avec le gaz US, on oubliera opportunément
le génocide des Indiens d'Amérique.
On imagine
la pâleur rageuse de nos petits trolls en herbe quand ils ont appris que l'île états-unienne de Puerto
Rico elle-même importe... du gaz russe !
La faute à une loi de 1920, le Jones Act, qui spécifie qu'un navire
transportant des marchandises au sein de l'espace maritime des États-Unis doit
y être enregistré, être propriété américaine à 75% et compter également 75% de
marins américains. Dans ces conditions, il est financièrement bien plus
avantageux de se tourner vers Moscou, au grand dam du Deep State...
Un autre
think tank se lamente de l'indéfectible
soutien du Kremlin au Venezuela de Maduro, notamment par l'entremise de Rosneft
comme nous l'expliquions le mois
dernier :
Les habituels contempteurs de la "perfidie
moscovite" en sont une nouvelle fois pour leurs frais. On ne compte plus,
ces dernières années, les articles de la presstituée occidentale ou israélo-saoudienne
annonçant que, cette fois c'est sûr, Poutine est sur le point de lâcher ses
alliés : au choix, Assad, l'Iran ou encore le Venezuela. En échange de xxxxx,
le Kremlin va abandonner Maduro... Manque de bol pour nos petits propagandistes
en herbe, la réalité ne colle jamais à leurs fantasmes infantiles.
Washington sanctionne les exportations de pétrole de
Caracas ? Qu'à cela ne tienne : Rosneft est devenu le principal
acquéreur d'or noir du Venezuela (40% en juillet, 66% en août) et
fait office d'intermédiaire entre sa compagnie nationale (la PDVSA) et ses
acheteurs internationaux, notamment indiens et chinois. Le géant russe abandonne de plus en plus
le dollar, le monde continue d'acheter du pétrole vénézuélien, le
gouvernement légal de Caracas continue de recevoir des dividendes ô combien
précieux, les sanctions impériales sont contournées et Bolton en mord sa
moustache de rage...
Bolton n'est
plus là et heureusement pour lui. Qu'aurait-il dit s'il avait vu l'Inde
finalement défier les sanctions US et revenir acheter du brut à
Caracas ? Quant à l'ours, il musarde dans la jungle vénézuélienne, effrayant Foreign
Policy qui voit avec horreur l'ennemi
juré investir les Caraïbes, financièrement, économiquement et militairement :
"la présence russe dans l'hémisphère occidental la plus significative
depuis la Crise des missiles à Cuba".
Pour la
Russie, où les réserves pétrolières ont d'ailleurs été revues largement à la hausse, tout irait
donc pour le mieux si de menus et surprenants blocages n'étaient apparus à
propos du Nord Stream II. Tétanisé, le Danemark n'a toujours pas
donné l'autorisation et fait celui qui n'entend pas. Nous expliquions la chose il y a un an et demi :
Le placide pays scandinave fait en effet face à un écrasant dilemme, sa
"plus importante décision de politique étrangère depuis la Seconde Guerre
Mondiale" : permettre ou non le passage du Nord Stream II par ses eaux
territoriales.
Le projet doit également recevoir dans les prochains
mois les autorisations finales de la Russie (c'est couru d'avance), de la
Finlande et de la Suède. Mais concernant ces deux dernières, il s'agit
uniquement de leur zone économique exclusive, régie par le droit international
de la mer sur lequel les gouvernements suédois (très russophobe) et finlandais
(plus équilibré) ont de toute façon peu de prise.
Seul le Danemark est concerné dans sa souveraineté
même, et il s'en serait bien passé. Les émissaires américains et bruxellois
poussent le gouvernement à empêcher le passage des 139 km du Nord Stream II par
ses eaux territoriales tandis que Moscou et Berlin l'encouragent à accepter.
Copenhague peut-elle se mettre à dos son principal
partenaire (Allemagne) et la principale puissance militaire européenne
(Russie), qui vient d'ailleurs essayer quelques missiles à proximité ? Le
système impérial réussira-t-il à manœuvrer afin de torpiller le pipeline comme
ce fut le cas avec le South Stream ?
Depuis...
rien. Révolu est le temps des Vikings qui partaient aventureusement à la
conquête des mers inconnues. Paralysés, euronouillisés, les dirigeants danois
restent muets, alors qu'ils permettent par ailleurs la construction d'un
pipeline baltique devant rejoindre la Pologne. Devant cette évidente mauvaise
volonté, Vladimir hausse légèrement le ton, assurant que le gazoduc
verra bientôt le jour, avec ou sans "le petit Danemark".
Par ailleurs,
les avocats de Gazprom attaquent, auprès d'un tribunal d'arbitrage,
l'inénarrable UE, retombée dans son masochisme coutumier. Nous expliquions
celui-ci en 2015 :
L'approche européenne est totalement suicidaire. Les
dirigeants européens se tirent une balle dans le pied. De manière amusante, Gazprom ironise maintenant sur la nécessité de
lire 50 nuances
de Grey avant d’engager des discussions avec les Européens ! Derrière
l’humour de la déclaration, une vraie question se pose : jusqu’où ira le
masochisme européen ? Le gaz russe est le moins cher, le plus proche et le plus
abondant. Il faut vraiment avoir l’esprit retors (ou plus sûrement être
totalement soumis à la pression venue d'outre-Atlantique) pour ne pas en
profiter…
La nouvelle
habitude des petits génies de Bruxelles est de changer la règle du jeu après le
début de la construction des pipelines. Ils l'avaient fait avec le South
Stream, ils récidivent maintenant :
Début 2019,
la Commission européenne a étendu aux opérateurs extérieurs à l’Union
européenne l’obligation de séparer leurs activités de production et de
transport. Elle existe déjà sur le marché intérieur. Gazprom, qui serait
contraint de devenir partenaire minoritaire du Nord Stream 2, s’estime lésé.
Plutôt que la défense de la concurrence et du consommateur, le géant russe du
gaz y voit une volonté de freiner Nord Stream 2. Malin, Gazprom utilise pour
son offensive juridique une filiale établie en Suisse, qui a accès au mécanisme
d’arbitrage prévu par la Charte de l’énergie. Un traité de mai 2015 signé par
la Suisse, mais pas par la Russie.
Ainsi va
l'euronouillerie, qui a tout à gagner de relations énergétiques accrues avec
Moscou mais qui, en bon vassal, se doit d'écouter son maître américain en torpillant ses propres
intérêts. Pas assez pour saboter le Nord Stream II mais suffisant
pour le retarder un peu plus. A Bruxelles, ceci est considéré comme le summum
de l'intelligence politique...
Source : Chroniques du Grand Jeu
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