On parle
beaucoup dans le monde antisystème de la chute de l’empire américain. Je m’en
mêle peu parce que l’Amérique n’est pour moi pas un empire ; elle est plus
que cela, elle est l’anti-civilisation, une
matrice matérielle hallucinatoire, un virus mental et moral qui dévore et
remplace mentalement l’humanité - Musulmans, Chinois
et Russes y compris. Elle est le cancer moral et
terminal du monde moderne. Celui qui l’a le mieux montré est le
cinéaste John Carpenter dans son chef-d’œuvre des années 80, They Live.
Et j’ai déjà parlé de Don Siegel et de son humanité de légumes dans l’invasion
des profanateurs, réalisé en 1955, année flamboyante de
pamphlets antiaméricains comme La Nuit du Chasseur de Laughton, le Roi à New
York de Chaplin, The Big Heat de Fritz Lang.
On
assiste néanmoins, certes, à un écroulement militaire, moral des américains et
autres européens qui se font régulièrement humilier (sans forcément s’en
apercevoir, tant ils sont devenus crétins) par les Russes, les Chinois et même
par des Iraniens présumés
attardés…
Il faut
alors rappeler ce qui motive ces écroulements impériaux. Je l’ai fait maintes
fois en étudiant la décadence romaine à partir de textes tirés de la
grande littérature romaine, agonisante du reste, puisqu’au
deuxième siècle, après le siècle d’Auguste comme dit Ortega Y Gasset, les
Romains deviennent bêtes (tontos) comme les Ricains, les Franchouillards
branchés et les Bozo Britishs d’aujourd’hui. J’ai aussi
rappelé dans trois brefs essais sur Ibn Khaldoun
[1] les causes de la décadence morale
du monde arabe.
Hervé
nous a donné à connaître Glubb, personnage charmant et décati, qui me fait
penser à l’oncle de Purdey dans l’un de mes « chapeau melon et bottes de
cuir » préféré, oncle qui déclare que « tous les empires se sont
cassé la gueule ». Dans cette série les méchants sont souvent et comme par
hasard des nostalgiques de la grandeur impériale…
Témoin
donc de la désintégration de l’empire britannique causée par Churchill [2] et Roosevelt, militaire vieille école, Glubb
garde cependant une vision pragmatique et synthétique des raisons de nos
décadences.
Commençons
par le résumé donc de Glubb. Causes de la
grandeur.
« Les
étapes de la montée et de la chute de grandes nations semblent être:
- L'âge
des pionniers (explosion)
- L'ère
des conquêtes
- L'ère
du commerce
- L'âge
de la richesse
- L'âge
de l'intellect, particulièrement dangereux…
Puis
Glubb donne les causes de la décadence
historique :
« La
décadence est marquée par :
- une
culture de la défensive (nous y sommes en plein avec Trump en ce moment)
- Le
pessimisme (pensez au catastrophisme financier, économique climatique, avec
cette Greta barbante [3] qui insulte
ses victimes consentantes).
- Le
matérialisme (vieille lune, Ibn Khaldun ou Juvénal en parlant déjà)
- La
frivolité (Démosthène en parle dans son épistèmé, traité sur la réforme, les
athéniens passant leur temps au théâtre)
- Un
afflux d'étrangers qui finit par détraquer le pays (Théophraste en parle au
quatrième siècle, avant l’écroulement athénien, dans ses caractères)
- L’Etat
providence. C’est très bien que Glubb en parle, à la manière de Tocqueville
(Démocratie II, p. 380), de Nietzsche (« nous avons inventé le
bonheur ! », au début de Zarathoustra) et du méconnu australien
Pearson. Pearson résume en un trait-éclair : le
prophète et le héros sont devenus des femmes de ménage. Ou des bureaucrates
humanitaires ?
- Un
affaiblissement de la religion. »
Sur ce
dernier point, on évoquera Bergoglio qui est passé comme une lettre à la
poste chez les cathos zombis qui lui sont
soumis. La religion catholique, canal historique, n’intéresse
plus les ex-chrétiens, à part une poignée d’oasis, comme l’avait compris le
pape éconduit Benoit XVI. Le Figaro-madame faisait récemment sans
barguigner la pub d’une riche catho, bourgeoise, mariée
à une femme, et qui allait à la messe le dimanche…
Bloy,
Drumont, Bernanos observaient la même entropie en leur temps. Sur le journal La
Croix, qu’embêtait la manif anti-PMA récemment, Léon Bloy écrivait vers 1900
dans son journal : « Pour ce qui est de la Croix, vous
connaissez mes sentiments à l'égard de cette feuille du Démon, surtout si vous
avez lu la préface de Mon Journal. »
Toutes
ces causes se cumulent aujourd’hui en Occident.
Glubb
écrit à l’époque des Rolling Stones et on comprend qu’il ait été
traumatisé, une kommandantur de programmation culturelle (l’institut
Tavistock ?!) ayant projeté l’Angleterre dans une décadence morale,
intellectuelle et matérielle à cette époque abjecte. C’est l’effarante conquête
du cool dont parle le journaliste Thomas Frank. En
quelques années, explique Frank notre nation (US) n’était plus la même. Idem
pour la France du gaullisme, qui rompait avec le schéma guerrier, traditionnel
et initiatique de la quatrième république et nous fit rentrer dans l’ère de la
télé, de la consommation, des supermarchés, de salut les copains, sans oublier
mai 68. Je ne suis gaulliste que géopolitiquement, pour le reste, merci…
Revoyez Godard, Tati, Etaix, pour reprendre la mesure du problème gaulliste.
Glubb
explique ensuite le raisons (surtout morales, de son point de vue de militaire
de droite) de la décadence…
« La décadence
est due à:
- Une
trop longue période de richesse et de pouvoir
-
L’Égoïsme
-
L’Amour de l'argent
-La
perte du sens du devoir. »
Très
bien dit. Il semble que la date charnière de l’histoire de France, après le
beau baroud d’honneur de la quatrième république, soit la reddition algérienne
du gaullisme. Après on a consommé et on s’est foutu de tout : les
bidasses, la septième compagnie prirent le relais de Camerone, de Dien-Bien-Phu…
Jusque-là
Glubb nous plait mais il ne nous a pas surpris. Trouvons des pépites dans ce
bref aperçu des écrits de Glubb tout de même :
« Les
héros des nations en déclin sont toujours l'athlète, le chanteur ou l’acteur.
Le mot 'célébrité' aujourd'hui est utilisé pour désigner un comédien ou un
joueur de football, pas un homme d'État, un général ou un littéraire génie. »
Et comme
notre homme est un arabisant distingué, il parle de la décadence arabe – citant
lui le moins connu mais passionnant Al-Ghazali.
« Dans la
première moitié du neuvième siècle, Bagdad a connu son apogée en tant que plus
grande et la plus riche ville du monde. Dans 861, cependant, le Calife régnant,
Mutawakkil, a été assassiné par ses mercenaires turcs, qui ont mis en place une
dictature militaire, qui a duré environ trente ans. Au cours de cette période,
l’empire s’est effondré, les divers dominions et provinces, chacun en
recherchant l'indépendance virtuelle et à la recherche de ses propres intérêts.
Bagdad, jusque-là capitale d'un vaste empire, a trouvé son autorité limitée à
l'Irak seul. » [4]
Cet
écroulement provincial fait penser à notre Europe pestiférée, à l’Espagne
désintégrée du binôme Sanchez-Soros, et évoque ces fameuses taïfas [5], micro-royaumes écrabouillés un par un
par les implacables et modernes rois catholiques.
Glubb
ajoute :
« Les
travaux des historiens contemporains de Bagdad au début du Xe siècle sont
toujours disponibles. Ils ont profondément déploré la dégénérescence des temps
dans lesquels ils vivaient, en insistant sur l'indifférence de la religion, le
matérialisme croissant, le laxisme de la morale sexuelle. Et ils lamentaient
aussi la corruption des fonctionnaires du gouvernement et le fait que les
politiciens semblaient toujours amasser de grandes fortunes quand ils étaient
en fonction. »
Détail
chic pour raviver ma marotte du présent permanent, Glubb retrouve même trace
des Beatles chez les Califes !
« Les
historiens ont commenté amèrement l’influence extraordinaire acquise par les
populaires chanteurs sur les jeunes, ce qui a entraîné un déclin de la moralité
sexuelle. Les chanteurs "pop" de Bagdad ont
accompagné leurs chansons érotiques du luth (sic), un instrument ressemblant à
la guitare moderne. Dans la seconde moitié du dixième siècle, en conséquence,
le langage sexuel obscène est devenu de plus en plus utilisé, tels qu'ils
n'auraient pas été tolérés dans un âge précoce. Plusieurs califes ont émis des ordres pour
interdire les chanteurs «pop» de la capitale, mais en quelques années ils revenaient
toujours. »
Glubb
dénonce le rôle de la gendarmerie féministe (voyez Chesterton, étudié
ici...) :
« Une
augmentation de l'influence des femmes dans la vie publique a souvent été
associée au déclin international. Les derniers Romains se sont plaints que,
bien que Rome ait gouverné le monde, les femmes gouvernassent Rome. Au
dixième siècle, une semblable tendance était observable dans l'empire arabe,
les femmes demandant l'admission à des professions jusque-là monopolisées par
les hommes. »
Affreux
sexiste, Glubb ajoute :
« Ces
occupations judiciaires et administratives ont toujours été limitées
aux hommes seuls. Beaucoup de femmes pratiquaient le droit, tandis que d'autres
ont obtenu des postes à l'université, de professeurs. Il y avait une agitation
pour la nomination de femmes juges qui, cependant, ne semble pas avoir
réussi. »
Sur ce
rôle de la manipulation de la « libération »
de la femme, qui n’a rien à voir avec l’égalité des droits, dans la décadence
des civilisations, je recommanderai le chef d’œuvre sur Sparte
de mon ami d’enfance Nicolas Richer, fils de Jean Richer, l’éclaireur de
Nerval.
Et je
célébrerai aujourd’hui cette pépite, à une époque où l’histoire devient une
caricature au service de lobbies toujours plus tarés :
« Alternativement,
il existe des écoles «politiques» de l’histoire, inclinée pour discréditer les
actions de nos anciens dirigeants, afin de soutenir la modernité des mouvements
politiques. Dans tous ces cas, l'histoire n'est pas une tentative de déterminer
la vérité, mais un système de propagande, consacré à l'avancement de projets
modernes. »
Nietzsche
écrit déjà dans sa deuxième dissertation inactuelle :
« Les historiens naïfs
appellent « objectivité » l’habitude de mesurer les opinions et les actions
passées aux opinions qui ont cours au moment où ils écrivent. C’est
là qu’ils trouvent le canon de toutes les vérités. Leur travail c’est
d’adapter le passé à la trivialité actuelle. Par
contre, ils appellent « subjective » toute façon d’écrire l’histoire qui ne
considère pas comme canoniques ces opinions populaires. »
Terminons
avec Glubb, qui donne deux siècles et demi à chaque empire, l’anglais,
l’ottoman, l’espagnol y compris. On voit bien que l’empire américain n’en est
pas un. C’est en tant que matrice subversive que l’entité-dollar-télé US est
pernicieuse (Chesterton). Tout ce que Glubb dénonce dans l’intellectualisme si
néfaste trouve en ce moment, avec la nouvelle révolution culturelle made in
USA, un écho particulier. Tocqueville nous avait mis en garde : en démocratie, le pouvoir délaisse le corps et va droit à l’âme.
Sources
- Nicolas Bonnal – Mitterrand grand initié (Albin
Michel) ; Chroniques sur la fin de l’histoire ; le livre noir de la
décadence romaine (Amazon.fr)
- Sir John Glubb – The Fate of
Empires (archive.org)
- Charles Pearson – National Life and
character (archive.org)
-
Léon Bloy – L’invendable (wikisource.org)
-
LES PROLÉGOMÈNES D’IBN KHALDOUN (732-808 de l’hégire) (1332-1406 de J. C.),
traduits en Français et commentés par W. MAC GUCKIN DE SLANE (1801-1878),
(1863) Troisième partie, sixième section (classiques.uqac.ca)
-
Nietzsche – Deuxième considération inactuelle (wikisource.org) ; Ainsi
parlait Zarathoustra
-
Ortega Y Gasset – L’ère des masses
-
Nicolas Richer – Sparte (Perrin)
-
Démosthène – Traité de la réforme (remacle.org)
-
Tocqueville – Démocratie en Amérique, I, 2.
-
Théophraste – Caractères, traduits par La Bruyère (ebooksgratuits.com)
- Thomas Frank – The conquest of cool
-
Philippe Grasset – La grâce de l’histoire (mols)
jeudi 17
octobre 2019
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NOTES de H. Genséric
- Témoignage. Les terroristes islamistes sont les dignes
héritiers des bédouins arabes du 7ème siècle
L'idée maîtresse du plan, qui est de balkaniser le
Monde Arabo-musulman « utile » est aujourd'hui ouvertement admise par
des membres ou des conseillers importants des gouvernements américain et
israélien. Cette politique du « diviser pour régner » nous rappelle
une autre période noire de notre histoire : c’est l’époque des taïfas andalouses
(1031 à 1492), qui annonçait l’élimination totale des arabo-berbères
d’Andalousie. Une taïfa (mot arabe) est un petit royaume andalou. Durant les périodes d'instabilité politique et
de décadence, l’Andalousie a été, sous les coups de boutoir des rois
catholiques espagnols, morcelée en plusieurs taïfas, sortes de micros émirats.
Le roitelet d’une taïfa est généralement faible et dépend de la protection d’un
suzerain catholique. Il est aussi souvent concurrent, voire ennemi, de ses
voisins musulmans. Les armées chrétiennes y
effectuent périodiquement des razzias pour
tirer butin, otages,
esclaves ou encore, imposer aux taïfas de payer un paria (tribut).
Hannibal GENSÉRIC
Bonjour Hannibal. Bien vu pour vos références à ibn Khaldun aussi.
RépondreSupprimerMerci Nicolas. Mes références à Ibn Khaldoun m'ont valu beaucoup d'insultes, alors que je ne faisais que le citer. Les Arabo-musulmans ne l'aiment pas car il disait la vérité sur nos sociétés de son époque, vérité qui est toujours d'actualité, pour l'essentiel. Pour les Arabes orientaux, Ibn Khaldoun n'existe quasiment pas, alors qu'il a fini sa vie en Egypte. Savez-vous que le livre de chevet de Ronald Reagan était la mouqaddima d'Ibn Khaldoun, et que ce dernier a été le premier à écrire que "trop d'impôts tue l'impôt" ?
RépondreSupprimerdes solutions logique serais bienvenu aussi
RépondreSupprimerMerci Hannibal pour votre article. Je vous suis depuis la Turquie.Pouvez vous expliquer pourquoi l'union arabe se fâche contre les Turcs, tandis que les Turcs sauve les territoires arabe a nord-est Syrie des terroristes PYD-PKk, pour installer les arabes immigrés. Quand les terroristes sont là aucune problème, quand les Turcs y entre ils protestent. Quelle est la logique et le point des vues des arabes?
RépondreSupprimerIl ne faut pas généraliser.
SupprimerLa ligue arabe est un outil aux mains des USA et d’Israël, avec comme agents les rois et émirs pétro-monarchiques. Donc ce que dit ou décide la ligue arabe reflète les décisions d’USraël et non pas la volonté des peuples arabes.
Les Kurdes sont, comme les Israéliens, un outil aux mains impérialistes et sionistes pour déstabiliser la Turquie, l’Iran, la Syrie et l’Irak. La Turquie a donc le droit de se défendre contre eux, tout comme les autres pays (Syrie, Irak, Iran). Par contre, la Turquie doit aussi respecter la souveraineté des ces pays et leur intégrité territoriale. Une fois nettoyés des terroristes kurdes, les Turcs doivent donc se retirer chez eux et ne pas occuper les territoires syriens ou irakiens.
Les peuples arabes n’ont rien contre la Turquie ou contre les Turcs, depuis que ces derniers ont renoncé à leur alliance contre nature avec USraël.
2 DE MES TEXTES SUR CE MAITRE AMITIES HANNIBAL
RépondreSupprimerhttps://reseauinternational.net/ibn-khaldun-et-notre-moderne-decadence/
http://www.dedefensa.org/article/ibn-khaldun-et-le-modele-arabe-de-la-liberte-1
Rendez Le Plateau du Golan et ses réserves d'eau x maux Philistins géants
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