samedi 2 avril 2022

Ukraine. Pourquoi en sommes-nous là ? Analyse

Pendant des années, du Mali à l’Afghanistan, j’ai travaillé pour la paix et ai risqué ma vie pour elle. Il ne s’agit donc pas de justifier la guerre, mais de comprendre ce qui nous y a conduit. Je constate que les « experts » qui se relaient sur les plateaux de télévision analysent la situation à partir d’informations douteuses, le plus souvent des hypothèses érigées en faits, et dès lors on ne parvient plus à comprendre ce qui se passe. C’est comme ça que l’on crée des paniques.

Le problème n’est pas tant de savoir qui a raison dans ce conflit, mais de s’interroger sur la manière dont nos dirigeants prennent leurs décisions.

En tant qu’ex-professionnel du renseignement, la première chose qui me frappe est l’absence totale des services de renseignement occidentaux dans la représentation de la situation depuis une année. En Suisse, on a reproché aux services de ne pas avoir fourni une image correcte de la situation. En fait, il semble que dans tout le monde occidental, les services aient été débordés par les politiques. Le problème est que ce sont les politiques qui décident : le meilleur service de renseignement du monde est inutile si le décideur ne l’écoute pas. C’est ce qui s’est passé lors de cette crise.

Cela étant, si certains services de renseignement avaient une image très précise et rationnelle de la situation, d’autres avaient manifestement la même image que celle propagée par nos médias. Dans cette crise, les services des pays de la « nouvelle Europe » ont joué un rôle important. Le problème est que, par expérience, j’ai constaté qu’ils étaient extrêmement mauvais sur le plan analytique : doctrinaires, ils n’ont pas l’indépendance intellectuelle et politique nécessaire pour apprécier une situation avec une « qualité » militaire. Il vaut mieux les avoir comme ennemis que comme amis.

Ensuite, il semble que dans certains pays européens, les politiques ont délibérément ignoré leurs services pour répondre de manière idéologique à la situation. C’est pourquoi, cette crise a été irrationnelle dès le début. On observera, que tous les documents qui ont été présentés au public lors de cette crise l’ont été par des politiques sur la base de sources commerciales…

Certains politiciens occidentaux voulaient manifestement qu’il y ait un conflit. Aux États-Unis, les scénarios d’attaque présentés par Anthony Blinken au Conseil de Sécurité n’étaient que le fruit de l’imagination d’un Tiger Team travaillant pour lui : il a fait exactement comme Donald Rumsfeld en 2002, qui avait ainsi « contourné » la CIA et les autres services de renseignement qui étaient beaucoup moins affirmatifs sur les armes chimiques irakiennes.

Les développements dramatiques dont nous sommes les témoins aujourd’hui ont des causes que nous connaissions, mais que nous avons refusés de voir :

- sur le plan stratégique, l’expansion de l’OTAN (que nous n’avons pas traité ici) ;
- sur le plan politique, le refus occidental de mettre en oeuvre les Accords de Minsk ;
- et sur le plan opératif, les attaques continues et répétées des populations civiles du Donbass depuis ans et la dramatique augmentation de la fin février 2022.

En d’autres termes, nous pouvons naturellement déplorer et condamner l’attaque russe. Mais NOUS (c’est-à-dire : les États-Unis, la France et l’Union européenne en tête) avons créé les conditions pour qu’un conflit éclate. Nous témoignons de la compassion pour le peuple ukrainien et les deux millions de réfugiés. C’est bien. Mais si nous avions eu un minimum de compassion pour le même nombre de réfugiés des populations ukrainiennes du Donbass massacrées par leur propre gouvernement et qui se sont accumulés en Russie durant huit ans, rien de cela ne serait probablement passé.

Que le terme de « génocide » s’applique aux exactions subies par les populations du Donbass est une question ouverte. On réserve généralement ce terme à des cas de plus grande ampleur (Holocauste, etc.), néanmoins, la définition qu’en donne la Convention sur le génocide, est probablement suffisamment large pour s’y appliquer. Les juristes apprécieront.

Clairement, ce conflit nous a conduits dans l’hystérie.
Les sanctions semblent être devenues l’outil privilégié de nos politiques étrangères. Si nous avions insisté pour que l’Ukraine respecte les Accords de Minsk, que nous avions négocié et cautionné, tout cela ne serait pas arrivé. La condamnation de Vladimir Poutine est aussi la nôtre. Rien ne sert de pleurnicher après coup, il fallait agir avant. Or, ni Emmanuel Macron (comme garant et comme membre du Conseil de Sécurité de l’ONU), ni Olaf Scholz, ni Volodymyr Zelensky n'ont respecté leurs engagements. En définitive, la vraie défaite est celle de ceux qui n’ont pas de parole.

L’Union européenne a été incapable de promouvoir la mise en œuvre des accords de Minsk, au contraire, elle n’a pas réagi lorsque l’Ukraine bombardait sa propre population dans le Donbass. L’eût-elle fait, Vladimir Poutine n’aurait pas eu besoin de réagir. Absente de la phase diplomatique, l’UE s’est distinguée en alimentant le conflit. Le 27 février, le gouvernement ukrainien est d’accord d’entamer des négociations avec la Russie. Mais quelques heures plus tard, l’Union européenne vote un budget de 450 millions d’euros pour fournir des armes à l’Ukraine, remettant de l’huile sur le feu. A partir de là, les Ukrainiens sentent qu’ils n’auront pas besoin d’arriver à un accord. La résistance des milices Azov à Marioupol provoquera même une relance de 500 millions d’euros pour des armes.

En Ukraine, avec la bénédiction des pays occidentaux, ceux qui sont en faveur d’une négociation sont éliminés. C’est le cas de Denis Kireyev, un des négociateurs ukrainiens, assassiné le 5 mars par le service secret ukrainien (SBU) car il est trop favorable à la Russie et est considéré comme traître. Le même sort est réservé à Dmitry Demyanenko, ex-chef adjoint de la direction principale du SBU pour Kiev et sa région,  assassiné le 10 mars, car trop favorable à un accord avec la Russie : il est abattu par la milice Mirotvorets (« Pacificateur »). Cette milice est associée au site web Mirotvorets qui liste les « ennemis de l’Ukraine », avec leurs données personnelles, leur adresse et numéros de téléphone, afin qu’ils puissent être harcelés, voire éliminés ; une pratique punissable dans de nombreux pays, mais pas en Ukraine. L’ONU et quelques pays européens en ont exigé la fermeture… refusée par la Rada.

Finalement, le prix sera élevé, mais Vladimir Poutine atteindra vraisemblablement les objectifs qu’il s’était fixés. Ses liens avec Pékin se sont solidifiés. La Chine émerge comme médiatrice du conflit, tandis que la Suisse fait son entrée dans la liste des ennemis de la Russie. Les Américains doivent demander du pétrole au Venezuela et à l'Iran pour se sortir de l’impasse énergétique dans laquelle ils se sont mis : Juan Guaido quitte définitivement la scène et les États-Unis doivent revenir piteusement sur les sanctions imposées à leurs ennemis.

Des ministres occidentaux qui cherchent à faire s’effondrer l’économie russe et faire en sorte que le peuple russe en souffre, voire appellent à assassiner Poutine, montrent (même s’ils sont partiellement revenus sur la forme de leurs propos, mais pas sur le fond !) que nos dirigeants ne valent pas mieux que ceux que nous détestons. Car, sanctionner des athlètes russes des jeux para-olympiques ou des artistes russes n’a strictement rien à voir avec une lutte contre Poutine.

Ainsi, nous reconnaissons donc que la Russie est une démocratie puisque nous considérons que le peuple russe est responsable de la guerre. Si ce n’est pas le cas, alors pourquoi cherchons-nous à punir toute une population pour la faute d’un seul ? Rappelons que la punition collective est interdite par les Conventions de Genève

La leçon à tirer de ce conflit est notre sens de l’humanité géométrie variable.
Si nous tenions tellement à la paix et à l’Ukraine, pourquoi ne l’avons-nous pas plus encouragée à respecter les accords qu’elle avait signés et que les membres du Conseil de Sécurité avaient approuvés ?
L’intégrité de médias se mesure à leur volonté à travailler selon les termes de la Charte de Munich. Ils avaient réussi à propager la haine des Chinois lors de la crise de la Covid et leur message polarisé conduit aux mêmes effets contre les Russes. Le journalisme se dépouille de plus en plus du professionnalisme pour devenir militant…

Comme disait Goethe : « Plus grande est la lumière, plus noire est l’ombre ». Plus les sanctions contre la Russie sont démesurées, plus les cas où nous n’avons rien fait mettent en évidence notre racisme et notre servilité. Pourquoi aucun politicien occidental n’a-t-il réagi aux frappes contre les populations civiles du Donbass durant huit ans ?

Car finalement, qu’est-ce qui rend le conflit en Ukraine plus blâmable que la guerre en Irak, en Afghanistan ou en Libye ? Quelles sanctions avons-nous adopté contre ceux qui ont délibérément menti devant la communauté internationale pour mener des guerres injustes, injustifiées, injustifiables et meurtrières ? A-t-on cherché à « faire souffrir » le peuple américain qui nous avait menti (car c’est une démocratie !) avant la guerre en Irak ? Avons-nous seulement adopté une seule sanction contre les pays, les entreprises ou les politiciens qui alimentent en armes le conflit du Yémen, considéré comme la « pire catastrophe humanitaire au monde » ? Avons-nous sanctionné les pays de l’Union européenne qui pratiquent la torture la plus abjecte sur leur territoire au profit des États-Unis ?

Poser la question c’est y répondre… et la réponse n’est pas glorieuse.

Par Jacques Baud (Suisse)

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12 commentaires:

  1. Un Suisse qui dit la vérité voici une nouvelle. Son pays ne respecte pas la neutralité dans cette crise. La Russie est en état de légitime défense selon les règles du droit international. Les dirigeants criminels de l'Europe tomberons, il sera alors temps de le déférer devant un tribunal, déjà pour non respect du verdict du tribunal de Nuremberg des atrocités nazis. Les journalistes de la mafia politique eux aussi sur le banc des accusés pour non respect de la Charte de Munich. Pour ce qui concerne l'Amérique, que les juges de ce pays s'occupent du clan Biden, Obama and Co.

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    1. Les juges quoi? Les tribunaux quoi? Mais dans quel monde vivez-vous? Ce n'est que du theatre. Les sionistes qui ont crèe tout ce bordel dans ces derniers trois siecles et qui tirent les ficelles des gouvernements occidentaux et aussi de la Justice, sont furieux avec Poutine, car il est en train, directement ou indirectment, de detruire tous leur plans. Malheuresement cela conduit à la guerre nucleaire, mais il n'y a pas d'autre moyen pour arreter, juger et condamner tous ces "bienfaiteurs" de l'humanité, meme si les effets collateraux seront epouventables.

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    2. Une guerre nucléaire pour arrêter les mondialistes, mais dans quel monde voulez vous vivre?

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    3. Et vous, dans quel monde voulez vous vivre ? Écrasé, muselé, asservi aux mondialistes qui ne cesseront de supprimer vos moindre droits, y compris celui de vivre dès la fin de votre rentabilité ?

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    4. Une guerre nucléaire ce n'est pas un jeu intellectuel. Vous voulez de la radioactivité, le Corona n'est pas suffisant pour vous.

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  2. Les jeux olympiques sont devenus moribonds, la politique à pris le dessus sur le sport. Les médailles ne valent plus rien. Seul endroit ou tous les peuples se côtoient dans la bonne humeur. C'est regrettable d'en arriver là. Il y aura toujours des chefs d'états pervers, afin que leur égo soit mis en valeur en premier. Quel mal peut faire un sportif ?

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  3. Cet article est un torchon anti Poutine, le plus grand chef d'etat, un vrai Dirigeant, que le monde ait connu depuis fort longtemps, dans quelle situation se trouvait la Russie après Yeltsine ???? comparé à aujourd'hui : première puissance militaire en terme d'efficacité. Honte à cet auteur !!!

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    1. J'ai comme le sentiment que vous n'avez pas compris le sens des propos de Jacques Baud, qui critique l'occident et non Poutine.

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    2. Désolé, j'ai écouté cette taupe, soi-disant comme vous dites,sur plusieurs sites et émissions... écoutez et lisez bien ce qu'il suggère et dit à demi-mots, c'est sa vraie pensée... c'est un agent occidental, il l'a été durant toute sa carrière, et il continue son oeuvre... désormais, la guerre sera informationnelle en occident, il est primordial de déceler le fond de ce qui disent les gens... relisez... !

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    3. https://reseauinternational.net/interview-de-serguei-glaziev/
      c'est Poutine qui a arraché la Russie des griffes de l'oxydent !

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  4. Que l'on puisse déplorer l'intervention russe, d'accord. Mais on ne peut la condamner, sauf à accepter que l'Ukraine, elle ait eu le droit de lancer son agression contre le Donbass et la Crimée ! La Russie a tout simplement agi en état de légitime défense pour éviter un genocidé des habitants du Donbass et de la Crimée, et plus encore de la Russie menacée par une véritable agression chimique et bactériologique, financées par la cia et union européenne ! Les attaque chimiques ne connaissant aucune frontière, ce sont les populations du monde entier qui doivent remercier la Russie pour avoir stoppé les criminels ukrainiens et leurs parrains oxydentaux ! N'oublions pas que le but des mondialistes de Davos est toujours de réduire (donc assassiner) la majorité de la population mondiale... Ne vous trompez pas d'ennemis, vous qui soutenez stupidement le gouvernement nazi ukrainien...

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  5. il semble que l'Ukraine avait commandé des drones turcs avec la possibilité d'y installer des pulvérisateurs de "produits" ; quel etait le but ultime de ces démons si ce n'est se servir d'armes biologiques

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