USA. L'État profond continue de saboter les politiques présidentielles

L'ambassadeur M.K. Bhadrakumar nous rappelle les manœuvres subtiles des acteurs de l'État profond pour saboter les politiques présidentielles.

Lorsqu'un avion espion américain a été abattu au-dessus de l'Union soviétique, le président Dwight Eisenhower n'avait pas été informé de sa véritable mission. La CIA a prétendu qu'il s'agissait d'un avion météorologique qui avait dévié de sa trajectoire après que son pilote eut été neutralisé. Le président a répété cette histoire.

Les Soviétiques ont ensuite annoncé que l'épave de l'avion espion U-2 avait été récupérée et que le pilote avait été capturé vivant. Les Soviétiques, vexés d'avoir été trompés, ont vu leur tentative de détente échouer.

Bhadrakumar établit un parallèle avec les récentes attaques de drones ukrainiens contre des bombardiers stratégiques sur plusieurs aérodromes russes.

Le président Trump, lors d'un appel téléphonique avec le président russe Poutine, a affirmé que les États-Unis n'avaient pas eu connaissance de l'attaque. C'est peu plausible, comme le confirment plusieurs anciens membres de la CIA. L'opération était en préparation depuis 18 mois, ce qui signifie qu'elle a été lancée sous la présidence de Biden. Les services de renseignement américains et/ou britanniques ont certainement été impliqués dans la désignation des cibles.

Il semble que Trump, comme Eisenhower avant lui, n'ait pas été informé et se soit ainsi mis dans l'embarras.

Pendant que Trump s'entretenait avec Poutine, des responsables russes ont averti que les forces de l'État profond aux États-Unis n'avaient pas changé leurs objectifs antirusses :

Moscou devrait prendre très au sérieux les informations selon lesquelles certains milieux aux États-Unis souhaitent la destruction de la Russie, a déclaré le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Riabkov lors d'une conférence de presse à l'agence TASS.

« Le fait que certains milieux aux États-Unis aient élaboré et élaborent encore des plans visant à éradiquer la Russie en tant qu'État est également indéniable. Il suffit de suivre les discussions en cours, y compris sur les plateformes de sciences politiques. Nous ne devons pas sous-estimer les conséquences d'un tel état d'esprit », a noté le vice-ministre. …

Ses commentaires font suite aux propos du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva dans une interview au Monde, selon lesquels l'ancien président américain Joe Biden, durant son mandat, aurait évoqué une volonté de détruire la Russie.

Riabkov pensait probablement à une conférence à venir sur les « États en voie de fracture » de « l'un des derniers empires coloniaux du monde », à savoir la Russie, organisée par la Fondation Jamestown, liée à la CIA. L'invitation à la conférence stipule :

Les ambitions impériales du Kremlin en Ukraine se font au prix de mutineries, de fractures et de dissolutions potentielles sur le territoire national. Comprendre les conséquences de la détérioration de la situation intérieure de la Russie sera le thème principal de la prochaine conférence, qui réunira des experts en affaires étrangères, en défense et en géopolitique, ainsi que des représentants des nations captives de la Russie, reconnues depuis longtemps par les États-Unis. La Russie est l'un des derniers empires coloniaux du monde, refusant aux nations captives le droit à l'autodétermination et à l'indépendance. Qu'elle demeure une puissance impériale agressive, déterminée à menacer ses voisins, ou qu'elle se transforme en États fracturés, les décideurs politiques américains et alliés ne peuvent se permettre d'ignorer l'avenir de la Russie.

Alors que Trump tente, au moins dans une certaine mesure, d'améliorer les relations avec la Fédération de Russie, certains membres de ce groupe de politique étrangère rêvent encore de la démanteler.

Nous observons des tentatives similaires de contrer les politiques présidentielles à l'égard de la Chine.

Le 11 mai, lors des négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine à Genève, les deux parties ont convenu d'apaiser le jeu :

Les deux parties ont réduit leurs droits de douane. La Chine a également promis de réduire certaines de ses mesures non tarifaires :

La Chine […] adoptera toutes les mesures administratives nécessaires pour suspendre ou lever les contre-mesures non tarifaires prises contre les États-Unis depuis le 2 avril 2025.

Les marchés financiers se sont détendus et tout le monde s'en est réjoui.

Mais le 14 mai, le jour même de l'entrée en vigueur des nouvelles règles, les États-Unis ont instauré de nouvelles mesures extrêmement sévères contre les produits chinois :

Le ministère américain du Commerce a publié des directives stipulant que l'utilisation des puces d'intelligence artificielle (IA) Ascend de Huawei Technologies Co « où que ce soit dans le monde » viole les contrôles à l'exportation du gouvernement, intensifiant ainsi les efforts américains pour freiner les avancées technologiques en Chine.

Le Bureau de l'industrie et de la sécurité de l'agence a déclaré mardi dans un communiqué qu'il prévoyait également d'avertir le public des « conséquences potentielles de l'autorisation de l'utilisation de puces d'IA américaines pour l'entraînement et l'inférence de modèles d'IA chinois ».

S'il ne s'agissait peut-être pas d'une violation technique de l'accord de Genève, cela violait certainement l'esprit de la déclaration commune convenue  …

En conséquence, la Chine a continué de refuser des licences d'exportation pour les produits à base de terres rares dont les industries américaines ont besoin. Trump était furieux, mais ne semblait pas comprendre ce qui avait poussé la Chine à prendre cette mesure.

Jeudi, un appel téléphonique entre Trump et le président Xi a tenté de calmer les tensions. (archivé).

Les deux dirigeants, s'exprimant pour la première fois depuis l'arrivée de Trump à la présidence, ont convenu d'un nouveau cycle de négociations commerciales de haut niveau pour donner suite à la trêve conclue à Genève le mois dernier, et ont échangé des invitations à des visites d'État.

...

Trump a déclaré sur Truth Social qu'« il ne devrait plus y avoir de questions concernant la complexité des produits de terres rares », mais le communiqué chinois n'a pas mentionné ce sujet.

Vendredi, au lendemain de la tentative du président d'apaiser les tensions commerciales avec la Chine, quatre acteurs de l'État profond ont de nouveau tenté de le saboter :

Les États-Unis ont suspendu ces derniers jours les licences accordées aux fournisseurs d'équipements nucléaires pour vendre aux centrales nucléaires chinoises, selon quatre personnes proches du dossier, alors que les deux pays se livrent à une guerre commerciale préjudiciable.

Ces suspensions ont été envoyées aux entreprises par le Département du Commerce américain, ont indiqué ces personnes, et affectent les licences d'exportation de pièces et d'équipements utilisés dans les centrales nucléaires. ...

Les fournisseurs d'équipements nucléaires font partie d'un large éventail d'entreprises dont les ventes ont été restreintes ces deux dernières semaines, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine étant passée de la négociation de droits de douane à l'étranglement mutuel des chaînes d'approvisionnement. On ignore si l'appel téléphonique entre le président américain Donald Trump et le président chinois Xi Jinping jeudi aurait un impact sur ces suspensions.

Pourquoi, juste un jour après l'appel de Trump à Xi, « quatre personnes au courant du dossier » ont-elles jugé nécessaire d'en informer Reuters ?

Il s'agit, comme la rétention d'informations sur les opérations de la CIA en Russie, d'une mesure visant à embarrasser le président aux yeux des opposants américains. Il s'agit également d'une tentative évidente de saboter le commerce avec la Chine.

Les Chinois remarqueront que les propos du président sont contredits par son administration. Pourquoi devraient-ils même lui parler alors qu'il n'est pas en mesure d'imposer ses propres politiques à ceux qui sont censés travailler pour lui ?

En conséquence, les entreprises américaines devront attendre plus longtemps avant d'être autorisées à acheter les terres rares dont elles ont un besoin urgent et qu'elles ne peuvent obtenir qu'en Chine.

Par Moon Of Alabama le 7 juin 2025