samedi 21 mars 2015

France. Liberté de la presse ? Entretien avec un caricaturiste poursuivi par la justice

Zéon, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, est un artiste français de 31 ans qui habite à Paris. Il publie fréquemment des dessins et des bandes dessinées, tout en faisant partie d’un groupe de dessinateurs français dissidents ostracisés par les médias traditionnels. Avec d’autres artistes, il produit des BD telles que L’Almanach pour tous.
Brandon Martinez, du site Non-Aligned Media (NAM) a réalisé un entretien avec Zéon, qui a récemment été arrêté et accusé d’ « incitation à la haine » en France pour un dessin antisioniste réalisé en 2009.
Brandon Martinez — Depuis combien de temps faites-vous des dessins politiques ?

Zéon — J’ai réalisé mes premiers dessins sous le pseudonyme de Zéon en 2007.

Quand avez-vous pris conscience du lobby sioniste et de son influence sur la France ?

Zéon.  En 2003, lorsque Dieudonné, un humoriste français, a été banni des médias officiels pour un sketch sur Israël. 

Vous avez récemment été arrêté pour avoir « offensé Israël » dans l’un de vos dessins. Qu’en est-il de cette affaire, et quelle est l’accusation qui pèse contre vous ?

Zéon.  Le juge m’accuse de « provocation à la discrimination raciale et religieuse par le biais de mots, images et moyens de communication électronique offensifs », car j’ai dessiné un enfant palestinien poignardé par une lame en forme de carte d’Israël. J’ai réalisé ce dessin en 2009, lors du massacre de Gaza.


Beaucoup sont agacés par l’hypocrisie du gouvernement français qui, d’un côté, se présente en champion de la liberté d’expression suite aux caricatures contre les musulmans de Charlie Hebdo, et de l’autre, persécute sans pitié les dissidents qui critiquent Israël ou les juifs (des dissidents comme vous). Ce deux poids, deux mesures est-il compris par la majorité des Français, ou bien le peuple français est-il encore majoritairement ignorant de ces faits ?


Zéon — Une bonne partie des Français sont au courant, surtout les jeunes d’aujourd’hui, principalement dans la classe ouvrière.


Après l’attentat de Charlie hebdo, nous avons vu le régime français mettre en application des lois liberticides qui rendent pour ainsi dire illégale toute contestation de la politique étrangère de ce gouvernement néoconservateur. Est-ce que ces lois auront un impact sur des artistes tels que vous ?

Zéon — Oui, bien évidemment ! Après l’attentat de Charlie Hebdo, de nombreuses personnes ont été accusées sur base de la loi contre l’ « apologie du terrorisme ». Même un gosse de 8 ans a été arrêté !

Qu’est-ce que les Français pensent de l’affaire Charlie Hebdo ? De nombreuses personnes affirment qu’il s’agirait d’une mise en scène, ou que tout du moins, on a laissé cet attentat se produire. Qu’en pensez-vous, personnellement ?

Zéon — Pour l’instant, une vague d’émotion pèse sur le débat public, mais cela ne peut pas durer éternellement, et la réflexion rationnelle va refaire surface… « Vous pouvez tromper quelques personnes une fois, mais vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps ! ». Concernant l’attentat contre Charlie Hebdo, je ne suis pas un spécialiste, mais à mon avis, ce genre d’attentats terroristes est le plus souvent supervisé et contrôlé par les services secrets. Ce sont les seuls à disposer des moyens et de la logistique nécessaires pour faire en sorte que ces opérations aboutissent. Il y a de nombreux exemples, comme les attentats du 11-Septembre, ou ceux de Toulouse, de Montauban… Ils infiltrent des groupes radicaux, puis détectent et manipulent selon leurs besoins les plus fanatiques d’entre eux pour commettre ces actes de violence. Je crois que c’est ce qui s’est produit dans l’affaire Charlie Hebdo.

Nous avons vu la grande marche des hypocrites peu après les attentats, avec notamment quelques-uns des pires criminels de guerre au monde, comme Netanyahou. Les Français ne sont-ils pas dégoûtés de voir ce tragique événement être instrumentalisé par des politiciens pour réduire les libertés et prendre des mesures plus belliqueuses encore au Moyen-Orient afin de satisfaire les désirs d’Israël ?

Zéon — Si. Chaque jour, de plus en plus de gens s’éveillent et luttent contre ce type de manipulations. C’est un gros problème pour le régime de François Hollande. Ils essaient par tous les moyens de nous ramener vers la seule et unique bonne façon de penser, la « pensée unique ». Ils veulent nous faire croire que tout ce que les médias officiels racontent est la vérité et nous diriger comme des moutons.

Quel lien entretenez-vous (si c’est le cas) avec le groupe Égalité et Réconciliation d’Alain Soral ?

Zéon — Je travaille fréquemment avec eux et leur maison d’édition, Kontre Kulture. Par exemple, nous allons publier dans quelques jours une petite BD : Je ne suis pas Charlie… et j’t’emmerde !, afin de répondre avec humour à cette oligarchie qui veut nous faire choisir entre deux camps : les Charlies ou les terroristes.

Comment les gens peuvent-ils consulter vos créations et vous apporter leur soutien ?

Zéon — Vous pouvez trouver mes dessins sur Internet ou sur mon blog : https://zeondessinateur.wordpress.com. Pour me soutenir, vous pouvez acquérir ma BD, Yacht People, que j’ai réalisé avec Dieudonné et Alain Soral. Malheureusement, elle n’est disponible qu’en français, pour l’instant… Mais nous travaillons sur un dessin animé en 3D qui sera traduit en anglais et en espagnol.

La liberté d'expression comme outil de répression aux mains des oligarchies bourgeoises

Rarement un concept n’a été aussi glorifié et exalté que la liberté d’expression. Président de la République, Gouvernement, Parlement et médias, dans une étrange communion, l’ont célébrée avec enthousiasme et exubérance. Et pendant que la classe dirigeante prétend défendre cette précieuse liberté, ses institutions répressives traquent, interpellent, jugent, condamnent et parfois emprisonnent tous ceux et toutes celles qui expriment une pensée différente ou tout simplement profèrent des mots vite interprétés comme faisant « l’apologie du terrorisme ». Un climat détestable règne aujourd’hui en France. Une forme de terrorisme intellectuel et de fascisation des esprits s’installe insidieusement au nom de la liberté d’expression.
Miguel Antonio 
«  Les idées dominantes d’une époque n’ont jamais été que les idées de la classe dominante »
- Karl Marx
« Je continue de prendre pour modèle de référence le « Charlie » originel : le grand Charlie Chaplin qui ne s’est jamais moqué des pauvres »
- Schlomo Sand
La classe dominante, sans vraiment le vouloir, présente sa liberté d’expression comme étant celle de toutes les autres classes sociales. Lorsqu’elle évoque la liberté d’expression, c’est à sa liberté qu’elle pense. Car elle est justement l’expression de ses propres intérêts. Ce qui est permis aux uns est interdit aux autres. Autrement comment peut-on expliquer cet acharnement à vouloir taire et étouffer tout ce qui se dresse, d’une manière ou d’une autre, contre la pensée dominante (voir le sort réservé aux syndicalistes, intellectuels contestataires, journalistes, humoristes, lanceurs d’alerte etc. etc. ). Les grands médias, qui ont une influence considérable sur l’opinion publique, sont concentrés entre les mains de puissants groupes industriels et financiers, devenus des oligarchies crypto-sionistes et impérialistes, qui utilisent la liberté d’expression uniquement pour servir leurs intérêts économiques et idéologiques. La liberté d’expression reste un privilège de classe.
Les idées autres que celles du pouvoir deviennent insupportables. Seule la liberté d’expression de la classe dominante doit régner.
La bourgeoisie est incapable de supporter une véritable liberté d’expression. Elle adopte en permanence de nouvelles lois, de plus en plus répressives, pour protéger sa propre liberté d’expression et partant ses propres intérêts. Elle s’attaque directement non seulement aux actes, mais également aux opinions (nouvel article 421- 2-5 du code pénal). Ainsi l’emploi du terme « apologie » dans la loi du 13 novembre 2014 renvoie à un discours, un écrit ou une opinion qui fait l’éloge ou qui glorifie le terrorisme. La loi confond ici opinion, aussi choquante soit-elle, et acte. Un écrit justifiant le terrorisme est assimilable à un acte terroriste. Il s’agit donc d’une pénalisation du délit d’opinion, une restriction à la liberté d’expression comme l’envisage la Cour européenne des droits de l’homme. Mais au-delà de l’aspect judiciaire, c’est la dimension politique et idéologique qui intéresse la bourgeoisie. Il s’agit à travers la lutte contre le terrorisme de créer un climat, un sentiment d’union nationale permettant et facilitant non seulement de nouvelles attaques contre les libertés individuelles dont la liberté d’expression mais également l’application de politiques d’austérité qui ravagent aujourd’hui la France.
La liberté d’expression est une arme idéologique redoutable entre les mains de la bourgeoisie qui lui permet de mieux combattre celle des autres. Elle l’utilise pour marginaliser et réduire ses adversaires au silence tout en se présentant, paradoxalement, comme la grande protectrice de cette précieuse liberté. En définitive, la liberté d’expression est le reflet de cette lutte des classes qui déchire la société capitaliste.

Hannibal GENSERIC