Le
4 février 2012, à Paris, le ministre de l’Intérieur français Claude Guéant a déclaré devant des représentants d’une association
étudiante : «Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche,
pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas (…). Celles qui défendent
l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. Celles qui
défendent la liberté, l'égalité et la fraternité, nous paraissent supérieures à
celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou
ethnique». Ce genre de propos est assez récurrent des Occidentaux
lorsqu’ils veulent justifier leurs guerres de conquêtes coloniales et
impérialistes, telles que les guerres ouvertes menées actuellement contre les
peuples arabes ou afghans, et les guerres sournoises et indirectes menées
contre d'autres peuples "orientaux", tels que les Russes.
D’ailleurs, je ne suis pas certain que ce ministre
comprend bien ce qu’il énonce, en raison du flou qui entoure le mot «civilisations»
(au pluriel), employé en lieu et place du mot «sociétés». On peut porter
un jugement de valeur sur une société et considérer par exemple que la société
fédérale allemande est plus estimable que la société nazie. Il n’en va pas de
même d’une civilisation ou d’une culture, qui sont partie intégrante de chaque
individu. Mais on ne peut trop demander à un ministre de la Police, surtout
lorsqu’il est mis en examen
pour « faux » et « blanchiment de
fraude fiscale ».
Dans ce qui suit, nous reprenons la définition de Wikipédia : ʺL'Occident, ou monde
occidental, est un concept géopolitique qui s'appuie généralement sur l'idée
d'une civilisation commune, héritière de la civilisation gréco-romaine dont est
issue la société occidentale moderne. Son emploi sous-entend également une
opposition avec, soit le reste du monde, soit une ou plusieurs autres zones
d'influences du monde comme l'Orient, le
monde arabe, le monde chinois ou encore la sphère d'influence russe.ʺ
C’est quoi, la civilisation ?
«Civilisation» est un des termes-clés dans les lexiques de ceux qui
étudient les sciences sociales : historiens, politiciens, philosophes,
économistes. Bien que d’apparence commune, le mot «civilisation» n’a que
trois siècles d’existence en Occident. Il est issu du latin civis,
c'est-à-dire citoyen, et de civitas, qui désigne la cité, autrement dit
l’ensemble des citoyens. L'édition de 1872 du dictionnaire de l’Académie
Française précise : «État de ce qui est civilisé, c'est-à-dire ensemble des
opinions et des mœurs qui résulte de l'action réciproque des arts industriels,
de la religion, des beaux-arts et des sciences». Elle ne porte pas de
jugement de valeur ni n’établit de comparaison entre différentes formes de
civilisations. Dès les premiers jours de l’existence, nous sommes imprégnés par
la langue, les bruits, les odeurs, les couleurs et les rituels (religions) de
notre culture. Nous ne pouvons nous en défaire mais nous pouvons l’enrichir de
notre expérience.
« La civilisation est née à Sumer »
Les « racines » d'une
civilisation sont l'ensemble des facteurs culturels, spirituels, matériels,
institutionnels... qui concourent à la construction d'une civilisation et la
distinguent des autres civilisations.
Il y a 10.000 ans, au Moyen-Orient, tout change
brusquement pour l’Homo Sapiens, notre ancêtre commun. Cette vaste région
(aujourd'hui l'Égypte, Israël, la Palestine et la Jordanie, le Liban, la Syrie,
la Turquie et l'Irak) se couvre à perte de vue de graminées et de céréales. Ses
habitants n'ont plus besoin de beaucoup se déplacer pour trouver leur
nourriture. Aussi choisissent-ils de se grouper dans de petits villages. Au fil
du temps, ils prennent l'habitude de semer des graines près de leurs maisons.
C'est ainsi que naît l'agriculture. Les villageois conviennent que dans chaque champ, la
récolte appartient à celui qui a semé les graines. Dans chaque village, ils
désignent un chef et un conseil pour arbitrer les querelles de propriété. Petit
à petit se mettent en place des institutions et des lois semblables aux nôtres.
Grâce aux ressources nouvelles et au supplément de confort apportés par
l’agriculture, la population de la planète croît rapidement jusqu’à atteindre
dix millions d’habitants.
Au bout de quelques milliers d'années, les pluies se
faisant plus rares, les agriculteurs du Moyen-Orient se concentrent sur un
territoire en forme de croissant que nous appelons pour cette raison Croissant fertile.
Dans ce Croissant fertile, de grands fleuves (Nil, Jourdain, Tigre, Euphrate) favorisent
l'irrigation des champs et compensent la raréfaction des pluies. Dans leurs
vallées vont naître les premières grandes civilisations humaines. Les paysans
font appel à des artisans pour leur fournir les outils, les poteries et les
vêtements dont ils ont besoin. Ces artisans emploient des outils en pierre
polie, d’où le nom de Néolithique (Nouvel Âge de la Pierre) donné à leur
époque. Avec la multiplication des artisans, les villages grandissent et
deviennent de vraies villes de plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Les
premières villes apparaissent dans une région appelée Sumer, au sud de l’Irak,
autour de la ville actuelle de Bassora.
C'est la fin de la Préhistoire et le début de
l'Histoire ! « L’Histoire commence à Sumer »,
dit ’historien Samuel Kramer.
1. C'est peut-être pour leurs mythes de la
création du monde et de la naissance de la civilisation que les
Sumériens sont les plus connus. Le grand apport culturel de ce peuple sur
le plan des mythes fondateurs est sans aucun doute la notion de déluge
universel. Ces histoires mythiques ont été reprises et adaptées au monothéisme.
2. Les Sumériens ont aussi légué à l'humanité les
concepts de loi, de gouvernement et de vie urbaine.
3. On leur doit également un système
astronomique et mathématique qui permit de diviser le temps et l'espace en
degrés ce qui allait, plus tard, aboutir à nos heures, minutes et à nos
unités de mesure linéaire et astronomique, à la semaine de sept jours, et au
découpage de l’année en douze mois.
4. N'oublions pas non plus la poterie et le
développement de la roue à des fins de transport. Ces deux bonds en avant
dans les domaines de la vie quotidienne.
5. Et enfin, comment passer sous silence LA
grande invention sumérienne par excellence : "l'écriture".
L'écriture permet à chaque civilisation de traduire sa
pensée et d’en assurer la pérennité. Une sphère de civilisation englobe
une population reliée par l’Écriture, elle-même relevant le plus souvent de
doctrines - révélées ou non, - “axiomatiques” considérées comme fondamentales
pour le mode de vie collectif de cette civilisation. « C'est une
étrange chose que l'écriture. Il semblerait que son apparition n'eût pu manquer
de déterminer des changements profonds dans les conditions d'existence de
l'humanité ; et que ces transformations dussent être surtout de nature
intellectuelle. La possession de l'écriture multiplie prodigieusement
l'aptitude des hommes à préserver les connaissances. On la concevrait
volontiers comme une mémoire artificielle, dont le développement devrait
s'accompagner d'une meilleure conscience du passé, donc d'une plus grande
capacité à organiser le présent et l'avenir. Après avoir éliminé tous les
critères proposés pour distinguer la barbarie de la civilisation, on aimerait
au moins retenir celui-là : peuples avec ou sans écriture, les uns capables de
cumuler les acquisitions anciennes et progressant de plus en plus vite vers le
but qu'ils se sont assigné, tandis que les autres, impuissants à retenir le
passé au delà de cette frange que la mémoire individuelle suffit à fixer,
resteraient prisonniers d'une histoire fluctuante à laquelle manqueraient toujours
une origine et la conscience durable du projet. » Claude
Lévi-Strauss, Tristes tropiques, 1955.
Apparue il y a environ 5500 en Irak, l'écriture, base
de toute civilisation durable, n'atteindra l'Europe que 3000 ans plus tard.
Vers 1500 avant J.C., les Phéniciens, des libano-syriens, inventent l'alphabet.
Les Grecs commenceront à l'utiliser vers le 9eme siècle avant J.C. et les Romains
des siècles plus tard.
Premières doctrines de la civilisation en Europe
Dans les manuels contemporains de philosophie et de sociologie,
la primauté dans la conception des doctrines de civilisation est le plus
souvent octroyée à l’Allemand Oswald Spengler (1880-1936) et à l’Anglais Arnold
Toynbee (1889-1975). L’Allemand a exposé ses points de vue dans son œuvre «Le
Déclin de l’Occident» (La première partie fut publiée en 1918 et la seconde
en 1922). L’Anglais consacra les douze volumes de son «Étude de l’Histoire»
(1934-1961) au thème des civilisations. En ces moments de guerres menées par
l’Occident contre l’Orient, la propagande occidentale fait souvent référence au
sociologue américain Samuel Huntington qui a écrit 1996 son «Choc des
Civilisations». Tous ces travaux relatifs à la civilisation furent écrits
et édités au XXe siècle.
Et pourtant, les premiers fondements européens de la
théorie des civilisations furent établis dès le XIXe siècle en Russie. Ses
fondateurs sont N.Y. Danilevski et K.N. Leontiev. Bien entendu, en Occident,
les manuels de philosophie, de sociologie et de sciences politiques
« oublient » de mentionner ces penseurs russes. Mais le lecteur
averti peut constater que toute une série d’idées de Danilevski et de Leontiev
furent recopiées sans vergogne par leurs collègues occidentaux, plusieurs
décennies plus tard.
1-
Dans la paire «Danilevski-Leontiev»,
la priorité en matière d’élaboration d’une théorie des civilisations revient à
Danilevski (1822-1885) qui a exposé les idées fondamentales des types
historico-culturels (c’est ainsi qu’il désignait les civilisations) dans son
œuvre remarquable : «Russie et Europe» (1871).» Appréhendant
l’humanité en tant qu’abstraction vide, il voit dans le type historico-culturel
l’expression suprême et finale de l’unité sociale. A l’intérieur du cadre du
type historico-culturel, il détermine quatre sphères fondamentales, ou sphères
d’activités : l’activité religieuse, l’activité culturelle
(sciences, arts, industrie), l’activité politique et
l’activité socio-économique. La langue est le
principe qui se trouve à la source du type historico-culturel et qui l’affermit.
Danilevski énumère dix types de civilisations déjà manifestés au cours de
l’histoire : égyptien, chinois, assyro-babylonien-phénicien (ou sémite
ancien), indien, iranien, juif, grec, romain, sémite nouveau (ou arabe), et
germano-roman (ou européen). Il considérait en outre que cette liste
n’était pas exhaustive. Certains types de civilisation naquirent mais n’ont pas
développé un aspect original ou autonome : ainsi en est-il de l’Amérique
du Nord.
Disciple et continuateur de Danilevski, Leontiev a encore renforcé la dimension
naturaliste de la sociologie de Danilevski. Leontiev compare la société à
un organisme vivant. Pour Leontiev, la société ne peut exister sans un pouvoir
d’État fort, sinon, elle verse inévitablement dans le chaos et l’anarchie. La
condition d’existence d’un État fort est la disposition du peuple à se
soumettre à celui-ci. Mais pas à n’importe lequel ; il doit être
monarchique. On ne peut se soumettre à l’empereur autocrate (le monarque) et le
servir que dans le cas où les gens le reconnaissent en tant qu’ « oint
de Dieu ». Et pour pouvoir reconnaître la nature divine du
pouvoir de l’empereur et le servir, les gens doivent croire en Dieu et Le
craindre. Si le peuple ne craint pas Dieu, la société est condamnée à la
désintégration, à la révolution, au chaos et à l’entropie. Le libéralisme est
une forme, une manifestation, un signe de cette désintégration. Chez Leontiev,
l’image collective de l’homme athée est « l’Européen moyen », une
personnalité grise, matérialiste, bourgeoise. Le principal complément
apporté par Leontiev à la théorie de la civilisation de Danilevski est la théorie
des trois stades d’évolution de la civilisation ; les étapes de la
jeunesse, la maturité et la vieillesse.
2-
Arnold Toynbee définit une «civilisation»
comme «un champ intelligible d’études historiques». Ainsi l’Angleterre a
une culture propre, avec sa langue, ses rituels sportifs et sa gastronomie
particulière, mais elle ne constitue pas pour autant une civilisation parce que
son Histoire est incompréhensible si on ne la relie pas à celle de ses voisins
européens. Toynbee n’en admet pas moins des affinités et des passerelles plus
ou moins intenses entre les civilisations elles-mêmes. Ainsi considère-t-il que
les trois civilisations (occidentale, orthodoxe et islamique) sont
issues de ce qu’il appelle le rameau syro-hellénique (pensée grecque et
monothéisme oriental).
« La classification de Toynbee, très
historique et faisant une large place aux grandes religions, …. fournit
finalement une morphologie et une typologie méthodologique du phénomène des
civilisations, et conduit à une rare vision de synthèse planétaire de la
métamorphose des sociétés auxquelles beaucoup d'historiens rendent encore
hommage. » — Roland Breton, Géographie des civilisations, Paris,
P.U.F., coll. Que sais-je. 1991.
3-
C’est en 1993 que l’Américain Samuel P. Huntington
publia son désormais célèbre Choc des
civilisations. Pour l’auteur, la défaite de
l’Union soviétique avait mis fin à toutes les querelles idéologiques, mais pas
à l’histoire. La culture - et non la politique ou l’économie - allait dominer
le monde.
Il en dénombrait huit : occidentale,
confucéenne, japonaise, islamique, hindoue, slave orthodoxe, latino-américaine
et, peut-être, africaine (il n’était pas certain que l’Afrique soit
vraiment civilisée !). Chacune incarne différents systèmes de valeurs
symbolisés chacun par une religion, « sans doute la force
centrale qui motive et mobilise les peuples ». La principale ligne de
fracture passe entre « l’Occident et le reste », car
seul le premier nommé valorise « l’individualisme, le
libéralisme, la Constitution, les droits humains, l’égalité, la liberté, le règne
de la loi, la démocratie, les marchés libres ». C’est pourquoi
l’Occident doit se préparer militairement à affronter les
civilisations rivales, et notamment les deux plus dangereuses : l’islam et
le confucianisme, qui, si elles devaient s’unir, menaceraient le cœur de la
civilisation. Et il conclue : « le monde n’est pas
un. Les civilisations unissent et divisent l’humanité... Le sang et la
foi : voilà ce à quoi les gens s’identifient, ce pour quoi ils combattent
et meurent ». Netanyahou, G.W. Bush, Oussama Ben Laden, ou Sarkozy
auraient pu signer sans mal une telle déclaration.
Le plus ancien théoricien de la civilisation est un Tunisien
Bien avant Auguste Comte ou Jules Michelet, on
pourrait faire remonter la première ébauche des sciences sociales à l'œuvre d'Ibn Khaldoun. Né à Tunis en 1332, mort au Caire
en 1406, Ibn Khaldoun est le plus connu des historiens arabes. Contemporain de
Froissart, de Chaucer et de Pétrarque, il exerça diverses fonctions
administratives au Maghreb (l'Occident, en arabe) et en Égypte où il
occupa la haute charge de Grand Cadi (juge suprême). Le "Kitâb
al-‘Ibar" ou « Livre des Exemples » est une histoire
universelle monumentale à laquelle il travailla près de trente ans, et dont
l’objet est la civilisation et la société humaine. Ce
livre fait de lui non seulement un historien, mais, cinq siècles avant Auguste
Comte, l’inventeur de la sociologie.
De ce penseur médiéval, Arnold
Toynbee dit qu’il a « conçu et formulé une
philosophie de l’Histoire qui est sans doute le plus grand travail qui ait
jamais été créé par aucun esprit dans aucun temps et dans aucun pays. »
Dans la "Muqadimma", les Prolégomènes,
Ibn Khaldoun est conscient que sa démarche profondément novatrice rompt
résolument avec l’interprétation religieuse de l’histoire qui prévalait
jusque-là : « Les discours dans lesquels nous allons traiter de
cette matière formeront une science nouvelle […] C’est une science ʺsui generisʺ car elle a d’abord un objet spécial : la
civilisation et la société humaine, puis elle traite de plusieurs questions qui
servent à expliquer successivement les faits qui se rattachent à l’essence même
de la société. Tel est le caractère de toutes les sciences, tant celles qui
s’appuient sur l’autorité que celles qui sont fondées sur la raison. ».
Tout au long de son œuvre, ce premier théoricien de
l’histoire des civilisations souligne la discipline à laquelle doivent
s’astreindre ceux qui exercent le métier d’historien : « L’examen
et la vérification des faits, l’investigation attentive des causes qui les ont
produits, la connaissance profonde de la manière dont les événements se sont
passés et dont ils ont pris naissance. »
Ibn Khaldoun a pour champ d’étude uniquement la partie
du monde qu’il connaît, pour y avoir séjourné : Andalousie, Maghreb et
Moyen Orient. C’est dans ce cadre restreint qu’il élabore sa théorie
cyclique des civilisations rurales ou bédouines (‘umrân badawi)
et urbaines (‘umrân hadari). Pour lui, les civilisations sont
portées par des dynamiques tribales qui fondent dynasties et empires. Ibn
Khaldoun, témoin de la chute du monde musulman à son époque, a introduit, bien
avant Leontiev, la notion de cycles. Il a expliqué les conditions de naissance,
d’évolution et de ruine des empires. Pour lui, les empires naissent et
disparaissent selon un mécanisme primitif : la violence. La
violence coloniale a entraîné la chute des empires coloniaux français et britannique. La violence pratiquée par l’Empire
américano-sioniste depuis la seconde guerre mondiale (Palestine, Corée, Viet
Nam, Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, Ukraine, etc.) devrait, selon cette
théorie khaldounienne, annoncer la chute prochaine de cet empire.
En introduisant le cycle de vie, Ibn Khaldoun fut le
premier penseur à avoir l’idée que les catastrophes dans l’Histoire ouvrent la voie à
de nouvelles “histoires”. D’autres penseurs ont une vision linéaire de
l’Histoire.
La haine de l’Orient dans la culture occidentale
Les deux moments mythiques de la fondation culturelle
européenne, la Renaissance et les Lumières, ont un point commun : la haine de
l’Orient. La date charnière est ici la même qui sert à signer la fin du Moyen
Age : la prise de Constantinople par les Turcs (1453), qui correspond aussi à
la disparition du dernier émirat musulman d'Espagne (Grenade, 1492). 1492,
c’est aussi la découverte de l’Amérique, qui se traduira par le génocide des
Amérindiens et par la traite des Noirs.
Après la chute Constantinople, le pape Pie II, Enea
Piccolomini (1405-1464), se demanda ce qu’allaient devenir les humanités. Il
fut le premier à penser que l’Allemagne pourrait relever le gant de la culture
humaniste. Dans la pratique, c’est en Italie que les humanistes grecs (des
Orientaux orthodoxes) se réfugièrent massivement, contribuant ainsi à
l’extraordinaire essor de ce que l’on a appelé l’ « humanisme italien » ou la «
Renaissance italienne ». Vu par les historiens des Lumières, le phénomène
n’eut ni cette grandeur ni cette beauté. Au contraire. Il peut se résumer ainsi : en 1453, l’Orient (grec) a fondu
sur l’Occident romain.
Si bizarre que cela puisse paraître, pour ceux qui nous ont légué leur vision de l’Europe et de la « culture », les Grecs de Byzance n’appartenaient pas plus à l’Occident que les Sarrasins ou les juifs d’Espagne (alors que l'Espagne était alors la pointe extrême occidentale de l'Occident !). Pis encore, selon Condillac, c’est l’afflux de ces Orientaux (les Grecs) indésirables qui a empêché le goût occidental, le goût européen, de se développer en Italie. Pour Condillac et ses contemporains, les Grecs n’étaient pas des Européens, ils étaient des Orientaux (Comme les Russes aujourd’hui, et les Ukrainiens hier). Personne n’accepterait aujourd’hui ce verdict, puisque les Européens occidentaux d'aujourd'hui se sont appropriés la civilisation des barbares orientaux d'hier, les Grecs byzantins. On considère aujourd'hui que l’apport de l’humanisme byzantin à la Renaissance italienne est décisif.
Ensuite, et surtout, les « Grecs » ont été définitivement
rapatriés dans la conscience occidentale. Pourquoi ? Parce que les Occidentaux
ont, entre-temps, trouvé d’autres « Orientaux » pour exercer leur ostracisme –
les Arabes, les Sarrazins, et tous ceux qui leur ressemblent culturellement,
les Turcs, les Iraniens, bref tous ces « Musulmans ». Les Occidentaux
oublient que tous les Orientaux ne sont pas "mahométans", et que les
Orientaux ont été chrétiens bien avant eux.
Érigé en père de la vraie Renaissance par Condillac, Pétrarque est le personnage central de l’instauration
anti-arabe de l’humanisme occidental. De fait, c’est lui qui, le
premier, lance l’idée plus tard reprise par Pie II : assurer la pérennité de
l’héritage grec contre ses captateurs arabo-musulmans. Renan, ce singulier père de l’orientalisme, se
fait l’écho complaisant de ce qu’il nomme les « violents accès d’humeurs
» anti-arabes de Pétrarque, qu’il célèbre, d’ailleurs, comme « le premier
homme moderne » (!), pour une attitude intellectuelle d’ensemble où la
haine des Arabes tient la première place. Ainsi donc, l’anti-arabisme est la première figure historique du
Risorgimento – il y va de l’Italie d’abord : mais il y va aussi de
la chrétienté, puisque, pour Pétrarque, le fin mot de la pensée arabe est l’agnosticisme
avérroïste, et l’averroïsme est une version médiévale du libertinage (une suite
de « blasphèmes, de sophismes, de plaisanteries et de sarcasmes » dirigés
contre « la religion chrétienne »). En faisant d’elle un seul et même obstacle
au double retour à la Grèce et au Christ, où se rêve la latinité, Pétrarque
transforme la pensée arabe en une étrangère absolue, puisque non seulement elle
coupe les Latins de leurs racines grecques, mais encore elle détourne les
chrétiens de la vraie foi.
Hannibal GENSERIC
VOIR AUSSI :
La paille
islamique et la poutre chrétienne (La part des choses)
Les Chrétiens en mal d'amnésie feraient
bien de balayer devant leurs églises ! Patience : l'Islam actualise ! Et bref
rappel de l'immonde histoire du christianisme
Les cathos sont présentement plongés dans une
islamophobie hystérique.
Pure hypocrisie, il y va surtout de leurs
intérêts...
Les judéo-chrétiens ont la mémoire courte et ne
veulent pas s'avouer que toutes les horreurs qu'ils reprochent aujourd'hui à
l'islamisme radical, ils les ont commises au fil des siècles, toutes et même
bien davantage. L'Islam avait juste un peu de retard dans l'horreur et, avec
notre concours et nos armements, cette jeune religion n'est qu'en train
d'actualiser ses propres horreurs. Ceci étant dit et quand on est otage, à
l'heure de se faire zigouiller, ça fait une belle jambe de se dire que nos
ancêtres aussi coupaient des têtes, lapidaient, flagellaient, torturaient,
empalaient, brûlaient, crucifiaient allègrement... D'abord, n'oublions pas le
sort qui fut celui de notre cadavre préféré et vénéré : c'est à l'instigation des autorités juives que Jésus de
Nazareth fut condamné à mort et crucifié par le préfet romain Ponce Pilate.
Depuis la Guerre de Cent ans (de 1337 à 1453 entre catholiques et protestants),
les guerres de religions sont jusqu'à ce jour responsables de 40% des morts en
Europe et le "djihad" du christianisme n'a eu de cesse. Les
croisades, inquisitions et luttes contre les hérétiques ont généré plusieurs
millions de tués sur plusieurs siècles et dans d'innombrables pays, notamment
lors de l'inquisition espagnole. D'autres centaines de millions de morts sont
ensuite à mettre au compte des colonisations et appropriations de richesses
issues des royaumes européens, toujours sous couvert d'évangélisations et avec
le soutien des missionnaires religieux (3 tonnes d'or dérobés en Amérique
latine tapissent encore la cathédrale de Séville où ils servent de décorum à
l'humilité chrétienne...). Des prêtres mal intentionnés, davantage mercenaires
que missionnaires, figuraient dans les voyages de Christophe Colomb et des
Conquistadors en quête des plus gigantesques, criminelles et officielles
spoliations. Tout notre long passé de colonisation génocidaire fut la cause de
centaines de millions de morts, de déportations, d'esclavages, d'extinctions
écologiques massives et de génocides perpétrés, non seulement jamais reconnus
mais encore aujourd'hui poursuivis sur les plans économique et culturel. Les
récentes juntes militaires et autres dictatures sanguinaires, responsables
d'abjectes tortures, de disparitions et d'exécutions furent cautionnés par le
Vatican, sous le prétexte de lutter contre le communisme, notamment en Amérique
latine (souvenons-nous de la présence éhontée d'évêques aux funérailles du
sinistre Pinochet). Après le silence complice du Pape Pie XII concernant la
Shoah et les réseaux d'exfiltration nazis, encore aujourd'hui, le Vatican
patauge toujours dans des scandales financiers (blanchiments d'argent, réseau
d'influences de l'Opus Dei, Banque du Vatican, Banco Ambrosiano...) et de
pédophilie chronique. Nous proclamons n'apprécier guère le voile, le hidjab, la
burqa, le niqab, le tchador des femmes musulmanes mais hier encore en Espagne
j'ai croisé des religieuses catholiques en coiffes cornettes. Quant au sexisme,
la société catho qui maintenant n'a pas honte de prôner la femme-objet cul en
l'air et à quatre pattes sur des affiches, vient de loin : jusqu'à un proche
passé, quand une nonne était retrouvée enceinte dans un couvent, elle était
emmurée vivante avec son fœtus.
Vraiment, nous
n'avons aucune leçon à donner et on ferait mieux de faire profil bas !
Michel Raymond Tarrier
(Athée
"animiste" de culture judéo-chrétienne)
Alors,
de vous à moi, quelle est la supériorité démocratique de l’Occident face à
l’Orient de Poutine ?
En vous disant cela, je ne défends pas la Russie de
Poutine, je vous dis juste qu’avant de retirer la paille dans l’œil du voisin
il faut retirer la poutre dans le nôtre, je vous dis juste que ce qui pouvait
être juste il y a quelques années me semble nettement moins vrai aujourd’hui.
J’observe que nos libertés s’érodent.
Je vois que nos paroles sont moins libres et nos mots
sous surveillance.
Je regarde la liberté d’expression se réduire comme
peau de chagrin.
Je vois une nette augmentation de la répression.
Et finalement j’en viens à me demander où se situe
notre supériorité morale ? Dans la taille de nos supermarchés sans doute, tant
les deux seules libertés que l’on veut nous octroyer sont celles de la
consommation et de l’abrutissement télévisuel.
Charles
SANNAT