vendredi 23 janvier 2015

Poutine n’ira plus à la Horde.




Nos éditorialistes sont fiers de ce que le Président de Russie ne se rendra pas aux cérémonies du 70e anniversaire de la libération d’Auschwitz. Car il n’a rien à faire, en compagnie de ces gens-là.


http://www.russiesujetgeopolitique.ru/wp-content/uploads/2015/01/Poutine-plus-%C3%A0-la-Horde.pngC’était bien, quand les dirigeants européens accueillaient le Président de Russie avec les honneurs. Mais c’est encore mieux, quand il ne doit aller nulle part. J’aime bien (pour reprendre l’expression des réseaux sociaux) le revirement de Poutine vers la Russie, et le revirement de la Russie vers elle-même. Ce revirement, il est devenu incontournable. Le Président n’ira plus à la Horde. Pour régner, il n’a plus besoin de « iarlyk », de décret du Khan, il a l’assentiment du peuple auquel il est venu.

Il n’est pas allé se profiler devant des foules brandissant la pancarte « Moi aussi je suis Charlie », il n’a pas joué des coudes comme Netanyahou pour paraître au premier rang sur la photo. Il n’est pas allé flâner dans les rues de Paris comme un premier ministre européen moyen. Il na pas besoin de cracher sur Mahomet. Il nest pas Charlie. Et son peuple nest pas Charlie. En Russie, on ne tue pas de tels blasphémateurs. Le pouvoir soigne leur folie avec deux ans de travaux de rééducation.

Les problèmes des Européens, c’est l’affaire des Européens, enchevêtrés dans leurs jeux très compliqués. Les grands dirigeants des États-Unis, de la Russie et de la Chine n’y sont pas allés. Poutine n’a pas besoin de préparer d’invasion en Syrie ou au Yémen. Quand il se rend là-bas, les peuples locaux déroulent le tapis rouge pour lui. Le Proche Orient aime Poutine. Il a toujours soutenu la Palestine. La Palestine, c’est le cœur de l’Orient.

Poutine n’a pas besoin de resserrer les boulons et d’imposer une matrice de contrôle totalitaire comme le Premier britannique ou le Président français. Son peuple le soutient. Personne ne jouit d’un soutien populaire tel que le sien, dans le monde actuel. Le dernier dans ce cas fut Hugo Chavez.

Il n’ira pas à Auschwitz, jurer allégeance à l’empire judéo-américain construit sur la privatisation du triomphe de l’Armée Rouge. Les Russes ont libéré Auschwitz, sauvé les prisonniers, les rendant à la vie. Le Président russe n’a rien à prouver à personne à cet endroit. Que Yatseniouk y aille puisque d’après lui, les Russes ont non seulement envahi et occupé l’Allemagne nazie, mais aussi la Banderovchtchina yatsenioukovienne, empêchant le papa de Yatseniouk de laisser pourrir le papa du Premier Ministre israélien à Auschwitz. Que Kolomoïsky y aille et qu’il y justifie son soutien aux nazis de «Aidar» et d’ «Azov». Que les Français aillent à Auschwitz, eux qui y ont envoyé leurs juifs. Que les Américains y aillent, couvrant la félonie de ceux qui furent leurs alliés. Ceux-ci ont à se justifier. Pas les Russes.

Si les Polonais et les juifs ne se lèvent pas pour exiger que leurs dirigeants fassent venir le maître de Moscou, par qui leur population fut sauvée, alors, il ne faut pas y aller. Finalement, la Russie a retrouvé sa fierté, la fierté d’antan, manifestée par son sévère Maréchal moustachu, amateur de « fleur d’Herzégovine », son fidèle « Mr Niet ». Il était temps. Cela faisait mal de voir Poutine s’en aller en Irlande à la rencontre du « G8 », et en Australie, à celle du « G20 ». Il avait l’air d’un prince russe se rendant à la Horde au milieu des Khans et Baskaks arrogants. Ils lhumiliaient, se prévalant de leur puissance. Mais la Russie sest renforcée. Elle n’a plus besoin d’aller à la Horde.

Si vous me demandez quand ce revirement s’est produit, de la longue station sur la rive de la Ougra, jusqu’à la libération de la Rus’, je vais vous le dire : ce fut la nuit de Noël quand Poutine se rendit aux Vigiles et à la Liturgie, non pas en costume d’apparat dans une des grandes églises de Moscou ou de Saint-Petersbourg, non pas aux côtés du Patriarche, mais dans la lointaine campagne de Voronège où il a fêté la Nativité du Christ, en simple chandail, aux côtés des réfugiés de Lougansk. Cela ressemblait à un mariage avec la Russie profonde.

Il s’agissait d’un choix religieux. Pareil à celui du Prince Vladimir. Pas le culte de l’Holocauste, pas le culte de la tolérance des genres, pas le culte de l’Europe, pas la vénération des valeurs américaines. Il a choisi le Christ pour la Russie.

Je ne suis pas le seul a avoir saisi le sens de cette démarche. Mikhaïl Deliaguine, le politicien expérimenté a murmuré : « Il s’est éloigné des libéraux de la capitale. Ils ne lui pardonneront pas. Parviendra-t-il à toucher la Russie ? » Il y est parvenu. Nous le voyons à sa superbe absence lors de la disgrâce parisienne et de la cérémonie du tribu au Khan à Auschwitz. Son conseiller Serguei Lavrov l’a bien compris. A Paris, il a abandonné le reste des dirigeants lors de la séance photo et s’en est allé à l’église orthodoxe russe.

De lourdes épreuves nous attendent. Ceux qui en 1991 ont lancé au visage des vétérans : « Vous auriez mieux fait de perdre la guerre, maintenant on boirait de la bière de Bavière », disent aujourd’hui « Il aurait mieux fait d’aller baiser la main du maître, on boirait du champagne, maintenant ». La volonté est plus chère que le luxe, et la Russie, lors de son étrange vieux nouvel an a retrouvé non seulement la volonté, elle s’est retrouvée elle-même, ainsi qu’un dirigeant digne d’elle.

Source. http://www.russiesujetgeopolitique.ru/poutine-nira-plus-a-la-horde/

La Russie ne se laisse plus faire

La Russie ne se laisse plus faireL’ordre mondial qui régnait depuis 1991 est en train de s’écrouler en ce moment sous nos yeux. La décision du président Poutine de se dispenser du pèlerinage à Auschwitz, juste après son absence remarquée au festival Charlie à Paris, c’est le point de non-retour. C’était très drôle de troller la Russie, tant qu’elle se laissait faire. Mais c’est fini, la Russie a déchiré la règle du jeu.

I. Jusqu’à maintenant, la Russie, comme un rustre à Eton, s’efforçait de faire comme les autres pays. 

Elle accourait aux raouts des grands, comme à un dîner de cons, payait ses dettes aux entités européennes qui lui crachaient dessus, endurait patiemment les incessantes rodomontades des grands pouvoirs et le harcèlement irritant des petits bras de l’Europe de l’Est. Et puis quelque chose a lâché. Le bougre ne cherche plus à se faire accepter ; il a repris ses billes et il est rentré chez lui, juste au moment où ils avaient besoin qu’il aille plier le genou à Auschwitz.
Chaque année, les dirigeants occidentaux vont à Auschwitz comme à Canossa pleurer en chœur sur leur échec historique à protéger les juifs, et jurent obéissance éternelle aux juifs. C’est l’un des rites religieux les plus importants de notre époque, l’Anneau unique auquel ils doivent se soumettre, un rite instauré en 2001, lorsque l’empire judéo-américain avait atteint le point culminant de son pouvoir. Le dirigeant russe y avait dûment assisté jusqu’ici. Cette année, ils vont devoir se passer de lui. Les ministres israéliens ont déjà fait connaître leur profonde déception car c’est l’Armée Rouge qui avait sauvé les juifs à Auschwitz, après tout. L’absence de la Russie va faire du H’Day mémoriel une kermesse paroissiale, réservée aux Occidentaux. Pire encore, la place de la Russie sera prise par l’Ukraine, gouvernée par les héritiers nullement repentis de Bandera, la créature d’Hitler.
Cela survient après la manif pour Charlie, également boudée par la Russie. L’Occident avait laissé entendre que les péchés de la Russie lui seraient pardonnés, jusqu’à un certain point, si elle rejoignait, d’abord la manif, puis la coalition anti-terroriste programmée, mais la Russie n’a pas mordu à l’appât. C’était un changement d’humeur voyant, car jusque-là, les dirigeants russes se précipitaient pour participer aux célébrations unitaires et votaient les résolutions sponsorisées par l’Occident.
Poutine avait pleinement soutenu la guerre de Bush contre le terrorisme à l’ONU, en paroles et sur le terrain.
Pas plus tard qu’en 2011, la Russie avait encore embrayé, pour les sanctions contre la Corée du Nord et contre l’Iran. Et, pour les convocations aux manifs, on pouvait toujours compter sur la Russie. Cette fois-ci, les Russes ne sont pas venus, le ministre des Affaires étrangères Lavrov a tout juste fait acte de présence. Cet indomptable successeur de M. Niet a quitté les lieux presque aussitôt et s’en est allé prier à l’église russe, dans une sorte de contre-manifestation, contre Charlie. En allant à l’église, il proclamait qu’il n’est pas Charlie.
En effet, Charlie Hebdo était explicitement antichrétien (et le reste probablement), tout autant qu’antimusulman. On trouve dans ses pages certains dessins parfaitement odieux contre la Sainte Vierge et le Christ, contre le pape et l’Église (bizarre, ils n’offensent jamais les juifs…).
Un blogueur russe qui découvrait l’existence de ce périodique a écrit sur son site : « J’ai honte que ces bâtards se soient fait descendre par des musulmans et pas par des chrétiens. » C’était le sentiment général à Moscou, ces jours-ci. Les Russes ne pouvaient pas croire que ce torchon ordurier ait pu paraître et être défendu comme exemple de liberté d’expression. Et une manifestation contre Charlie a été envisagée, mais le maire de Moscou l’a interdite.
Rappelez-vous, il y a quelques années, les Pussy Riot avaient profané l’église Saint-Sauveur à Moscou comme les Femen l’ont fait dans plusieurs grandes cathédrales européennes, de Notre-Dame de Paris à Strasbourg. Le gouvernement russe n’a pas attendu que la justice populaire s’abatte sur les viragos, mais les a expédiées en prison pour deux ans. Au même moment, la législation pénale a été modifiée pour inclure le sacrilège parmi les délits ordinaires, avec l’assentiment général. Les Russes tiennent à leur foi bien plus fermement que ne le voudraient les dirigeants de l’UE.
Dans la France de Charlie, le régime de Hollande a contraint le peuple rétif à accepter la loi sur le mariage gay, malgré des manifestations monstres de catholiques. Les Femen souillant les églises n’ont jamais été punies, mais un bedeau qui avait essayé de les en empêcher a été lourdement pénalisé. La France a une longue tradition anti-chrétienne, généralement décrite en termes de laïcité, et sa grande coalition contre l’Église, d’athées, de huguenots et de juifs s’est constituée à l’époque de l’affaire Dreyfus. C’est pourquoi l’escapade de Lavrov à l’église a bel et bien constitué une contre-manifestation, qui proclamait : la Russie est avec le Christ, et la Russie n’est pas contre les musulmans.
Tandis que le régime occidental actuel est anti-chrétien et antimusulman, il est pro-juif à un degré qui défie toute explication rationnelle. La France a envoyé des milliers de soldats et de policiers pour défendre les institutions juives, alors que cette dévotion dresse ses voisins contre elle. Tandis que Charlie est encensé parce qu’il insulte chrétiens et musulmans, Dieudonné a été mis en garde à vue (juste une journée, mais en fanfare) parce qu’il dérange les juifs. Ce deux poids deux mesures aggrave les choses ; dans les tribunaux, on se gausse des musulmans quand ils portaient plainte contre les dessins les plus vils de Charlie, mais les juifs gagnent presque toujours quand ils portent plainte contre ceux qui les dénigrent. J’ajoute que moi aussi, j’ai été poursuivi par la LICRA, l’organe de répression juif, tandis que mon éditeur se voyait dépouillé par leurs attaques en justice.
Les Russes ne comprennent pas l’infatuation occidentale autour des juifs, parce que les juifs russes ont été assimilés et bien intégrés à la collectivité. La rengaine de l’Holocauste n’est nullement populaire en Russie pour une bonne raison : tellement de Russes de toute origine ethnique ont perdu la vie dans la guerre, qu’il n’y a aucune raison de traiter les juifs comme des êtres à part, des victimes suprêmes. Ils sont des millions, ceux qui sont tombés au siège de Leningrad, le Belarus a perdu un quart de sa population. Et surtout, les Russes n’éprouvent aucune culpabilité envers les juifs : ils les ont traités honnêtement, et les ont sauvés des nazis. Pour eux, l’Holocaust Story est un produit occidental, aussi étranger que le refrain « Je suis Charlie ». Et ils ne voient aucune raison de cultiver la chose, alors que la Russie prend ses distances du consensus occidental.
Ce qui ne signifie pas que les juifs soient discriminés en Russie. Les juifs de Russie s’en sortent très bien, merci pour eux, et sans avoir besoin de la religion de l’Holocauste : ils occupent les plus hautes positions sur l’échelle de Forbes, dans les listes des riches de Russie, avec un capital collectif de 122 milliards de dollars, tandis que les Russes ethniques riches arrivent à 165 milliards, selon cette même source de propriété juive. Les juifs gèrent les shows médiatiques les plus acclamés aux heures de grande audience sur la télévision d’État ; ils publient des journaux, et ils ont un accès total et sans limite à Poutine et à ses ministres ; en général les portes s’ouvrent devant eux dès qu’ils réclament un lopin de terre pour leurs projets communautaires. Et la propagande antisémite est punie par la loi, comme la discrimination antichrétienne ou antimusulmane, encore plus sévèrement, d’ailleurs. Mais il demeure impossible d’imaginer un journaliste russe mis à la porte comme Jim Clancy, le pilier de CNN, ou encore Tim Willcox, de la BBC, pour avoir choqué un juif ou dit du mal d’Israël.
La Russie préserve son pluralisme, sa diversité et sa liberté d’opinion. Les médias russes pro-occidentaux, tel Novaïa Gazeta de l’oligarque Lebedev, propriétaire du quotidien britannique The Independent, fait sien le slogan « Je suis Charlie » et disserte sur l’Holocauste, tout en exigeant que la Crimée soit rendue à l’Ukraine. Mais la vaste majorité des Russes soutient son président, et son choix de civilisation. Celui-ci l’a fait connaître en allant à la messe de minuit dans une petite église de village dans une province reculée, pour être au milieu des orphelins et réfugiés d’Ukraine. Et il l’a fait connaître, son choix de civilisation, en refusant d’aller à Auschwitz.
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On est loin d’y voir clair dans la tuerie des caricaturistes de Charlie, mais tant Paris que Washington tentent de s’en servir pour rallumer la guerre au Moyen-Orient. Cette fois-ci, la Russie sera dans l’opposition, et utilisera probablement l’occasion pour sortir de l’impasse ukrainienne inconfortable. Tout cela pour dire que le camp de la paix au Moyen-Orient tient une bonne raison de soutenir la Russie.
Israël Adam Shamir
Traduction : Maria Poumier
Source : plumenclume.net