Nos
éditorialistes sont fiers de ce que le Président de Russie ne se rendra pas aux
cérémonies du 70e anniversaire de la libération d’Auschwitz. Car il n’a rien à
faire, en compagnie de ces gens-là.
C’était
bien, quand les dirigeants européens accueillaient le Président de Russie avec
les honneurs. Mais c’est encore mieux, quand il ne doit aller nulle part.
J’aime bien (pour reprendre l’expression des réseaux sociaux) le revirement de
Poutine vers la Russie, et le revirement de la Russie vers elle-même. Ce
revirement, il est devenu incontournable. Le Président n’ira plus à la Horde.
Pour régner, il n’a plus besoin de « iarlyk », de décret du Khan, il
a l’assentiment du peuple auquel il est venu.
Il n’est pas
allé se profiler devant des foules brandissant la pancarte « Moi aussi je
suis Charlie », il n’a pas joué des coudes comme Netanyahou pour paraître
au premier rang sur la photo. Il n’est pas allé flâner dans les rues de Paris
comme un premier ministre européen moyen. Il n’a pas besoin de cracher sur Mahomet. Il n’est pas
Charlie. Et son
peuple n’est pas
Charlie. En Russie, on ne tue
pas de tels blasphémateurs. Le pouvoir
soigne leur folie avec deux ans de travaux de rééducation.
Les
problèmes des Européens, c’est l’affaire des Européens, enchevêtrés dans leurs
jeux très compliqués. Les grands dirigeants des États-Unis, de la Russie et de
la Chine n’y sont pas allés. Poutine n’a pas besoin de préparer d’invasion en
Syrie ou au Yémen. Quand il se rend là-bas, les peuples locaux déroulent le
tapis rouge pour lui. Le Proche Orient aime Poutine. Il a toujours soutenu la
Palestine. La Palestine, c’est le cœur de l’Orient.
Poutine n’a
pas besoin de resserrer les boulons et d’imposer une matrice de contrôle
totalitaire comme le Premier britannique ou le Président français. Son peuple
le soutient. Personne ne jouit d’un soutien populaire tel que le sien, dans le
monde actuel. Le dernier dans ce cas fut Hugo Chavez.
Il n’ira pas
à Auschwitz, jurer allégeance à l’empire judéo-américain construit sur la
privatisation du triomphe de l’Armée Rouge. Les Russes ont libéré Auschwitz,
sauvé les prisonniers, les rendant à la vie. Le Président russe n’a rien à
prouver à personne à cet endroit. Que Yatseniouk y aille puisque d’après lui,
les Russes ont non seulement envahi et occupé l’Allemagne nazie, mais aussi la
Banderovchtchina yatsenioukovienne, empêchant le papa de Yatseniouk de laisser
pourrir le papa du Premier Ministre israélien à Auschwitz. Que Kolomoïsky y
aille et qu’il y justifie son soutien aux nazis de «Aidar» et d’ «Azov».
Que les Français aillent à Auschwitz, eux qui y ont envoyé leurs juifs. Que les
Américains y aillent, couvrant la félonie de ceux qui furent leurs alliés. Ceux-ci ont à se justifier. Pas les
Russes.
Si les
Polonais et les juifs ne se lèvent pas pour exiger que leurs dirigeants fassent
venir le maître de Moscou, par qui leur population fut sauvée, alors, il ne
faut pas y aller. Finalement, la Russie a retrouvé sa fierté, la fierté
d’antan, manifestée par son sévère Maréchal moustachu, amateur de « fleur
d’Herzégovine », son fidèle « Mr Niet ». Il était temps. Cela
faisait mal de voir Poutine s’en aller en Irlande à la rencontre du
« G8 », et en Australie, à celle du « G20 ». Il avait l’air
d’un prince russe se rendant à la Horde au milieu des Khans et Baskaks
arrogants. Ils l’humiliaient, se prévalant de
leur puissance. Mais la
Russie s’est renforcée. Elle n’a
plus besoin d’aller à la Horde.
Si vous me
demandez quand ce revirement s’est produit, de la longue station sur la rive de
la Ougra, jusqu’à la libération de la Rus’, je vais vous le dire : ce fut
la nuit de Noël quand Poutine se rendit aux Vigiles et à la Liturgie, non pas
en costume d’apparat dans une des grandes églises de Moscou ou de
Saint-Petersbourg, non pas aux côtés du Patriarche, mais dans la lointaine campagne
de Voronège où il a fêté la Nativité du Christ, en simple chandail, aux côtés
des réfugiés de Lougansk. Cela ressemblait à un mariage avec la Russie
profonde.
Il
s’agissait d’un choix religieux. Pareil à celui du Prince Vladimir. Pas le
culte de l’Holocauste, pas le culte de la tolérance des genres, pas le culte de
l’Europe, pas la vénération des valeurs américaines. Il a choisi le Christ pour
la Russie.
Je ne suis
pas le seul a avoir saisi le sens de cette démarche. Mikhaïl Deliaguine, le
politicien expérimenté a murmuré : « Il s’est éloigné des libéraux de
la capitale. Ils ne lui pardonneront pas. Parviendra-t-il à toucher la Russie ? » Il y
est parvenu. Nous le voyons à sa superbe absence lors de la disgrâce parisienne
et de la cérémonie du tribu au Khan à Auschwitz. Son conseiller Serguei Lavrov
l’a bien compris. A Paris, il a abandonné le reste des dirigeants lors de la
séance photo et s’en est allé à l’église orthodoxe russe.
De lourdes
épreuves nous attendent. Ceux qui en 1991 ont lancé au visage des vétérans :
« Vous auriez mieux fait de perdre la guerre, maintenant on boirait de la
bière de Bavière », disent aujourd’hui « Il aurait mieux fait d’aller
baiser la main du maître, on boirait du champagne, maintenant ». La
volonté est plus chère que le luxe, et la Russie, lors de son étrange vieux
nouvel an a retrouvé non seulement la volonté, elle s’est retrouvée
elle-même, ainsi qu’un dirigeant digne d’elle.
Source. http://www.russiesujetgeopolitique.ru/poutine-nira-plus-a-la-horde/
La Russie ne se laisse plus faire
L’ordre mondial qui régnait
depuis 1991 est en train de s’écrouler en ce moment sous nos yeux. La
décision du président Poutine de se dispenser du pèlerinage à Auschwitz,
juste après son absence remarquée au festival Charlie à Paris, c’est le point de non-retour. C’était très drôle de troller la Russie, tant qu’elle se laissait faire. Mais c’est fini, la Russie a déchiré la règle du jeu.
I. Jusqu’à maintenant, la Russie, comme un rustre à Eton, s’efforçait de faire comme les autres pays.
Elle
accourait aux raouts des grands, comme à un dîner de cons, payait ses
dettes aux entités européennes qui lui crachaient dessus, endurait
patiemment les incessantes rodomontades des grands pouvoirs et le
harcèlement irritant des petits bras de l’Europe de l’Est. Et puis
quelque chose a lâché. Le bougre ne cherche plus à se faire accepter ;
il a repris ses billes et il est rentré chez lui, juste au moment où ils
avaient besoin qu’il aille plier le genou à Auschwitz.
Chaque année, les dirigeants occidentaux
vont à Auschwitz comme à Canossa pleurer en chœur sur leur échec
historique à protéger les juifs, et jurent obéissance éternelle aux
juifs. C’est l’un des rites religieux les plus importants de notre
époque, l’Anneau unique auquel ils doivent se soumettre, un rite
instauré en 2001, lorsque l’empire judéo-américain avait atteint le
point culminant de son pouvoir. Le dirigeant russe y avait dûment
assisté jusqu’ici. Cette année, ils vont devoir se passer de lui. Les
ministres israéliens ont déjà fait connaître leur profonde déception car
c’est l’Armée Rouge qui avait sauvé les juifs à Auschwitz, après tout.
L’absence de la Russie va faire du H’Day mémoriel une kermesse
paroissiale, réservée aux Occidentaux. Pire encore, la place de la
Russie sera prise par l’Ukraine, gouvernée par les héritiers nullement
repentis de Bandera, la créature d’Hitler.
Cela survient après la manif pour Charlie,
également boudée par la Russie. L’Occident avait laissé entendre que
les péchés de la Russie lui seraient pardonnés, jusqu’à un certain
point, si elle rejoignait, d’abord la manif, puis la coalition
anti-terroriste programmée, mais la Russie n’a pas mordu à l’appât.
C’était un changement d’humeur voyant, car jusque-là, les dirigeants
russes se précipitaient pour participer aux célébrations unitaires et
votaient les résolutions sponsorisées par l’Occident.
Poutine avait pleinement soutenu la guerre de Bush contre le terrorisme à l’ONU, en paroles et sur le terrain.
Pas plus tard qu’en 2011, la Russie
avait encore embrayé, pour les sanctions contre la Corée du Nord et
contre l’Iran. Et, pour les convocations aux manifs, on pouvait toujours
compter sur la Russie. Cette fois-ci, les Russes ne sont pas venus, le
ministre des Affaires étrangères Lavrov a tout juste fait acte de
présence. Cet indomptable successeur de M. Niet a quitté les lieux
presque aussitôt et s’en est allé prier à l’église russe, dans une sorte
de contre-manifestation, contre Charlie. En allant à l’église, il proclamait qu’il n’est pas Charlie.
En effet, Charlie Hebdo était
explicitement antichrétien (et le reste probablement), tout autant
qu’antimusulman. On trouve dans ses pages certains dessins parfaitement
odieux contre la Sainte Vierge et le Christ, contre le pape et l’Église
(bizarre, ils n’offensent jamais les juifs…).
Un blogueur russe qui découvrait
l’existence de ce périodique a écrit sur son site : « J’ai honte que ces
bâtards se soient fait descendre par des musulmans et pas par des
chrétiens. » C’était le sentiment général à Moscou, ces jours-ci. Les
Russes ne pouvaient pas croire que ce torchon ordurier ait pu paraître
et être défendu comme exemple de liberté d’expression. Et une
manifestation contre Charlie a été envisagée, mais le maire de Moscou l’a interdite.
Rappelez-vous, il y a quelques années, les Pussy Riot
avaient profané l’église Saint-Sauveur à Moscou comme les Femen l’ont
fait dans plusieurs grandes cathédrales européennes, de Notre-Dame de
Paris à Strasbourg. Le gouvernement russe n’a pas attendu que la justice
populaire s’abatte sur les viragos, mais les a expédiées en prison pour
deux ans. Au même moment, la législation pénale a été modifiée pour
inclure le sacrilège parmi les délits ordinaires, avec l’assentiment
général. Les Russes tiennent à leur foi bien plus fermement que ne le
voudraient les dirigeants de l’UE.
Dans la France de Charlie, le régime de Hollande a contraint le peuple rétif à accepter la loi sur le mariage gay,
malgré des manifestations monstres de catholiques. Les Femen souillant
les églises n’ont jamais été punies, mais un bedeau qui avait essayé de
les en empêcher a été lourdement pénalisé. La France a une longue
tradition anti-chrétienne, généralement décrite en termes de laïcité, et
sa grande coalition contre l’Église, d’athées, de huguenots et de juifs
s’est constituée à l’époque de l’affaire Dreyfus. C’est pourquoi
l’escapade de Lavrov à l’église a bel et bien constitué une
contre-manifestation, qui proclamait : la Russie est avec le Christ, et
la Russie n’est pas contre les musulmans.
Tandis que le régime occidental actuel
est anti-chrétien et antimusulman, il est pro-juif à un degré qui défie
toute explication rationnelle. La France a envoyé des milliers de
soldats et de policiers pour défendre les institutions juives, alors que
cette dévotion dresse ses voisins contre elle. Tandis que Charlie
est encensé parce qu’il insulte chrétiens et musulmans, Dieudonné a été
mis en garde à vue (juste une journée, mais en fanfare) parce qu’il
dérange les juifs. Ce deux poids deux mesures aggrave les choses ; dans
les tribunaux, on se gausse des musulmans quand ils portaient plainte
contre les dessins les plus vils de Charlie, mais les juifs
gagnent presque toujours quand ils portent plainte contre ceux qui les
dénigrent. J’ajoute que moi aussi, j’ai été poursuivi par la LICRA,
l’organe de répression juif, tandis que mon éditeur se voyait dépouillé
par leurs attaques en justice.
Les Russes ne comprennent pas
l’infatuation occidentale autour des juifs, parce que les juifs russes
ont été assimilés et bien intégrés à la collectivité. La rengaine de
l’Holocauste n’est nullement populaire en Russie pour une bonne raison :
tellement de Russes de toute origine ethnique ont perdu la vie dans la
guerre, qu’il n’y a aucune raison de traiter les juifs comme des êtres à
part, des victimes suprêmes. Ils sont des millions, ceux qui sont
tombés au siège de Leningrad, le Belarus a perdu un quart de sa
population. Et surtout, les Russes n’éprouvent aucune culpabilité envers
les juifs : ils les ont traités honnêtement, et les ont sauvés des
nazis. Pour eux, l’Holocaust Story est un produit occidental, aussi étranger que le refrain « Je suis Charlie ». Et ils ne voient aucune raison de cultiver la chose, alors que la Russie prend ses distances du consensus occidental.
Ce qui ne signifie pas que les juifs
soient discriminés en Russie. Les juifs de Russie s’en sortent très
bien, merci pour eux, et sans avoir besoin de la religion de
l’Holocauste : ils occupent les plus hautes positions sur l’échelle de
Forbes, dans les listes des riches de Russie, avec un capital collectif
de 122 milliards de dollars, tandis que les Russes ethniques riches
arrivent à 165 milliards, selon cette même source de propriété juive.
Les juifs gèrent les shows médiatiques les plus acclamés aux
heures de grande audience sur la télévision d’État ; ils publient des
journaux, et ils ont un accès total et sans limite à Poutine et à ses
ministres ; en général les portes s’ouvrent devant eux dès qu’ils
réclament un lopin de terre pour leurs projets communautaires. Et la
propagande antisémite est punie par la loi, comme la discrimination
antichrétienne ou antimusulmane, encore plus sévèrement, d’ailleurs.
Mais il demeure impossible d’imaginer un journaliste russe mis à la
porte comme Jim Clancy, le pilier de CNN, ou encore Tim Willcox, de la
BBC, pour avoir choqué un juif ou dit du mal d’Israël.
La Russie préserve son pluralisme, sa
diversité et sa liberté d’opinion. Les médias russes pro-occidentaux,
tel Novaïa Gazeta de l’oligarque Lebedev, propriétaire du quotidien
britannique The Independent, fait sien le slogan « Je suis Charlie »
et disserte sur l’Holocauste, tout en exigeant que la Crimée soit
rendue à l’Ukraine. Mais la vaste majorité des Russes soutient son
président, et son choix de civilisation. Celui-ci l’a fait connaître en
allant à la messe de minuit dans une petite église de village dans une
province reculée, pour être au milieu des orphelins et réfugiés
d’Ukraine. Et il l’a fait connaître, son choix de civilisation, en
refusant d’aller à Auschwitz.
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On est loin d’y voir clair dans la tuerie des caricaturistes de Charlie,
mais tant Paris que Washington tentent de s’en servir pour rallumer la
guerre au Moyen-Orient. Cette fois-ci, la Russie sera dans l’opposition,
et utilisera probablement l’occasion pour sortir de l’impasse
ukrainienne inconfortable. Tout cela pour dire que le camp de la paix au
Moyen-Orient tient une bonne raison de soutenir la Russie.
Israël Adam Shamir
Traduction : Maria Poumier
Source : plumenclume.net