Préambule. Après la période des émotions et des jugements, quand le calme revient, alors il est temps de comprendre. Et pour comprendre il faut écouter l’autre car seul cet acte peut vous permettre d’accéder à une autre vision du monde. Ecouter l’autre peut aussi permettre de se voir dans le miroir des ses paroles, de faire son examen de conscience, sans culpabilité pour autant mais avec lucidité. Pas forcément pour changer d’avis ou de personnalité, mais pour se rapprocher de la réalité du monde et retrouver l’intelligence engloutie par le flot de l’émotion. Ce genre de texte, que nous publions ici car vous ne les trouverez pas dans les médias officiels, vous y invite. Wayan Par The Saker – le 18 janvier 2015 – Source: Vineyardsaker.
Deux poids deux mesures, Illogisme et Ignorance dans l’opération psychologique Charlie-Hebdo
Nombreux sont ceux parmi nous qui ont
souligné que les Français et la plupart des Occidentaux avaient l’air
d’être plus touchés par la mort de douze personnes à Paris que par des
centaines, des milliers ou des centaines de milliers ailleurs. Il semble
que le fameux slogan des années 1980, Touche pas à mon pote,
qui était censé dénoncer le racisme, a été maintenant retouché pour
devenir non pas raciste mais très chauvin : ne tuez pas la gauche
française, quel que soit le degré d’offense de ses discours. Je
n’aborderai pas de nouveau le sujet ici, parce que ceux encore capables
d’esprit critique l’ont compris, mais je regarderai plutôt un autre cas
de deux poids, deux mesures, beaucoup moins observé : celui touchant au sujet de la douleur morale.
Voici ce que la narrative officielle
nous raconte : les musulmans n’ont aucun droit de se plaindre à propos
de leur Prophète insulté car cela fait partie de la liberté
d’expression. C’est de la mauvaise foi de leur part de prétendre être
blessés alors qu’en réalité ils ne sont pas blessés, ils sont juste
froissés par un discours un peu irrespectueux. Comment pouvez-vous
comparer des gens froissés avec des gens tués?
Alors existe-t-il quelque chose que l’on pourrait appeler douleur morale, et peut- elle se comparer à la douleur physique ?
Regardons d’abord ce qu’il en est pour l’Occident.
N’importe quel psychologue vous
expliquera que non seulement la douleur psychologique existe, mais
qu’elle peut même être pire que la douleur physique.
La Convention de Genève interdit
expressément les simulacres de mise à mort, même si ceux-ci n’infligent
que la peur (une forme de douleur psychologique).
En France, il est actuellement interdit
de simplement remettre en question la version officielle de
l’Holocauste, précisément car en le faisant, on risque d’engendrer une
douleur psychologique chez les quelques survivants de cet holocauste.
Au fameux procès de Nuremberg, Julius
Streitcher a été condamné à mort pour avoir commis le crime d’infecter
l’esprit allemand avec le virus de l’antisémitisme. Il fut d’ailleurs
vicieusement torturé avant son exécution. Son crime ? Il fut le
fondateur et l’éditeur d’un journal, Der Stürmer, journal nauséabond de propagande raciste, dont le nom peut être approximativement traduit par l’assaillant ou celui qui provoque la tempête. Donc il semble que les discours de haine puissent même vous condamner à mort en Occident.
Le huitième amendement de la Constitution américaine interdit les punitions cruelles et inhabituelles, surtout si elles sont dégradantes pour la dignité humaine.
Les pères fondateurs tenaient donc apparemment la dignité humaine pour
une valeur importante et une réalité nécessitant d’être protégée.
Même à la prison de Guantanamo (qui
n’est pourtant pas une référence en matière de droits humains), à la
suite du scandale de 2005 sur la désacralisation du Coran, il fut décidé
que les règles de comportements vis-à-vis du Coran (qui étaient déjà en
place) seraient strictement appliquées. Donc même dans ce lieu de
simulation de noyade, insulter le Prophète est considéré comme hors des
normes de comportement civilisé. Mais, visiblement, pas à Paris.
Qu’en est-il des lois sur la
diffamation ? Ne sont elles pas là pour protéger les gens de la douleur
due au discours de quelqu’un d’autre? Est-ce que l’on se fout de voir un
être cher se faire insulter ou ridiculiser?
Alors de qui se moque-t-on ici? D’autres
exemples sont-ils nécessaires pour montrer que tout le monde en
Occident sait déjà que des caricatures comme celles publiées par Charlie
Hebdo entraînent une douleur morale chez les musulmans? Et nous ne
parlons pas de plumes froissées ou de simple irritation, nous parlons
ici de véritable détresse morale et psychologique, de celles dont la
civilisation occidentale et ses normes légales essaient de protéger la
population.
Cette vérité que personne n’ose dire
mais que je dirai ici pour vous est simple : les élites occidentales ont
la même attitude vis-à-vis du monde musulman que Victoria Nuland a
vis-à-vis de l’Union européenne : Fuck them. Car c’est le
message que non seulement les caricatures de Charlie Hebdo, mais tout le
cirque médiatique autour du massacre de Paris, a envoyé au monde
musulman. On s’en fout de vous, de votre religion et de votre Prophète,
on s’en fout de vous et de vos morts. Les milliers, voir les millions de
musulmans morts (l’Irak, ça vous dit quelque chose ?) ne valent pas nos
douze tués. Nous allons limiter votre liberté d’expression, mais ne
venez pas toucher à la nôtre.
Et si un musulman ose répliquer, on lui rappelle immédiatement ses lapidations,
ses burqas, ses attaques terroristes… avec l’inévitable argument
massue : l’islam n’est pas en position de faire la leçon a la
civilisation occidentale. Hélas, l’islam est vulnérable face a de telles
accusations car il supporte la peine de mort et utilise des méthodes
d’exécution inhumaines, mais c’est loin de ne représenter que l’islam.
Premièrement, jusqu’à récemment
l’Occident avait aussi recours à de nombreuses méthodes d’exécution qui
étaient pires que celles légales sous l’islam. (Ceux qui en doutent
peuvent se reporter au texte wikipedia sur Robert-François Damiens ou se
souvenir que la France n’a aboli la guillotine qu’en 1981 et contre
l’avis populaire.) Deuxièmement, au moins l’islam est honnête à propos
de ses punitions. Il n’y a qu’à comparer avec les États-Unis, où des
gens sont officiellement condamnés à des peines de prison comme dans les
autres pays civilisés, mais où il est bien connu, compris et accepté
que les chances d’y être brutalement assailli ou sodomisé sont très
fortes, en particulier si vous êtes faible. Ou bien d’autres sont
maintenus en cellules d’isolement total, que les Nations-Unies
considèrent, à juste titre, comme une forme de torture.
Deuxièmement, il est artificiel de
comparer deux (ou plus) civilisations en comparant leur seul code pénal.
Pourquoi ne pas comparer aussi les autres formes de violence telles que
les guerres ou les génocides? Dans ce cas, même les pires des musulmans
(les Ottomans) n’arrivent pas à la cheville des Européens. Désolé si
j’offense ces derniers, mais c’est un fait. Même si on trouve, bien sûr,
de nombreux exemples d’atrocités perpétrées par des musulmans (les
Ottomans ou les Perses en particulier), comparé à ce qu’ont fait les
Occidentaux sur des continents entiers (l’Afrique, l’Amérique du nord ou
du sud), ils deviennent de simples incidents. Bien sûr, les Occidentaux
ne connaissent pas grand-chose à ce sujet car ils vivent dans la
confortable narrative d’une Europe civilisée, héritage de la
civilisation grecque et romaine (un mensonge car l’Europe d’après les
Francs a redécouvert l’Antiquité grâce aux musulmans et aux juifs !),
alors que les musulmans ne seraient que des gardiens de chèvre sortant
de la péninsule arabique. Narrative confortable pour sûr, mais
factuellement erronée. Les musulmans, en revanche, connaissent cette
partie de l’histoire et n’apprécient pas d’être traités de haut par ces
mêmes Occidentaux, qu’ils considèrent plutôt comme brutaux et assoiffés
de sang.
Troisièmement, il y a une
caractéristique du monde moderne occidental qui le place à part des
autres mondes. L’absence quasi-totale de sacré. Pour un Occidental
moderne, laïc et éduqué, il n’y a pas grand-chose qui soit sacré [A part le drapeau français, Ndt]. Dans le temps, les femmes et les mères étaient encore sacrées car qui disait à un Italien ou à un Espagnol cornuto ou hijo de puta risquait le coup de poignard. De nos jours, un groupe de rap français s’intitule fièrement Nique ta mère.
Je suppose que certains diront que c’est le progrès. Aux États-Unis, le
drapeau est sacré, au moins pour certains. Et donc, apparemment, pour
des millions de personnes en France, la liberté d’expression, même
délibérément offensive, est sacrée. Sauf quand elle est dirigée envers
les juifs, auquel cas elle vous conduit en prison. Pour la majorité des
musulmans, les prophètes sont si sacrés que chaque fois qu’ils
mentionnent leur nom, ils ajoutent « sallallahu alayhi wasallam »
(que la paix soit avec lui). Maintenant, il n’est nul besoin d’être
musulman ou d’approuver le prophète pour être capable de comprendre que
le prophète Mohammed est chéri par les musulmans au point d’être sacré.
Le fait qu’il n’y ait plus de sacré en Occident ne veut pas dire que le
reste du monde soit tombé à un même niveau de dégénérescence ou que ceux
qui ne considèrent rien comme sacré ont le droit d’imposer leur
désacralisation du monde, leur indifférence aux autres, et de les
offenser au plus profond de leurs croyances.
Et le plus révoltant est l’Occidental
qui tire sa fierté d’offenser les sentiments de ceux qui considère
encore certains sujets comme sacrés. C’est précisément ce qu’était
Charlie Hebdo. Ce n’était pas un débat, c’était une quête sans fin pour
devenir le journal le plus offensant, brutal et vulgaire d’Europe.
D’ailleurs, avant cette opération psychologique ce journal dégoutant et
stupide tirait à 60.000 exemplaires pour un pays de 66.000.000
d’habitants. Mais bon, visiblement, quelques Français semblent plus
importants que les autres (mais ce n’est pas nouveau). Une fois encore,
deux poids deux mesures.
En regardant de près l’opération Charlie
Hebdo, on remarque inévitablement un deux poids deux mesures et des
logiques fallacieuses partout. On remarque que certains discours sont
plus libres que les autres, que certaines victimes importent plus que
les autres, que certaines atrocités sont plus atroces que d’autres et
que certaines douleurs sont plus respectées que d’autres. Mais ce qui
m’a rendu le plus malade dans cette histoire est cette solidarité avec
ceux qui ont fait de l’insulte un noble art, ces héros qui ont été glorifiés pour leur courage
à infliger une douleur psychologique à d’autres. Je ne vois rien de
noble dans tout cela et le fait qu’ils aient été brutalement et
vicieusement assassinés par, apparemment, un gang de takfiris allumés ne
les rend pas plus respectables pour autant.
Autre chose : quelques-uns parmi vous
ont exprimé leur rejet car Sheikh Imran Hosein a dit que le plus grand
Mal que le monde verra jamais dirigera de Jérusalem [C’est, paraît-il,
là-bas que viendront l’Apocalypse et le Messie, NdT]. Vraiment, ce bon
Sheikh est un antisémite sournois.
J’aimerais bien que ceux qui parlent de l’Occident chrétien
en sachent en fait un peu plus sur le christianisme, en particulier
l’eschatologie chrétienne. Ce que le Sheikh disait ne diffère en rien de
ce que les pères de l’Eglise disaient, c’est-à-dire que l’Antéchrist
dirigera le monde de Jérusalem. Une recherche de cinq minutes sur
internet m’a indiqué ces sources assez sérieuses :
L’eschatologie musulmane est d’ailleurs
remarquablement proche de celle du christianisme traditionnel. Une
rapide recherche avec le terme « Dajjal » a indiqué ces sources:
Quant au conseil du Sheikh Imran Hosein
aux musulmans de France de partir pendant qu’il est encore temps, il est
totalement en accord avec l’admonestation du Christ lui-même quand il a
dit à ses apôtres : « Lorsqu’on ne vous recevra pas et qu’on
n’écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et
secouez la poussière de vos pieds. En vérité, je vous le dis, au jour du
jugement dernier, le pays de Sodome et de Gomorrhe sera traité moins
rigoureusement que cette ville-là. » (Matthieu 10 :14-15). On n’est
pas obligé d’être d’accord avec ce que dit le Sheikh, mais ce n’est pas
une raison pour le traiter de fou ou d’antisémite.
Franchement, ce que je vois se mettre en
place est une campagne contre l’islam et contre les musulmans avant
tout basée sur une ignorance totale du sujet. Je ne suis pas musulman et
réprouve avec vigueur certains enseignements ou pratiques de l’islam.
Je vous assure que je soutiens totalement ce que j’appelle l’ultimatum de Poutine aux
allumés takfiris : arrêtez ou je vous extermine. Quand cela fut
nécessaire, c’est exactement ce qu’il fit. Depuis 2000 la Russie a
littéralement exécuté tous les dirigeants de l’insurrection tchétchène,
sans exception. Certains furent tués en Russie, d’autres en Tchétchénie,
d’autres même ailleurs, mais ils sont tous morts. Et la révolte
wahhabite Icherkian a elle aussi été littéralement exterminée.
Non seulement cela, mais Poutine a pleinement soutenu Assad, l’autre
homme a n’avoir pas hésité à supprimer autant d’allumés takfiris qu’il
pouvait (et le boulot d’Assad fut si bon qu’ils ont été obligés de
battre en retraite en Irak). Et mes textes montrent que je soutiens
Assad aussi. Et, finalement, j’ai toujours totalement soutenu le
Hezbollah et le Sheikh Hassan Nasrallah, non seulement dans leur guerre
de libération nationale contre Israël, mais aussi dans leur lutte contre
la soi-disant opposition syrienne (où les allumés qui ont tiré sur Charlie Hebdo ont été formés).
Quant à ceux qui prennent ombrage de mon
affirmation que l’Occident ne peut pas gagner contre le monde musulman,
je leur répondrai ceci : prenez l’exemple de la Russie et réalisez que
les Russes peuvent tuer des Wahhabites mais qu’ils ne peuvent pas tuer
le Wahhabisme. Il faut un musulman comme Akhmad Kadyrov et son fils pour
vaincre l’idéologie wahhabite en Tchétchénie. Il en est de même pour
l’Occident : quel que soit le nombre de terroristes de l’EI ou d’al
Qaida tués par les services de sécurité occidentaux (ou qu’ils
prétendent avoir tués), l’idéologie takfiriste ne pourra être vaincue
que par les autres musulmans (qui en sont d’ailleurs les premières et
principales victimes).
Il n’y a qu’à écouter Hollande, Merkel
ou Obama. Ont-ils autre chose à dire que des platitudes creuses et des
mensonges insipides ? Pensent ils vraiment avoir des arguments contre
les idées d’Oussama Ben Laden, d’Abu Bakr al-Baghdadi ou même de
Muhammad ibn Abd al-Wahhab ou Taqi ad-Din Aḥmad ibn Taymiyyah ?
Mais je pense que les dirigeants
occidentaux sont trop arrogants et trop ignorants pour accepter cette
réalité et qu’ils pensent pouvoir dominer leurs propres maléfices –
c’est-à-dire d’avoir lâché le démon takfiriste contre le monde musulman
et le démon nazi contre le Donbass. Je prétends qu’avec de pareils
dirigeants, l’Occident n’a absolument aucune chance d’y arriver. Et en
considérant que, de plus, année après année, les dirigeants occidentaux
deviennent de plus en plus stupides, arrogants, pathétiques et dépassés,
je ne vois aucune raison de croire que l’Occident puisse remporte le clash des civilisations qu’il a lui-même créé.
Maintenant, pitié, ne tirez pas sur le messager.
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone