Les États-Unis ont abandonné l’Armée syrienne libre (ASL) dans le nord de la Syrie [1] :
« Les États-Unis ont cessé de
financer la plupart des rebelles pro-occidentaux qui combattent dans le
nord de la Syrie, et ont suspendu leurs livraisons d’armes à ces
groupes, ont rapporté les généraux rebelles au journal McClatchy. »
Se retrouvant sans salaire, certains mercenaires de l’ASL rejoignent les groupes djihadistes :
« Au moins 800 à 1000 combattants
provenant des groupes rebelles soutenus par les États-Unis ont déjà
rejoint le Front al-Nosra… »
L’arrêt de ce soutien dans le nord est confirmé par d’autres rapports
[2]. De nombreuses vidéos postées sur internet viennent également
accréditer cette thèse. En effet, les Américains ont donné aux
mercenaires des missiles anti-char TOW, en exigeant qu’ils mettent en
ligne des vidéos prouvant leur utilisation. Eliot Higgins (qui n’est pas
toujours fiable) les a recensées [3].
Les États-Unis continuent de payer de petits groupes de l’ASL dans la
ville d’Alep, mais ceux-ci sont maintenant encerclés par l’Armée arabe
syrienne et il est peu probable qu’ils puissent tenir leurs positions.
Le fait qu’ils tiennent Alep est un symbole politique, c’est pourquoi
les Américains souhaitent que cette situation perdure. Les émissaires
des Nations Unies tentent de négocier un cessez-le-feu à Alep pour cette
même raison. La Syrie et la Russie sont disposées à coopérer, mais Alep
tombera vraisemblablement aux mains du gouvernement, avant que le
cessez-le-feu ne soit signé.
Il faut aussi remarquer que certains médias occidentaux ne sont plus
aussi bienveillants envers l’ASL, dont les atrocités sont enfin relayées
[5].
Il n’en va pas de même pour les positions rebelles dans le sud, qui
sont soutenues par les États-Unis, via la Jordanie et Israël. Sous le
paravent de l’ASL, le Front al-Nosra mène une offensive sur le sud de
Damas [6] :
Dans l’objectif de prendre Damas, le
Front al-Nosra a mené une offensive continue au sud de la capitale, qui
s’est soldée par des avancées significatives dans la province de Daraa
et par la prise de la base militaire de la ville de Daraa. Comme la
province de Daraa est voisine de celle de Damas (Rif Dimachq), ces
avancées préparent le terrain pour une future offensive sur Damas même.
Les mercenaires officiels de l’ASL dans le sud ont annoncé une
nouvelle alliance [7], mais celle-ci, comme les précédentes, est vouée à
l’échec. Les États-Unis savent que le Front al-Nosra (Al-Qaïda en
Syrie) est la force dominante dans le sud. D’où leur soutien au sud,
mais pas au nord. Le colonel Pat Lang faisait remarquer :
« On m’a rapporté que l’effondrement
quasi complet de l’armée fantoche des modérés de l’ASL a forcé les
États-Unis à approcher en secret le Front al-Nosra : ils lui auraient
proposé leur soutien, à condition qu’al-Nosra renonce à son habitude de
massacrer les prisonniers à la manière de l’État islamique. Cela
impliquerait une attitude plus tolérante vis-à-vis des journalistes
américains. »
Chassez le naturel, il revient au galop : al-Nosra poursuit ses
décapitations. Une vidéo tournée à Sheikh Miskeen, une ville à mi-chemin
entre la Jordanie et Damas, qui est actuellement l’épicentre des
combats dans le sud, montre des soldats syriens décapités, après que le
Front al-Nosra a capturé un entrepôt militaire, suite à une
attaque-suicide au véhicule piégé [9].
Le soutien américain au Front al-Nosra dans le sud est dirigé par la
CIA, depuis la Jordanie. Mais ce soutien, ainsi que le programme
d’entraînement en Jordanie, pourrait prendre fin bientôt, dans la mesure
où les financements commencent à manquer. Du moins, le Congrès ne
participe plus à ces aventures [10] :
« Alors que le Congrès se bat pour
faire passer un projet de loi visant à financer le gouvernement pour le
reste de l’année, un élément curieux et significatif a été jeté à la
poubelle : une demande de rallonge de 300 millions de dollars pour le
programme secret de la CIA visant à armer les rebelles syriens
“modérés”, émanant de l’administration de Barack Obama. »
Je m’attends à ce que les attaques dans le sud s’essoufflent bientôt.
Les États-Unis savent que dans cette guerre, leur camp ne peut pas
gagner, que ce soit l’Armée syrienne libre ou le Front al-Nosra [11] :
« Dressant un état des lieux très
sombre de la rébellion syrienne soutenue par les États-Unis, un membre
officiel du Département d’État a déclaré mercredi [NdT : 10 décembre 2014] que
l’opposition armée ne sera pas capable de renverser le régime de Bashar
al-Assad, ni maintenant, ni dans un proche avenir, en dépit du
programme mis en place par le Pentagone pour entraîner et équiper 5000
rebelles par an. »
Le Pentagone traîne délibérément des pieds avec ce programme. Il
pourrait très bien y mettre fin avant d’avoir obtenu le moindre
résultat.
Les seuls ennemis que l’Armée arabe syrienne a encore à combattre sont les restes de l’ASL/al-Nosra et l’État islamique.
La campagne de l’État islamique contre l’enclave kurde de Kobané
s’est avérée jusqu’ici infructueuse. Les Kurdes tiennent leurs
positions, et bien qu’il faille déplorer que la ville soit ravagée par
les combats, l’État islamique est en train de perdre de grandes
quantités d’hommes et de matériel. Les États-Unis, qui aident les Kurdes
de Kobané avec quelques attaques aériennes, se satisfont de cette
situation. Kobané est utilisée comme rempart, sur lequel viennent se
briser, les unes après les autres, les vagues d’assaillants de l’État
islamique, épuisant ainsi ses réserves.
L’État islamique a cherché de nouvelles cibles dans l’est de la
Syrie, et a décidé d’attaquer l’aéroport militaire de Deir ez-Zor, tenu
par l’armée syrienne. Plusieurs vagues d’attaques kamikazes ont été
lancées, de grandes quantités d’infanteries ont été engagées, en vain
[12]. Deir ez-Zor est bien ravitaillée et bien défendue, et devient un
autre front, sur lequel l’État islamique gaspille ses ressources.
Les États-Unis ont abandonné les attaques dans le nord de la Syrie.
Dans le sud, leur soutien au Front al-Nosra est indéfendable, que ce
soit sur le plan politique ou sur le plan moral. Ils devront y mettre un
terme, avant que les médias ne s’y intéressent de trop près. Sinon,
certains républicains au Congrès pourraient estimer que le soutien à
al-Qaïda par l’administration Obama relève de la destitution.
Bientôt, l’État islamique sera la dernière menace réelle en Syrie.
Mais il est en train de perdre une grande partie de son énergie (et de
son argent), à cause de ses lourdes pertes sur plusieurs fronts. Il
représente toujours un ennemi sérieux, et peut encore créer la surprise
ici ou là. Mais je doute qu’il représente une menace existentielle pour
le gouvernement et le peuple syriens.
Notes :
[1] Rebels in northern Syria say U.S. has stopped paying them (mcclatchydc.com, anglais, 09-12-2014)
[2] Syrian Rebels See U.S. Abandoning Them (bloombergview.com, anglais, 12-12-2014)
[3] TOW videos posted by the opposition by month (twitter.com, anglais, 11-12-2014)
[4] Syria’s Assad backs Russia peace bid, Moscow in touch with US (yahoo.com, anglais, 10-12-2014)
[5] Syrian rebel ‘hell cannons’ kill 300 civilians : monitoring group (reuters.com, anglais, 12-12-2014)
[6] Switching Places : New Threats from the Islamic State and Nusra Front (siteintelgroup.com, anglais, 1à-12-2014
[7] Syria’s southern rebels take step toward unity (reuters.com, anglais, 11-12-2014)
[8] Israel/Nusra Cooperation w/US help (turcopolier.typepad.com, anglais, 07-12-2014)
[9] 21 soldats syriens sont morts dans leurs logements militaires (youtube, arabe, 08-12-2014)
Source : Another Overview Of The Situation In Syria (moonofalabama.org, anglais, 13-12-2014)