Les
États-Unis s'inquiètent des initiatives russes visant à renforcer
l'intégration eurasiatique et créer des institutions financières
alternatives à celles de l'Occident. La politique de Moscou empêche
également Washington de mettre en œuvre son "virage vers l'Asie",
affirme Mike Whitney, publiciste américain et expert en politique
étrangère des États-Unis.
"La "gestion" américaine de l'Eurasie est cruciale. Les forces
dominantes dans cette zone sont en mesure de contrôler deux des trois
régions les plus développées et productives du point de vue économique.
L'Eurasie regroupe 75% de la population mondiale et la plupart des
ressources", rappelle-t-il, citant les propos de Zbigniew Brzezinski,
l'un des idéologues de la politique américaine.
D’après Mike Whitney, les récentes "manipulations des prix du
pétrole" pourraient viser la Russie, qui propose une vision alternative
de la politique dans l'espace eurasiatique. Ainsi, Moscou suggère un
modèle coopératif et contribue au renforcement des coalitions et des
alliances telles que le groupe des BRICS, l'Union économique
eurasiatique et l'Organisation de coopération de Shanghai. Toutes ces
structures pourraient menacer la domination américaine dans la région et
constituent une alternative aux institutions financières telles que le
FMI et la Banque mondiale.
"La création de "coalitions régionales" constitue la menace
principale pour les États-Unis. (…) La Russie, en tant que force motrice
de ces organisations, est désormais le problème numéro un de
Washington", estime Mike Whitney.
La politique de Moscou représente un défi pour Washington: elle a
empêché les USA de mettre en œuvre leur "virage vers l'Asie",
d'atteindre leurs objectifs au Proche-Orient, ou encore d'accomplir
leurs tâches stratégiques en Syrie, en Iran et en Ukraine.
Les États-Unis voulaient notamment faire chuter le régime de Bachar
al-Assad pour redessiner la carte du Proche-Orient et créer un système
de transit de gaz en Europe via le Qatar et la Turquie, mais les Russes
ont torpillé ce scénario.
Selon Mike Whitney, cet affrontement d'intérêts géopolitiques en
Eurasie pourrait expliquer l'instabilité des marchés pétroliers
mondiaux, qui a affecté l'économie russe.
"La chute des prix aurait pu être la cerise sur le gâteau d'une
attaque asymétrique contre l'économie russe. (…) Elle pourrait expliquer
la décision d'Obama de permettre aux producteurs américains d'injecter
sur le marché encore plus de pétrole malgré la chute des prix. Le coût
de cette politique n'a évidemment aucune importance pour lui si elle
peut influer sur la Russie", affirme-t-il.
Quoi qu'il en soit, cette politique pourrait également affecter les
pays occidentaux. Si la tendance actuelle à la baisse se maintenait, les
pertes d'emplois au Texas, centre de production pétrolière aux
États-Unis, pourraient atteindre 250 000 en 2015. L'Oklahoma, la
Louisiane et le Dakota du Nord, qui affichent une croissance stable
depuis longtemps, pourraient subir une déflation si les prix bas du
pétrole rendaient leur production non rentable. Cette volatilité des
marchés énergétiques et les réductions éventuelles de production
affectent également l'économie britannique. D'après la société de
conseil Company Watch, 70% des entreprises britanniques exploitant des
gisements et dont les actions sont placées sur des marchés
internationaux pourraient subir des pertes de près de 1,8 milliard de
livres.