lundi 12 janvier 2015

Eurasie, Moyen-Orient : Moscou dame le pion à Washington

Les États-Unis s'inquiètent des initiatives russes visant à renforcer l'intégration eurasiatique et créer des institutions financières alternatives à celles de l'Occident. La politique de Moscou empêche également Washington de mettre en œuvre son "virage vers l'Asie", affirme Mike Whitney, publiciste américain et expert en politique étrangère des États-Unis.

"La "gestion" américaine de l'Eurasie est cruciale. Les forces dominantes dans cette zone sont en mesure de contrôler deux des trois régions les plus développées et productives du point de vue économique. L'Eurasie regroupe 75% de la population mondiale et la plupart des ressources", rappelle-t-il, citant les propos de Zbigniew Brzezinski, l'un des idéologues de la politique américaine.
D’après Mike Whitney, les récentes "manipulations des prix du pétrole" pourraient viser la Russie, qui propose une vision alternative de la politique dans l'espace eurasiatique. Ainsi, Moscou suggère un modèle coopératif et contribue au renforcement des coalitions et des alliances telles que le groupe des BRICS, l'Union économique eurasiatique et l'Organisation de coopération de Shanghai. Toutes ces structures pourraient menacer la domination américaine dans la région et constituent une alternative aux institutions financières telles que le FMI et la Banque mondiale.
"La création de "coalitions régionales" constitue la menace principale pour les États-Unis. (…) La Russie, en tant que force motrice de ces organisations, est désormais le problème numéro un de Washington", estime Mike Whitney.
La politique de Moscou représente un défi pour Washington: elle a empêché les USA de mettre en œuvre leur "virage vers l'Asie", d'atteindre leurs objectifs au Proche-Orient, ou encore d'accomplir leurs tâches stratégiques en Syrie, en Iran et en Ukraine.
Les États-Unis voulaient notamment faire chuter le régime de Bachar al-Assad pour redessiner la carte du Proche-Orient et créer un système de transit de gaz en Europe via le Qatar et la Turquie, mais les Russes ont torpillé ce scénario.
Selon Mike Whitney, cet affrontement d'intérêts géopolitiques en Eurasie pourrait expliquer l'instabilité des marchés pétroliers mondiaux, qui a affecté l'économie russe.
"La chute des prix aurait pu être la cerise sur le gâteau d'une attaque asymétrique contre l'économie russe. (…) Elle pourrait expliquer la décision d'Obama de permettre aux producteurs américains d'injecter sur le marché encore plus de pétrole malgré la chute des prix. Le coût de cette politique n'a évidemment aucune importance pour lui si elle peut influer sur la Russie", affirme-t-il.
Quoi qu'il en soit, cette politique pourrait également affecter les pays occidentaux. Si la tendance actuelle à la baisse se maintenait, les pertes d'emplois au Texas, centre de production pétrolière aux États-Unis, pourraient atteindre 250 000 en 2015. L'Oklahoma, la Louisiane et le Dakota du Nord, qui affichent une croissance stable depuis longtemps, pourraient subir une déflation si les prix bas du pétrole rendaient leur production non rentable. Cette volatilité des marchés énergétiques et les réductions éventuelles de production affectent également l'économie britannique. D'après la société de conseil Company Watch, 70% des entreprises britanniques exploitant des gisements et dont les actions sont placées sur des marchés internationaux pourraient subir des pertes de près de 1,8 milliard de livres.