Ukraine, Erdogan, Alep, en bon joueur de poker le président russe
profite de la faiblesse américaine avant le changement de président pour
avancer ses pions. Vladimir Poutine avance ses pions en Europe centrale
et en Syrie, face à un Barack Obama en fin de parcours.
Les Jeux olympiques sont décidément les moments de prédilection de
Vladimir Poutine pour lancer un de ses mauvais coups qui seront un pas
géostratégique de plus dans son dessein de reconstituer l’empire perdu
par des dirigeants communistes à bout de souffle au moment de la chute
du rideau de fer.
En 2008, il avait profité des JO de Pékin pour amener à la faute le
président Saakashvilli et provoquer un conflit armé avec la Georgie qui
avait abouti à la quasi-annexion de l’Ossétie du Sud. En 2014 les Jeux
de Sotchi avaient constitué un paravent pour détourner l’attention de
son annexion de la Crimée. En 2016 les JO de Rio vont-ils être
l’occasion d’une nouvelle escalade en Europe centrale qui aboutirait à
ce que la Russie s’empare de la partie de l’Ukraine bordant la mer
d’Azov qui relierait définitivement la Crimée à la Russie ?
Avant-goût d’une action plus musclée ?
La France et l’Allemagne, cosignataires des accords de Minsk, qui
avaient abouti à un cessez-le-feu à peu près respecté, devraient avoir
des raisons de s’inquiéter, car Poutine réécrit cet été un scénario qui a
déjà servi en Géorgie : de supposés terroristes ukrainiens se seraient
introduits en Crimée pour des opérations de sabotage et auraient tué un
membre du FSB et un soldat russe. Des actes « qui ne peuvent rester sans réponse »,
a déclaré Poutine. Le déploiement de missiles antiaériens S-400 en
Crimée, accompagné de l’arrivée de nouvelles troupes russes aux
frontières de l’Ukraine suffiront-ils à laver l’honneur « bafoué » du président russe ?
Ou n’est-ce là qu’un avant-goût d’une action plus musclée à suivre ? À
moins qu’il s’agisse d’une pression sur les Occidentaux pour qu’ils
lèvent des sanctions qui handicapent des plus en plus Moscou dans une
période où l’économie russe n’est pas au mieux. En profitant des
divisions européennes révélées par le Brexit et d’une présidence
américaine totalement à bout de course au moins en matière diplomatique.
Comment autrement expliquer que les États-Unis aient accepté sans
broncher cette visite que Recep Erdogan, le président turc, vient de
faire à Poutine. Un rapprochement du sultan ottoman et du tsar russe,
qui ne s’est pas déroulé par hasard, avec un faste particulier, à
Saint-Pétersbourg, dans l’ancienne résidence de la famille impériale.
En faisant la risette à Ankara, Poutine voulait montrer à Washington
qu’il était capable de fragiliser tout le flanc est de l’Otan, dont la
Turquie est une pièce essentielle. Profitant également du mécontentement
manifesté par tous les Occidentaux, américains, comme européens, devant
la répression dans tous les secteurs de la société turque – des
journalistes aux magistrats en passant par les universitaires – lancée
par Erdogan après l’échec du putsch militaire du 15 juillet. Le tout
accompagné d’une hyper présidentialisation du pouvoir ottoman dans
lequel Poutine reconnaîtra certainement des caractéristiques de sa
propre façon de gouverner.
Obama, renforce indirectement Bachar el-Assad
Ce rapprochement russo-turc n’est pas la seule couleuvre que la
diplomatie américaine est contrainte d’avaler dans la région. La
bataille pour la prise totale d’Alep a révélé l’embarras de Washington
devant une situation où, par incapacité à prendre vraiment parti en
aidant des factions rebelles modérées à combattre le régime de Bachar
el-Assad, elle a laissé les djihadistes purs et durs, proches
d’Al-Qaïda, les phagocyter.
La menace que fait peser, à terme, sur les intérêts occidentaux ce
groupe, Fath-Al-Cham a donc paradoxalement amené les Américains à
approuver les frappes aériennes russes contre eux. Des bombardements qui
visent donc aussi les modérés que Washington était censé soutenir. Ce
faisant, les Américains renforcent indirectement Bachar el-Assad,
l’allié de Moscou. On ne savait pas que c’était l’objectif d’Obama.
On vous le dit : un été d’enfer pour Poutine !
Michel Colomès – Le Point