En visite en Turquie hier, le secrétaire d'État américain Rex Tillerson a déclaré deux
choses importantes:
-
Le sort de la Syrie Bashar al-Assad est que le peuple
syrien décide
-
Après la libération d’ISIS Raqqa doit être gouverné par
des forces locales
Ensemble,
cela signifie que les États-Unis renoncent à la guerre pour renverser le
gouvernement syrien, mais leur guerre contre ISIS devrait entraîner une Syrie
affaiblie et dépecée.
Ce n'est pas
vraiment nouveau. Le fait que les États-Unis aient abandonné leur objectif
initial du « départ d’Assad »
est apparu depuis un certain temps déjà.
De plus, dès
le mois de novembre de l'année dernière, les généraux américains disaient qu’après
la défaite d’ISIS, Raqqa serait gouvernée
par les milices pro américaines locales plutôt que par Damas.
Ce qui est
nouveau, c'est que cela a maintenant été dit en public, au plus haut niveau, et
directement en face d'Erdogan.
L'ironie de
la situation est que les États-Unis ne se sont pas fortement investis dans le
partage de la Syrie mais, en réalité, ils ne savent tout simplement pas quoi
faire.
Ils doivent
vaincre ISIS car son existence en tant qu'état territorial actuel est un énorme
défi pour leur prestige. Cependant, compte tenu de leurs propres préjugés et des
exigences que leur imposent le lobby juif au nom des Israéliens, ils ne peuvent
pas récupérer le territoire pour le bénéfice des pro-iraniens, des pro-russes,
des pro Hezbollah ou de Damas (Alors qu’ils soutiennent un Irak pro-iranien).
D'autant plus que depuis des années de matraquage médiatique, pour beaucoup
d'Américains, Assad est littéralement Hitler.
Donc, pour
les Américains, ce qu'il faut faire avec les zones libérées de la tutelle
d'ISIS est un casse-tête chinois. Heureusement pour eux, les Kurdes ont une
idée.
Les Kurdes
syriens veulent le même statut que les Kurdes irakiens. Ils veulent un
Kurdistan syrien fort et indépendant de facto avec ses propres forces armées et
ses policières, mais qui fait néanmoins partie de la Syrie pour rendre plus difficile
aux Turcs de les envahir et de les sanctionner. Puisque les Kurdes peuplent
trois enclaves distinctes qui ne sont pas contigües, les Kurdes ont aussi
besoin des alliés arabes de la région pour s'étendre sur une grande partie de
la terre majoritairement arabe. C'est leur objectif principal.
Leur
objectif secondaire est de trouver des alliés. Ils ne veulent pas un retour du
gouvernement central vers le nord et l'est de la Syrie. À cette fin, ils ont
promu non seulement l'établissement d'une unité «fédérale» dominée par les
Kurdes dans le nord de la Syrie, mais aussi l'établissement d'autres unités
fédérales dominées par les Arabes ailleurs en Syrie, en particulier dans l'Est
tenu par le SDF.
Les mots de
Tillerson en Turquie signifient que, faute d'une meilleure alternative, les
États-Unis sont maintenant d’accord avec l'ambition kurde. Vous pouvez vous
attendre à ce que, une fois reprise à ISIS, Raqqa commencera à émerger en tant
que capitale d'une unité «fédérale» majoritaire arabe alignée sur les Kurdes et
soutenue par les États-Unis.
Ironiquement,
le plus grand problème avec ce plan pour les États-Unis (en dehors de
l'enthousiasme peu clair des Arabes locaux) n'est ni Assad militairement affaibli,
ni la souveraineté syrienne qu'ils n'ont jamais respectés de toute façon, mais
l'opposition enragée de sa principale alliée au sein de l’OTAN, la Turquie.
Tillerson
répétait toujours en Turquie qu'il s'agissait d'un "choix très
difficile" à faire. Les États-Unis sont conscients que la transformation
Ocalaniste proposée par les Kurdes de l'est de la Syrie va enflammer Ankara,
mais ils estiment qu'il n'y a pas d'autre choix.
La nouvelle
voie de Washington est mauvaise pour l'intégrité territoriale des États du
Moyen-Orient, mais elle est également mauvaise pour le monstre connu sous le
nom de l'OTAN.
Sans surprise,
la Turquie a annoncé la fin de son opération Bouclier de
l'Euphrate en Syrie.
Quelques
formules pour sauver la face fleurissent ça et là mais, en réalité, cette
opération fut un bide. Six mois pour mettre difficilement la main sur quelques
arpents de sable au prix de pertes relativement lourdes. Certes, cela a empêché
la jonction des cantons kurdes mais ces derniers n'en bordent pas moins la
Turquie sur des centaines de kilomètres : parfaite base arrière pour le PKK.
Depuis le grand rapprochement américano-russo-syro-kurde sur le dos
d'Erdogan, les options d'Ankara s'étaient réduites à peau de chagrin. Le sultan
n'a fait qu'entériner ce que nous avons montré à plusieurs reprises :
l'aventure néo-ottomane en Syrie est terminée. La goutte qui a sans doute fait
déborder le vase a été l'établissement d'une base russe dans le canton kurde
d'Afrin comme nous l'avions rapporté il y a une dizaine de jours.
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Les colonialistes européens veulent sauver Daech/ISIS
Hannibal GENSERIC