mercredi 5 octobre 2022

Pourquoi l’Arabie saoudite est-elle sur le point de faire grimper les prix du pétrole ?

Les 23 pays de l’OPEP+ devraient décider ce mercredi d’une importante réduction de la production de pétrole. Cette démarche, visant à faire monter les prix du pétrole, peut paraître surprenante dans un contexte de hausse des prix de l’énergie.
D’autant que l’un des principaux bénéficiaires d’une telle politique serait la Russie.

Ce sont les grands rassemblements de chair et de sang.

Des représentants des pays de l’OPEP+ -les 23 principaux producteurs de pétrole- se retrouvent “en face à face”, ce mercredi 5 octobre, à Vienne, pour la première fois depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020.

Les 13 pays membres de l’Opep – avec en tête l’Arabie saoudite – et leurs 10 alliés producteurs de pétrole, à commencer par la Russie, veulent donner à ce grand rendez-vous le cachet le plus solennel possible pour “souligner l’importance de la décision qui y sera prise”. note le Financial Times. 

Furieux, les Américains, comme à leur habitude, menacent les pays de l'OPEP de rétorsion / punition. Mais nous avons vu que les sanctions ont toujours eu un effet boomerang sur leurs instigateurs, et sont plus néfastes à ces derniers qu'aux pays visés par les sanctions.

Pourquoi l’Arabie saoudite est-elle sur le point de faire grimper les prix du pétrole ? – .

Économisez les avantages pétroliers

La grande majorité des observateurs s’attendent à ce que l’annonce d’une baisse significative des quotas de production de pétrole fasse remonter les prix du brut. Une baisse qui pourrait osciller entre 500.000 et 1,2 million de barils de moins par jour.

“Lors de leur dernière réunion début septembre, les pays de l’Opep avaient déjà envoyé un signal en baissant leur production de 100.000 barils par jour”, a déclaré Olivier Appert, expert des questions énergétiques à l’Institut français des relations internationales (Ifri). C’était juste une goutte de pétrole de moins dans l’océan que les 100 millions de barils produits par jour, mais le but était probablement de préparer les esprits.

La volonté affichée de l’OPEP+ de faire monter les prix a déjà commencé à porter ses fruits. Les seules rumeurs entourant l’annonce probable d’une baisse de la production ont entraîné une hausse du prix du pétrole brut de 4 % en deux jours.

Vue d’Europe, cette décision peut sembler paradoxale ou du moins à contre-courant : alors que les prix de l’énergie continuent de s’envoler et que l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, la Russie ou le Venezuela continuent de s’inquiéter de leurs pétro-profits ?

En fait, ils ont quoi. “Les prix du pétrole sont tombés à des niveaux inférieurs à ce qu’ils étaient avant le déclenchement de la guerre en Ukraine”, a déclaré Olivier Appert.

Cette baisse est due en partie à l’entêtement de Pékin à appliquer sa “politique zéro covid”. Elle a conduit à une forte baisse de l’activité économique et a ainsi rendu la Chine moins énergivore. De plus, la baisse générale de la demande de pétrole due au ralentissement de l’économie mondiale contribue également à la baisse des prix.

Les prix du pétrole n’ont même pas monté en flèche après les sanctions contre la Russie. D’abord parce que les exportations russes ont aussi “été moins affectées par le timing que prévu, d’autres pays, comme l’Inde, ayant pris le relais de l’Europe”, précise Olivier Appert. Cela signifie que l’offre de pétrole n’a pas diminué et que l’or noir n’est pas devenu plus rare. De plus, dans le contexte de la guerre en Ukraine et des sanctions occidentales, les nouveaux clients de la Russie sont en position de force pour obtenir des rabais sur le prix du pétrole.

Et aucune lueur à l’horizon ne peut assurer aux pays producteurs de pétrole et à leurs alliés que la tendance va s’inverser. Ils ont donc décidé de prendre les choses en main en pariant sur une baisse massive des quotas de production pour mettre un terme à la spirale infernale.

Une politique qui fait le jeu de Riyad… et de Moscou

Mais c’est un pari risqué, tant d’un point de vue géopolitique qu’économique. Et surtout pour le chef de ce cartel pétrolier : l’Arabie Saoudite.

En effet, Riyad a projeté pendant des décennies l’image d’un allié fidèle des États-Unis. Cependant, sa volonté de soutenir fortement les prix du pétrole dans le contexte actuel va à l’encontre des intérêts stratégiques de Washington. A tel point que “ça pourrait créer un point de rupture [diplomatique] avec les États-Unis », a déclaré le Financial Times.

Surtout, ce ne serait pas la première fois que l’Arabie saoudite est prise en flagrant délit d’infidélités diplomatiques à Washington au profit de Moscou, rappelle le New York Times, dans une enquête sur les nouvelles relations russo-saoudiennes.

Alors que les chars russes se préparaient à traverser la frontière ukrainienne à la mi-février, l’Arabie saoudite a conclu une série d’investissements juteux (plus de 600 millions de dollars) dans les trois principaux géants russes de l’énergie (Gazprom, Rosneft et Lukoil). Au sein de l’Opep, Riyad milite également depuis plusieurs mois pour offrir un rôle plus important à Moscou.

Des gestes bien plus concrets que le « chèque » très médiatisé entre le président américain Joe Biden et le prince héritier Mohammed ben Salmane en juillet. Hormis ces photos, le locataire de la Maison Blanche “n’avait pas retiré grand-chose de ce voyage en Arabie saoudite en termes d’engagement dans la production de pétrole”, se souvient Olivier Appert.

Au risque de fâcher Washington ?

Comme si cela ne suffisait pas, la décision probable de l’OPEP+ de réduire la production de pétrole intervient au pire moment économique pour les États-Unis. La hausse des prix du pétrole devrait alimenter l’inflation, car les prix dans les stations-service devraient augmenter. En clair, ce n’est pas une nouvelle qui peut plaire à Joe Biden et à la Réserve fédérale, qui se livrent une lutte acharnée pour tenter d’enrayer l’inflation qui a atteint des niveaux jamais vus depuis près de 40 ans.

Par conséquent, cette réunion de l’OPEP+ pourrait révéler le clivage diplomatique qui se crée entre les deux alliés historiques.

Et ce n’est pas un hasard si l’Arabie saoudite risque désormais d’apparaître comme le grand méchant du moment pour Washington et ses "alliés" .
« Il y avait un accord en vigueur depuis 1945 entre les États-Unis et l’Arabie saoudite qui stipulait que les premiers assuraient la protection de la seconde en échange d’un approvisionnement en énergie. Mais cette situation a changé, notamment avec l’éruption du gaz et du pétrole de schiste aux États-Unis », précise Olivier Appert.

Riyad semble l’avoir bien compris, comme en témoigne la facilité avec laquelle le pays s’apprête à prendre une décision qui favorisera ses avantages et ceux de l’ennemi numéro un de Washington.

Source

2 commentaires:

  1. Biden furieux :
    https://www.zerohedge.com/commodities/white-house-panics-prices-rebound-mulls-gasoline-export-ban-blasts-opec-hostile-acts

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  2. A nouveau c'est l'Europe qui va subir cette hausse du coût du pétrole. Plonger les moutons dans la misère, c'est pour bientôt le réveil du troupeau.

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