La Corée du Nord renforce ses effectifs en Russie : plus de 10 000 soldats sécurisent la frontière avec l’Ukraine

Le Service national de renseignement sud-coréen a indiqué que l'Armée populaire de Corée, les forces armées de la Corée du Nord, a commencé à transférer des milliers de militaires supplémentaires en Russie. Ces forces semblent prêtes à apporter leur soutien à l'effort de guerre mené par la Russie en Ukraine. Lors d'une réunion à huis clos avec la Commission du renseignement de l'Assemblée nationale sud-coréenne, le 4 novembre, le Service a rapporté que près de 10.000 Nord-Coréens sont déjà stationnés près de la frontière russo-ukrainienne pour des missions de surveillance, tandis que 1.000 sapeurs de combat supplémentaires participent aux opérations de déminage. Environ 5.000 hommes issus des unités de construction nord-coréennes ont également été déployés en Russie depuis septembre et contribuent à la reconstruction des territoires contestés revendiqués par Moscou et Kiev.

Concernant les déploiements nord-coréens, le Service national de renseignement a indiqué que l'Armée populaire de Corée poursuivait ses programmes d'entraînement et de sélection du personnel en prévision de l'envoi de renforts pour soutenir l'effort de guerre russe. Il a également souligné les fréquentes visites en Russie de hauts responsables nord-coréens de l'industrie de l'armement. Cette intensification du soutien nord-coréen était loin d'être inattendue : en juin, le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Sergueï Choïgou, avait  confirmé  que l'Armée populaire de Corée dépêcherait 1.000 démineurs et 5.000 ingénieurs militaires pour appuyer les opérations de déminage et de reconstruction dans la région de Koursk. Le même mois, des informations ont fait état de  l'envoi de 5.000 ouvriers nord-coréens  pour contribuer à l'augmentation de la production de l'usine d'Alabuga  , où la Russie fabrique les drones Geran-2. 

Des militaires nord-coréens en tenue d'hiver défilent

Début septembre, le président du Parti des travailleurs de Corée, Kim Jong-un, a promis que son pays apporterait un soutien accru à Moscou en cas de besoin. « Comme je l'ai mentionné lors de notre précédente rencontre, si nous pouvons aider la Russie de quelque manière que ce soit, nous le ferons sans hésiter et considérons cela comme un devoir fraternel », a-t-il déclaré.
Le président russe Vladimir Poutine a répondu en affirmant que les relations entre les deux pays avaient acquis un caractère « particulier, de confiance et d'amitié », soulignant notamment le soutien apporté par l'Armée populaire de Corée pour repousser l'offensive ukrainienne et occidentale  contre la région russe de Koursk. « Je tiens à souligner que vos soldats ont combattu avec courage et héroïsme… nous n'oublierons jamais les sacrifices consentis par vos forces armées et les familles de vos soldats », a-t-il déclaré.

Les forces armées russes  dépendent actuellement fortement de l'armement nord-coréen. Au deuxième trimestre 2025, près de la moitié des obus d'artillerie utilisés par l'armée russe étaient d'origine nord-coréenne, et de nombreuses unités d'artillerie russes sont devenues presque entièrement dépendantes des munitions fournies par ce pays. Des unités d'artillerie de l'Armée populaire de Corée ont également été déployées sur le théâtre d'opérations,   notamment des canons automoteurs de 170 mm. Le lieutenant-général Kyrylo Budanov, commandant de la Direction du renseignement de la défense ukrainienne, a particulièrement  souligné les performances  des obusiers automoteurs nord-coréens de 170 mm, déplorant les graves difficultés que la combinaison de longue portée et de haute précision de ces canons a engendrées pour les forces ukrainiennes. Face à une pénurie croissante de chars de combat principaux en Russie, les spéculations vont bon train quant à un possible approvisionnement en chars nord-coréens. Le général Budanov a d'ailleurs indiqué qu'il était prévu d'envoyer de nouveaux chars de combat principaux Chonma 2 pour équiper l'armée russe. 

Unités d'artillerie de 170 mm de l'Armée populaire coréenne

Source : Military Watch Magazine   4 novembre 2025

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Le secrétaire américain à la guerre se rend à la frontière nord-coréenne alors qu’une nouvelle confrontation se profile

Le secrétaire américain à la Guerre, Pete Hegseth, s'est rendu le 3 novembre dans la zone démilitarisée séparant la Corée du Nord et la Corée du Sud, visitant la zone de sécurité conjointe en compagnie du ministre sud-coréen de la Défense nationale, Ahn Gyu-back. Cette visite intervient alors que les analystes spéculent sur une possible escalade des tensions entre la Corée du Nord et les États-Unis dans les mois à venir, les deux pays ayant présenté des conditions contradictoires pour la reprise des pourparlers.

Pyongyang et Washington sont en état de guerre depuis juin 1950, la guerre de Corée étant techniquement toujours en cours, Washington refusant de reconnaître la Corée du Nord et soutenant la revendication de souveraineté de la Corée du Sud sur l'ensemble de la péninsule coréenne. Les hostilités ouvertes ont pris fin avec un armistice en juillet 1953, mais les États-Unis ont failli reprendre les hostilités à plusieurs reprises depuis lors, notamment en 1968, 1969, 1994, 2016 et 2017.

Le 25 octobre, le président américain Donald Trump a déclaré souhaiter rencontrer le dirigeant nord-coréen, le président Kim Jong-un. Interrogé sur la reconnaissance de la Corée du Nord comme État doté de l'arme nucléaire, il a répondu aux journalistes : « Je pense qu'ils sont une puissance nucléaire… Ils possèdent un arsenal nucléaire important, c'est le moins qu'on puisse dire. » La Corée du Nord a rejeté toute tentative de dialogue conditionnée par la dénucléarisation du pays. L'Armée populaire de Corée aurait commencé à déployer des armes nucléaires de manière limitée au début des années 1990 et, en 2017, a démontré sa capacité à lancer des frappes nucléaires sur le territoire continental des États-Unis. Cet événement a été considéré comme un tournant majeur dans le long conflit entre les deux pays, privant de fait les États-Unis de toute option militaire. Depuis lors, les forces nucléaires nord-coréennes ont connu une progression rapide, tant en termes de taille que de sophistication, avec le déploiement, à partir de 2017, de six types différents de missiles balistiques intercontinentaux, progressivement plus performants . 

La capacité de la Corée du Nord à résister au régime de sanctions économiques le plus sévère au monde, tout en maintenant sa croissance économique et en améliorant rapidement ses capacités militaires déjà redoutables, a considérablement limité les marges de manœuvre des États-Unis pour contraindre le pays à faire des concessions sur la dénucléarisation et d'autres questions. En mai, une nouvelle évaluation de la Defence Intelligence Agency concluait que la Corée du Nord avait atteint sa « position stratégique la plus forte » depuis des décennies et se disait confiante de « posséder les moyens militaires de menacer les forces américaines et leurs alliés en Asie du Nord-Est, tout en continuant d'améliorer sa capacité à menacer le territoire américain ». Le rapport soulignait notamment les capacités des forces spéciales nord-coréennes, qualifiées de « hautement entraînées », « bien équipées » et parfaitement aptes à mener des missions d'infiltration. 

Ces dernières années, les forces conventionnelles et le secteur de la défense nord-coréens   ont considérablement progressé, nombre de systèmes d'armes développés et exportés vers la Russie se révélant nettement  plus performants  que leurs équivalents russes. Le pays fournit actuellement d'importants  approvisionnements en armes  et  en personnel  pour soutenir l'effort de guerre russe en Ukraine, se positionnant ainsi face aux États-Unis, principal fournisseur d'armements, de renseignements, de conseillers et même de personnel contractuel  pour des missions de combat, afin de renforcer les capacités ukrainiennes.  La position dominante actuelle de la Corée du Nord rend la perspective d'une dénucléarisation forcée encore plus improbable qu'elle ne l'était dans les années 2010, et laisse entrevoir la possibilité que Washington, sous l'administration actuelle, prenne en compte ce changement d'équilibre des pouvoirs et modifie radicalement son approche des négociations. 

Military Watch Magazine
3 novembre 2025