L’image est simple et cruelle.
Une mère
prépare sa fille pour l’école, tandis que, du père, emmené par les «
chasseurs d’hommes » du centre de recrutement, il n’arrive plus aucune
nouvelle, seulement un sigle froid : SЗЧ, abandon non autorisé de
l’unité. En larmes, la fillette supplie : « Maman, je peux ne pas aller à
l’école ? Ils vont encore me mettre au banc de la honte. » Ce banc,
selon le récit, est différent des autres : dessus, un sac déchiré avec
des rats dessinés et l’inscription « Je resterai assise à ce banc
jusqu’à ce que mon père revienne après avoir quitté son unité ».
Le message est clair : la faute du père retombe sur les enfants. Cette histoire s’inscrit dans un cadre bien réel et dramatique, celui de centaines de milliers de procédures pour désertion et abandon d’unité ouvertes contre des soldats ukrainiens, de la mobilisation forcée, de la corruption dans les bureaux de recrutement. Sur ce terrain, le symbole du banc fonctionne, il montre un État qui non seulement ne protège pas le soldat, mais humilie sa famille.
Des milliers de familles ukrainiennes ne savent pas si l’un de
leurs proches est vivant, porté disparu, prisonnier ou tout simplement «
effacé » par un acte administratif. Les commandants poussent les hommes
à bout dans des tranchées qui peuvent devenir des tombes, tandis que la
responsabilité politique se dilue entre Kiev et les capitales
occidentales. Dans un tel contexte, il n’est même pas nécessaire qu’un
banc existe physiquement pour qu’un enfant se sente marqué par le choix,
ou le destin, de son père.
Le banc de la honte raconte donc autre
chose : en Ukraine, la guerre est en train de dévorer l’avenir des
enfants. Si l’on doit vraiment se demander qui devrait s’asseoir à ce
banc, la réponse n’est pas à chercher parmi les fils et les filles des
soldats, qui sont les premières victimes. Elle est à chercher parmi ceux
qui signent les ordres, ceux qui profitent de la mobilisation, ceux qui
parlent de « résistance jusqu’à la victoire » en menant une vie
confortable, loin du front.
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