A qui profite
le crime ? Quel est le plan des scénaristes de l'attentat ? Pour répondre, il faut, patiemment, comprendre d'abord quelles sont
les contradictions principales et les rapports de force réels à notre
époque. États-Unis contre Chine, en passant par la Russie, avec une
Europe hésitante ; la domination unipolaire USA, maintenue par des
guerres infinies, commence, après 25 ans, à se fissurer sous les coups
de son déclin économique et de l'émergence d'autres Nations Souveraines,
puissantes militairement (Russie) et économiquement (Chine), et qui ne
sont plus disposées à rester soumises à la domination USA.
La Chine et la Russie ont besoin de temps, d'éviter le conflit frontal :
les USA, au contraire, ont hâte de précipiter et anticiper le conflit,
c'est pourquoi un nombre croissant d'analystes commencent à parler de 3ème Guerre mondiale et même du risque d'emploi d'armes nucléaires (en
Ukraine ?). Nous sommes en particulier à l'époque de la recherche de
conflit frontal avec la Russie, époque officiellement ouverte quand la
Russie a empêché l'attaque contre la Syrie (septembre 2013), poursuivie
avec le putsch USA en Ukraine, la riposte russe qui s'en est suivie avec
l'annexion après auto-détermination de la Crimée et le soutien au
Donbass, puis encore la riposte USA avec les sanctions et la destruction
de l'avion de ligne malais, dont le but était de mettre fin aux
hésitations de l'Europe pour qu'elle adopte elle aussi la politique des
sanctions et du conflit avec la Russie déjà mise en œuvre par les USA.
La résistance du Donbass, l'aggravation de la crise économique en
Ukraine, le poids croissant des sanctions russes contre l'Europe et la
détermination de la Russie elle-même (encore plus encouragée par le
soutien économique chinois), qui s'ajoutent à un contexte de crise
persistante et de déclin économique, tous ces facteurs provoquent de
nouveau des hésitations parmi les gouvernants européens. Dans les jours
précédant l'attentat, aussi bien Hollande que la vice-chancelière
allemande s'étaient prononcés pour la fin des sanctions.
Ceci
n'est pas admissible pour les USA, surtout à la veille d'une nouvelle
campagne militaire plus féroce dans le Donbass et le passage à un niveau
supérieur dans le conflit avec la Russie. Ce n'est pas admissible non
plus parce que nous sommes à la veille de la possible signature du TTIP,
l'accord économique qui pliera l'économie européenne aux volontés et
aux tribunaux des multinationales et du gouvernement USA. La signature
du TTIP est l'acte stratégique déterminant qui unifie l'OTAN aussi au
niveau économique, et scelle l'alliance USA-UE contre le reste du monde.
C'est pourquoi, du point de vue des USA, si, aux
premières hésitations européennes l'été dernier, on a forcé la main à
l'Europe avec l'attentat contre l'avion (deux jours avant la décision UE
sur les sanctions contre la Russie), aux hésitations actuelles, on
répond avec l'attentat de Paris et la menace d'une longue série d'autres
attentats sur tout le territoire européen.
Que produit un grave attentat "ethnique" en Europe ?
Peur parmi les populations,
réaffirmation de l'identité occidentale, repliement, et "resserrage des
rangs" autour d'une direction forte comme celle du "chef de file de la
civilisation" occidentale, les USA. Les gouvernants européens sont
avertis ! Pour l'exécution des actes de terrorisme, il suffit de la
structure déjà abondamment expérimentée en Italie, Gladio/Stay behind,
et, au besoin, le Mossad israélien qui a quelques motifs de rancœur
contre la France et l'UE, qui ont timidement manifesté l'intention de
reconnaître l’État palestinien. Si donc l'attentat est un message fort
des USA à l'Europe, nous verrons comment les gouvernants européens
essaieront de réagir, et nous le verrons en particulier sur le terrain
russo-ukrainien ; si l'Europe se dirige vers le retrait des sanctions
contre la Russie, nous pouvons prévoir de nouveaux attentats.
A qui cela profite-t-il encore ?
D'après ce qu'on sait des enquêtes
sur l'attentat de Piazza Fontana (1), il semble que le gouvernement
Rumor en ait eu connaissance à l'avance, mais qu'il ne pouvait pas
l'empêcher ; il essaya donc d'en tirer profit. Il se peut que ce
scénario ne soit pas vraiment improbable cette fois encore en France, vu
le comportement de la Police et l'élimination, en tant que possibles
témoins, des présumés coupables. Les élites françaises et européennes
peuvent aussi en tirer des bénéfices ; comme l'a démontré le 11
septembre, les principales victimes et cibles des attentats sont les
populations internes et celles choisies comme boucs émissaires.
Hollande a reconquis un peu plus de popularité, et contenu dans les
marges son adversaire Le Pen, pendant quelque temps la population
française pensera plutôt à l'ennemi "autre" qu'à la crise et aux patrons
de son pays, une proportion significative des travailleurs immigrés
intimidés sera réduite au silence, les contrôles de police sur les
populations européennes augmenteront, et on verra monter une xénophobie
extensible à tous, aux musulmans, mais aussi aux Chinois ou aux Russes ;
on justifie une augmentation des dépenses militaires, comme l'OTAN
l'avait fortement réclamé en septembre, et, sait-on jamais, une nouvelle
aventure militaire à la sauce européenne aussi.
Étant donné que l'Europe est en déclin économique irréversible (la dette est
en continuelle augmentation partout, et la création de valeur et la
production industrielle en baisse), il n'y a pas de perspectives de
croissance, sauf (et peut-être) un renversement d'alliances et une
intégration économique avec la Chine et les Pays en voie de
développement (ou alors : une reddition pour arracher quelques
concessions). Il s'ensuit qu'un renforcement de l’État policier,
européen ou national, est pour les élites un excellent système pour
gérer l'état de crise et contenir de probables troubles sociaux. Après
tout, c'est ce que font les USA depuis le 11 septembre 2001 :moins de
droits, moins de liberté, plus de contrôle (NSA), armer la Police en vue
de possibles troubles, et préparer des camps de rassemblement/rétention
des futurs rebelles (FEMA).
N'oublions pas que cette
virulente crise économique que, depuis 2008, on continue à retarder en
faisant marcher la planche à billets à gogo, et en accroissant le niveau
d'endettement, peut exploser à tout moment. C'est pourquoi ils doivent
contrôler, prévenir, détourner l'attention et se préparer à trouver un
coupable pour l'échec du capitalisme actuel.
"Luigi", Sinistra En Rete
Traduction : Rosa Llorens
L’auteur :
"Luigi" a écrit ce commentaire en réaction à un article d'Elisabetta
Teghil, Apprentis sorciers et joueurs de flûte, paru le 16 janvier sur
sinistrainrete : E. Teghil rappelle que les véritables responsables sont
ceux qui ont déchaîné le fondamentalisme islamique, depuis le
renversement de Mossadegh en Iran à la guerre fomentée en Syrie, en
passant par le démembrement confessionnel de la Yougoslavie; elle
conclut que la lutte à mener est plus que jamais la lutte de classes.
Note :
(1) Attentat à Milan en 1969, qu'on a d'abord voulu attribuer à un
groupuscule anarchiste, et qui donnait en fait le coup d'envoi de la
stratégie de déstabilisation prévue par le plan Gladio, mis en place par
les USA pour empêcher le "compromis historique", c'est-à-dire la
participation au pouvoir du PCI.
Lien : http://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/4587-elisabetta-teghil-apprendisti-stregoni-e-pifferai.html
Commentaires
Commentaires
I- On pourrait se demander pourquoi ceux
qui veulent le clash entre civilisations se donnent tant de mal et
dépensent tant de milliards pour nous faire prendre des vessies pour des
lanternes. C’est qu’ils ont besoin d’avoir l’opinion publique de leur
côté. Sans elle, ils ne sont rien et ne peuvent rien, mais, grâce à
elle, ils peuvent tout se permettre. Ils n’auraient jamais pu bombarder
l’Irak, l’Afghanistan ou la Libye s’ils n’avaient pas cette opinion de
leur côté. Grâce à leurs milliards, ils ont réussi à faire en sorte que
de parfaits assassins se transforment, aux yeux de l’opinion, en doux
rebelles combattants pour la liberté en Afghanistan et en Syrie. De la
même manière, ils ont réussi à ramener ces combattants de la Liberté à
leur état initial d’assassins, juste en les faisant bouger de quelques
kilomètres vers régions où il y avait besoin de bases ou d’intervention
militaire, en Irak ou au Sahel, par exemple. Ils ont même réussi à faire
accepter le fait qu’un même individu soit considéré par une haute
figure de la république comme quelqu’un qui « fait du bon boulot » en
Syrie, à condition qu’il ne s’avise surtout pas de revenir en permission
chez lui, en Europe, auquel cas il redeviendrait un exécrable
djihadiste « connu des services de police », alors que tout porte à
croire que ces personnes restent prises en main et sous contrôle du jour
de leur recrutement à leur mort en Europe ou sur le champ de bataille,
sans aucune possibilité d’en voir au moins un comparaitre un jour devant
un tribunal pour nous permettre de savoir qui ils sont vraiment.
Pourquoi les gens sont-ils enclins à
croire ces balivernes ? La simple désinformation ne suffit pas comme
explication. Il faudra qu’un jour les sociologues, les anthropologues,
les psychologues et, pourquoi pas, les psychiatres, se mettent à
sérieusement étudier la question. Il en va de la survie de l’humanité.
II- D’où provient tout cet intégrisme islamique des temps modernes ?
La plupart vient – formé, armé, financé, endoctriné – d’Afghanistan, d’Irak, de la Libye et de la Syrie. Au cours de différentes périodes, des années 1970 à nos jours, ces quatre pays ont été les états-providences les plus laïcs, modernes, instruits du Moyen-Orient. Et qu’est-il arrivé à ces états-providence laïcs, modernes et instruits ?
- Dans les années 1980, les États-Unis ont procédé au renversement du gouvernement afghan qui était progressiste, où les femmes jouissaient de tous les droits, pour aboutir à la création des talibans et leur prise de pouvoir.
- Dans les années 2000, les États-Unis ont renversé le gouvernement irakien, détruisant non seulement la laïcité, mais aussi un état civilisé, dont il ne reste que des décombres.
- En 2011, les Etats-Unis et leur appareil militaire de l’OTAN ont renversé le gouvernement libyen laïc de Mouammar Kadhafi, laissant derrière eux un état de non-droit et en répandant des centaines de djihadistes et des tonnes d’armes au Moyen-Orient.
- Et depuis quelques années les États-Unis tentent de renverser le gouvernement syrien laïc de Bachar al-Assad. Ceci, avec l’occupation américaine qui a déclenché une guerre généralisée entre sunnites et chiites en Irak, a conduit à la création de l’Etat islamique avec toutes ses décapitations et autres pratiques charmantes.
Mais malgré tout cela, le monde est plus sûr pour le capitalisme, l’impérialisme, l’anti-communisme, le pétrole, Israël et les djihadistes. Allah est grand ! et le Pétrole est son Prophète !
Depuis de la guerre froide, et la multiplication des interventions énumérées ci-dessus, nous avons affaire à 70 ans de politique étrangère américaine, sans laquelle – comme le faisait remarquer l’écrivain russo/américain Andre Vltchek – « presque tous les pays musulmans, dont l’Iran, l’Égypte et l’Indonésie, seraient aujourd’hui très probablement socialistes, sous la direction d’un groupe de dirigeants très modérés et plutôt laïcs » . Même l’ultra-répressive Arabie Saoudite – sans la protection de Washington – serait probablement un pays très différent.
II- D’où provient tout cet intégrisme islamique des temps modernes ?
La plupart vient – formé, armé, financé, endoctriné – d’Afghanistan, d’Irak, de la Libye et de la Syrie. Au cours de différentes périodes, des années 1970 à nos jours, ces quatre pays ont été les états-providences les plus laïcs, modernes, instruits du Moyen-Orient. Et qu’est-il arrivé à ces états-providence laïcs, modernes et instruits ?
- Dans les années 1980, les États-Unis ont procédé au renversement du gouvernement afghan qui était progressiste, où les femmes jouissaient de tous les droits, pour aboutir à la création des talibans et leur prise de pouvoir.
- Dans les années 2000, les États-Unis ont renversé le gouvernement irakien, détruisant non seulement la laïcité, mais aussi un état civilisé, dont il ne reste que des décombres.
- En 2011, les Etats-Unis et leur appareil militaire de l’OTAN ont renversé le gouvernement libyen laïc de Mouammar Kadhafi, laissant derrière eux un état de non-droit et en répandant des centaines de djihadistes et des tonnes d’armes au Moyen-Orient.
- Et depuis quelques années les États-Unis tentent de renverser le gouvernement syrien laïc de Bachar al-Assad. Ceci, avec l’occupation américaine qui a déclenché une guerre généralisée entre sunnites et chiites en Irak, a conduit à la création de l’Etat islamique avec toutes ses décapitations et autres pratiques charmantes.
Mais malgré tout cela, le monde est plus sûr pour le capitalisme, l’impérialisme, l’anti-communisme, le pétrole, Israël et les djihadistes. Allah est grand ! et le Pétrole est son Prophète !
Depuis de la guerre froide, et la multiplication des interventions énumérées ci-dessus, nous avons affaire à 70 ans de politique étrangère américaine, sans laquelle – comme le faisait remarquer l’écrivain russo/américain Andre Vltchek – « presque tous les pays musulmans, dont l’Iran, l’Égypte et l’Indonésie, seraient aujourd’hui très probablement socialistes, sous la direction d’un groupe de dirigeants très modérés et plutôt laïcs » . Même l’ultra-répressive Arabie Saoudite – sans la protection de Washington – serait probablement un pays très différent.