Harcelé
chez lui dans une guerre sur plusieurs fronts (une « chasse aux sorcières »)
menée par de puissantes factions de l’État profond, le président Trump, dans la
première étape de son premier voyage à l’étranger, a atterri en grande pompe
dans la pire des théocraties totalitaire.
Trump, Abou Trump al-Amriki 1,
est reçu avec les honneurs par une monarchie parasitaire qui, depuis des
décennies, exporte la matrice de toutes les formes de terrorisme djihadiste
salafiste ; un régime qui nie les droits de sa propre population et lui apprend
à haïr les étrangers, les non-musulmans, les femmes, l’art et l’héritage
culturel millénaire (par exemple, en bombardant des sites historiques inestimables
au Yémen).
Le régime réfute
encore, en tant qu’État, toute implication dans le financement des groupes
terroristes les plus extrémistes – sans, n’est-ce-pas, empêcher des Saoudiens
pieux de les financer individuellement; s’ingère dans la culture religieuse des
musulmans sunnites à travers le monde et gèle toute possibilité de débat sur
l’islam; fomente une guerre ethnique-confessionnelle entre sunnites et chiites
qui ensanglante le Moyen-Orient, dans le seul objectif d’affaiblir son rival
géopolitique, l’Iran, tout en s’abritant benoîtement derrière la protection
américaine.
Une théocratie nuisible sans la moindre qualité pour
la racheter. Et ce n’est que la version courte.
La fastueuse
sauterie de Riyad est présentée comme inscrite dans la dynamique de Trump de
soutien à la renaissance de l’industrie américaine. Dans les faits, cela se
traduit, encore une fois, par une nouvelle aubaine pour le complexe
militaro-industriel-sécuritaire-espionnage, sous la forme d’une série de
méga-contrats comprenant l’achat de 100 milliards – et possiblement de plus de
300 milliards – en armes américaines par la théocratie totalitaire.
En marge de la
vente, Trump proposera son idée d’OTAN arabe – qui est essentiellement
l’officialisation d’une symbiose entre l’OTAN et le Conseil de coopération du
Golfe qui existe déjà. Cette OTAN arabe sera destinée – en théorie – à
combattre quelques branches du fondamentalisme islamique (Daech, mais pas, par
exemple, le Front al-Nosra), mais surtout, ce que le Conseil de coopération du
Golfe considère comme une « menace
existentielle », l’Iran et, sous-entendu, le chiisme.
C’est inscrit au
menu d’un banquet partagé par tout le gang des pétrodollars et plus de 50
leaders de pays majoritairement musulmans, tous hôtes du chef nominal de la
maison Saoud, le roi Salmane, qui souffre d’Alzheimer. Ni l’Iran, ni la Syrie
n’ont été invités. Trump a délivré un discours à tous les musulmans – une
témérité de mauvais augure en soi.
L’OTAN arabe
sera de facto menée par nul autre que Trump lui-même, avec pour second couteau
nul autre que le prince saoudien belliqueux Mohammed ben Salmane, alias MBS.
Le tout nouveau
et formidable arsenal américain sera déployé – comme le veut la narrative
OTAN-CCG – dans un but de « défense »
contre l’Iran, et surtout de « défense
» contre la Syrie et le Yémen, qui, comme le démontrent leur bilan,
sont coupables de ne pas être dirigés par des fanatiques wahhabites.
Chaque grain de
sable du désert d’Arabie sait que les principales brigades djihadistes de
Syrie, la dénommée « Armée de conquête »,
menée par al-Nosra, alias al-Qaïda, sont financées par des fanatiques
wahhabites liés à la maison des Saoud. Al-Nosra bénéficiera à plein de la corne
d’abondance des nouvelles armes.
Au sujet de
l’Iran, la maison des Saoud peut même compter sur le soutien plein et entier
des généraux de Trump, « Mad Dog »
Mattis au Pentagone et le conseiller en sécurité nationale HR McMaster, qui
sont tous deux allés en Irak et considèrent Téhéran comme le Mal incarné.
Quand nous y
ajoutons le confortable compromis entre Israël et Daech, le tableau général
explose n’importe quel thermomètre dadaïste/surréaliste. De nombreux
djihadistes blessés d’al-Nosra ont été traités dans des hôpitaux militaires
israéliens. Quand Daech a accidentellement pilonné des Israéliens sur le
plateau du Golan, Moshe Ya’alon, l’ancien ministre de la défense, a
souligné d’une voix haletante que les djihadistes avaient « immédiatement présenté des excuses à Israël ».
Bien sûr qu’ils
l’ont fait. Daech travaille à faire progresser les principaux objectif stratégiques
d’Israël à travers le « Syrak »
; maintenir les États arabes laïques en état de faiblesse, fragmentés,
ensanglantés par des guerres perpétuelles. Il se trouve que ce sont également les objectifs
stratégiques de l’État profond américain, Trump ou pas Trump. La
nouvelle colossale vente d’armes s’inscrit parfaitement dans ce cadre.
Il ne pourrait
pas y avoir de meilleure illustration des nouvelles lignes de front ; d’un
côté, nous avons Washington, la maison des Saoud, le CCG et Israël (le CCG
meurt d’envie de passer
un accord avec Tel-Aviv, quitte à abandonner du même coup les Palestiniens)
; de l’autre côté, nous avons l’Iran, la Syrie – et la Russie.
Il
pleut du cash pour des armes !
La simple visite
en elle-même – avec toute la maison des Saoud et son empire médiatique
tentaculaire joyeusement prostrés devant la voix de leur maître – démontre à
quel point ils sont restés les mêmes depuis le bon vieux temps de la rencontre Roosevelt/roi
Saoud sur le USS Quincy. Encore une fois, la maison des Saoud achète la
protection des USA – et la mafia du parti de la guerre sait reconnaître « une offre impossible à refuser » quand
elle la rencontre.
L’alliance entre
Abou Trump al-Amriki et le vice-prince héritier MBS fera date. En tant que
belliciste agressif et égoïste se prenant pour un expert en économie, MBS est
en train de collectionner les ennemis haut placés à Riyad.
L’Arabie saoudite est un État rentier de bas étage, en
version bédouine [1],
infestée de paternalisme. La population saoudienne était estimée à 26 millions
d’habitants l’année dernière ; la population active à 18 millions. Au bas mot,
il y a 9,4 millions de travailleurs immigrés et au moins 2 millions d’illégaux.
En pratique, nous n’avons pas plus de 8 millions de Saoudiens dans les rangs
des travailleurs, dont seuls 41% travaillent à temps plein.
MBS a fait le
tour des capitales occidentales pour la promotion de son programme « Vision 2030 » qui – en théorie –
réduirait la dépendance saoudienne au pétrole. Il comporte, entre autres, une
réduction des salaires pour les fonctionnaires d’État ; moins de subsides
énergétiques ; des ventes de terrains autour de La Mecque ; et surtout la vente
de 5% des parts du géant pétrolier Aramco à des investisseurs étrangers à
travers une gigantesque IPO prévue pour l’année prochaine, et censée rapporter
plus de 100 milliards à investir dans des projets d’énergie solaire et
nucléaire. Tout est au conditionnel. Ce qui est certain, c’est que pendant
qu’il prêchait l’austérité, MBS n’a mis que quelques heures, l’été dernier, à
se décider à acheter le yacht du milliardaire russe Youri Sheffler, pour 550
millions d’euros, après l’avoir vu pendant ses vacances sur la Côte d’Azur.
Et puis, il y a
le Yémen – sur le terrain, c’est le Vietnam de la maison des Saoud et tout
particulièrement de MBS. En conséquence directe de la guerre de MBS, l’ONU
estime à 17 millions le nombre de Yéménites qui sont en « insécurité alimentaire », c’est-à-dire
qu’ils sont en train de mourir de faim, y compris 3,3 millions de femmes
enceintes ou allaitantes et d’enfants. Trump soutient pleinement la guerre
contre le Yémen.
Sur Daech, le
grand écrivain algérien Kamel Daoud a dit quelque chose d’impeccable : « Daech a une mère, l’invasion de l’Irak. Mais
il a aussi un père, l’industrie idéologique de l’Arabie saoudite. » Depuis 2009, WikiLeaks a éclairci un
point : des donateurs privés saoudiens sont la première source de financement
des djihadistes-salafistes.
N’espérez pas
que les conseillers de Trump le lui expliquent. Quel que soit le nom qu’elle se
donne, salafisme ou wahhabisme, la doctrine officielle reste une branche
ultra-puritaine de l’islamisme qui appelle à un djihad expansionniste. La
maison des Saoud et le califat djihadiste sont les deux faces de la même pièce
théocratique totalitaire. L’accueil enthousiaste réservé à Trump et à ses
velléités de combat contre Daech par la maison des Saoud, c’est le nec plus
ultra des sketches de Monty Python.
Mais, la maison des
Saoud peut toujours compter sur les Occidentaux naïfs/cupides – le même bon vieil effet
Roosevelt/roi Saoud. Tout ce dont elle a besoin est d’une tactique de
diversion. Par exemple, il y a quelques semaines, l’interview de MBS sur al-Arabiya TV et la télé saoudienne, où
il proclamait « Nous
n’attendrons pas jusqu’à ce que la bataille vienne sur le sol saoudien, mais
nous travaillerons pour la porter sur le sol iranien », tout en affirmant, de façon risible,
que les chiites iraniens veulent prendre La Mecque. De fait, depuis des années,
la CIA organise des jeux de guerre sur ce modèle exact d’invasion – mais
perpétrée par des commandos américains.
Quand MBS a
promis, en cabotinant à outrance, avant la visite de Trump, de porter « la guerre » contre l’Iran en territoire
iranien, il a peut-être eu les yeux plus gros que le ventre. Il est tout à fait
possible
que Trump ne recherche plus la confrontation ouverte avec Téhéran, puisqu’il a
besoin de l’Iran et de la Russie pour arriver à une sorte d’accord de paix en
Syrie (comme en ont discuté Trump, Tillerson et Lavrov à la Maison-Blanche).
Donc, pour le
moment, pourquoi ne pas se prélasser dans l’éclat de l’adulation saoudienne ?
Il pleut du cash pour des armes, et personne ne sait mieux qu’Abou Trump
al-Amriki qu’il n’y a pas de business plus rentable que le business de la
guerre (par procuration).
Par Pepe Escobar
– Le 22 mai 2017 – Source Sputnik
News via entelekheia.fr
Traduction entelekheia.fr
Notes
- NdT : « Abou Trump al-Amriki » ou « Abou Ivanka al-Amriki » signifient « le père Trump l’Américain » ou « le Père d’Ivanka d’Amérique ». Ce sont les noms donnés à Trump par les djihadistes du « Syrak » enthousiasmés par ses frappes de missiles contre la Syrie. ↩
[1] Témoignage.
Les terroristes islamistes sont les dignes héritiers des bédouins arabes du
7ème siècle
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Donald Trump contre le jihadisme
Le
discours de Donald Trump aux dirigeants du monde musulman marque un
changement radical de la politique militaire US. Désormais l’ennemi
n’est plus la République arabe syrienne, mais le jihadisme, c’est-à-dire
l’outil stratégique du Royaume-Uni, de l’Arabie saoudite et de la
Turquie.
Lors de sa campagne électorale, Donald Trump avait
déclaré à la fois ne pas vouloir renverser de régimes et vouloir mettre
un terme au terrorisme islamique. Depuis son élection, ses adversaires
tentent de lui imposer de poursuivre leur politique : s’appuyer sur les
Frères musulmans pour renverser la République arabe syrienne.
Tout a été utilisé pour détruire l’équipe qu’avait constitué le
candidat Trump, notamment en provoquant la démission de son conseiller
de Sécurité nationale, le général Michaël Flynn. Celui-ci s’était opposé
en 2012 au projet de Barack Obama de créer Daesh et il ne cessait de
désigner les Frères musulmans comme la matrice du terrorisme islamique.
Tout a été utilisé pour faire passer le nouveau président états-unien
pour un islamophobe. Ainsi a-t-il été critiqué pour avoir promulgué un
décret interdisant l’entrée dans son pays des ressortissants de six
États musulmans. Des magistrats démocrates ont abusé de leurs fonctions
pour étayer cette accusation. En réalité, Donald Trump a suspendu
l’entrée de personnes dont ses consulats ne pouvaient vérifier
l’identité parce qu’elles dépendent de six États troublés ou en guerre.
Le problème que rencontre Donald Trump n’est pas posé par la survie
de la République arabe syrienne, mais par la perte que représenterait
pour certains alliés de Washington la fin de la stratégie terroriste.
C’est bien connu, dans toutes les conférences internationales, tous les
États s’opposent publiquement au terrorisme islamique, mais en privé
certains d’entre eux l’organisent depuis 66 ans.
C’est d’abord le cas du Royaume-Uni qui a créé en 1951 la confrérie
des Frères musulmans sur les ruines de l’organisation homonyme, dissoute
deux ans auparavant et dont presque tous les anciens dirigeants étaient
emprisonnés. C’est ensuite celui de l’Arabie saoudite qui, à la demande
de Londres et de Washington, a créé la Ligue islamique mondiale pour
soutenir à la fois les Frères et l’Ordre des Naqshbandis. C’est cette
Ligue, dont le budget est supérieur à celui du ministère saoudien de la
Défense, qui alimente en argent et en armes l’ensemble du système
jihadiste dans le monde. C’est enfin le cas de la Turquie qui assure
aujourd’hui la direction des opérations militaires de ce système.
En consacrant son discours de Riyad à la levée des ambiguïtés sur son
rapport à l’islam et à l’affirmation de sa volonté d’en finir avec
l’outil des services secrets anglo-saxons, Donald Trump a imposé sa
volonté à la cinquantaine d’États réunis pour l’écouter. Pour éviter les
malentendus, son secrétaire à la Défense, James Mattis, avait deux
jours auparavant explicité sa stratégie militaire : encercler les
groupes jihadistes, puis les exterminer sans en laisser s’échapper.
On ignore pour le moment ce que sera la réaction de Londres. Pour ce
qui est de Riyad, Donald Trump a pris bien soin de blanchir les Séoud de
leurs crimes passés. L’Arabie saoudite n’a pas été mise en cause, mais
l’Iran a été désigné comme bouc-émissaire. C’est évidemment absurde, les
Frères musulmans et les Naqshbandis étant sunnites tandis que Téhéran
est chiite.
Peu importe la charge anti-iranienne de son discours, Téhéran sait
bien à quoi s’en tenir. Depuis 16 ans, Washington —qui ne cesse de lui
cracher au visage— détruit un à un tous ses ennemis : les Talibans,
Saddam Hussein et bientôt Daesh.
Ce qui se joue aujourd’hui, et que nous avons annoncé il y a huit
mois, c’est la fin des printemps arabes et le retour de la paix
régionale.
“Donald Trump’s Speech to the Arab Islamic American Summit”, by Donald Trump, Voltaire Network, 21 May 2017.
« À Riyad, Donald Trump parle du terrorisme, pas de l’islam », Réseau Voltaire, 22 mai 2017.
Source
Al-Watan (Syrie)
Al-Watan (Syrie)