La première visite à
l’étranger d’un président fraîchement élu est toujours symbolique et
volontairement révélatrice des axes principaux de sa politique à venir.
Or, si le nouveau président
français, Emmanuel Macron, a décidé de se rendre en Allemagne, annonçant ainsi
que l’Europe libérale détestée par une majorité croissante d’Européens sera
encore plus libérale à l’avenir, ce n’est pas une destination européenne, ni
sud-américaine, russe ou chinoise qu’a choisie le nouveau président des
États-Unis, Donald Trump. C’est l’Arabie Saoudite qu’il a honorée de sa
première visite en tant que chef d’État.
« On
dit que l'argent n'a pas d'odeur : le pétrole est là pour le démentir. »
Jadis, un
autre président américain avait eu une démarche particulièrement déférente à
l’égard du royaume saoudien, encore en devenir à l’époque…
Il s’était
agi de Franklin Roosevelt qui, à bord du croiseur Quincy voguant en Mer Rouge,
avait rencontré le roi Abdelaziz Ibn Saoud (qui venait de donner son nom à un
nouvel État en péninsule arabique), et ce dans le but de lui proposer un
« deal » : les États-Unis protégeraient de leur puissante armée
le trône de la famille Saoud, y compris si devait survenir une insurrection
populaire à son encontre, en échange de quoi la famille régnante garantirait
aux États-Unis une réserve pétrolière permanente et sans risque de rupture de
l’approvisionnement.
L’accord
ainsi passé le 14 février 1945 concluait plusieurs années de relations et de
tractations fructueuses entre Washington et le prince al-Saoud, que la jeune
puissance mondiale avait discrètement aidé à s’emparer de son royaume. Signé
pour soixante ans, le Pacte du Quincy est toujours en vigueur : il a été
reconduit par George Bush fils en 2005.
Toutefois,
l’ère Obama (qui devait changer le monde, mais n’a tenu aucune de ses
promesses) avait donné l’impression que la rupture entre Washington et Ryad
était imminente : l’exploitation du « pétrole de schiste » et le
retour au charbon ont rendu les États-Unis presque indépendants sur la plan
énergétique, de quoi ne plus s’encombrer de cet étrange allié qui soutient
al-Qaïda et aurait même financé les attentats du 11 septembre 2001 ; le
retour au beau-fixe espéré avec l’Iran chiite (après l’élection du « modéré »
Hassan Rohani à la présidence), qui avait provoqué l’ire des Wahhabites
saoudiens ; le soutien avéré des Saoudiens à l’État islamique… Autant de
sujets de crispation qui avaient amené le nouveau roi, Salman, en mai 2015, à
boycotter la conférence qui réunissait à Washington le Conseil de Coopération
du Golfe (CCG) et la diplomatie américaine.
Mais les
difficultés militaires des Saoudiens au Yémen, face à l’expansion des rebelles
houthistes et de l’influence chiite, la contestation citoyenne qui enfle en
Arabie Saoudite ou encore la menace croissante de l’Iran qui gagne des
points partout dans la région, au Liban, en Syrie, en Irak, semblent avoir eu
raison de la grogne royale.
Aussi,
« Dady » serait-il venu mettre les choses au point ? De son
côté, « Dady » apparaît moins fanfaron, alors qu’il tempêtait
naguère contre les coûts que la défense de l’Arabie Saoudite faisait supporter
au trésor américain.
Alors, à
quoi faudra-t-il s’attendre, après ce voyage emblématique du président
Trump ?