Il est
vrai qu’il y a ces derniers jours une avalanche d’incroyables déclarations,
surtout de “D.C.-la-folle” naturellement, mais aussi d’autres lieux du bloc-BAO
“bloc
américaniste-occidentaliste”, notamment de Paris-France, de la part de
notre ministre de la défense, pour cette fois l’épatant Le Drian, – j’ai évité
“Brillant”, trop voyant... C’est à propos de "notre victoire" en Syrie. Ah oui,
tiens, vous ignoriez cela, vous autres... C’est nous et personne d’autre, nous,
de la coalition du monde postmoderne-tardif de la liberté, qui l’avons
emportée, éradiquée, décapitée, réduite en poussières sanglantes, la “bête
immonde“, le ci-devant Daech... Nous-autres, mon
Dieu-le-Père-et-Mère ! Et personne d’autre !
C’est-à-dire,
hein, soyons clairs, ni
les Russes bouseux de l’indescriptible Poutine, ni les Syriens immondes de
l’Assad-infâme, totalement paralysés sinon complices, les uns et les
autres, du ci-devant Daech. Il y a donc Le Drian, agacé
mais aimable, et puis discrètement stupéfait que “nos amis Russes” prétendent
avoir pris la part la plus importante dans ce magnifique Austerlitz
postmoderne-tardif du bloc-BAO : « Je trouve parfois un peu surprenant que la
Russie s'approprie la victoire contre Daech », dit-il
ajoutant que la désintégration de Daech est survenue « grâce
aux actions de la coalition » !
Du côté
US, il y a eu aussi des éructations de The-Donald, durant un conseil
des ministres, parlant de Mattis (Pentagone-sur-stéroïdes), devant Mattis
puis directement s’adressant à lui, à propos de Daech, toujours : « Putain,
il les a mis à genoux ! Bien entendu, c’est moi qui ait rendu ça possible
en te laissant y aller, c’est juste non ? »
Un peu plus tard, un élégant porte-parole de la coalition, dite CJTF-OIR (Combined
Joint Task Force Operation Inherent Resolve), très strict, très
neutre, très factual : « La
coalition conduite par les USA, et nullement la Fédération de Russie ou le Régime
Syrien, est la seule force qui a fait des progrès significatifs contre ISIS
[Daech] »
Zakharova, la
sarcastique et ravissante porte-parole du ministère des affaires étrangères
russes, un peu épuisée par l’avalanche, a noté sur sa page Facebook :
« Nos partenaires occidentaux ont dit ces
derniers jours que ce n'était pas la Russie, mais la coalition qui a vaincu l'État
islamique en Syrie. Mes chers Messieurs, mais arrêtez donc ! Vos
triomphes, c’est l’Irak, la Libye et l’Afghanistan. C’est d’eux que vous
devriez être fiers. »
Je
précise aussitôt, pour ne laisser planer aucune identité, que ces divers
extraits sont tirés d’un texte du site
de RT en anglais, spécialiste des FakeNews en toutes langues,
auxquelles j’ai rajouté mes propres FakeNews en traduisant la chose.
C’est pour dire que nous sommes entre amis et complices.
... Car
enfin, comment, oui comment tous ces braves gens, ministres en tête,
peuvent-ils proférer d’aussi crépusculaires et abyssales balourdises et autres
grotesqueries réduites à des poussières sans fin de mensonges aussi colossaux ? Encore, de Trump, cela se
conçoit... Comment, dis-je, comment peuvent-ils ? Eh bien c’est simple, en disant des mensonges dont ils
croient, en s’en persuadant avec l’aide de leurs conseillers, qu’il s’agit de
la réalité et non de mensonges. Cette idée rejoint le texte d’hier
sur la CIA et OSINT (Open Sources INTelligence), qui
contient, je pense bien, quelques idées absolument fondamentales.
Autrement
dit, je ne crois pas qu’ils profèrent tout ce qu’ils profèrent, comme l’on
profère des mensonges, mais comme l’on énonce quelques délicates vérités qu’il
s’agit de protéger des barbares qui roulent en FakeNews modèle GT-turbo.
Il y a, dans le texte référencé sur la CIA et OSINT, ce passage :
« ...Cela, en
acceptant l’idée qui est absolument nôtre, qu’il n’y a pas, au cœur de
l’attitude de ces pays [du bloc-BAO], anti-Assad et antirusse, une démarche
volontaire et cynique de tromperie c’est-à-dire avec la connaissance de
la vérité-de-situation
dans tous ces cas. C’est là, pour nous, une conviction essentielle :
au départ, il y a cette croyance “sincère” anti-Assad et antirusse, même si,
ensuite, on se trouve acculé à refuser et à récuser contre tout bon sens des
évidences, à dissimuler et à déformer sauvagement des vérités, parce qu’on est
justement pris dans l’engrenage du déterminisme-narrativiste. De là,
des tensions psychologiques souvent insupportables,
occasionnées par le “mensonge forcé”, ou mensonge auquel on est obligé de
croire, qui induit à un dérèglement psychologique, une véritable pathologie et
ainsi de suite. On voit les signes de ce déséquilibre psychologique
partout aujourd'hui dans le fonctionnement et les situations de nos directions
politiques. »
C’est une chose, une enquête, un
constat, une certitude mille fois passée et repassée au filtre de la preuve et
mille fois confirmée, qui me poursuit depuis des années, largement depuis
la saison crépusculaire d’après 9/11 où la vérité fut absolument mise en cause
jusqu’à la négation de son existence. Je découvris assez vite
que ce n’était pas tout à fait un mal, car bas les masques ! – car la
vérité qui nous servait encore de piètre référence était en lambeaux, trouées
de simulacres et de narrative diverses, une vérité si
complètement en trompe-l’œil qu’il valait mieux qu’une voix officielle [celle
de Rumsfeld-le-philosophe]
nous
annonçât son trépas pour le compte du Système et de ses dépendances
hégémoniques. Il valait mieux que l’on jouât cartes sur table,
pour enfin qu’il fût acté officiellement que la Carte Suprême, le Joker de
toutes les interrogations du monde, avait disparu du jeu qu’ils nous imposaient.
Cette
situation ne pouvait rester figée, en l’état, parce qu’elle était instabilité
même, déséquilibre, ébranlement continuel. En réalité, ou non, plutôt “en
vérité”, cette situation était l’entame d’une dynamique qui, depuis le 11
septembre, n’a plus cessé de déployer sa surpuissance dans
une succession extraordinaire de chaos et de soubresauts. On sait le
destin dont, je crois, le Ciel charge ce phénomène, – surpuissance-autodestruction,
– et je crois que l’évolution depuis lors ne cesse de le confirmer. Dans cette
dynamique diabolique, les
premières victimes de cette négation officielle de la vérité furent et sont
plus que jamais les négationnistes eux-mêmes, et précisément les
directions-politiques au service du Système et les élites-Système, bref les zombies-Système
en général. Au long de diverses phases (virtualisme, narrative,
simulacre), ils apprirent à se charger de mensonges dont ils proclamaient en le
croyant absolument qu’il s’agissait des matériaux d’une “nouvelle histoire”,
– une “nouvelle réalité” ou éventuellement une “nouvelle vérité”. (Comme
Karl Rove, chef de la communication de GW Bush, disant à Ron
Suskind à l’été 2002 : « Nous sommes un empire maintenant et quand nous
agissons nous créons notre propre réalité. Et alors que vous étudierez cette
réalité, – judicieusement, si vous voulez, – nous agirons de nouveau, créant
d’autres nouvelles réalités, que vous pourrez à nouveau étudier, et c’est ainsi
que continuerons les choses. Nous sommes [les créateurs] de
l’histoire... Et vous, vous tous, il ne vous restera qu’à étudier ce que nous
avons [créé]. »)
Au
travers de tous ces rappels, dans ce dédale d’événements prodigieux et de
rythmes fous, il y a bien une ligne d’évolution, qui est, dans le chef de ces
élites-Système, de croire de plus en plus fermement
aux simulacres qu’ils développent et aux mensonges dont ils sont obligés de les
peupler à mesure qu’avancent les choses. Ainsi se renforcent ma
croyance et ma conviction qu’ils mentent sans le savoir, qu’ils ne mentent pas
mais qu’ils disent des mensonges qu’ils croient vrais ;
ils sont, selon le philosophe-Rumsfeld, dans le domaine du “unknown
unknown” (“les choses inconnues dont on ignore qu’elles existent”,
à la différence des domaines “known unknown”, – “les choses
inconnues dont on sait qu’elles existent”).
C’est
ici que je veux en revenir à la citation, plus haut, du texte d’hier,
s’appliquant à nos ministres et excellences qui vous disent aujourd’hui que les Russes
n’ont rien fait en Syrie, et qu’eux-mêmes ils ont tout fait, comme
ils affirmaient il y a trois ans que les Russes avaient tout fait en Ukraine,
et que les autres, les amis, n’avaient rien fait... Ils disent donc des
mensonges en croyant dire du vrai, ou plutôt en croyant qu’ils reflètent le vrai même
s’ils les tripatouillent un peu pour les faire correspondre, et
se surprennent parfois à s’interroger eux-mêmes ; d’où leur tension, en
vérité...
«...De là,
des tensions psychologiques souvent insupportables,
occasionnées par le “mensonge forcé”, ou mensonge auquel on est obligé de
croire, qui induit à un dérèglement psychologique, une véritable pathologie et
ainsi de suite. On voit les signes de ce déséquilibre psychologique
partout aujourd'hui dans le fonctionnement et les situations de nos directions
politiques. »
Quoi
qu’il en soit du degré de croyance sincère dans le “mensonge forcé”
qu’exécutent ces gens, de toutes les façons protégés ou prisonniers je ne sais
dans leur nécessité morale par la “vérité“ de départ (le virtualisme/la narrative/le
simulacre de départ pour nous), je crois qu’ils subissent tous dans leurs
psychologies le poids de ce mensonge. C’est une chose terrible
à la longue, justement une tension psychologique insupportable.
Les
Russes qui ont vécu le communisme en ont beaucoup à nous apprendre là-dessus, et c’est
sans doute pour cela qu’ils ne se laissent pas berner aujourd’hui.
Nombre de témoignage des époques de terreurs diverses, du léninisme au
brejnévisme, expliquent que la chose la plus terrible était le poids du
mensonge : de Chostakovitch en 1941 acclamant la guerre pare qu’elle
libérait le peuple russe du mensonge (*), à Boukovski en 1975 expliquant qu’on
se sentait “plus libre” dans les camps parce qu’on n’était pas obligé de singer
un comportement dicté par le mensonge, à Soljenitsyne expliquant aux dirigeants
soviétiques (**) que « la pire souffrance infligée à la population de
ce régime pesamment idéologisé n’était pas la famine ou l’oppression (aspects
néanmoins terribles), mais l’obligation de mentir, de prétendre voir réalisée
une “société socialiste” qui n’avait jamais existé ».
Encore
était-il nombreux, en URSS, à avoir une conscience plus ou moins grande de leur
obligation de vivre dans le mensonge. Aujourd’hui, nos
zombies-Système vivent dans le mensonge sans le savoir très-consciemment, sinon
par brefs éclairs de doute. Mais je prétends que même sans
cette conscience et peut-être avec plus de force parce que non réalisé, le
poids du mensonge pèse sur leurs psychologies et les rend
de plus en plus instables, vulnérables, hystériques, maniaques ou schizophrènes,
affolés, perdant le sens des choses, avec des orientations et
des décisions à mesure.
D’un
certain point de vue qui n’est pas loin d’être le plus intéressant, c’est tout
l’intérêt de ce texte d’hier sur l’OSINT qui rencontre complètement mes convictions
sur l’information telle que le système de la communication la distribue
aujourd’hui, avec ses formidables moyens et son double
jeu du Janus.
Pour
cette raison, je peux avancer cette analyse d’une plume de plus en plus assurée.
Ayant suivi toutes les affaires du monde en “sources ouvertes”, comme Steele
recommande de faire pour obtenir la meilleure organisation de renseignement
possible, j’ai vu, – ou pourrais-je dire au nom d’un certain nombre, “nous
avons vu” les choses se faire, les drames se nouer et aussi les “mensonges
forcés” se constituer et continuer à le faire successivement, en toute hâte et
de plus en plus vite, à mesure des exigences du Système. Nous ne sommes pas les
maîtres du monde comme si nous possédions la vérité mais, grâce aux situations-de-vérité
qu’il nous arrive de croiser, de frôler et d’interroger pour étancher notre
soif de résistance, nous pouvons distinguer et identifier sans le
moindre doute qui sont les esclaves, – grâce à cette “vérité
qui illumine”, la veritas
lucens de Saint-Augustin.
Notes
(*) Voir
le texte du 21
novembre 2014 : « Le précédent de 1941 doit être à l’esprit, pour
ce qui est de la situation d’une Russie terriblement affaiblie face à un danger
brutal : un peuple anesthésié, fracassé, déstructuré par la plus
épouvantable terreur stalinienne (la Iejovtchina, la Grande Terreur des
années 1936-1939), retrouvant instantanément toutes ses qualités pour se
dresser contre l’Allemagne. (On doit lire les Mémoires de
Chostakovitch, observant combien l’attaque allemande de juin 1941 fut une
“libération” pour le peuple russe, presqu’un moment d’enthousiasme et de
bonheur parce qu’elle plaçait soudain ce peuple, après l’univers
fantasmagorique de la terreur stalinienne, devant une “vérité de situation” –
le destin de la Russie, – avec laquelle on ne transige pas et par laquelle
l’existence acquiert un sens indiscutable.) »
(**) Évoqué
par Rémi Brague dans Où va l’histoire ? D’après la Lettre
aux dirigeants soviétiques de Soljenitsyne.
lundi 11 décembre 2017
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