mardi 22 avril 2025

La riposte tarifaire de la Chine

Un entretien avec Hua Bin

Trump n’a pas de vision claire, ses objectifs supposés sont contradictoires & on sait qu’il agit sans réfléchir, sans peser ses mots, changeant constamment d'avis & assumant sans honte ses mensonges éhontés.

Question 1 — Quel est l'objectif des droits de douane imposés par Trump à la Chine, et seront-ils efficaces ?

Hua Bin Je ne pense pas que Trump en ait lui-même une idée très claire, car bon nombre des objectifs supposés sont contradictoires et, historiquement, on a vu que c'est quelqu'un qui agit sans réfléchir, qui ne pèse pas ses mots, qui change constamment d'avis et qui assume sans honte ses mensonges éhontés.

Cela dit, il a évoqué plusieurs objectifs :

1.  Les droits de douane comme source de revenus pour compenser les réductions d'impôts qu'il prévoit d'accorder aux donateurs

2.  Utiliser les droits de douane pour relocaliser la production et réindustrialiser

3.  Les droits de douane comme moyen d'embargo commercial contre la Chine

4.  Les droits de douane comme outil de négociation pour obtenir des concessions de la part des partenaires commerciaux (acheter plus de produits américains, investir aux États-Unis, acheter des bons du Trésor américain à 100 ans sans intérêt, acheter des armes américaines, etc.

Dans l'esprit de Trump, les points 2, 3 et 4 sont tous liés à la Chine. La Chine serait le principal responsable des pertes d'emplois dans le secteur manufacturier aux États-Unis. La réindustrialisation vise donc en grande partie à rapatrier les emplois depuis la Chine. L'imposition de sanctions commerciales à la Chine, voire un embargo total, est évoquée depuis longtemps dans le cadre du découplage des deux économies et de la préparation d'un éventuel conflit militaire. En réalité, les deux parties souhaitent réduire ou éliminer leur dépendance mutuelle, même si Trump manquent de patience et de stratégie.

Enfin, je ne doute pas que les concessions que Trump souhaite obtenir de ses autres partenaires commerciaux aient pour objectif de réduire leurs relations économiques avec la Chine. Le but est d'isoler économiquement la Chine (comme l'ont clairement exprimé Bessent et Lutnick). C'est essentiellement ce que l'Occident a utilisé contre la Russie après qu'a éclaté la guerre en Ukraine, mais Trump semble prêt à accélérer le mouvement contre la Chine, faute d'un prétexte plus crédible.

Trump pense peut-être qu'il joue aux échecs en 3D, mais son plan n'a pas été bien pensé, ce qui est évident maintenant que la Chine refuse de céder. Après l'effondrement des actions, des obligations et du dollar, il a paniqué et est revenu sur une partie de son programme, témoignant clairement d'une mauvaise préparation et d'hypothèses erronées. Bien sûr, il n'a pas hésité à aider sa famille et ses amis à profiter de la tourmente des marchés via des délits d'initiés (à l'instar de Hunter Biden qui s'est servi de l'influence de son père pour son enrichissement personnel).

D'autres indices montrent que sa stratégie tarifaire est bancale, notamment le ridicule calcul derrière les droits de douane “réciproques” et les nombreuses contradictions entre ses intentions et ses actes. Par exemple, pourquoi a-t-il choisi d'humilier les partenaires commerciaux venus négocier (Trump leur a dit “kiss my ass”) ? S'il voulait vraiment obtenir leur aide pour imposer un embargo à la Chine, comment peut-il espérer y parvenir sans la contribution de la plus grande puissance manufacturière mondiale (la Chine), qui contrôle une grande partie des chaînes d'approvisionnement essentielles ?

Personnellement, j'aurais licencié quiconque m'aurait présenté un plan d'affaires aussi mal ficelé. Mais les États-Unis sont désormais un État dirigé par un seul homme, ils n'ont donc aucune obligation de rendre des comptes et Trump fait ce qu'il veut.

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi : “Nous respecterons les règles fondamentales du libre-échange. Nous ne céderons pas à la politique du plus fort ni à l'intimidation”. vidéo (2 minutes)

Question 2 — Quel pays sera le plus touché par les droits de douane : les États-Unis ou la Chine ?

Hua Bin Comme la Chine l'a déclaré à maintes reprises, il n'y a pas de gagnant dans une guerre commerciale. Mais en l'absence de règlement négocié, la Chine souffrira probablement davantage à court terme de la perte du marché américain. Cela aura un impact sur le PIB et l'emploi. Il est clair que le pays doit stimuler davantage la consommation intérieure, ce qui est aujourd'hui plus urgent que jamais. Elle doit également réorienter une partie de ses échanges commerciaux vers d'autres pays. Des pressions déflationnistes pourraient se faire sentir au niveau national, mais la Chine dispose de nombreux leviers budgétaires pour stimuler la consommation et atténuer l'impact, d'autant que l'État contrôle les flux de crédit via les banques publiques. À plus long terme, la guerre commerciale actuelle ouvrira probablement la voie à un découplage complet entre les deux superpuissances économiques mondiales (à l'instar de la séparation entre la Russie et l'Occident).

Côté américain, l'impact à court terme se traduira par la perte du marché chinois pour ses produits agricoles et énergétiques (qui représentent 70 % des importations chinoises en provenance des États-Unis). L'inflation est inévitable. On peut s'attendre à des pénuries de certains biens pour les consommateurs, les entreprises et de nombreux fabricants américains qui dépendent de pièces, de composants et de minéraux essentiels importés de Chine pour leur production (tels que les machines-outils, les terres rares, les batteries et les ingrédients pharmaceutiques actifs). Il faut surtout retenir que la Chine se trouve au sommet de la chaîne d'approvisionnement mondiale, tandis que les États-Unis se trouvent au bas de la chaîne. Ainsi, toute perturbation de la chaîne d'approvisionnement aura des répercussions en cascade, amplifiant les préjudices infligés à l'économie américaine.

Compte tenu de la position dominante de la Chine dans de nombreuses chaînes d'approvisionnement de haute technologie, ces répercussions risquent de devenir des problèmes à long terme. Les entreprises américaines devront investir davantage dans les investissements en capital afin de renforcer les chaînes d'approvisionnement nationales, les usines, la main-d'œuvre qualifiée, etc., pour un coût de plusieurs centaines de milliards de dollars. Malheureusement, ces nouvelles industries américaines seront confrontées à une concurrence acharnée sur les marchés internationaux et ont peu de chances d'être rentables avant un certain temps. De plus, rares sont les chef d'entreprise qui souhaiteront investir les capitaux nécessaires à la réindustrialisation sans garanties explicites de la part du gouvernement que leurs investissements seront protégés. (Le revirement de Trump sur ces questions ne facilite certainement pas les choses.)

À mon avis, cette transition (vers un “pays producteur”) sera extrêmement douloureuse, voire irréalisable pour les États-Unis. C'est sans doute pourquoi la Chine adopte une position inflexible et a clairement fait savoir qu'elle se battrait jusqu'au bout si les États-Unis persistent à imposer cet engagement déloyal. En bref, Trump n'a aucune carte à jouer face à la Chine.

Question 3 – À votre avis, Trump devrait-il rechercher une plus grande intégration économique avec la Chine, ou poursuivre sur la voie actuelle de l'isolement économique, des sanctions et des conflits ?

Hua Bin Il ne fait aucun doute qu'une coopérative économique est mutuellement bénéfique et, franchement, les États-Unis pourraient avoir besoin de l'aide de la Chine pour se réindustrialiser, si tel est leur véritable objectif. Et les deux économies sont complémentaires à bien des égards. Les États-Unis enregistrent en fait un excédent de plusieurs milliards de dollars avec la Chine dans le domaine des services, bien que le régime Trump ait choisi de se concentrer entièrement sur le commerce des marchandises, où il affiche un déficit structurel avec la plupart des pays du monde. (Remarque : en 2024, le déficit commercial des États-Unis avec la Chine s'élevait à environ 295 milliards de dollars pour les seules marchandises, selon le Bureau du recensement des États-Unis. Si l'on inclut les biens et les services, le déficit s'élevait à environ 263 milliards de dollars, comme l'a rapporté le Bureau of Economic Analysis). Les États-Unis exportent beaucoup plus de technologies, de biens intellectuels, de services financiers, de services aux entreprises, d'éducation et de tourisme vers la Chine que l'inverse. Les deux économies présentent de nombreuses synergies. Toutefois, compte tenu du consensus politique actuel aux États-Unis qui consiste à traiter la Chine comme le nouveau croque-mitaine, tout compromis est hautement improbable. Et même si un accord venait à être conclu, je ne pense pas que la confiance soit assez forte de part et d'autre pour le maintenir très longtemps.

Un divorce économique et commercial est donc très probable, si ce n'est immédiatement, dans les trois à cinq prochaines années. Le monde risque de se diviser en deux camps, la plupart des pays essayant de trouver un équilibre entre la Chine et les États-Unis.

À long terme, la Chine dispose selon moi de l'économie la plus dynamique des deux pays et sortira victorieuse de la guerre commerciale actuelle. En revanche, les États-Unis auront beaucoup plus de mal à sortir de l'ornière tout en essayant de gérer la chute des marchés, l'affaiblissement constant de leur devise et une dette colossale. Bien sûr, la pire option pour les États-Unis serait une confrontation militaire directe avec la Chine. Comme je l'ai fait valoir dans des articles précédents, les États-Unis perdraient sans aucun doute une guerre contre la Chine, accélérant considérablement le déclin américain. Si cela devait se produire, l'ordre international d'après-guerre serait réduit à néant.

 

Par Mike Whitney & Hua Bin, le 21 avril 2025

Traduit par Spirit of Free Speech

 

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