mercredi 28 mai 2025

Les impérialistes américains ralentissent la « révolution » trumpiste (Meyssan)

De nombreux journalistes font semblant de ne pas comprendre ce qui se joue à Washington. Pour eux, Elon Musk et Donald Trump s’approprient ce qu’ils peuvent de l’État fédéral sans rien changer aux structures. La réalité est toute autre : le président des États-Unis tente de démanteler l’impérialisme dont son pays fait preuve. Il détruit les agences, secrètes ou publiques, qui, sous des prétextes divers, financent légalement ceux qui mettent en œuvre les révolutions colorées et autres coups d’État.


Le président Donald Trump avait fait du démantèlement de «l’Empire américain» l’objectif initial de son premier mandat. Il avait nommé le général Michaël Flynn conseiller national de sécurité1 et avait immédiatement supprimé les sièges permanents du directeur de la CIA et du président du comité des chefs d’état-major au Conseil national de sécurité2. Mal lui en prit : les impérialistes américains se liguèrent aux démocrates contre lui, le contraignant, en deux semaines, à renvoyer le général Flynn, puis lançant toutes sortes d’opérations mensongères, dont deux procédures de destitution (impeachment), pour l’accuser d’être un agent russe à la Maison-Blanche.

C’est donc, muni d’une forte expérience, qu’il a abordé son second mandat, toujours avec le même objectif : démanteler «l’Empire américain». Cette fois, il n’a abordé le fond du sujet que lors de son discours de Riyad, le 13 mai. Après avoir rappelé son discours, il y a huit ans, dans la même salle, au cours duquel il avait enjoint les États musulmans à ne plus soutenir les organisations terroristes3, il a appelé à substituer le commerce à la guerre. Il a dénoncé les «constructeurs de nations», les «néoconservateurs», les «ONG libérales» et «autres interventionnistes prétendant réformer des sociétés complexes qu’ils ne comprennent même pas eux-mêmes» pour faire l’éloge de la vitalité des populations du Moyen-Orient élargi. Il a déclaré : «Comme je l’ai montré à maintes reprises, je suis prêt à mettre fin aux conflits passés et à forger de nouveaux partenariats pour un monde meilleur et plus stable, même si nos divergences peuvent être très profondes». (…) «Ces dernières années, beaucoup trop de présidents états-uniens ont été affligés par l’idée qu’il serait de notre devoir d’examiner les âmes des dirigeants étrangers et d’utiliser la politique des États-Unis pour rendre la justice à la place de leurs péchés». (…) «Si les nations responsables de cette région saisissent ce moment, mettent de côté vos différences et se concentrent sur les intérêts qui vous unissent, alors toute l’humanité sera bientôt stupéfaite de ce qu’elle verra ici dans ce centre géographique du monde, le cœur spirituel de ses plus grandes religions».

Mais, hors des caméras, c’est devant les tribunaux que le président Donald Trump se bat pour dissoudre les organes de l’impérialisme. Ainsi, le département de l’Efficacité gouvernementales (DOGE) a hâtivement renvoyé les fonctionnaires de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), surtout ceux de l’US Institute for Peace (USIP) et de la National Endowment for Democracy (NED), et ne parvient pas à nettoyer le très obscur Bureau du Service fiscal.

Dans un premier temps, Elon Musk a été chargé de montrer à tous que l’USAID n’est pas l’organe d’aide humanitaire qu’il prétendait être, mais une «organisation criminelle» (sic). Il a révélé 200 millions de dollars de dépenses douteuses à l’étranger, dont 1,5 million de dollars pour les médias d’opposition cubains, 2 millions de dollars pour une bande dessinée transgenre au Pérou, 2,1 millions de dollars pour la BBC en Libye, 8 millions de dollars pour acheter des abonnements à Politico Pro, 10 millions de dollars pour des repas destinés à des groupes terroristes financés par Al-Qaïda, 15,4 millions de dollars pour des associations LGTBQI+, 20 millions de dollars pour produire une version irakienne de «Sesame Street», 75 millions de dollars pour des programmes de diversité, d’équité et d’inclusion, et 150 millions de dollars visant à construire «un monde équitable avec zéro émission nette de gaz à effet de serre» d’ici 2030.

La sénatrice républicaine Joni Ernst (Iowa) a, en outre, révélé au Congrès que la prétendue agence humanitaire USAID avait versé, en Ukraine, 1 million de dollars à une entreprise de tapis, 300.000 dollars à l’Ukraine Pet Alliance qui commercialise des colliers pour chiens, 148.000 dollars à une entreprise de production de cornichons, 319.000 à une usine de conditionnement de viande et 89.000 à un vignoble.

Toutes les formulations de ces exemples sont choquantes, mais a priori il ne s’agit pas d’affaires de corruption, plutôt de couvertures d’actions secrètes, ce qui est encore plus choquant.

Suite à une plainte de Democracy Forward et de Public Citizen Litigation Group au nom des syndicats American Foreign Service Association et American Federation of Government Employees, Carl Nichols, juge fédéral de Columbia, a suspendu le congé administratif imminent de 2.200 employés de l’USAID. Il a également ordonné la réintégration temporaire de 500 employés de l’agence déjà placés en congé administratif.

Les réactions états-uniennes et internationales à la tentative de l’administration Trump de couper dans les budgets de l’USAID ont été coordonnées par Nina Jankowicz, l’ancienne responsable de la censure de l’administration Biden, aujourd’hui basée à Londres. Selon Elon Musk, le travail de Nina Jankowicz était financé par l’USAID, ce qu’elle dément.

Les trumpistes ont souligné que l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), qui a fourni les «informations» mensongères permettant de lancer la procédure de destitution contre le président Trump durant son premier mandat (UkraineGate), était une création de l’USAID. Mediapart (France), Drop Site News et Reasonator (États-Unis), Il Fatto Quotidiano (Italie), Reporters United (Grèce) n’étaient que des médias de paille utilisés, peut être à leur insu, par l’USAID pour diffuser les «informations» que la CIA souhaitait rendre publiques.

La dissolution de l’USIP et de la NED n’a, par contre pas été possible. En effet, ces deux agences ont été conçues par le président Ronald Reagan pour doubler en public les actions de la CIA. Elles ne dépendent donc pas de la Maison-Blanche, mais sont des entités juridiques autonomes bien que leur budget annuel soit voté par le Congrès dans les chapitres des départements de la Défense et d’État. Elles sont des fonds de capital-risque prétendument dédiés à la démocratie. De même que l’OTAN a été officiellement créée pour lutter contre le communisme, même si son premier secrétaire général, Lord Ismay, a avoué un tout autre but, de même l’USIP et la NED ont été créés officiellement pour donner des moyens à ceux qui défendent la démocratie face au communisme. Mais, ni l’OTAN, ni l’USIP et la NED n’ont été dissous à la fin de l’URSS. Aujourd’hui, l’alliance militaire et les deux fonds de capital-risque ne sont rien d’autres que des organes de l’impérialisme anglo-saxon. C’est pourquoi l’OTAN est gouvernée de manière bicéphale par les États-Unis et le Royaume-Uni, tandis que l’USIP et la NED ont été incorporés à l’alliance des services secrets anglo-saxons, les «Cinq Yeux» (Australie, Canada, États-Unis, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni).

Après que l’immense majorité de leurs employés aient été licenciés, ils ont obtenu devant les tribunaux leur réintégration. La réforme, décidée par le DOGE, a été considérée comme illégale et annulée par les tribunaux. Alors que le président Donald Trump ambitionnait d’en débarrasser le monde, ni la Maison-Blanche, ni les départements de la Défense et d’État n’ont l’autorité pour les dissoudre quelle que soit la réalité de leur action.

Pourtant, il est aujourd’hui établi que l’USIP et la NED ont utilisé leurs fonds fédéraux, attribués par le Congrès, pour s’ingérer non seulement dans la vie politique des États étrangers, mais aussi dans celle des États-Unis. Par exemple, ces fonds capital-risque ont contribué à la création du Digital Forensic Research Laboratory (DFRLab) qui a censuré les États-uniens qui dénonçaient le trucage de l’élection présidentielle de 2020. Ils ont également financé une association britannique, le Global Disinformation Index, qui a lancé une campagne mondiale pour couper les recettes publicitaires des médias luttant contre «l’impérialisme américain», notamment les médias US trumpistes.

Le DOGE a aussi tenté de pénétrer le Bureau du Service fiscal. D’un point de vue structurel, il s’agit d’une administration placée sous l’autorité du département du Trésor. Les employés de la Maison-Blanche auraient donc dû pouvoir y enter et saisir les fichiers des versements des salaires à des responsables politiques étrangers. «L’Empire américain» emploie en effet des chefs d’État, des ministres, des députés et d’autres leaders politiques dans le monde entier pour qu’ils défendent les intérêts impériaux avant ceux de leurs pays. Au moins une vingtaine de responsables français figurent sur cette liste. Leurs salaires sont au minimum de 7500 euros. Surprise : dans un premier temps, un magistrat a interdit au DOGE d’y avoir accès au motif que ce fichier contient aussi des informations confidentielles sur des citoyens états-uniens. Dans un second temps, le DOGE a obtenu la permission qu’un seul de ses membres puisse consulter ce fichier, mais pas de le copier, et n’a été autorisé à prendre des notes qu’avec un crayon à papier. Il faudra donc attendre encore pour découvrir qui sont les traitres dans chaque pays allié.

Il existe encore d’autres structures opaques de «l’Empire américain» comme l’U.S. African Development Foundation, à quelques dizaines de mètres de la Maison-Blanche. Cette organisation est indépendante de l’administration, mais ne vit qu’avec des fonds fédéraux. Lorsque le DOGE a tenté d’y pénétrer, un service de sécurité privé l’en a dissuadé, armes à la main.

L’opposition impérialiste à la révolution trumpiste n’a pas dit son dernier mot. Elle fait traîner les décisions présidentielles jusqu’aux prochaines élections de mi-mandat, espérant qu’elles seront perdues par les trumpistes. D’ici là, elle créée de nouvelles structures pour prendre le relai lorsque l’actuel Congrès ne lui votera plus de crédits.

Thierry Meyssan

source : Réseau Voltaire

3 commentaires:

  1. On aimerais bien vous croire monsieur Meyssan !
    Tant d'intentions louables de la part d'un président américain... On demande à voir !
    À regarder attentivement, on a plutôt l'impression d'avoir affaire à un président à double visage.
    Monsieur Meyssan a peut-être une vision exagérément manichéenne des choses, d'un côté le noble Trump et de l'autres les méchants. Il se peut que ce soit deux factions mafieuses qui s'affrontent. Une, est probablement moins pire que l'autre.
    Ce pays est, dès l'origine, criminel, génocidaire. Des couches de dirigeants corrompus, obscures, se succèdent de génération en génération.
    Cela ressemble à une descente aux enfers, dont la fin sera tragique. Les faits tendent à corroborer cela.

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  2. Trump ayant compris que continuer la guerre contre la Russie va coûter encore plus cher, en sus des risques encourus pour le leadership américain, il veut donc, sans mine d'y toucher, signer un traité de paix avec la Russie.
    Traité que les USA s’empresseront de trahir dès qu’ils estimeront que ça leur rapportera plus que de continuer à le respecter, comme ils l’ont toujours fait depuis l’époque où les cowboys assassinaient, avant-même qu’ils soient descendus de cheval, les grands chefs indiens venus dans leur campement pour signer la paix.

    Il faut être naïf ou faire abstraction de l'histoire pour croire que les américains sont dignes de confiance. De plus, je ne vois pas Trump y changer quelque chose (4 ans à l'échelle de l'histoire, c'est que dalle) même s'il serait sincère et en aurait la carrure, ce dont je doute, son soutien au génocide en cours est révélateur.
    Les quelques personnalités - qui se comptent sur les doigts d’une main - qui ont tenté de le faire sincèrement ont été éliminées.

    Et puis, comment peut-on faire confiance à un pays créé de toutes pièces sur le plus grand génocide de toute l’Histoire de l’humanité¹ et bâti par l’esclavage à grande échelle², dont, de surcroît, la parole officielle et la signature ne valent rien³ et qui foutent le boxon partout où ils posent les santiagues⁴ ?

    ⇺ sur le plus grand génocide de toute l'Histoire de l’humanité¹ :
    David Stannard* soutient que la colonisation européenne des Amériques, après le débarquement de Christophe Colomb, a résulté certaines des plus grandes séries de génocides de l’histoire. Il affirme que c’est « le pire holocauste humain que le monde ait jamais vu ».
    ⇺ David Stannard* : né en 1941, historien américain et professeur d’American Studies à l’Université de Washington. Il est particulièrement connu pour son livre ‟L’Holocauste américain”, Oxford University.

    ⇺ l'esclavage à grande échelle² :
    Je ne m’étendrais pas sur ce sujet étant très largement documenté et connu de tous ni sur les déplacements forcés de population, les camps de concentration pudiquement nommées "réserves" ni sur les ghettos urbains institués pour les afro-américains,…

    ⇺ dont la parole officielle et la signature ne valent rien³ :
    1) Sur les plus de 400 traités signés par les USA avec les natifs du continent, ils n’en n’ont respecté aucun !
    En 1952, 1953, 1963, 1974, 1994,…, les Sioux, Apaches, Navarros et bien d’autres ont revendiqué le respect DE CERTAINS de ces traités. En réponse, ils ont rencontré la mort, par milliers (avez-vous entendu quelques remontrances du personnel politico-médiatique occidental si prompt vis-à-vis d'autres ? EN avez-vous seulement entendu parler ?).
    Il est extrêmement difficile aux peuples autochtones susmentionnés de pratiquer leur culture, leur religion et bien d'autres choses encore.
    Ils sont marginalisés, méprisés, calomniés, socialement assassinés et sournoisement poussés vers les drogues, l'alcoolisme, la dépression et le suicide; tout comme la communauté afro-américaine dont certains, depuis peu, trouvent grâce aux yeux de l'establishment à la condition de rentrer dans le moule et de le servir platement.

    2) Un président des USA signe un accord international, son successeur retire la signature. Trump l’a déjà fait lors de son 1er mandat et du second !

    ⇺ qui foutent le boxon partout où ils posent le regard⁴ :
    1) Sans parler des "révolutions de couleurs", parmi les 248 conflits armés entre 1945 et 2001, 201 ont été initiés par les USA, soit 81 %.

    Déjà, le 1er président américain, Georges Washington, parlait des USA COMME D’UN EMPIRE NAISSANT; le 2°, John Adams, disait que la R.F. américaine RÉGNERA POUR TOUJOURS SUR LE MONDE ET INTRODUIRA LA NOTION DE PERFECTION DE L’HOMME. On est au 18e siècle, n’est-ce pas révélateur ?!
    L’énumération n’est pas exhaustive, la liste est longue.
    D'après Noam Chomsky : « Selon les règles de Nuremberg, tous les présidents américains auraient été pendus ».
    Suite en Page 2 en Réponse

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  3. Page 2)
    Puis, ils ont subjugué le monde, France gaullienne incluse, avec leur prétendu "Rêve américain" sur lequel je ne m'étendrai pas, George Carlin, dcd en 2008, humoriste, acteur et scénariste américain (À voir, vous ne le regretterez pas) l'a très bien résumé en 1 phrase :
    ⇛ « On l’appelle le "Rêve américain" parce qu’il faut être endormi pour y croire ! ».

    Quid des 800 bases américaines disséminées sur la planète !

    Avant de clore ce commentaire, un rappel :
    1) Pour l’historien américain Eric Rauchway, le « America First », c’est un peu comme si Trump avait déclaré : ‟America über alles”, soit une adaptation du tristement célèbre mot d’ordre de l’Allemagne hitlérienne et autres sympathisants nazis.

    2) Des immigrés, EUX-MÊMES ILLÉGAUX AUX YEUX DES AUTOCHTONES, chassant hors du territoire … des immigrés !? Si ce n'était grave et triste, on en rirait !

    Hormis cela,
    ⇛ « L'hypocrite arrive parfois à se persuader d'avoir les vertus qu'il affecte; ainsi le charlatan, à force de prôner l'efficacité de sa pommade, finit par y croire jusqu'à s'en frotter lui-même. ».
    John Petit-Senn, 1792-1870, romancier, poète, éditeur et homme politique suisse.

    Homo Sapiens

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