Alep et les villages environnants se vident des milliers de
combattants -et leurs familles- notamment du groupe terroriste Al-Nosra
(la branche syrienne d’al-Qaida) devant l’avancée de l’armée régulière
syrienne. Ces fuyards, qui ont semé la terreur et la mort durant 3 ans à
Alep, vont maintenant en partie grossir les rangs des camps de réfugiés
en Turquie. Les Etats qui – comme la Turquie, l’Arabie saoudite et la
France – ont soutenu ces groupes terroristes « modérés » n’apprécient
pas de voir l’armée gouvernementale reprendre le dessus. Ils sont
maintenant plus que jamais à la manœuvre, comme l’expose l’analyse de
Guillaume Borel ci-dessous. [Silvia Cattori]
Suite à
l’avancée majeure de l’armée régulière syrienne dans la région d’Alep,
les alliés régionaux de l’État Islamique et du Front Al-Nosra, la
Turquie et l’Arabie Saoudite, montrent à nouveaux des velléités
d’intervention directe sur le terrain syrien.
Soutenue par
l’aviation russe, l’armée syrienne est en mesure de reprendre la ville
d’Alep, fief des djihadistes du Front al-Nosra, et de libérer le
gouvernorat régional. La principale route d’approvisionnement des
djihadistes en provenance de Turquie a notamment été reprise par
l’armée, qui a libéré plusieurs villages et localités de la province.
Les quartiers rebelles sont sur le point d’être totalement encerclés. Selon le responsable de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane :
«
Les pro régime encerclent les quartiers rebelles à Alep des côtés sud,
est et nord, à l’exception d’une seule ouverture dans le Nord-Ouest qui
permet aux insurgés d’accéder à la province voisine d’Idlib. »
Ce
n’est donc probablement qu’une question de jours avant que les
positions des djihadistes soient totalement bouclées. L’armée pourra
alors lancer une vaste offensive afin de libérer l’intégralité de la
ville. Toujours selon l’OSDH, le bouclage d’Alep pourrait « marquer le
début de la fin pour eux, [les djihadistes] à moins qu’ils ne reçoivent
une aide urgente des pays du Golfe et de la Turquie. »
Dans
ce contexte militaire extrêmement préoccupant pour les alliés de la
Turquie, Ankara semble montrer des velléités d’appuyer plus directement
le Front al-Nosra. Les militaires turcs ont ainsi interdit un vol d’inspection russe
au-dessus de leur territoire, qui devait s’effectuer dans le cadre du
traité « ciel ouvert » qui autorise ce type de vols d’inspection afin de
renforcer la transparence et l’ouverture militaire entre les principaux
membres de l’OTAN et la Russie.
Le vol en question devait
effectuer une reconnaissance entre le 1er et le 5 février sur la région
frontalière avec la Syrie, et reconnaître notamment la base aérienne
d’Incirlik utilisée par l’OTAN.
Le commandement militaire russe a
logiquement interprété cette interdiction comme une volonté de
dissimuler la préparation d’une offensive militaire sur le terrain
syrien.
Selon le porte-parole du ministère russe de la Défense, l’armée russe «enregistre
un nombre croissant de signes d’une préparation secrète des forces
armées turques afin de mener des opérations sur le territoire syrien», et d’ajouter :
« «Si quelqu’un à Ankara pense que l’interdiction d’un vol de
reconnaissance russe permettra de cacher quoi que ce soit, il n’est pas
professionnel ».
La coordination entre la Turquie et l’Arabie
Saoudite semble également avoir franchi un cap devant l’urgence de la
situation militaire. Les deux pays poussent notamment à la création
d’une force militaire islamique de « maintien de la paix » sur le
territoire syrien. Cette proposition a été formulée en janvier par un
député du parti du président Erdogan, l’AKP, lors d’une réunion du
conseil de l’Organisation de la Coopération Islamique basée en Arabie
Saoudite. L’envoi d’une telle force sur le terrain pourrait en effet
mettre un terme à l’avancée de l’armée régulière syrienne et geler le
conflit sur ses positions actuelles.
Selon Erdogan Toprak,
député turc du parti d’opposition d’extrême gauche Parti démocratique
du peuple, la visite récente du premier ministre Ahmet Davutoglu à Riyad
en compagnie du chef de l’état-major turc, est le signe de la volonté
d’Ankara d’une intervention armée conjointe sur le théâtre syrien. La
question actuellement débattue à Ankara serait donc « de savoir si
la Turquie — qui a déployé des efforts énergiques conjointement avec
l’Arabie saoudite en vue de tenir les Kurdes syriens à l’écart des
négociations de Genève — lancera une opération en Syrie pour empêcher
les troupes d’Assad soutenues par l’aviation russe d’établir un contrôle
sur les territoires turkmènes. »
Dans cette optique, le bloc
américano-occidental et ses alliés régionaux ont rompu les pourparlers
de paix de Genève qui s’étaient ouverts lundi, en prétextant l’offensive
militaire actuelle du régime syrien et en conditionnant la réouverture
des négociations à la mise en place d’un processus humanitaire, validant
ainsi le plan turco-saoudien d’une force d’interposition de « maintien
de la paix » dans le but d’offrir une porte de sortie aux groupes
djihadistes encerclés par l’armée régulière et de reconstituer
probablement des « zones refuge » près de la frontière turque.
Le secrétaire d’état américain John Kerry a ainsi dénoncé : «
La poursuite de l’assaut des forces du régime syrien – renforcées par
les frappes russes – contre des zones tenues par l’opposition » qui traduirait selon lui « le désir de chercher une solution militaire plutôt que de permettre une solution politique ».
Le
ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius, qui a mis en
oeuvre depuis sa prise de fonction un soutien logistique et opérationnel
aux groupes djihadistes et au Front al-Nosra, a également jugé que les
circonstances militaires « privaient de sens » les discussions de Genève
« auxquelles ni le régime de Bachar al-Assad ni ses soutiens ne
souhaitent visiblement contribuer de bonne foi, torpillant ainsi les
efforts de paix ».
Le 4 février, l’Arabie Saoudite se positionnait officiellement pour un engagement armé direct dans le conflit contre l’État Islamique sous-direction américaine, par la voix du porte-parole du ministre de la défense.
La
stratégie de guerre par procuration menée par la coalition occidentale
et les Etats du Golfe dans le but de renverser Bachar-al-Assad au profit
d’un protectorat islamique étant sur le point d’échouer du fait de
l’entrée en guerre de la Russie, c’est maintenant au nom de l’urgence «
humanitaire » que les sponsors occidentaux et régionaux des groupes
djihadistes ayant semé le chaos et la mort en Syrie tentent de sauver
leurs mercenaires. Le soudain intérêt porté à la situation humanitaire
des syriens masque ainsi une tentative désespérée de geler le conflit
afin d’offrir une porte de sortie aux rebelles armés et soutenus par la
coalition. Nul doute que la thématique « humanitaire » n’en est qu’à ses
premiers développements et que le système médiatique va s’en emparer de
manière massive afin de conditionner les opinions à la nouvelle
dialectique du conflit syrien.
Une première offensive préparatoire
a ainsi eu lieu début janvier autour de la situation de la ville de
Madaya, qui a notamment donné lieu à différentes supercheries et montages photographiques
qui ont servi à alimenter une campagne de communication virale sur les
réseaux sociaux mettant en scène une population civile en état de
sous-nutrition avancée. Certains clichés mensongers
véhiculés par les médias, notamment des pays du Golfe, n’étaient pas
sans rappeler les images des détenus des camps de concentration…
Par Guillaume Borel le 05 février 2016
Guillaume Borel est l’auteur de l’essai Le travail, histoire d’une idéologie. Éditions
Utopia: 2015. Il s’intéresse aux questions de macro-économie, à la
géopolitique et aux questions de propagande et d’intoxications
médiatiques.
Crédit photo AP
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