mercredi 17 février 2016

La Syrie engloutie dans une mer d’hostilité



L’année chinoise du Singe ne pouvait mieux tomber sur le plan géopolitique, car elle coïncide avec une singerie concoctée à Munich par le secrétaire d’État des USA, John Kerry, et le ministre des Affaires étrangères de la Russie, Sergeï Lavrov.
La mascarade syrienne va donc se poursuivre dans le cadre d’une vague cessation des hostilités, qui n’est pas un cessez-le-feu, dans un délai d’une semaine. Plus loin dans le temps, la réalité prévaudra inexorablement et les hostilités vont inévitablement reprendre.

Comme Lavrov l’a souligné à de multiples reprises, «nous avons fait des propositions de cessez-le-feu, assez précises d’ailleurs». Washington et le combo turco-saoudien ont fini par fléchir. La maison des Saoud, terrorisée et acculée au pied du mur, dont le troupeau de rebelles modérés télécommandés est en déroute sur le terrain, a même commencé à faire circuler l’idée ridicule d’envoyer des troupes sur le terrain (une bande de mercenaires en fait), pour appuyer les USA dans leurs efforts de lutte contre Daesh.
La singerie a atteint des proportions telles que le premier ministre russe, Dimitri Medvedev, s’est senti obligé de dire à un interviewer du journal allemand Handelsblatt que «les Américains et nos partenaires [arabes] doivent réfléchir sérieusement à cette question : veulent-ils une guerre permanente ?»
Le sultan Erdogan et la maison des Saoud la souhaitent sûrement, maintenant que leur rêve d’un changement de régime à Damas a été taillé en pièces. Dans le cas du canard boiteux qu’est l’administration Obama, c’est beaucoup plus compliqué.
Elle est restée fidèle à ses habitudes en matière de politique étrangère, en ne sachant pas trop quoi faire. À part le baratin, il ne reste plus grand-chose de l’équipe Obama.
Les sempiternels responsables du gouvernement des USA non identifiés y sont allés à fond de train dans les médias de masse occidentaux, en affirmant que cette cessation des hostilités à retardement est un piège tendu par la Russie, car Washington aurait voulu un cessez-le-feu immédiat (ce qui n’a rien d’étonnant, puisque les rebelles modérés télécommandés par la CIA sont en débandade eux aussi). Pour leur part, les vassaux européens et arabes répètent que Damas et Moscou torpillent les efforts de paix.
Kerry a tout de même acquiescé… au réalisme. Lavrov a dû être assez clair en ce qui concerne deux aspects non négociables pour la Russie, à savoir gagner la bataille d’Alep, toujours en cours, et fermer la frontière syro-turque à toute présence sur l’autoroute djihadiste, modérée ou non.

Les suites de Munich

Ces négociations à propos de la guerre en Syrie en marge de la Conférence sur la sécurité de Munich, qui porte habituellement sur la sécurité mondiale, éveillent de façon astucieuse un écho historique. Mais la question la plus pressante est de savoir si ce nouvel Accord de Munich tiendra.
Ce qui est sûr, c’est que Daech et le front al-Nosra, alias al-Qaïda en Syrie, continueront d’être ciblés par les Russes et les Américains, même après la cessation des hostilités.
La coalition des 4+1 (Russie, Syrie, Iran, Irak plus le Hezbollah) continuera aussi de cibler tout groupe lié au front al-Nosra (ils sont légion) même indirectement.
L’Armée arabe syrienne (AAS) va pour sa part intensifier ses attaques contre Daech. Appelons cela le syndrome de toutes les routes mènent à Raqqa. Dès que la frontière syro-turque sera scellée, avec l’aide cruciale des Kurdes du YPG (Unités de protection du peuple), l’avancée vers Raqqa sera inévitable.
C’est le scénario qui se dessine pour les prochains jours. Pas étonnant que le combo turco-saoudien s’abandonne au désespoir le plus total ! Car s’il ose soutenir ses rebelles modérés par la voie des airs, il sera réduit en poussière par l’armée de l’air russe.
Mais voilà maintenant que l’Exceptionnalistan y va de son boniment, selon lequel l’OTAN examine la possibilité de joindre la coalition contre Daech que les USA dirigent de l’arrière.
C’est de la foutaise ! Le Pentagone est déjà impliqué. Les grandes puissances de l’OTAN comme la France et l’Allemagne veulent s’extirper de la crise syrienne et non s’engager dans une guerre terrestre. Toute cette mascarade nous ramène aux efforts désespérés et répétés du sultan Erdogan de la Turquie pour faire entrer l’OTAN dans la danse, même s’il faut provoquer fatalement la Russie. C’est qu’il tient mordicus à son rêve (maintenant en lambeaux) de créer une zone de sécurité le long de la frontière syro-turque.

Qu’il est hostile ce sultan !

Derrière toute cette mascarade à propos de la cessation des hostilités se cache la dure réalité : le canard boiteux qu’est l’administration Obama ne semble pas vouloir aggraver les fameuses tensions avec Moscou de façon irréversible (l’obsession de la Guerre froide 2.0 au Pentagone et à l’OTAN est complètement autre chose). Le ciel au-dessus de la Syrie ne sera pas le prélude à une guerre totale opposant les USA et la Russie.
Mais cela ne veut pas dire que le Pentagone va cesser de pousser en ce sens.
Le Pentagone de Ash "le geignard" Carter et du Britannique Michael Fallon va se réunir avec les pays du Groupe de coopération du Golfe et la Turquie à Bruxelles. Devinez qui est le chef de la délégation saoudienne ? Le prince guerrier Mohammed ben Salmane, l’actuel grand manitou de la maison des Saoud (le roi Salmane étant à la dérive) et ministre de la Défense responsable de la débâcle saoudienne au Yémen.
Le prince guerrier est livide de colère de voir ses rebelles télécommandés se faire lessiver par l’AAS et l’armée de l’air russe. Le Yémen, ce n’est rien par rapport à la bastonnade qui attend ses forces spéciales (des mercenaires) lorsqu’elles seront confrontées aux combattants aguerris de l’AAS, de l’Iran et du Hezbollah.
L’intrigue se corse. Les deux côtés vont le nier, mais il existe des canaux officieux auxquels la maison des Saoud et Moscou ont recours pour démarquer clairement les secteurs qui seront dirigés par l’AAS et des rebelles acceptables dans la lutte contre Daech. Cela prouve que les Saoudiens et les Russes peuvent unir leurs efforts quand il s’agit de combattre le djihadisme pur et dur.
Par contre, du côté du sultan Erdogan au cerveau dérangé, toute possibilité d’accord est à des années-lumière. Surtout depuis que les Kurdes syriens du PYD (Parti de l’union démocratique) au Nord-Est, qu’Ankara considère comme des terroristes, ont ouvert un bureau de représentation à Moscou mercredi dernier, à l’invitation du président Poutine.
Gardons un œil sur cette cessation des hostilités, car les véritables hostilités sont peut-être sur le point d’être engagées.
Par Pepe Escobar
Le 12 février 2016 – Source Sputnik News
Traduit par Daniel, relu par Diane pour le Saker francophone

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