Selon Harper’s
Magazine (avril 2017), il y a au moins vingt-huit universités américaines qui
ont des programmes d’études sur l’esclavage aux États-Unis. Mais, en revanche
et cela me paraît très instructif, aucun établissement d’enseignement supérieur
aux États-Unis ne s’intéresse, sous quelque forme que ce soit, au fait que les
peuples autochtones – hommes, femmes et enfants de tous âges – aient été
éliminés (avec un objectif génocidaire) pour leur voler les terres sur
lesquelles les institutions prestigieuses qui existent maintenant ont été
construites.
Dr. Robin D.G. Kelley à propos
de l’ouvrage de Roxanne Dunbar-Ortiz : « C’est peut-être le plus important livre d’histoire que vous lirez dans votre vie. » |
Il est
facile de créer un programme, mais il est pratiquement interdit de mentionner
l’éventualité de rendre des terres sur lesquelles les Amérindiens ont un droit
légal. Il y a quelques campus où l’on discute formellement des réparations à
consentir aux Afro-Américains, mais vous aurez du mal à trouver quelqu’un –
même dans les cafés des campus – qui plaide pour la restitution aux Amérindiens
de ce qui leur a été volé par les ancêtres de ces présidents d’université
grassement rémunérés.
Les
Américains de souche sont tout en bas de l’échelle sociale. C’est-à-dire qu’ils
sont les moins susceptibles d’être pris en considération dans l’ordre des
priorités quand il s’agit de nos problèmes collectifs. En fait, des entreprises
comme Peabody Energy (et beaucoup d’autres) – si elles
pensaient pouvoir s’en tirer sans dommage – distribueraient des vêtements
infestés de germes de maladies mortelles dans les réserves (dans l’intention de
parachever la mission génocidaire de nos pères fondateurs). Beaucoup d’intérêts
financiers puissants sont fort contrariés par les protestations des Indiens
contre la destruction environnementale de leurs terres sacrées.
Et le grand
public, y compris les lecteurs de médias alternatifs, regarde ailleurs quand
les entreprises se comportent de manière criminelle. Regarder ailleurs,
comporte souvent aussi la publication d’articles pro-indiens et la tenue de
conférences sur des questions liées aux Indiens. En effet, se joindre au
concert des récriminations politiquement correctes (sans aucune intention de
faire quoi que ce soit de plus à propos de quoi que ce soit) équivaut à se
rendre à un carrefour abandonné pour crier dans le désert qu’il est injuste de
ne pas accorder de pardon à Leonard Peltier. Est-ce que cela ne s’appelle pas regarder
ailleurs quand c’est là tout ce qu’on fait pour libérer LP ? Marcher en
cercles avec des pancartes et participer à des veillées aux chandelles n’a pas
plus d’impact, si ce n’est de procurer aux participants un sentiment
d’auto-satisfaction et / ou le plaisir de la socialisation. C’est ce que
j’appelle du militantisme pour le moins équivoque. Et en tout cas… sans
consistance.
Mais au
niveau global, celles et ceux que je critique ici sont de peu d’importance. Au
plan macroscopique, nous devons tout d’abord reconnaître que les États-Unis
sont pourris jusqu’à l’os quand il s’agit des Indiens (et de désigner des « indésirables »).
Et cela n’est pas le cas lorsqu’un établissement d’enseignement met en place un
programme (similaire aux programmes pour les Afro-Américains cités ci-dessus),
mais qu’il ne modifie en rien ses politiques d’aide financière ou d’admission
en signe de réparation. Une seule des vingt-huit universités mentionnées
ci-dessus l’a fait.
En réponse
aux Haudenosaunee (les six Nations iroquoises) qui hésitaient entre soutenir
les Anglais ou les séparatistes au milieu des années 1770, le Général George
Washington a envoyé des instructions écrites au Général de division John
Sullivan pour qu’il prenne des mesures contre elles. Voilà ses ordres :
« …
détruire tous les campements de la région […] que le pays ne soit pas
simplement occupé mais détruit […] vous refuserez absolument d’écouter toute
les demandes de paix avant d’avoir mené à bien la destruction totale de leurs
campements […]. Notre sécurité future réside dans leur incapacité à nous nuire
[…] et dans la terreur que leur inspirera la sévérité du châtiment qu’ils
recevront. »
Cela vous
rappelle quelque chose ?
Les ordres
de Washington sont clairement l’écho de ce que les États-Unis font dans le
monde entier depuis leur création. Et ce que les Écossais-Irlandais – employés
par Washington pendant la Révolution – avaient fait à la demande de ses
précurseurs contre d’autres âmes de seconde classe en Europe… avant de migrer
vers le soi-disant Nouveau Monde (qui n’était pas nouveau du tout, sauf pour
les Blancs voleurs et génocidaires).
Rien de tout cela n’est réellement enseigné dans nos écoles.
Mais je soutiens que si un professeur lisait seulement les 77 premières pages
de l’Histoire des peuples indigènes des États-Unis de Roxanne Dunbar-Ortiz,
cela l’inciterait à proposer un programme pour l’enseigner. Cela permettrait de
voir que pratiquement tous les problèmes actuels – de la violence domestique
due aux armes jusqu’aux abominations que nous perpétrons à l’étranger (et plus)
– ont leurs racines solidement ancrées dans le traitement des Amérindiens par
les Européens (de leurs premiers contacts à nos jours).
Mais, bien
sûr, cela pourrait détourner un enseignant ou un militant de participer aux
veillées aux chandelles… Ou de marcher en cercle.
Par Richard
Oxman – Le 23 mars 2017 – Source Countercurrents
Richard
Martin Oxman est
enseignant et activiste depuis plus de 50 ans. Il serait heureux de donner des
conférences gratuites dans tous les établissements éducatifs qui le souhaitent.
On peut le joindre à invisibleparadecall@gmail.com.
Traduction :
Aliocha Kazoff