Le temps le
dira, mais les cris de « victoire à Washington » par le vice-prince
héritier et ministre de la Défense, Mohammed bin Salman, semblaient creux et
peut-être même apocryphes. Il avait besoin d’un signe de succès quand il est
sorti de sa réunion à la Maison Blanche avec le président américain Donald
Trump, le 14 mars 2017 : l’Arabie saoudite est à court d’options et pousse
ses alliés traditionnels ─ dont certains n’en sont pas satisfaits ─ à
manifester de la solidarité, en particulier au sujet des guerres au Yémen, en
Irak, en Syrie et en Libye. À une époque où les fortunes économiques du Royaume
sont délicates et s’aggravent, cela présage de pressions politiques internes.
Le prince
Mohammed semblait vouloir pousser le Président Trump dans le camp saoudien
─ et parler pour tous les musulmans et comment l’administration Trump
serait bonne pour eux ─ mais il était, en fait, soucieux d’exorciser
l’amitié apparemment florissante du président avec le président égyptien, Abdul
Fattah al-Sissi, qui est maintenant la Némésis du prince Mohammed. L’animosité saoudo-égyptienne
s’est donc étalée jusqu’à Washington, car il est devenu évident que la nouvelle
administration américaine ne poursuivra pas automatiquement les politiques du
Moyen-Orient de l’ancienne administration américaine.
Les enjeux
sont d’une importance mondiale pour les États-Unis, mais si Washington devait choisir,
elle choisirait le poids géopolitique (Méditerranée-Suez-Mer Rouge) et
culturel de l’Égypte.
La récente
rivalité de l’Arabie saoudite avec l’Égypte ─ ou plutôt, les tensions
entre le vice-prince héritier Saoudien Mohamed et le président égyptien al-Sissi
─ a signifié que le gouvernement de chaque État a essayé d’influencer les
États-Unis pour l’avoir à son côté, mais Washington n’a pas donné de signe fort
de sa préférence. Il ne souhaite pas complètement s’aliéner l’Arabie saoudite à
ce stade, ou son voisin le Qatar, état wahhabite, mais la position stratégique
de l’Égypte ne peut être ignorée.
Ainsi, le
Prince saoudien Mohammed bin Salman a rencontré le Président Donald Trump le 14
mars 2017, et a affirmé que la réunion était « un tournant
historique » dans les relations américano-saoudiennes. Mais les
sources de la Maison Blanche ont déclaré à la Défense et aux Affaires
étrangères qu’il n’y avait rien de tel et que ─ le langage corporel de Trump
pendant les réunions le montrait ─ Trump ne ressentait aucune alchimie avec le jeune
officiel saoudien. Malgré cela, le Prince a autorisé une déclaration
d’après réunion qui a déclaré que Donald Trump était « un véritable ami
des musulmans qui servira le monde musulman d’une manière inimaginable »,
et que la réunion était « un énorme succès » et un « tournant
historique » du point de vue des relations bilatérales entre les deux
pays.
Les déclarations officielles de la Maison-Blanche
étaient froides. L’équipe
de Trump n’a pas été impressionnée par le vice-prince héritier. De l’autre
côté, la première action du Président Trump le 23 janvier 2017 (son premier
jour au bureau), a été d’appeler le président égyptien al-Sissi, et les deux
parties ont commenté positivement cet échange. Le Président al-Sissi avait
rendu visite à M. Trump avant que celui-ci ne prenne ses fonctions et il le
rencontrera de nouveau lors d’une visite officielle à Washington du 1er
au 4 avril 2017. Il est significatif que les dirigeants saoudiens et égyptiens
aient tourné le dos à l’ancienne administration américaine du Président Barack
Obama, mais pour des raisons différentes. Maintenant, l’administration Trump
essaie de déterminer quelle serait probablement la stratégie la plus expéditive
des États-Unis pour la région, et être contraint par l’Arabie saoudite (et la Turquie et les EAU) à un
conflit plus large au Yémen et en Syrie / Irak n’est pas considéré comme
bénéfique.
Mais le
prince Mohammed a déjà engagé l’Arabie saoudite sur un chemin d’où il est
difficile de faire marche arrière gracieusement. En conséquence, Riyad a poussé
ses amis d’autrefois plus profondément dans un engagement à combattre dans ses
guerres avec elle, ou pour elle. Le Prince Mohmamed continue d’exiger que le
Pakistan entre en conflit au Yémen, bien que Riyad soutienne cette guerre comme
une guerre contre la secte chiite de l’islam (et donc contre l’Iran), alors que
le Pakistan a une part significative (20% ou plus) de chiites. Entrer en guerre
au Yémen, pour le Pakistan, serait peut-être se précipiter dans une guerre
civile chez lui. Pourtant, le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, qui a
bénéficié de sa longue amitié avec l’Arabie saoudite, a maintenant du mal à
rejeter les revendications de Riyad.
Ainsi, non seulement à Washington, mais dans d’autres
couloirs de pouvoir, les demandes d’aide de l’Arabie saoudite ne sont pas bien
accueillies et sont perçues comme stridentes et désespérées. De plus en plus, Washington en
particulier voit l’Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar comme opposés aux
USA dans les guerres contre Daesh (État islamique) aussi bien au Yémen qu’en
Libye. Le Yémen est déjà largement revenu à au moins ses anciennes identités à
deux États.
Le Pakistan
doit également tenir compte de ses relations de longue date avec l’Iran, que
l’Arabie saoudite s’est engagée à détruire.
En effet, il
y a une compréhension graduelle, même à Washington, que, géopolitiquement, l’Iran est plus important que l’Arabie
saoudite, en dépit de la réalité que les clercs iraniens ─ qui
sont arrivés au pouvoir en 1979 à cause des mesures actives et délibérées de
l’époque, du fait du président Jimmy Carter ─ se sont révélés être
l’obstacle majeur au rétablissement d’une position stratégique iranienne
stable, et la question des armes nucléaires iraniennes est politiquement (mais
peut-être pas militairement) vexante pour les États-Unis.
Washington
réexamine maintenant à quel point les États-Unis de Richard Nixon (1969-1974)
avaient réussi à trouver un équilibre entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Mais
ensuite, les USA ont pu traiter avec le Shah d’Iran et le ministre des Affaires
étrangères Ardeshir Zahedi d’une part, et le roi Faisal bin Abdel-Aziz al Saoud
(1964-1975) de l’autre. Dans tout cela, sans parler de la Russie et de la
République populaire de Chine, la mer Rouge, le golfe Persique et le Levant
sont devenus un grand terrain de jeu, tout comme la Turquie.
Par Gregory
Copley – Le 17 Mars 2017 – Source oilprice.com
Les chroniquesdugrandjeu l’ont aussi vu passer.
Traduit par
Hervé, vérifié par Julie, relu par M pour le Saker Francophone
Les sommets arabes se suivent et se ressemblent… C'est le cas de l'actuel qui se déroule à Amman ce mercredi 29 mars 2017. Que fait-on de mieux dans ce type de sommets ? On sommeille ! Faute de décisions importantes, on garde quand même le courage de dormir.
C’est le cas de Jaber al-Ahmad al-Sabah, émir du Koweit (photo du haut) et de Mansour Hedi Abd Rabbo, président du Yémen. Le premier est né en 1926, le second en 1945 et les deux ont du mal à garder la forme une journée, le temps d’une réunion entre Arabes pour décider du sort d’une région vivant des crises et des guerres. Sans parler de Béji Caïd Essebsi, coprésident du Tunistan, âgé de plus de 90 ans, qui essaie, vaille que vaille, de rester éveillé, en écoutant les âneries de ses pairs.
Entre ceux qui trébuchent (Emirats Arabes Unis et Liban) et ceux qui dorment, les dirigeants arabes ont du mal, beaucoup de mal, à gérer leurs populations en train de mourir…
Au sommeil arabe d’Amman
Les sommets arabes se suivent et se ressemblent… C'est le cas de l'actuel qui se déroule à Amman ce mercredi 29 mars 2017. Que fait-on de mieux dans ce type de sommets ? On sommeille ! Faute de décisions importantes, on garde quand même le courage de dormir.
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Entre ceux qui trébuchent (Emirats Arabes Unis et Liban) et ceux qui dorment, les dirigeants arabes ont du mal, beaucoup de mal, à gérer leurs populations en train de mourir…