Les relations économiques de la Chine avec le Moyen-Orient sont en
pleine croissance. Pékin est le principal partenaire commercial étranger
de la région, dépassant même les États-Unis pour les achats de pétrole.
Entre 2004 et 2009, les échanges ont triplé, atteignant 115 milliards
de dollars.
L'investiture de Donald Trump coïncide avec la fin du « siècle
américain » et à la promotion de la Chine dans un rôle de leadership
mondial. Cela a été perceptible à Davos, avec l’immixtion de Pékin dans
le conflit le plus controversé au monde - Israël-Palestine - et plus
récemment dans la déclaration de Theresa May promettant que les
États-Unis et le Royaume-Uni n'iraient plus jamais envahir les pays
souverains pour « refaire le monde à leur image ». Ce n’est pas
seulement un siècle de domination américaine qui se termine, mais un
demi-millénaire de prééminence occidentale.
L'appel lancé par le président Xi Jinping pour la création d'un Etat
palestinien ayant Jérusalem-Est pour capitale a eu lieu au même moment
que le démarrage des discussions de la Maison Blanche sur le déplacement
de l'ambassade américaine en Israël dans la ville tabou. Cela illustre
le nouveau poids diplomatique et géopolitique que la Chine exerce au
Moyen-Orient grâce à sa prise de positions dans l’économie locale depuis
quelques années.
En 2008-2009, Pékin a organisé des liaisons maritimes avec la région,
dans le cadre d’une opération pacifique baptisée la "plus grande
expédition navale depuis le 15ème siècle". La Chine s'est lancée dans
des partenariats stratégiques avec des alliés traditionnels des
américains comme l'Arabie saoudite et le Qatar. En ce qui concerne
l'Arabie Saoudite qui est le principal fournisseur de pétrole de la
Chine, Pékin a convaincu ses dirigeants de se joindre à son initiative
« One Belt, One Road » et l'a invitée à rejoindre l’ « Asian Investment
Bank ». En 2016, les deux pays ont dévoilé un plan quinquennal de
coopération en matière de sécurité. Riyad a également exprimé son
intérêt pour la « technologie de défense » chinoise.
La Chine possède plusieurs atouts dans la région. Tout d'abord, Pékin
pratique une approche non interventionniste pour des questions comme la
démocratie et les droits de l'homme, ce qui convient bien aux
dirigeants du Moyen-Orient : les pays du Moyen-Orient et leurs peuples
devraient pouvoir décider eux-mêmes de leur développement en fonction
des « conditions nationales ». Dans le passé, le Président Xi a exprimé
le soutien de la Chine à l'Arabie Saoudite pour qu’elle choisisse sa
propre voie de développement.
Au Qatar, Pékin s'est différencié de l'Occident en s'engageant à
appuyer Doha dans les domaines de l'indépendance nationale, de la
souveraineté, de la stabilité, de la sécurité et de l'intégrité
territoriale. Lors d'une visite à Pékin, l'émir du Qatar a exprimé son
« approbation pour la position impartiale de la Chine dans les affaires
internationales ».
Deuxièmement, contrairement aux États-Unis, la Chine n'est pas liée
par des alliances militaires. On sait qui les États-Unis soutiennent au
Moyen-Orient et qui sont ses rivaux. Avec Pékin, il y a plus de
flexibilité. Des conseillers avisés en politique étrangère conseillent
le président Xi pour utiliser les liens émergents de la Chine avec les
États du Golfe et Israël pour tirer parti des relations avec l'Iran et
vice versa.
Par exemple, la Chine a tenu des positions sur la Syrie et la Libye
opposées à celles de ses nouveaux partenaires dans le Golfe. Outre que
Damas soit un acheteur de longue date d'armes en provenance de Chine,
Pékin a également clairement manifesté son soutien à l'intervention de
Moscou. La Chine et la Russie ont toujours travaillé ensemble pour
fournir une protection diplomatique au gouvernement syrien via des veto à
l'ONU. Certaines sources ont également signalé que des conseillers
militaires chinois étaient envoyés en Syrie pour fournir un soutien de
formation à l'armée syrienne. Dans le cadre de sa tactique d’ « approche
douce », Pékin a accueilli les hauts responsables d'Assad et de
l'opposition. Lors de sa visite en Chine, le ministre syrien des
Affaires étrangères a confirmé la volonté du gouvernement de participer
au processus de paix. Au-delà des États du Moyen-Orient, la position de
la Chine sur la Syrie lui confère un pouvoir de négociation à la fois
avec l'Occident et la Russie. La Chine considère principalement la
région comme une source d'énergie. Mais cette région est aussi un lien
entre les routes commerciales que la Chine cherche à mettre en place en
Extrême-Orient, dans l'océan Indien, au Moyen-Orient, en Afrique et en
Europe. Une implication chinoise accrue fournira à Pékin un effet de
levier sur l'approvisionnement en énergie d'adversaires comme le Japon
et de concurrents potentiels comme l'Inde. La poursuite des relations
avec les pays du Moyen-Orient dans le cadre de l'initiative "Route
maritime de la soie" ajoute à la crainte de l'Inde d'être entourée par
un « collier de perles » chinoise.
Le rôle stratégique croissant de la Chine au Moyen-Orient révèle une
puissance asiatique montante, dépourvue d’encombrants héritages
coloniaux dans la région, et qui pourrait aider à démêler des questions
apparemment insolubles comme Israël-Palestine. Son principe inébranlable
de respect de la souveraineté sera peut-être le dernier clou enfoncé
dans le cercueil de l'interventionnisme occidental.
lundi 30 janvier 2017