Synthèse des récents développements en Syrie
Le changement le plus important de ces derniers jours est le
déplacement des forces du gouvernement syrien (zones rouges et flèches)
du sud-est vers la frontière irakienne. Le plan initial était de
reprendre al-Tanf plus au sud-ouest pour sécuriser le passage frontalier
de l’autoroute Damas-Bagdad. Mais al-Tanf était occupé par les
envahisseurs américains, britanniques et norvégiens et certaines de
leurs forces par procuration (bleu). Leurs avions ont attaqué les
convois de l’armée syrienne lorsqu’ils se sont approchés. Le plan
américain était de faire mouvement d’al-Tanf vers le nord, vers la
rivière Euphrate, pour capturer et occuper tout le sud-est de la Syrie.
Mais la Syrie et ses alliés ont fait un mouvement inattendu qui a
contrecarré ce plan. Les envahisseurs sont maintenant coupés de la
rivière Euphrate par une ligne syrienne qui va d’est en ouest jusqu’à la
frontière irakienne. En Irak, des unités militaires populaires sous le
commandement du gouvernement irakien viennent à la rencontre des forces
syriennes à la frontière.
Les envahisseurs étatsuniens campent maintenant au milieu d’un désert
sans intérêt stratégique près d’al-Tanf ; leur seule option est d’y
mourir d’ennui ou de retourner en Jordanie d’où ils sont venus. L’armée
russe a clairement indiqué qu’elle interviendrait fermement si les
États-Unis attaquaient la ligne syrienne et se déplaçaient plus au nord.
Les États-Unis et leurs alliés n’ont aucun mandat pour se trouver en
Syrie. Ils n’ont aucune raison, ni aucun motif légal d’attaquer les
unités syriennes. Leur seule option maintenant est de faire retraite.
Le mouvement étatsunien sur al-Tanf a été couvert par une attaque des
forces par procuration de l’armée américaine au sud-ouest de la Syrie.
Un grand groupe de «rebelles», qui comprend des éléments d’al-Qaïda [1] et
qui est ravitaillé depuis la Jordanie, a fait mouvement pour prendre la
ville de Deraa aux mains du gouvernement syrien. On espérait que cette
attaque détournerait les forces syriennes de leur mouvement vers l’est.
Mais malgré les attaques suicides, l’assaut contre Deraa n’a pas réussi à
faire reculer les fortes défenses des forces syriennes. La tentative de
diversion a échoué. La position syrienne à Deraa a été renforcée par
des unités de Damas qui attaquent maintenant les gangs de mercenaires de
l’armée américaine. Des progrès significatifs ont été réalisés
aujourd’hui dans la banlieue sud de Deraa, et l’armée syrienne va
probablement poursuivre son offensive jusqu’à la frontière jordanienne.
Les plans des États-Unis pour le sud de la Syrie, à l’ouest comme à
l’est, ont échoué pour l’instant. À moins que l’administration Trump ne
soit disposée à investir des forces significatives et à mener une guerre
ouverte, en violation de toutes les lois, contre le gouvernement syrien
et ses alliés, la situation est contenue. Les forces syriennes
reprendront avec le temps toutes les terres (de couleur bleue) dans le
sud, qui sont actuellement détenues par les diverses forces par
procurations américaines et d’autres groupes terroristes.
Au nord-ouest, les groupes «rebelles» takfiris se concentrent autour
d’Idleb et plus au nord. Ces groupes sont financés par l’Arabie
saoudite, le Qatar et la Turquie. Le récent conflit
entre le Qatar et les autres États du Golfe a engendré encore plus de
chaos à Idleb. Les groupes parrainés par l’Arabie Saoudite luttent
maintenant contre les groupes parrainés par le Qatar et les Turcs. Ces
conflits s’ajoutent à d’autres dissensions entre les forces alignées sur
al-Qaeda et celles d’Ahrar al-Sham. Les forces du gouvernement syrien
encerclent la province, et la Turquie au nord a gardé sa frontière
fermée la plupart du temps. Les «rebelles» takfiris d’Idleb vont mariner
dans leur propre jus jusqu’à ce qu’ils soient épuisés. Ensuite, les
forces gouvernementales viendront les achever.
Au centre de la carte, les flèches (rouge) de l’armée syrienne sont
dirigées vers les zones désertiques du centre tenues par les forces
d’ISIS qui reculent vers l’est (flèches noires). Les forces du
gouvernement syrien qui arrivent simultanément du nord, de l’ouest et du
sud, progressent rapidement et reprennent plusieurs kilomètres de
terrain chaque jour. Au cours du dernier mois, 4.000 kilomètres carrés
et plus de 100 villages et villes ont été repris. Dans quelques
semaines, ils auront repris toutes les zones (marron) d’ISIS jusqu’au
lit de l’Euphrate et la frontière syrienne-irakienne.
Le matériel de pontage militaire russe a récemment commencé à arriver
en Syrie. Il sera utilisé pour traverser la rivière Euphrate et
reprendre les zones situées au nord de la rivière.
Pendant ce temps, les forces kurdes (flèches jaunes) soutenues par
les États-Unis attaquent la ville de Raqqa tenue par ISIS. Le
commandement militaire russe affirme (vidéo)
que les Kurdes et les États-Unis ont convenu avec ISIS de laisser leurs
combattants quitter Raqqa pour aller au sud et à l’est. La vitesse avec
laquelle les Kurdes prennent la ville confirme cette affirmation. Il
semble qu’il n’y ait à peu près aucune résistance de l’État islamique.
Toutes les forces d’ISIS qui restent en Syrie, celles qui viennent de
Raqqa ainsi que celles qui viennent des zones désertiques, se déplacent
vers l’est le long de l’Euphrate en direction de la ville de Deir
Ezzor. Il y a au moins 100 000 civils pro- gouvernementaux et une
garnison de l’armée syrienne qui y sont depuis longtemps encerclés par
les forces d’ISIS. La population assiégée est ravitaillée par les airs.
Jusqu’ici la garnison militaire syrienne résiste aux attaques d’ISIS.
Mais si des milliers de combattants de l’Etat islamique arrivent en
renfort, cette fois les troupes du gouvernement pourraient bien être
submergées. Il faut parachuter des renforts dans la ville pour empêcher
ISIS de rentrer et de se livrer à un grand massacre. Une ligne de
secours au sol serait une bien meilleure option. Mais l’avancée de
l’armée syrienne vers la ville a été retardée par les manigances des
États-Unis dans le sud. Les forces gouvernementales préparent un grand
mouvement au sol vers Deir Ezzor. On peut seulement espérer qu’elles
arrivent à temps.
Les forces par procuration qataris, saoudiennes et turques, dirigées
par la CIA, ont mené une guerre de six ans contre la Syrie et son
peuple. Avec le Qatar et la Turquie maintenant en conflit avec les
Saoudiens et leurs alliés américains, le gang qui a attaqué la Syrie se
désagrège. L’État islamique perd rapidement du terrain et est au bord de
la défaite. L’avancée des États-Unis dans le sud a été stoppée. À moins
que les États-Unis ne changent de tactique et ne s’embarquent dans une
attaque à grande échelle contre la Syrie avec leurs propres forces
armées, la guerre contre la Syrie est terminée. De nombreuses zones
doivent encore être reprises par les forces syriennes. Les attaques
terroristes dans le pays se poursuivront pendant plusieurs années. Les
blessures prendront des décennies à guérir. Il faudra entamer des
négociations sur des zones situées dans le Nord qui sont actuellement
sous contrôle des Turques ou des mercenaires des américains. Il y aura
bien des questions à régler. Mais la guerre stratégique à grande échelle
contre la Syrie a maintenant pris fin.
Personne n’y a gagné quoi que ce soit. Les Kurdes qui, pendant tout
un temps apparaissaient comme les seuls gagnants de la guerre, viennent
de jeter ce qu’ils avaient gagné par-dessus bord.
Les forces kurdes du YPG soutenues par les États-Unis ont fait l’erreur inouïe de réclamer ouvertement le soutien
de l’Arabie saoudite. Les anarcho-marxistes du YPG, qui arborent
fièrement leur féminisme, font soudain allégeance aux barjots moyenâgeux
wahhabites. Ils ont détruit leur réputation de force de gauche
progressiste. Leur démarche va renforcer l’hostilité turque et syrienne,
irakienne et iranienne contre eux. Toutes les avancées politiques
qu’ils ont faites pendant la guerre en ne prenant partie, la plupart du
temps, ni pour les «rebelles» ni pour le gouvernement syrien sont
maintenant menacées. C’est une décision insensée. La zone tenue par les
Kurdes est complètement encerclée par des forces plus ou moins hostiles.
Le soutien des États-Unis ou de l’Arabie saoudite à l’enclave kurde
encerclée ne pourra plus durer longtemps. Les Kurdes viennent à nouveau
de démontrer qu’ils sont leurs pires ennemis dans leur combat pour un
Etat kurde (à moitié) souverain. Ils vont être renvoyés dans leurs
territoires d’origine et seront à nouveau intégrés à l’état syrien.
[Mise à jour le 14 juin 2017 – 1:00]
Le secrétaire de la Défense Mattis a été interrogé hier au Congrès
sur la situation en Syrie. Il n’y a pas encore de transcription
disponible, mais voici quelques tweets d’un journaliste de Stars & Stripes qui y a assisté:
Tara Copp @TaraCopp – 3:11 PM – 13 juin 2017
# Secrétaire Défense Mattis dit que les forces «pro-régime» qui sont entrées en Syrie près de la base de #AlTanf sont en fait #russes
#Secrétaire Défense Mattis: «Je ne prévoyais pas que les Russes viendraient là-bas (près de Al Tanf.) … mais cela n’a pas surpris nos services secrets. »
Les Etats-Unis avaient affirmé
que les forces alignées sur le gouvernement syrien qui avançaient en
direction d’al-Tanf étaient «soutenues par l’Iran» ou «dirigées par
l’Iran». Maintenant, le secrétaire de la Défense dit que c’était un
mensonge. Il s’agissait de Russes alliés au gouvernement syrien. Les
Russes ne prennent certainement pas leurs ordres des généraux iraniens.
Il n’est pas étonnant que le commandement russe ait émis de fortes mises
en garde contre toute attaque de ces forces.
Mattis montre aussi qu’il est incapable d’une pensée stratégique. Il
croyait vraiment que les Russes n’iraient pas à al-Tanf couvrir leurs
camarades syriens? Il est clair depuis des mois que les Russes sont
totalement impliqués en Syrie. Ils ne laisseront pas tomber le
gouvernement syrien pour se mettre bien avec Mattis ou Trump ou qui que
ce soit d’autre. Leur stratégie est claire depuis un certain temps. Ils
se battront. Ils l’ont dit. Il fallait être idiot pour croire autre
chose.
Al-Tanf a une importance tactique, mais l’armée américaine l’élève au
rang d’atout stratégique. Ce qui n’est manifestement pas le cas. On ne
comprend pas quelles raisons les États-Unis ont de défendre cet endroit
en plein désert. Il n’y en a aucune, mais le défendre pour le
«principe» pourrait évidemment provoquer une guerre beaucoup plus importante.
La garnison de Tanf est maintenant encerclée par des forces hostiles. Les forces des États-Unis dans la région devraient traverser les positions de régime pour se rendre à al Bukamal, ce qui risque de provoquer une escalade.
Qu’en va-t-il se passer maintenant? Les États-Unis sont-ils prêts à protéger ces forces à perpétuité? Est-ce que les États-Unis vont fournir une couverture aérienne à des forces qui se battent directement avec des alliés du régime en dehors de la zone de 55 kilomètres? Les trois dernières frappes ont-elles provoqué une contre-escalade qui a nui aux intérêts des États-Unis? Malheureusement, la réponse à la dernière question est oui. […]
La stratégie devrait commander la tactique quand on a affaire à des forces soutenues par l’Iran en Syrie, et non l’inverse. […]
Les États-Unis ont la capacité de défendre une garnison dans le désert syrien. Cependant, il n’y a aucune raison stratégique de le faire, ce qui rend impossible une évaluation des avantages et des inconvénients.
Le département de la Défense et le commandement américain sur le terrain n’ont à l’évidence pas encore compris cela. Le commandant local des États-Unis a fait venir de Jordanie à al-Tanf un système d’artillerie à longue portée étasunien HIMARS. HIMARS a une portée de 300 kilomètres. Cela ne fait aucune différence d’un point de vue tactique s’il tire de Jordanie ou d’al-Tanf en Syrie à quelque 12 kilomètres à l’est de la frontière. C’est une démarche symbolique du type «planter le drapeau» à al-Tanf, mais elle expose le système d’artillerie à une attaque légitime des forces syriennes, russes et iraniennes.
Comme le secrétaire d’État Tillerson l’a dit
à juste titre: les États-Unis n’ont aucune autorité légale pour
attaquer les Syriens ni les Iraniens ni les forces russes. Pas la
moindre. Ils ont envahi la Syrie sans motif légitime. La Syrie, en
revanche, a le pouvoir légal de jeter dehors les troupes américaines.
Faire venir les HIMARS à al-Tanf, est tout à fait idiot. Il est grand temps que Washington arrête ses bêtises.
Moon of Alabama | Juin 13, 2017
Article original: Moon of Alabama
[1] C'est aussi pour cela que Les Américains retirent les filiales d'al-Qaïda de la liste des groupes terroristes