Selon un récent rapport
[1] de CBC Canada, la filiale d’Al-Qaïda en Syrie, qui était autrefois
connue sous le nom du Front al-Nosra, puis Jabhat Fateh al-Sham (JFS)
depuis Juillet 2016, a été retirée de la liste de surveillance du
terrorisme des États-Unis et du Canada après sa fusion avec les
combattants de la brigade de Zenki et les djihadistes purs et durs
d’Ahrar al-Sham, pour se rebaptiser Hayat Tahrir al-Sham (HTS) en
Janvier de cette année.
Le département d’Etat américain hésite à
qualifier Tahrir al-Sham de groupe terroriste, malgré le lien du groupe
avec Al-Qaïda, car le gouvernement américain a directement financé et
armé la Brigade Zenki, l’un des constituants de Tahrir al-Sham, avec des
armes sophistiquée, dont les missiles antichars TOW aùéricains.
Le commandant militaire suprême de
Tahrir al-Sham continue d’être Abu Mohammad al-Julani, que les
Etats-Unis avait classé comme « terroriste mondial expressément
désigné » avec une prime de 10 millions $. Mais pour les Etats-Unis,
désigner maintenant Tahrir al-Sham comme une organisation terroriste
signifie reconnaître qu’ils ont fourni des armes sophistiquées aux
terroristes, et attirer l’attention sur le fait que les Etats-Unis
continuent d’armer les djihadistes islamiques en Syrie.
Pour comprendre l’histoire sanglante du
Front al-Nusra pendant la guerre civile syrienne, garder à l’esprit que
depuis le début du conflit syrien en Août 2011 jusqu’à Avril 2013,
l’Etat islamique et le Front al-Nusra étaient une seule organisation qui
avait choisi la bannière de « Jabhat al-Nusra. » Bien que le Front
al-Nusra ait été dirigé par Abu Mohammad al-Julani , celui-ci a été nommé [2] comme l’émir du Front al-Nosra avant par Abu Bakr al Baghdadi, aka Shimon Elliot, le chef de l’Etat islamique, en Janvier 2012.
Ainsi, le Front al-Nusra d’al-Julani
n’est qu’un groupe dissident de l’Etat islamique, qui s’est séparé de
son organisation mère en Avril 2013 sur un conflit de leadership entre
les deux organisations.
En Mars 2011, les manifestations ont
commencé en Syrie contre le gouvernement de Bachar al-Assad. Dans les
mois suivants, la violence entre les manifestants et les forces de
sécurité a conduit à une militarisation progressive du conflit. En Août
2011, Abu Bakr al-Baghdadi, qui était basé en Irak, a commencé à envoyer
des djihadistes syriens et irakiens expérimentés dans la guérilla à
travers la frontière syrienne pour créer une organisation à l’intérieur
du pays.
Dirigée par un Syrien connu sous le nom
Abu Mohammad al-Julani, le groupe a commencé à recruter des combattants
et mettre en place des cellules dans tout le pays. Le 23 Janvier 2012,
le groupe a annoncé sa formation sous le nom de Jabhat al-Nosra.
En Avril 2013, Abou Bakr al-Baghdadi a
publié une déclaration audio, dans laquelle il annonçait que le Front
al-Nosra avait été mis en place, financé et soutenu par l’Etat islamique
d’Irak. Al-Baghdadi a déclaré que les deux groupes fusionnaient sous le
nom de « l’Etat islamique d’Irak et de Syrie. » Le chef du Front
Al-Nosra, Abu Muhammad al-Julani, publia une déclaration dans laquelle
il niait la fusion et se plaignait que ni lui ni personne d’autre dans
la direction d’al-Nusra n’avaient été consultés à ce sujet.
Le chef du siège central d’Al-Qaïda,
Ayman al Zawahiri, tenta une médiation dans le différend entre
al-Baghdadi et al-Julani, mais finalement, en Octobre 2013, il approuva
le Front al-Nusra en tant que franchise officielle du siège central
d’Al-Qaïda en Syrie. Cependant, Abu Bakr al-Baghdadi refusa l’autorité
tutélaire du siège central d’al-Qaïda et se déclara lui-même du Calife
de l’Etat islamique d’Irak et de Syrie.
En gardant ce contexte à l’esprit, il
devient amplement évident qu’une seule organisation militante a opéré en
Syrie et en Irak sous la direction d’al-Baghdadi jusqu’en Avril 2013,
avec la bannière du Front al-Nusra, et que al-Julani, l’émir actuel du
Front al-Nusra, la faction dissidente après la rupture, était en fait
l’adjoint d’al-Baghdadi en Syrie.
Ainsi, l’Etat islamique a opéré en Syrie
depuis Août 2011 sous la désignation du Front al-Nusra et a ensuite
changé son nom pour devenir l’Etat islamique d’Irak et de Syrie (ISIS)
en Avril 2013. Après quoi, il envahit Raqqa à l’été 2013, puis s’empare
d’une partie de Deir ez-Zor et se bat contre l’alliance des Kurdes et le
l’armée syrienne à al-Hasakah. Et en Janvier 2014, il prend Falloujah
et des parties de Ramadi en Irak et atteint l’apogée de sa puissance
quand il s’empare de Mosul en Juin 2014.
En ce qui concerne le changement de nom
du Front Al-Nusra d’al-Julani en « Jabhat Fateh al-Sham » en Juillet
2016 et la rupture présumée de ses liens avec la centrale d’Al-Qaïda, ce
n’a été qu’une différence nominale parce que le Front al-Nusra n’a
jamais eu de liens organisationnels et opérationnels avec le siège
central d’al-Qaïda et même leurs idéologies sont aux antipodes.
La Centrale d’Al-Qaïda est
essentiellement une organisation terroriste transnationale, alors que le
Front al-Nusra a principalement des ambitions régionales qui se
limitent à la lutte contre le régime de Assad en Syrie et son idéologie
est anti-chiite et sectaire. En fait, le Front al-Nusra a non seulement
reçu une aide médicale et un soutien matériel de la part d’Israël, mais
certaines de ses opérations contre le régime Assad à dominance chiite au
sud de la Syrie ont été entièrement coordonnées avec la force aérienne
israélienne.
Le but derrière le changement de nom du
Front al-Nusra en Jabhat Fateh al-Sham et de la prétendue rupture des
liens avec Al-Qaïda était de le légitimer et de faciliter à ses patrons
l’envoi d’argent et d’armes. Les États-Unis avaient mis le Front
al-Nusra sur la liste noire en Décembre 2012 et mis l’Arabie Saoudite et
la Turquie sous pression pour qu’elles en fassent autant. Bien que le
nom du Front al-Nusra ait été dans la liste des organisations proscrites
par l’Arabie Saoudite et la Turquie depuis 2014, il a continué à
recevoir de l’argent et des armes des États arabes du Golfe.
Il faut se rappeler que, dans une interview
[3 en mai 2015] avec Al-Jazeera, Abu Mohammad al-Julani a pris un
engagement public sur la demande de ses patrons basés dans le Golfe que
son organisation n’a que des ambitions locales limitées à la lutte
contre le régime Assad en Syrie et qu’il n’a pas l’intention de frapper
des cibles dans les pays occidentaux.
Ainsi, cet exercice de relookage était
en cours depuis un certain temps. Al-Julani a annoncé la rupture avec
al-Qaïda dans un communiqué vidéo l’année dernière. Mais les efforts
persistants des mécènes d’al-Julani basés au Golfe n’ont porté leurs
fruits qu’en Janvier de cette année, quand le Front al-Nusra a une
nouvelle fois changé de nom, de Jabhat Fateh al-Sham (JFS) en Hayat
Tahrir al-Sham (HTS), qui comprend également les djihadistes « modérés »
de la Brigade Zenki, Ahrar al-Sham et plusieurs autres groupes terroristes islamistes, et donc, le département d’Etat américain a finalement blanchi
ce conglomérat djihadiste qui porte désormais le nom de Tahrir al-Sham
pour poursuivre son ambition de renverser le régime Assad en Syrie.
Sources et liens:
[1] un affilié d’al-Qaïda en Syrie sort de la liste terroriste:
[2] Al-Julani a été nommé émir du Front al-Nusra par al-Baghdadi:
[3] L’interview d’Al-Julani à Al-Jazeera: « Notre mission est de vaincre le régime syrien »:
A propos de l’auteur:
Nauman Sadiq est un avocat vivant à
Islamabad, chroniqueur et analyste géopolitique et s’intéresse
principalement à la politique concernant les régions Af-Pak et le
Moyen-Orient,, et le néo-colonialisme et le Pétro-impérialisme.
Traduction : Avic – Réseau International