mercredi 14 juin 2017

Les Américains retirent les filiales d'al-Qaïda de la liste des goupes terroristes

Selon un récent rapport [1] de CBC Canada, la filiale d’Al-Qaïda en Syrie, qui était autrefois connue sous le nom du Front al-Nosra, puis Jabhat Fateh al-Sham (JFS) depuis Juillet 2016, a été retirée de la liste de surveillance du terrorisme des États-Unis et du Canada après sa fusion avec les combattants de la brigade de Zenki et les djihadistes purs et durs d’Ahrar al-Sham, pour se rebaptiser Hayat Tahrir al-Sham (HTS) en Janvier de cette année.
Le département d’Etat américain hésite à qualifier Tahrir al-Sham de groupe terroriste, malgré le lien du groupe avec Al-Qaïda, car le gouvernement américain a directement financé et armé la Brigade Zenki, l’un des constituants de Tahrir al-Sham, avec des armes sophistiquée, dont les missiles antichars TOW aùéricains.

Le commandant militaire suprême de Tahrir al-Sham continue d’être Abu Mohammad al-Julani, que les Etats-Unis avait classé comme « terroriste mondial expressément désigné » avec une prime de 10 millions $. Mais pour les Etats-Unis, désigner maintenant Tahrir al-Sham comme une organisation terroriste signifie reconnaître qu’ils ont fourni des armes sophistiquées aux terroristes, et attirer l’attention sur le fait que les Etats-Unis continuent d’armer les djihadistes islamiques en Syrie.
Pour comprendre l’histoire sanglante du Front al-Nusra pendant la guerre civile syrienne, garder à l’esprit que depuis le début du conflit syrien en Août 2011 jusqu’à Avril 2013, l’Etat islamique et le Front al-Nusra étaient une seule organisation qui avait choisi la bannière de « Jabhat al-Nusra. » Bien que le Front al-Nusra ait été dirigé par Abu Mohammad al-Julani , celui-ci a été nommé [2] comme l’émir du Front al-Nosra avant par Abu Bakr al Baghdadi, aka Shimon Elliot, le chef de l’Etat islamique, en Janvier 2012.
Fighters from the al Qaeda linked al Nusra, which re-branded itself as Ahrar al-Sham and then re-branded itself again as Hayat Tahrir al-Sham, a supposedly 'moderate opposition' group. Click to enlarge
Ainsi, le Front al-Nusra d’al-Julani n’est qu’un groupe dissident de l’Etat islamique, qui s’est séparé de son organisation mère en Avril 2013 sur un conflit de leadership entre les deux organisations.
En Mars 2011, les manifestations ont commencé en Syrie contre le gouvernement de Bachar al-Assad. Dans les mois suivants, la violence entre les manifestants et les forces de sécurité a conduit à une militarisation progressive du conflit. En Août 2011, Abu Bakr al-Baghdadi, qui était basé en Irak, a commencé à envoyer des djihadistes syriens et irakiens expérimentés dans la guérilla à travers la frontière syrienne pour créer une organisation à l’intérieur du pays.
Dirigée par un Syrien connu sous le nom Abu Mohammad al-Julani, le groupe a commencé à recruter des combattants et mettre en place des cellules dans tout le pays. Le 23 Janvier 2012, le groupe a annoncé sa formation sous le nom de Jabhat al-Nosra.
En Avril 2013, Abou Bakr al-Baghdadi a publié une déclaration audio, dans laquelle il annonçait que le Front al-Nosra avait été mis en place, financé et soutenu par l’Etat islamique d’Irak. Al-Baghdadi a déclaré que les deux groupes fusionnaient sous le nom de « l’Etat islamique d’Irak et de Syrie. » Le chef du Front Al-Nosra, Abu Muhammad al-Julani, publia une déclaration dans laquelle il niait la fusion et se plaignait que ni lui ni personne d’autre dans la direction d’al-Nusra n’avaient été consultés à ce sujet.
Le chef du siège central d’Al-Qaïda, Ayman al Zawahiri, tenta une médiation dans le différend entre al-Baghdadi et al-Julani, mais finalement, en Octobre 2013, il approuva le Front al-Nusra en tant que franchise officielle du siège central d’Al-Qaïda en Syrie. Cependant, Abu Bakr al-Baghdadi refusa l’autorité tutélaire du siège central d’al-Qaïda et se déclara lui-même du Calife de l’Etat islamique d’Irak et de Syrie.
En gardant ce contexte à l’esprit, il devient amplement évident qu’une seule organisation militante a opéré en Syrie et en Irak sous la direction d’al-Baghdadi jusqu’en Avril 2013, avec la bannière du Front al-Nusra, et que al-Julani, l’émir actuel du Front al-Nusra, la faction dissidente après la rupture, était en fait l’adjoint d’al-Baghdadi en Syrie.
Ainsi, l’Etat islamique a opéré en Syrie depuis Août 2011 sous la désignation du Front al-Nusra et a ensuite changé son nom pour devenir l’Etat islamique d’Irak et de Syrie (ISIS) en Avril 2013. Après quoi, il envahit Raqqa à l’été 2013, puis s’empare d’une partie de Deir ez-Zor et se bat contre l’alliance des Kurdes et le l’armée syrienne à al-Hasakah. Et en Janvier 2014, il prend Falloujah et des parties de Ramadi en Irak et atteint l’apogée de sa puissance quand il s’empare de Mosul en Juin 2014.
En ce qui concerne le changement de nom du Front Al-Nusra d’al-Julani en « Jabhat Fateh al-Sham » en Juillet 2016 et la rupture présumée de ses liens avec la centrale d’Al-Qaïda, ce n’a été qu’une différence nominale parce que le Front al-Nusra n’a jamais eu de liens organisationnels et opérationnels avec le siège central d’al-Qaïda et même leurs idéologies sont aux antipodes.
La Centrale d’Al-Qaïda est essentiellement une organisation terroriste transnationale, alors que le Front al-Nusra a principalement des ambitions régionales qui se limitent à la lutte contre le régime de Assad en Syrie et son idéologie est anti-chiite et sectaire. En fait, le Front al-Nusra a non seulement reçu une aide médicale et un soutien matériel de la part d’Israël, mais certaines de ses opérations contre le régime Assad à dominance chiite au sud de la Syrie ont été entièrement coordonnées avec la force aérienne israélienne.
Le but derrière le changement de nom du Front al-Nusra en Jabhat Fateh al-Sham et de la prétendue rupture des liens avec Al-Qaïda était de le légitimer et de faciliter à ses patrons l’envoi d’argent et d’armes. Les États-Unis avaient mis le Front al-Nusra sur la liste noire en Décembre 2012 et mis l’Arabie Saoudite et la Turquie sous pression pour qu’elles en fassent autant. Bien que le nom du Front al-Nusra ait été dans la liste des organisations proscrites par l’Arabie Saoudite et la Turquie depuis 2014, il a continué à recevoir de l’argent et des armes des États arabes du Golfe.
Il faut se rappeler que, dans une interview [3 en mai 2015] avec Al-Jazeera, Abu Mohammad al-Julani a pris un engagement public sur la demande de ses patrons basés dans le Golfe que son organisation n’a que des ambitions locales limitées à la lutte contre le régime Assad en Syrie et qu’il n’a pas l’intention de frapper des cibles dans les pays occidentaux.
Ainsi, cet exercice de relookage était en cours depuis un certain temps. Al-Julani a annoncé la rupture avec al-Qaïda dans un communiqué vidéo l’année dernière. Mais les efforts persistants des mécènes d’al-Julani basés au Golfe n’ont porté leurs fruits qu’en Janvier de cette année, quand le Front al-Nusra a une nouvelle fois changé de nom, de Jabhat Fateh al-Sham (JFS) en Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui comprend également les djihadistes « modérés » de la Brigade Zenki, Ahrar al-Sham et plusieurs autres groupes terroristes islamistes, et donc, le département d’Etat américain a finalement blanchi ce conglomérat djihadiste qui porte désormais le nom de Tahrir al-Sham pour poursuivre son ambition de renverser le régime Assad en Syrie.
Sources et liens:
[1] un affilié d’al-Qaïda en Syrie sort de la liste terroriste:
[2] Al-Julani a été nommé émir du Front al-Nusra par al-Baghdadi:
[3] L’interview d’Al-Julani à Al-Jazeera: « Notre mission est de vaincre le régime syrien »:
A propos de l’auteur:
Nauman Sadiq est un avocat vivant à Islamabad, chroniqueur et analyste géopolitique et s’intéresse principalement à la politique concernant les régions Af-Pak et le Moyen-Orient,, et le néo-colonialisme et le Pétro-impérialisme.
Traduction : AvicRéseau International