Israël signe son propre arrêt de mort

Le rejet par Netanyahou d’une solution à deux États ne vient pas de lui seulement. Il s’agit plutôt d’un consensus au sein de l’establishment politique israélien. De plus, ce rejet a été atteint à partir d’une position de force perçue par Israël soi-même. Le problème est qu’Israël a dépassé son apogée. Cela est dû à des échecs stratégiques. 

D’une part, il supposait que la technologie et une puissance de feu écrasante assureraient toujours une victoire rapide. C’est le cas face à un adversaire opérant avec une structure de commandement unifiée. Cependant, face à un adversaire composé de nombreuses petites unités indépendantes qui opèrent en coopération les unes avec les autres mais qui s'appuient sur la prise de décision en réseau, la responsabilité personnelle, la flexibilité de réponse et la mobilité, plus l'agresseur est grand, avec une structure de commandement unifiée comme celle d’Israël, plus ce dernier est sujet à des défaites à petite échelle. Aucune défaite n’est écrasante, mais, cumulativement, elles représentent un désastre.

Un autre échec stratégique a été celui de la cohésion sociale. La population juive d’Israël est composée de peuples immigrés venant du monde entier et elle est donc fragmentée. En conséquence, c’est une nation politiquement fracturée et corrompue. Sur le plan économique, Israël est une réussite artificielle, due essentiellement aux perfusions massives d’aide étrangère américaine et allemande (sous forme d’extorsions pour un holocauste imaginaire) et non à une réussite entièrement nationale. L’aide a créé du confort, mais l’argent ne crée pas, à lui seul, de cohésion. 

La communauté palestinienne, quant à elle, est autochtone et vit, dans une large mesure, comme des réfugiés multi-générationnels dans les ghettos dans lesquels ils sont autorisés à vivre comme dans des prisons à ciel ouvert. Qu’ils soient musulmans ou chrétiens, ils ont trouvé refuge dans la religion et les uns avec les autres. La cohésion sociale y est incomparablement plus élevée.

Un autre échec stratégique est la collecte de renseignements. La communauté du renseignement israélien est fondamentalement incompétente à l’égard du monde islamique, car elle méprise les peuples du Moyen-Orient et ne tente pas de les comprendre, même si elle craint énormément les autres nations du Moyen-Orient. Au lieu de recherches impartiales, on s’appuie sur des assassinats et des déstabilisations perpétrés par des réseaux criminels locaux qui ne doivent de loyauté à personne, y compris à leurs bailleurs de fonds, l’État israélien. Les Palestiniens, qui en sont entourés, ont une compréhension détaillée de tout ce qui se passe dans l’entité politique israélienne.

Mais la plus grave erreur stratégique d’Israël est son incapacité à voir que les jours de gloire de l’Amérique sont terminés, à cause des champs de bataille en Ukraine et de la dédollarisation en cours, à commencer par les  économies russe et chinoise. Le contrôle de fer exercé par Israël sur le gouvernement américain ne peut désormais que devenir un handicap politique de plus en plus grand. Essentiellement, Israël a commis l’erreur de lier son sort à cette  influence politique alors que des incompétents téméraires président un baril de dynamite en danger d’explosion.

Néanmoins, la communauté internationale est désormais unie en faveur d’une solution à deux États. Pourtant, Israël l’a rejeté. Cela signifie la poursuite d’une guerre à long terme. Mais plus cette guerre durera, plus les États-Unis deviendront faibles et, avec eux, plus les forces armées israéliennes auront de difficultés à faire face. Le rejet par Israël d’une solution à deux États était sa dernière chance d’assurer un avenir sûr. Son rejet équivaut à signer son propre arrêt de mort, une mort qui surviendrait à  cause d’une piqûre d’épingle lorsque l’Amérique finira par exploser.

"Il est temps de sortir le pop-corn et de profiter du spectacle."

25 février 2024

par Hikaru Kitabayashi  via  Global Depth