Six mois après le début de la guerre éclair menée par Israël contre Gaza, les services de renseignement militaire de l’État d’occupation reconnaissent à contrecœur ce que beaucoup soupçonnaient : une victoire décisive sur le Hamas est un objectif irréalisable. Malgré la rhétorique initiale du Premier ministre Benjamin Netanyahou sur l’anéantissement total, la réalité sur le terrain parle différemment.
Tzachi Hanegbi, chef de la Sécurité nationale israélienne, a déclaré il y a quelques temps que seule une «victoire totale» serait acceptable. Pourtant, comme l’a admis le porte-parole militaire Daniel Hagari le 18 mars, le Hamas persiste, se regroupant – selon lui – autour de l’hôpital Al-Shifa dans le nord de la bande de Gaza.
Comme l’a souligné la semaine dernière le conseiller à la Sécurité nationale des États-Unis, Jake Sullivan,
«Israël a évacué al-Shifa une fois. Le Hamas serait revenu à al-Shifa, ce qui soulève des questions quant à la manière d’assurer une campagne durable contre le Hamas afin qu’il ne puisse pas se régénérer, ni reprendre des territoires».
Mission impossible
D’un point de vue politique, cela signifie que l’armée d’occupation ne peut ni éradiquer le mouvement de résistance palestinien, ni affirmer son contrôle sur le territoire assiégé.
Le général de réserve Itzhak Brik, qui a déjà critiqué le «chaos total» dans les rangs des soldats israéliens à Gaza, avertit depuis longtemps que «la destruction complète du Hamas n’est pas réalisable, et les déclarations de Benjamin Netanyahou à ce sujet ne visent qu’à tromper tout le monde».
L’incapacité de Tel-Aviv à démanteler le vaste réseau de tunnels du Hamas souligne une fois de plus la médiocrité de ses opérations militaires. Les autorités israéliennes ont confirmé qu’environ 80% du réseau de tunnels du Hamas restait intact malgré des mois de frappes aériennes et d’opérations au sol.
Selon des responsables du ministère iranien de la Défense s’exprimant sous couvert d’anonymat, ce réseau s’étendrait sur une distance comprise entre 450 et 530 km – une prouesse étonnante, étant donné que le point le plus long de la bande de Gaza est de 40 km. Deux responsables ont également estimé qu’il y aurait près de 5700 puits distincts menant à ces tunnels.
Au regard de ces découvertes, la vantardise israélienne concernant les bombardements répétés des tunnels du Hamas sonne faux. Même des munitions de pointe comme les bombes GBU-28 à «pénétration profonde» se sont montrées inefficaces contre la profondeur et la complexité du réseau de tunnels.
Les preuves de l’incapacité d’Israël à percer les défenses du Hamas continuent de s’accumuler. Dans un discours prononcé le 12 mars, le dirigeant iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a révélé qu’il avait reçu un message de la résistance palestinienne disant que «90% de nos capacités sont intactes».
Selon Mark Warner, président de la commission du renseignement du Sénat américain, l’armée israélienne a tout au plus réussi à détruire moins d’un tiers du réseau de tunnels du Hamas, ajoutant : «L’idée d’éliminer tous les combattants du Hamas ne me semble pas être un objectif réaliste».
Il est tout à fait évident que l’objectif déclaré d’Israël de détruire le Hamas n’a pas été atteint et ne le sera pas davantage à l’avenir. Même le Wall Street Journal, dans un article du 29 février louant les frappes réussies de l’armée d’occupation sur les forces du Hamas, a reconnu qu’«Israël est encore très loin de son objectif de guerre déclaré d’éliminer le Hamas en tant qu’entité militaire et politique significative».
Les échecs d’Israël peuvent être analysés sous deux angles distincts. Premièrement, la forme de résistance militaire du Hamas est asymétrique, ce qui lui permet d’infliger des dommages à un adversaire beaucoup plus important en nombre sans subir de pertes significatives.
Conscient de la nécessité de préserver sa double structure politico-militaire, le Hamas organise ses opérations militaires en cellules indépendantes placées sous l’autorité des Brigades Al-Qassam.
Deuxièmement, le Hamas n’est pas seulement une force de combat, mais aussi une idéologie profondément enracinée dans la lutte palestinienne pour la libération nationale, dans le cadre de la notion islamique de djihad – ou «effort méritoire». La puissance de ce mouvement anticolonialiste, et en particulier sa large popularité bien ancrée dans la population, fait de son élimination une tâche quasi impossible.
Contrairement à l’Autorité palestinienne (AP), dirigée par le Fatah et soutenue par les États-Unis et Israël, qui accepte le principe de l’autonomie avec de nombreuses contraintes – illustré par les accords d’Oslo -, le rejet de ces accords par le Hamas reflète son opposition résolue à la vision coloniale d’Israël et offre une position politique alternative convaincante.
La guerre comme outil politique
En résumé, les menaces d’anéantissement du Hamas et de destruction de Gaza sont vaines. Du point de vue de la logique du groupe de résistance palestinien, il est entendu que les conséquences seraient bien plus graves s’il se soumettait aux exigences d’Israël.
Cette même logique de résistance, qui est fondamentale, est partagée par l’écrasante majorité des partisans du Hamas, y compris les laïcs. De plus, la logique de résistance anticoloniale se transmet de génération en génération, et la dynamique génocidaire du sionisme ne fait que perpétuer cette même logique.
L’échec avéré du sionisme dans sa quête de «victoire totale» sur le Hamas doit être appréhendé d’un point de vue politique. Tant que l’occupation coloniale israélienne persistera dans ses objectifs de déplacement et de conquête de la Palestine, l’idéologie de la résistance, incarnée aujourd’hui par le Hamas, maintiendra sa domination parmi les colonisés.
Les sondages réalisés auprès des Palestiniens corroborent cette analyse. Une enquête réalisée par le Palestinian Center for Policy and Survey Research en décembre 2023 indique un soutien croissant au Hamas dans l’ensemble des territoires palestiniens occupés, ainsi qu’une diminution spectaculaire du soutien à l’Autorité palestinienne.
Les données révèlent en outre un soutien généralisé aux actions du Hamas, y compris l’opération de résistance du 7 octobre «Al-Aqsa Flood», et un appel massif à la démission de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne.
La déclaration de l’ancien vice-président du Conseil de Sécurité nationale israélien, reconnaissant qu’«il n’y a pas de solutions militaires aux conflits dans lesquels Israël est engagé, en particulier dans la région sud», confirme l’aveuglement politique de l’actuel statu quo israélien.
Comprendre l’axe de la résistance
Il est important de rappeler que, parfois, on suppose qu’une idéologie peut être subordonnée à un ensemble d’intérêts politiques, pouvant amener cette idéologie à modifier ses objectifs politiques à un moment ou à un autre. Or, ce n’est pas le cas du Hamas, et il en va de même lorsque l’on analyse les raisons de l’opposition du Hezbollah et de l’Iran à Israël.
Ni le Hamas ni les autres membres de l’axe de la résistance ne peuvent être menacés ou bombardés, car ces groupes autonomes ont leur propre programme politique qu’ils considèrent comme non négociable, même face à la campagne génocidaire d’Israël. Comme l’a souligné à plusieurs reprises le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans un discours télévisé du 16 février : «Nous sommes placés devant un choix – la résistance ou la capitulation – et le prix de la capitulation … signifie la soumission, l’humiliation, l’esclavage et le mépris de nos aînés, de nos enfants, de notre honneur et de nos richesses … Le prix de la capitulation au Liban signifie l’hégémonie politique et économique d’Israël sur notre pays».
Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple de l’engagement inébranlable de l’Iran en faveur de la Palestine, malgré les risques internes qu’il fait peser sur la Sécurité nationale iranienne en affrontant à la fois les États-Unis et Israël. Pourtant, ces risques et ces menaces n’ont aucune prise sur la stratégie politique régionale de Téhéran, fermement ancrée dans sa vision révolutionnaire.
Il s’agit là d’une différence fondamentale avec les coalitions militaires occidentales classiques créées au coup par coup par des États partageant les mêmes idées pour lutter contre une menace commune sans engagement à long terme. L’«effondrement» de la coalition sans envergure dirigée par les États-Unis pour contrer les opérations navales anti-israéliennes du Yémen en mer Rouge en est un bon exemple.
En revanche, l’axe de la résistance est plus qu’une simple coalition : il est ancré dans une idéologie anticoloniale qui partage des objectifs non négociables, mais qui autorise des stratégies différentes pour les atteindre.
En d’autres termes, tous les groupes qui composent l’Axe de la Résistance – qu’ils soient sunnites, chiites, arabes, non arabes, laïques ou islamistes – sont capables de parvenir à des accords et à des désaccords occasionnels en recourant au même langage de la tradition islamique anticoloniale.
Alors que la guerre contre Gaza fait rage depuis près de six mois, le bilan sans précédent en termes de vies et d’infrastructures palestiniennes a été dévastateur. Malgré quelques avancées tactiques des forces d’occupation, il est de plus en plus clair qu’Israël se dirige vers une défaite stratégique.
Son incapacité à atteindre ses objectifs contraste fortement avec la détermination inébranlable de la résistance palestinienne, soutenue par une alliance régionale unie dans sa posture intransigeante à l’égard de l’État occupant.
par Xavier Villar
source : The Cradle
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