Un article du magazine grand public Marianne a fait beaucoup parler de lui dans le monde des analystes alternatifs anglophones car il lance, dès son intro, quelques pétards du genre :
« En n’excluant pas d’envoyer des troupes en Ukraine, Emmanuel Macron a provoqué un tollé en Europe et écopé d’un désaveu américain. Plusieurs militaires français, interrogés par Marianne, disent, eux, être « tombés de l’armoire ». « Il ne faut pas se leurrer, face aux Russes, on est une armée de majorettes ! », raille un haut gradé, persuadé que « l’envoi de troupes » françaises sur le front ukrainien ne serait tout simplement « pas raisonnable ». »
Des constats que les analystes alternatifs anticipaient depuis bien longtemps, mais ils étaient traités alors de « pro-Poutine » :
« Premier constat : une victoire militaire ukrainienne semble désormais impossible… Autre constatation, « les Russes ont aussi su gérer leur troupe de réserve, pour garantir l’endurance opérationnelle »…. Troisième constat : le risque de rupture russe [Que les russes rompent le front de résistance ukrainien] est réel… Est-ce cette situation stratégique nouvelle, où l’armée russe semble en position de force face à une armée ukrainienne à bout de souffle, qui a conduit Emmanuel Macron, « en dynamique », comme il l’a glissé, à envisager des renforts de troupes ? Une perspective réaliste face à la situation opérationnelle du moment, qualifiée de « critique » par des observateurs de terrain. « Mais ce qui peut paraître réaliste d’un strict point de vue tactique peut se révéler irréaliste d’un point de vue stratégique et diplomatique », soupire un gradé français. »
Il semble que, après s’être enfoncé longtemps dans le brouillard de leurs illusions et de leur propre propagande, le retour à la réalité de terrain soit difficile pour les dirigeants et analystes européens et les laisse dans l’affolement.
Le vrai message de cet article vient de l’armée qui cherche à prévenir Macron que partir en guerre contre la Russie serait un acte suicidaire. En espérant qu’il l’ait bien entendu.
Il ne s’agit pas de « baisser la tête face à Poutine » comme l’argumentent certains. Il s’agit d’arrêter les conneries, de remettre les pieds sur terre et de s’entendre avec le gouvernement russe pour établir un pacte de sécurité européen qui satisfasse à la fois la sécurité des européens et des russes, comme le demande Poutine depuis 2014, et comme il l’a redemandé pour la n-ième fois lors de son interview avec Carlson. L’Europe y gagnerait autant que la Russie. Hélas il semble que les penchants atlantistes des dirigeants européens les rendent sourds d’oreille aux propositions raisonnables de Poutine.
CNN confirme cette supériorité matérielle de la Russie face à l’Occident :
« La Russie semble en passe de produire près de trois fois plus de munitions d’artillerie que les États-Unis et l’Europe, un avantage clé avant ce qui devrait être une nouvelle offensive russe en Ukraine plus tard cette année.
La Russie produit environ 250 000 munitions d’artillerie par mois, soit environ 3 millions par an, selon les estimations des services de renseignement de l’OTAN sur la production de défense russe partagées avec CNN, ainsi que des sources proches des efforts occidentaux pour armer l’Ukraine. Collectivement, les États-Unis et l’Europe ont la capacité de produire seulement environ 1,2 million de munitions par an à envoyer à Kiev, a déclaré à CNN un haut responsable du renseignement européen ».
Un peu plus loin dans l’article, une petite ligne rapide, mais significative, pour expliquer les raisons de cette supériorité :
« Les responsables américains et occidentaux insistent sur le fait que même si la Russie a réussi à relancer ses usines, en partie parce qu’elle a l’avantage d’être une économie dirigée sous le contrôle d’un autocrate, les nations capitalistes occidentales finiront par rattraper leur retard et produire de meilleurs équipements.
« Si vous pouvez réellement contrôler l’économie, alors vous pourrez probablement avancer un peu plus vite que les autres pays », a déclaré le lieutenant-général Steven Basham, commandant adjoint du commandement américain en Europe, dans une interview à CNN la semaine dernière. Mais, a-t-il ajouté, « l’Occident disposera d’une puissance plus durable ».
Et oui, la « main invisible du marché » est surement efficace pour que certains engrangent de gros profits mais est un désavantage quand il s’agit de travailler pour l’intérêt national ou collectif. Les occidentaux sont en train d’en faire les frais, tant face à la Russie qu’à la Chine. Mais la suite de la phrase disant que « les nations capitalistes occidentales finiront par rattraper leur retard et produire de meilleurs équipements » montre que la propagande médiatique fera tout pour cacher une telle évidence.
*******************
Toute cette gesticulation pour créer des tensions, auquel s’est rajouté le blocage de toute condamnation d’Israël à l’ONU, créent des dommages irréversibles à la stature internationale des Etats-Unis sans que ceux-ci aient l’air d’en prendre conscience. Voici quelques déclarations venant d’Asie.
De Chine d’abord :
« Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a qualifié jeudi 7 mars la guerre menée par Israël à Gaza de « honte pour la civilisation » et a réitéré les appels de Pékin à un « cessez-le-feu immédiat ».
“C’est une tragédie pour l’humanité et une honte pour la civilisation qu’aujourd’hui, au 21e siècle, ce désastre humanitaire ne puisse être stoppé”, a déclaré Wang aux journalistes lors d’une conférence de presse.
“Aucune raison ne peut justifier la poursuite du conflit, et aucune excuse ne peut justifier d’être désespérément tué”, a déclaré Wang. “La communauté internationale doit agir de toute urgence, en faisant d’un cessez-le-feu immédiat et de la cessation des hostilités une priorité absolue, et en assurant l’aide humanitaire une responsabilité morale urgente.” »
Cet éditorial du Jakarta post, le journal pro-occidental en langue anglaise d’Indonésie :
« La façon dont Israël a mené sa guerre à Gaza en ciblant et en tuant aveuglement des civils, y compris des femmes et des enfants, en assiégeant Gaza et en bloquant son approvisionnement alimentaire, ainsi qu’en annihilant complètement ce qui était autrefois déjà une « prison à ciel ouvert devrait suffire à l’Indonésie pour reconsidérer son projet de renforcer ses liens avec l’État juif.
En fait, l’attaque massive contre Gaza devrait donner à tout le monde, à chaque nation, et pas seulement à l’Indonésie, une pause pour commencer à recalibrer ses liens avec Israël. La mort de plus de 30.000 civils à Gaza devrait être une raison suffisante pour exiger des comptes de la part des politiciens et des généraux militaires qui donnent le ton à Tel Aviv. Nous ne devrions pas récompenser les mauvais comportements. »
« Le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim a accusé les dirigeants occidentaux d’appliquer de manière sélective le droit international lorsqu’ils condamnent l’opération militaire russe en Ukraine, mais ne défendent pas un cessez-le-feu dans la guerre entre Israël et Gaza.
S’adressant jeudi à l’Université nationale australienne de Canberra, Anwar a déclaré que depuis six décennies, l’Occident donne « carte blanche » à Israël pour poursuivre son « déchaînement meurtrier contre les Palestiniens ».
« Malheureusement, la tragédie déchirante qui continue de se dérouler dans la bande de Gaza a mis à nu la nature égocentrique de l’ordre fondé sur des règles tant apprécié et tant vanté », a soutenu le Premier ministre.
Les réponses différentes et incohérentes de l’Occident face aux conflits Russie-Ukraine et Israël-Gaza « défient le raisonnement », a-t-il souligné. C’est une « course folle » de croire que d’autres pays, y compris dans la région Indo-Pacifique, ne remarqueraient pas les incohérences dans l’application du droit international.
Anwar a également exhorté l’Australie à rétablir le financement de l’agence humanitaire des Nations Unies, l’UNRWA, à Gaza. »
Dans la même semaine, Anwar en a profité pour dénoncer la pression que subissent les Etats voisins de la Chine de la part des Etats-Unis :
« Le Premier ministre malaisien s’est prononcé lundi en faveur des liens avec la Chine et s’est plaint des pressions présumées exercées par les États-Unis et leurs alliés sur les nations de la région pour qu’elles prennent parti dans les rivalités stratégiques de l’Occident avec Pékin.
Les remarques du Premier ministre Anwar Ibrahim ont eu lieu lors du sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est dans la ville australienne de Melbourne, où Anwar est l’un des neuf dirigeants asiatiques présents à la réunion.
“À l’heure actuelle, la Chine semble être le principal investisseur en Malaisie”, a déclaré Anwar, insistant sur le fait que les Malaisiens “n’ont pas de problème avec la Chine”.
“Nous sommes une nation indépendante, nous sommes farouchement indépendants, nous ne voulons être dictés par aucune force”, a déclaré Anwar.
“Ainsi, même si nous restons (…) un ami important des États-Unis, de l’Europe et ici en Australie, ils ne devraient pas nous empêcher d’être amicaux avec l’un de nos voisins importants, précisément la Chine”, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse conjointe avec l’Australie. Le Premier ministre Anthony Albanese, est un fidèle allié des États-Unis.
« S’ils ont des problèmes avec la Chine, ils ne devraient pas nous les imposer. Nous n’avons pas de problème avec la Chine », a déclaré Anwar aux journalistes. »
En Afrique aussi ils en ont marre des pressions et attitudes étasuniennes :
« Selon le colonel-major Amadou Abdramane, l’accord de coopération serait « une simple note verbale », « unilatéralement imposée » par Washington. Le document contraindrait le Niger à payer les factures liées aux taxes des avions américains, ce qui coûterait plusieurs milliards, selon le porte-parole. Niamey se plaint également de n’avoir aucune information sur les opérations américaines, tout en ignorant leurs effectifs et matériels déployés.
Ainsi, le membre du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a jugé « illégale » la présence américaine sur le territoire nigérien. Cette décision fait suite à la visite, entre mardi 12 et jeudi 14 mars, d’une délégation américaine de haut niveau à Niamey. Une rencontre « sans respect des usages diplomatiques » et « imposée », selon Amadou Abdramane.
Les échanges auraient porté sur la transition en cours et le choix des partenaires étrangers. D’après le colonel-major, les Américains auraient accusé Niamey d’avoir signé des accords secrets, que ce soit dans le domaine militaire avec la Russie, ou sur l’uranium avec l’Iran. Le porte-parole a ainsi dénoncé une « attitude condescendante et la menace de représailles » des Américains. De quoi « saper les relations » et « miner la confiance entre nos gouvernements », a-t-il dit. »
Publié le mars 18, 2024par le Saker Francophone
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires hors sujet, ou comportant des attaques personnelles ou des insultes seront supprimés. Les auteurs des écrits publiés en sont les seuls responsables. Leur contenu n'engage pas la responsabilité de ce blog ou de Hannibal Genséric.