Est-ce le
retour du rouble d’or ? Si oui, l’or est sur le point de faire un retour
spectaculaire sur la scène monétaire mondiale pour la première fois depuis que
Washington a unilatéralement déchiré le traité de Bretton Woods en août 1971. Depuis
quelque temps, la Chine et la Fédération de Russie ont compris, comme d’autres
nations, que le rôle du dollar comme principale monnaie de réserve du monde est
leur talon d’Achille économique.
Tant que
Washington et Wall Street contrôlent le dollar, et aussi longtemps que la
majeure partie du commerce mondial exige des dollars pour le règlement, les
banques centrales comme celles de Russie et de Chine sont obligées de
stocker des dollars représentant une dette sûre du Trésor américain, pour
protéger leurs économies du genre de guerre des devises que la Russie a
connue à la fin de 2014, lorsque le bien nommé – pour
l’occasion – Office du Trésor américain pour le terrorisme et
l’espionnage financier, avec l’aide de Wall Street, ont
liquidé des roubles, suite à un odieux accord américano-saoudien
pour provoquer l’effondrement des prix mondiaux du pétrole. Maintenant la
Russie et la Chine attendent tranquillement que le dollar prenne la porte
de sortie.
Le budget de l’état russe dépend fortement des
profits en dollars venant des exportations de pétrole. Ironie du sort, en
raison du rôle du dollar, les banques centrales de la Chine, de la
Russie, du Brésil et d’autres pays diamétralement opposés à la
politique étrangère des États-Unis, sont contraints d’acheter de la dette du
Trésor américain en dollars, finançant ainsi de facto, les guerres de
Washington visant à leur causer des dommages.
Cela change
doucement. En 2014, la Russie et la Chine ont signé deux contrats énormes
sur 30 ans pour la fourniture de gaz russe à la Chine. Les contrats
précisaient que l’échange se ferait en roubles et en renminbi, pas en dollars.
Ce fut le début d’une accélération du processus de dé-dollarisation qui est en
cours aujourd’hui.
Le renminbi dans les réserves russes
Le 27
novembre, la Banque centrale de Russie a annoncé qu’elle incluait le
renminbi chinois dans ses réserves officielles pour la première fois. Au
31 décembre 2014, la réserve de la Banque centrale
était composée de 44% de dollars américains, 42% d’euros et un peu plus de
9% de livre sterling. La décision d’inclure le renminbi (ou yuan)
dans les réserves officielles russes va augmenter l’utilisation du yuan
sur le marché financier du pays, au détriment du dollar.
Le yuan a
d’abord commencé à être négocié, en tant que devise, à la Bourse de Moscou
en 2010, même s’il n’est pas encore totalement convertible. Depuis lors, le
volume du commerce en yuans a beaucoup augmenté. En août 2015, les
commerçants et les sociétés de change russes ont acheté un record de
18 milliards de yuans, soit environ $3 Mds, ce qui représente une
augmentation de 400% par rapport à l’année précédente.
Le rouble d’or arrive
Mais les
actions de la Russie et de la Chine pour remplacer le dollar comme monnaie de
médiation dans leur commerce mutuel, un commerce dont le volume a augmenté
considérablement depuis les sanctions des États-Unis et de l’UE en mars
2014, ne sont pas la fin de l’affaire.
L’or est sur
le point de revenir spectaculairement sur la scène monétaire mondiale pour
la première fois depuis que Washington a unilatéralement déchiré le traité de
Bretton Woods en août 1971. À ce moment, conseillé par l’émissaire personnel de
David Rockefeller au Trésor US, Paul Volcker, Nixon a annoncé que Washington
refusait désormais de respecter ses obligations conventionnelles de
racheter les dollars détenus à l’étranger en échange de l’or de la banque
centrale américaine.
Depuis ce
temps, les rumeurs persistantes ont prétendu que les chambres de Fort-Knox, où
l’or est stocké, sont vides. Si cela était avéré, ce serait le fin du
dollar comme monnaie de réserve.
En savoir plus : Le gouvernement US a perdu (sic) sept
rapports d’audit sur l’or de Fort-Knox
Washington
tient fermement à la version selon laquelle la Réserve fédérale
possède 8 133 tonnes de réserves d’or. Si cela est vrai, cela dépasse
de loin le suivant, l’Allemagne, dont les avoirs en or officiel sont
estimés par le FMI à 3 381 tonnes.
En 2014, un
événement bizarre est apparu qui a alimenté les doutes sur les statistiques
officielles d’or des États-Unis. En 2012, le gouvernement allemand a demandé à
la Réserve fédérale (Fed) de rendre à la banque centrale allemande l’or que
la Bundesbank avait confié à sa garde. Laissant le monde entier
interloqué, la banque centrale américaine a refusé de restituer son or à
l’Allemagne, en utilisant le prétexte fallacieux que la Réserve fédérale «ne
pouvait pas différencier les lingots d’or allemands de ceux des États-Unis …»
Peut-être devons nous croire que les fonctionnaires en charge des
vérifications de l’or de la Réserve fédérale ont été virés suite aux
compressions budgétaires ?
Dans le
scandale qui a suivi, en 2013, les États-Unis ont rapatrié cinq misérables tonnes
d’or allemand à Francfort, annonçant qu’il faudrait attendre 2020
pour compléter les 300 tonnes dues. D’autres banques centrales européennes ont
commencé à exiger leur or de la Fed, alors que la méfiance a augmenté.
Dans cette
dynamique, la banque centrale de Russie a considérablement accru
ses réserves officielles d’or au cours des dernières années. Suite
à l’hostilité croissante de Washington le rythme est devenu beaucoup
plus rapide. Depuis janvier 2013, la réserve officielle d’or de la
Russie a augmenté de 129% à 1 352 tonnes au 30 septembre 2015. En 2000, à
la fin de la décennie de pillage systématique de la Fédération de Russie
par les USA, au cours des sombres années Eltsine (1991-1999), les réserves d’or
de la Russie étaient de 343 tonnes.
Les voûtes
de la Banque centrale de Russie, qui à l’époque de la chute de l’Union
soviétique, en 1991, contenait quelques 2 000 tonnes d’or officiel,
ont été dépouillées au cours du mandat controversé de Viktor
Gerachtchenko à la tête de la Gosbank , qui a dit à une Douma
[Parlement russe] éberluée qu’il ne pouvait pas rendre compte de
la localisation de l’or russe.
Aujourd’hui
est indubitablement une autre époque. La Russie a de loin remplacé l’Afrique du
Sud comme troisième plus grand pays producteur d’or au monde. La Chine est
devenue numéro un.
Les médias
occidentaux ont fait grand cas du fait que, depuis le début des sanctions
financières conduites par les États-Unis, les réserves en dollars de
la banque centrale russe ont baissé de manière significative. Ce qu’ils ne
signalent pas est que dans le même temps la banque centrale en Russie a acheté
de l’or, beaucoup d’or. Les réserves totales de la Russie en dollars
américains ont récemment chuté, suite aux sanctions de 2014, d’environ
$140 Mds, parallèlement à l’effondrement de 50% des prix du pétrole,
mais les avoirs en or sont en hausse de 30% depuis 2014. La Russie détient
maintenant autant d’or que le fonds boursier (ETF). Pour le
seul mois de juin, son stock a augmenté de l’équivalent de 12%
de la production mondiale annuelle d’or selon seekingalpha.com.
Si le
gouvernement russe adopte la proposition très raisonnable de l’économiste
russe conseiller de Poutine, Sergueï Glaziev, à savoir que la Banque centrale
de Russie achète chaque once d’or extraite de Russie à un prix garanti
en rouble et attractif pour augmenter les avoirs de l’État, cela
éviterait à la Banque centrale d’avoir à acheter de l’or sur les marchés
internationaux avec des dollars.
Un Hegemon en faillite
A la fin des
années 1980, suite à l’importante crise bancaire américaine couplée avec
le déclin évident du rôle des États-Unis d’après-guerre en tant que
leaders industriels du monde, suite aussi à la constatation que les
multinationales américaines externalisaient leur activité industrielle à des
pays à bas salaires comme le Mexique et plus tard la Chine, les Européens ont
commencé à concevoir une nouvelle monnaie pour remplacer le dollar comme devise
de réserve et à créer l’Union Européenne pour faire pièce à l’hégémonie
américaine. Ce fut le traité de Maastricht au moment de la réunification
de l’Allemagne au début des années 1990. Ensuite la Banque centrale européenne
et plus tard l’euro. Le résultat a été une construction bancale du haut vers
le bas possédant de graves lacunes. Le succès du pari risqué – et suspect
– engagé par le spéculateur américain George Soros en 1992 contre la
Banque d’Angleterre et la parité de la livre sterling dans le Système Monétaire
Européen (SME), a réussi à sortir le Royaume-Uni et la City de Londres
de l’alternative émergente au dollar. La proie était facile pour
certains des mêmes hedge funds en 2010, lorsqu’ils ont déchiré l’euro au niveau
des coutures en attaquant son talon d’Achille, la Grèce, suivie par le Portugal,
l’Irlande, l’Italie, l’Espagne. Depuis lors, l’UE, qui est aussi liée à
Washington par les chaînes de l’Otan, a posé peu de problèmes à
l’hégémonie américaine.
Cependant,
et de plus en plus depuis 2010, lorsque Washington a tenté d’imposer la
domination tous azimuts (Full Spectrum Dominance) du Pentagone sur le monde,
sous la forme de soi-disant Printemps arabes, manipulés en changements de
régime, en Tunisie, en Égypte, en Libye et maintenant, avec des
résultats médiocres, en Syrie, la Chine et la Russie ont été poussées dans les
bras l’une de l’autre. Une alternative russo-chinoise au dollar sous la
forme d’un rouble et d’un renminbi adossés à l’or, pourrait
entraîner une éviction du dollar américain comme devise
internationale de réserve, et avec elle, une baisse sévère de la capacité de
l’Amérique à utiliser le dollar pour financer ses guerres avec l’argent des
autres peuples. Cela pourrait simplement agir en faveur d’un monde en
paix, débarrassé de la belligérance continuelle de l’hégémonie américaine.
F.
William Engdahl
Article Original publié par New Eastern Outlook
Traduit et
édité par jj, relu par Literato pour le Saker Francophone