Confrontée à des déficits budgétaires records liés à
l'effondrement des cours du brut, aux achats massifs d'armes occidentales, aux guerres menées en Syrak et au Yémen, l'Arabie saoudite s'est résignée à
réduire les généreuses subventions sur les carburants et l'électricité,
une mesure qui aura un impact douloureux sur une population habituée à
l'Etat-providence.
Par des décisions inattendues, le premier
exportateur mondial de brut a augmenté jusqu'à 80% les prix de produits
pétroliers et d'environ 70% ceux de l'électricité et de l'eau, dans le
cadre d'une vaste réforme économique censée réduire la dépendance
vis-à-vis du pétrole.
Cependant, le royaume peut toujours compter sur une manne infinie et inépuisable, datant de plusieurs siècles avant l'Islam [1] : le pèlerinage à la Mecque, dont les recettes dépassent celles du pétrole [2]. Tant que des musulmans sont prêts à dilapider leurs dernières ressources pour les remettre aux rois fainéants, les Saoudiens continueront à vivre sans travailler.
"C'est le début d'un programme global pour
édifier une économie forte (...) avec une diversification des sources de
revenus", a déclaré le roi Salmane lors de l'adoption lundi par le
Conseil des ministres du budget 2016, accompagné de mesures d'austérité.
Le
royaume, dont la production pétrolière a atteint cette année un record
de 10,4 millions de barils par jour (mbj), a enregistré en 2015 un
déficit budgétaire sans précédent de 89,2 milliards d'euros, soit 15% du
PIB du pays estimé à 595 mds d'euros.
Ryad a prévu aussi un déficit de 79,3 mds d'euros dans son budget 2016, pour la troisième année consécutive.
En
2015, les recettes ont reculé à 147,6 mds d'euros, un plus bas depuis
la crise financière de 2009, en baisse de 42% par rapport aux 253,6 mds
d'euros engrangés en 2014. Ce recul est dû à une baisse de 112 mds
d'euros des recettes pétrolières.
Le royaume a annoncé qu'il
entendait aussi augmenter les taxes sur les services sociaux pour
consolider ses revenus non-pétroliers, restés jusqu'ici modestes.
Pour
le ministre des Finances Ibrahim al-Assaf, il est temps de réexaminer
le niveau élevé des dépenses des dernières années. "Nous devons
rationaliser les dépenses non essentielles", a-t-il dit au quotidien
Al-Eqtissadiah.
Cigarettes, boissons, billets
Les
recettes non-pétrolières ont augmenté cette année de 29% à 36,6 mds
USD, représentant pour la première fois 27% de l'ensemble des rentrées
de l'Etat.
"Cette contribution reste très limitée et doit
augmenter", a commenté à l'AFP l'économiste saoudien Abdulwahab
Abi-Dahesh. "Je m'attends à ce que le gouvernement soit en mesure de
porter les recettes non-pétrolières à plus de 200 mds de riyals (48,2
mds euros) l'an prochain avec l'introduction de nouvelles taxes".
Ainsi,
le secteur non-pétrolier devrait représenter environ 40% des revenus du
royaume où les recettes pétrolières ont baissé cette année à 73%, alors
qu'elles représentaient en moyenne 90% ces 10 dernières années.
Les
nouvelles mesures, prévoyant aussi un relèvement des prix des billets
d'avion sur les vols intérieurs et une augmentation des prix des
cigarettes et des boissons non alcoolisées, devraient avoir un impact
négatif sur les habitants à faible revenu, habitués depuis des décennies
à des services publics et des produits très bon marché.
Le roi a souhaité que les familles à faible revenu soient épargnées.
Dès
lundi soir, des centaines d'automobilistes se sont rués vers les
stations-service pour faire le plein avant l'entrée en vigueur des
nouveaux prix mardi.
'Mauvaise politique'
Pour
Abou Othman, 63 ans, en dépit de l'augmentation, les prix de l'essence
restent "raisonnables". "De telles mesures sont normales dans les
circonstances actuelles", a-t-il affirmé à l'AFP en faisant le plein à
Ryad.
La hausse des prix a suscité un flot de commentaires sur les
réseaux sociaux, principal moyen de s'exprimer dans le royaume où les
médias sont contrôlés par l'Etat.
Dans un tweet, Fahad al-Owain
prévient que "la levée des subventions frappera de plein fouet la classe
moyenne, qui forme la majorité des habitants". "Les riches pourront
s'en sortir mais les pauvres dépendent du gouvernement".
"Je pense que ce budget va nous apprendre à rationaliser la consommation", a écrit un autre, Udai al-Dhaheri, sur Twitter.
Pour un internaute anonyme, "c'est une mauvaise politique économique qui est à l'origine du déficit budgétaire record".
Le
Fonds monétaire international (FMI) avait prévenu l'Arabie saoudite
qu'elle risquait d'épuiser ses réserves en devises en cinq ans si elle
tardait à réduire ses subventions et à diversifier son économie.
Le
royaume a déjà puisé cette année 80 mds USD dans ses réserves, estimées
fin 2014 à 732 mds USD, et levé sur le marché local 20 mds USD en bons
du trésor.
Source : http://www.huffpostmaghreb.com/