Mardi 1er mars, le général américain
commandant les forces de l’Otan en Europe accusait la Russie et la Syrie
d’utiliser les mouvements migratoires comme une arme pour déstabiliser
l’Europe. Cette instrumentalisation stratégique du phénomène migratoire
est partagée par la plupart des acteurs impliqués dans le conflit
syro-irakien, Etat islamique compris.
Atlantico : Mardi 1er mars, le général Philip Breedlove, le chef des forces de l’Otan en Europe, a accusé la Russie et la Syrie d’utiliser les mouvements migratoires comme une arme pour déstabiliser l’Europe. Au-delà de la teneur des propos de ce général américain et de leur bien-fondé ou non, dans quelle mesure le phénomène migratoire peut-il être utilisé comme une arme géopolitique à l'heure actuelle ?
Jean-Bernard Pinatel : Avant de vous répondre sur le fond de votre question, je me dois de qualifier les propos de ce général de l’OTAN de grossière propagande. L’OTAN ne défend pas l'Europe, elle défend les intérêts américains en Europe.
Les Etats-Unis qui dirigent cette organisation ont un objectif stratégique qu'ils poursuivent sans relâche depuis 1991: éviter que l'Europe et la Russie se rapprochent et que leur alliance stratégique les prive de la primauté mondiale qu'ils
ont acquise suite à l'effondrement de l'URSS. Quant à l'OTAN son rôle
est de mettre en œuvre cette stratégie en réinstallant un climat de
Guerre froide en Europe. Sur le fond, sa déclaration est totalement contredite par les faits. Les
réfugiés Syriens étaient depuis longtemps stationnés dans des camps en
Turquie et cela bien avant l'intervention russe en Syrie qui a commencé
en août 2015.
Caroline Galacteros : Le
SACEUR emploie sciemment une rhétorique guerrière qui correspond à la
posture de l’OTAN de plus en plus belliqueuse…et belligène. Les
Etats-Unis et l’Alliance (sans oublier son membre du flanc sud, la
Turquie), mis en difficulté en Syrie par l’implication russe qui
commence à rencontrer des succès opérationnels importants, essaient
désormais d’accréditer par divers moyens l’idée d’une convergence
objective d’intérêt et d’action entre Moscou et l’Etat islamique. Cela
permet opportunément de faire oublier que celui-ci a été mollement
combattu depuis 2014 et que ses avatars « rebelles » sont même soutenus
directement ou indirectement par Washington ou ses proxys saoudien,
qatari et turc.
Cette posture croissante de l’Alliance, ajoutée à sa
réactivation actuelle de la guerre civile en Ukraine et à ses
gesticulations et activités militaires grandissantes sur son flanc ouest
(Pays baltes, Pologne, etc…) pour se préparer à défendre ses membres
contre de prétendues velléités russes d’agression sont assez
inquiétantes. Elles laissent penser que l’on est encore loin
d’une coopération sérieuse russo-américaine pour en finir avec Daech et
ses cousins de « la rebellitude » insurgée.
Ce contexte doit être rappelé car il surdétermine les
positions des acteurs. Dans ce jeu, les migrations de populations qui
fuient la guerre ou la misère ont un effet déstabilisateur évident sur
une Europe politiquement divisée et sécuritairement désarmée face aux
mouvements de populations massifs qu’elle n’a jamais su ni voulu
anticiper.
La crise migratoire est bien le dernier clou,
spectaculairement douloureux et humiliant, enfoncé dans le cercueil des
utopies européennes. Utopie d’une unification politique
inéluctable et « naturelle », utopie d’un arasement prétendument
souhaitable des frontières, utopie d’une fusion idéelle des identités et
des cultures dans un creuset communautaire dont on a nié par ailleurs
la racine chrétienne originelle pour accueillir généreusement et bien
naïvement une radicalité identitaire politico-religieuse exogène. La
disqualification des Etats, de l’autorité, des souverainetés tenues pour
rétrogrades dès les années 90, ont abouti à la consolidation des
communautarismes et à la montée de crispations populistes devant ce déni
du réel dogmatique, technocratique et massif.
On peut donc parler d’une « arme » au sens où, de facto,
cet afflux massif mais coordonné de migrants met à mal une UE
incertaine d’elle-même, perdue entre ses valeurs affichées et ses
intérêts les plus évidents, et la plonge dans une crise révèlant
l’indécision et la désunion structurelles de ses gouvernants et pour
certain, leur déficit de représentativité.
L’Europe est donc face à ses inconséquences. Il lui
semble impossible de refouler les hordes de migrants, impossible aussi
de les accueillir sans dommages politiques et sociaux considérables pour
des cohésions nationales déjà très abimées.
En fait, cet afflux soudain de migrants, amplifié par
la guerre, instrumentalisé par des réseaux de passeurs et des
mouvements salafistes extrémistes -qui veulent pousser l’Europe vers
l’éclatement -et certains de ses membres à s’opposer au basculement de
leurs territoires vers un communautarisme ingérable pavant la route d’un
islam politique conquérant-, ne sont en fait que l’écume tragique d’une
vague de fond ancienne qui a déjà sensiblement transformé le visage des
pays européens.
Les forces centrifuges sont donc là. Il faut d’ailleurs remarquer que, bien plus que les membres fondateurs, ce
sont les nouveaux Etats membres d’Europe de l’est et balkanique qui
prennent conscience de ce délitement culturel et social et se
souviennent qu’ils ont en commun avec la Russie une vision plus lucide
et pragmatique de ce type de phénomène.
Difficile de reprocher à Vladimir Poutine de se
réjouir secrètement de ce renversement de situation ni de voir ses
anciens satellites qui l’ont tant méprisé et craint, lui trouver
désormais quelques vertus. Il prend indirectement sa revanche sur un
élargissement qui a amputé la Russie de sa couronne protectrice d’Etats.
Ses méthodes radicales et brutales pour réduire la rébellion et l’Etat
islamique, pour « terroriser les terroristes » et les débusquer, ne
visent évidemment pas les populations civiles en cherchant à les faire
fuir vers l’Europe comme veut le faire accroire le SACEUR. Elles visent
les djihadistes qui utilisent sans vergogne les civils comme « boucliers
humains » leur permettant de se dissimuler au cœur des villes ou
quartiers qu’ils contrôlent.
Alain Coldefy : Le phénomène migratoire est à l'évidence "exploitable" politiquement
en rappelant - même si le résultat est le même - que ce ne sont pas
des forces militaires qui expulsent directement des populations comme on
l'a vu dans le passé mais des populations qui fuient la guerre, les
assassinats, les viols, etc.
Cependant ce n’est pas une arme au sens où une arme est un outil que l’on fabrique dans un but de donner la mort pour
atteindre un objectif militaire dans le cadre d’une stratégie générale
dont les buts sont évidemment politiques. Le phénomène migratoire dans
sa partie "réfugiés politiques", à bien distinguer des migrants
économiques, est un "effet collatéral tragique" des crises et des
guerres. Certes il peut être utilisé comme un moyen de pression
dans les rapports entre Etats mais il ne peut à lui seul décider du sort
d’un combat ou d’une guerre. Ce n’est donc pas une arme. On
l’a bien vu en Libye, lorsque Kadhafi avait proféré des menaces en ces
termes : "je suis le seul à être capable d’arrêter le flot de migrants
venant du Sahel". Cela n’a pas empêché la coalition de le supprimer.
Il faut replacer les déclarations du SACEUR dans un
contexte politique national (Sénat américain) et face à une situation en
Europe où les Etats-Unis souhaitent renforcer leur présence. Ce
redéploiement américain prend différentes formes. Tout d'abord il
s'opère par un déploiement de forces navales permanentes de l'OTAN en
mer Egée pour "surveiller" (cette force est sous commandement allemand
en ce moment). Par ailleurs il se fait sous la forme d'un déploiement de
forces américaines "tournantes" en Pologne et plus généralement en
Europe ajouté à une augmentation conséquente des budgets.
Ces déclarations ont pour but de rassurer les Etats baltes,
la Pologne et de positionner la politique américaine au sujet de
l'Ukraine en présentant l'action russe sous un angle dangereux, ce qui
n'est pas faux.
Comment est utilisée "l’arme migratoire", par chacune des parties, dans le contexte actuel des conflits qui déchirent le Moyen-Orient ?
Caroline Galacteros : Qui tient
cette arme en main ? Personne en particulier, chacun un peu, et sans
doute le Président Erdogan plus que tous les autres. Daech aussi,
évidemment fait son miel de cette tragédie humaine. En février 2015,
son « Calife » nous avait déjà directement menacés d’une invasion de
plus de 500 000 migrants au cas où l’Italie interviendrait militairement
en Libye. En France, le général Gomart, patron de la DRM, parlait lui
en septembre dernier, de « 800 000 à un million de migrants prêts à
partir de l'autre rive de la Méditerranée ».
Moscou de son côté ne peut qu’y voir une confirmation
supplémentaire de la justesse de son raisonnement. A force de ne pas
combattre les terroristes syriens, irakiens et libyens comme un tout et
comme une menace globale pour l’Occident, le résultat est cet exode
incontrôlable dont les Européens font les frais. Cela les
convaincra-t-il de se montrer enfin réalistes et de renoncer à renverser
le régime d’Assad ? Rien n’est moins sûr.
Angela Merkel a pris une décision purement
politicienne d’une légèreté ahurissante, sans consultation de ses
partenaires, comme si elle dirigeait seule l’Union européenne et pour
des bénéfices d’image aléatoires. Nous en supportons tous les conséquences dramatiques. L’Allemagne est à genoux devant la Turquie,
lui promettant (en notre nom) 3 milliards supplémentaires dans le cadre
de la crise migratoire (venant s’ajouter aux 4,9 milliards d’euros déjà
payés sur la période 2007-2013 et 1,25 de 2002 -2006 au titre du
processus -suspendu-de pré-adhésion dont la Turquie n’a rempli … qu’un
petit tiers des obligations d’après la Cour des Comptes européennes !).
Cela afin qu’elle consente à contenir les masses de migrants sur son
territoire. La Turquie qui soutient, arme, et laisse transiter les
combattants djihadistes notamment de Daech, tient là l’arme d’un
chantage inqualifiable et cherche à rouvrir les négociations sur son
adhésion à l’UE ! Et nous nous soumettons.
Alain Coldefy : L'arme migratoire
est à mon sens utilisée "à la petite semaine" par les protagonistes. Il
n'y a pas de plan concerté ou pré établi, mais une récupération des
migrants. Elle est utilisée de façon différente en fonction des acteurs
concernés.
Tout d'abord l'Etat islamique profite de ce phénomène pour affirmer que l'Europe va être submergée, ce qui annoncerait sa victoire finale.
De son côté, la Turquie sait qu'elle reste un pion géostratégique important pour l'OTAN et monnaye ses positions,
alternant le chaud et le froid, y compris avec les Etats-Unis. Cela ne
doit pas éluder le fait que la montée de l'islamisme d'Erdogan est une
réalité.
En ce qui concerne la Russie, elle profite du chaos pour reprendre ses positions stratégiques anciennes dans la zone, en particulier sur les façades maritimes et joue habilement face à la coalition otanienne.
L'Europe, elle, semble totalement absente et
ses principaux pays (Allemagne, Royaume-Uni et France) n'ont pas réussi
à avoir une politique concertée, précisément à cause de la politique à
l'égard des migrants menée unilatéralement par Angela Merkel, ainsi
qu'en raison de divergences franco-britanniques sur Assad
Enfin, les Etats-Unis entrent en léthargie stratégique alors que s'achève le mandat non renouvelable du Président.
Derrière la crise migratoire, ce sont des drames humains qui se jouent. N’est-ce pas surprenant de voir que même des pays démocratiques utilisent ce phénomène comme une arme politique dans les négociations internationales ?
Caroline Galacteros : La Grèce,
prise d’assaut par les migrants, exsangue économiquement et incapable de
faire face, a menacé un temps lors du Conseil européen sur le Brexit de
refuser de signer l’accord conclu avec le Royaume-Uni si l’Union
européenne ne la soutenait pas sur la question des réfugiés. C’est
symptomatique. Le soutien qu’Athènes a reçu d’Angela Merkel n’est pas de
la gentillesse. La crise migratoire risque de déstabiliser le
gouvernement d’Alexis Tsipras, qui ne pourrait pas réaliser les «
réformes structurelles » exigées par la Troïka européenne.
Un
risque trop grand pour l’Allemagne dont les banques, ainsi que d’autres
banques européennes, craignent un Grexit et un défaut de la Grèce sur
sa dette souveraine.
De nouvelles péripéties à Athènes pourraient
donner le signal d’un « sauve qui peut général » des petits Etats
écœurés par l’impuissance des structures communes de Bruxelles. Le président polonais du Conseil européen Donald Tusk vient quant à lui de dire son refus des migrants économiques.
La France… est mal en point. Son appréhension du «
sujet migrants » est impactée par sa crainte d’une reprise des
attentats. Elle n’ose aller au choc, pétrifiée à l’idée qu’une
démonstration d’autorité sérieuse puisse précipiter un soulèvement de
nos banlieues travaillées en profondeur et depuis longtemps par un
communautarisme musulman de combat. Elle n’en peut mais…
Alain Coldefy : Chacun joue son jeu à
partir du moment où les égoïsmes de naguère n'ont pas permis de définir
une position commune. On ne se préoccupe pas des migrants qui vont
aller ailleurs. Jusqu'au moment où cela explose.
Cependant, on ne peut mettre la Grèce sur le même
plan, car elle n'a pas de frontière limitrophe '"Schengen" et qu'elle
essaie (peut-être) de répondre aux attentes de l'UE en matière
budgétaire.
Si la migration peut être utilisée comme une arme, quels sont les moyens de défense mis en place par les pays menacés pour s’en prémunir ?
Caroline Galacteros : Que faire ? Angela Merkel a un « plan A » : Trouver un accord avec la Turquie
Peu importe les sondages calamiteux et les critiques chaque jour plus virulentes de son allié bavarois : Angela
Merkel persiste et signe. Il n'y a, à ses yeux, qu'une solution à la
crise des réfugiés : passer un accord avec la Turquie et sécuriser les
frontières extérieures de l'Union européenne. Tout le reste est
vain. Et elle y croit. Il y a eu, selon elle, des avancées lors du
sommet du 18 février – aucun pays n'a contesté ce double objectif - et
elle est confiante dans le sommet Europe-Turquie du 7 mars. Alors que
toute l'Allemagne attend le moment où elle va enfin reconnaître son
isolement et adopter une autre politique, Angela Merkel très combative, a
affirmé l'inverse. Elle n'a pas de « plan B », a-t-elle dit
explicitement. Non seulement elle n'a « pas le temps de penser à une alternative », mais surtout elle « se concentre pleinement » sur ce qu'elle pense « être rationnel ». Trouver une solution européenne est « mon fichu devoir » a-t-elle précisé. Commentant la décision de la Macédoine de fermer sa frontière avec la Grèce après un « mini-congrès de Vienne » organisé la semaine dernière entre l'Autriche, la Hongrie et plusieurs Etats de la région, Angela Merkel a affirmé : « C'est exactement ce qui me fait peur. Quand quelqu'un ferme sa frontière, l'autre doit souffrir. Ce n'est pas mon Europe. » Une formule qui rappelle le célèbre : « Si l'on doit s'excuser pour avoir présenté un visage agréable à des gens dans la détresse, ce n'est plus mon pays. »
La chancelière allemande joue une partie
serrée : après avoir encouragé l’appel d’air migratoire en Europe, elle
réalise soudainement l’ampleur de la vague qu’elle a suscitée et
l’opposition grandissante des pays d’Europe centrale et orientale. Quand
l’Autriche annonce des quotas journaliers de migrants, prend ses
distances de Berlin pour se rapprocher des pays du groupe de Visegrád,
c’est le signe d’un isolement nouveau de l’Allemagne, inédit en Europe
depuis longtemps.
La chancelière allemande, qui risque de se trouver en
difficulté lors des prochaines élections régionales, espère beaucoup
d’un accord entre l’Union européenne et la Turquie, ébauché hier et
peut-être scellé dans quelques jours. Accepter un grand nombre de
réfugiés syriens et irakiens répartis dans toute l’Europe, mais négocier
avec Ankara pour que les déboutés du droit d’asile et les migrants
économiques soient renvoyés de l’autre côté du Bosphore. Trop beau pour
être crédible…Déjà, l’on apprend que les 3 milliards promis à Recep
Erdogan ne suffisent pas … Le président ottoman fait monter les enchères
demande également la levée de l'obligation de visas pour ses
ressortissants qui se rendent en Europe, ainsi que des avancées
symboliques vers l'adhésion de son pays à l’UE.
Angela Merkel prend un risque majeur, car comment
faire négocier l’Union européenne et son autorité politique légendaire
avec un pays qui, depuis le début du conflit syrien, apparaît de plus en
plus comme un allié objectif du front al-Nosra voire de l’Etat
islamique ? L’Allemagne triomphante risque de se rendre compte
qu’il est plus facile de faire plier la Grèce d’Alexis Tsipras que la
Turquie de Recep Erdogan …
Le Plan B existe pourtant : Les pays
de Visegrád (Pologne, Hongrie, république Tchèque, Slovaquie) veulent
revoir les frontières de l’UE et imposer l’idée d’une nouvelle frontière
européenne où les migrants seraient réellement arrêtés avant d’entrer
dans l’UE.
Les dirigeants de Visegrád appellent également à des «
solutions communes » pour tarir « les sources à l’origine des pressions
migratoires actuelles », et notamment la fin du conflit syrien. Ils
soulignent également que le flot de migrants devrait augmenter dès le
retour des beaux jours.
Le scepticisme des pays d’Europe centrale et
orientale peut se comprendre. Régler la question migratoire en
sécurisant seulement la frontière extérieure de l’Union européenne avec
la Turquie risque d’échouer lamentablement et de donner à Recep Erdogan
un effet de levier considérable dans les négociations.
Les pays du groupe de Visegrád disent haut et fort ce
qui apparaît déjà au grand jour dans tous les pays européens : l’espace
Schengen est en état de mort clinique et les frontières nationales
réapparaissent partout. Les Allemands ont d’ailleurs été parmi les
premiers à rétablir des contrôles, dès septembre 2015 ! Au-delà du refus
des quotas imposés par une structure non élue démocratiquement comme la
Commission européenne, les dirigeants d’Europe centrale et orientale
rappellent ainsi la nécessité du rétablissement de la souveraineté
nationale en cas de crise majeure, ce dont les Occidentaux semblent
beaucoup moins conscients.
Bohuslav Sobotka, Premier ministre tchèque, a
présenté les propositions du groupe au Président du Conseil européen,
Donald Tusk, en visite à Prague, le 16 février. La République tchèque
occupe actuellement la présidence tournante du groupe de Visegrád. Le
Premier ministre bulgare, Boyko Borissov, et le président macédonien,
Gjorge Ivanov, ont également participé à cette réunion. Le groupe de
Visegrád estime en effet que les frontières grecques avec la Bulgarie et
la Macédoine devraient devenir la nouvelle frontière de l’UE, parce que
la Grèce ne parvient pas à limiter le nombre d’arrivées sur ses îles.
Athènes a récemment dénoncé la Hongrie, qui fait pression sur la Grèce
pour qu’elle cesse de secourir les migrants en mer Egée,
ce qui constituerait une violation du droit international. Le Premier
ministre slovaque, a déclaré être pessimiste, à la fois en ce qui
concerne la capacité de la Grèce de faire face à la crise et le
potentiel du plan d’action UE-Turquie. « C’est pourquoi nous avons
discuté d’un plan B pour sécuriser les frontières bulgare et
macédonienne », a-t-il assuré.
Lorsque Bohuslav Sobotka a présenté les propositions
du groupe au Président du Conseil européen, Donald Tusk, en visite à
Prague, le 16 février, le Premier ministre tchèque a aussi évoqué la
nécessité de trouver des « solutions communes » pour tarir les « sources
à l’origine des pressions migratoires actuelles », autrement dit … la
fin du conflit syrien.
A ou B : Tout cela n’aura en effet
qu’un impact minime, voire aucun sur les flux migratoires tant que les
puissances européennes ne se seront pas décidées à faire la paix en
Syrie, donc à restaurer la souveraineté du régime syrien sur son
territoire. Cela implique de contraindre Iraniens et Saoudiens à changer
de ton entre eux et à en rabattre. Cet apaisement minimal impératif
entre Riyad et Téhéran ne peut advenir qu’avec le soutien de Washington
et des assurances données à Moscou (notamment en faisant cesser les
provocations turques). Il deviendrait alors envisageable de réduire l’IS
à la portion congrue et d’assécher la dynamique des innombrables
groupes de rebelles quasiment tous plus ou moins liés à al-Qaïda ou ses «
faux nez » via le Front al Nosra qui noyaute presque toutes
les coalitions qui émergent. L’Europe n’a aucune chance d’y parvenir
seule, surtout en se plaçant en position de dépendance par rapport à la
Turquie qui continue de bombarder les Kurdes syriens et d’acheminer des
armes aux salafistes, ce qui risque fort d’enterrer définitivement le
fragile cessez-le-feu et d’empêcher l’établissement de toute trêve
durable. Il devient urgent de faire une croix définitive sur notre illusion démocratique qui ne convainc d’ailleurs plus personne et voue
les pourparlers à l’échec, de « rebelles modérés » souhaitant la paix
pour la Syrie… alors que leur feuille de route depuis 5 ans a été de la
dépecer méthodiquement. Ce n’est que l’inattendue résistance militaire
du régime bientôt appuyée de manière opportuniste par Moscou et Téhéran
qui a fait capoter ce plan lumineux … Un plan qui a plongé la Syrie et
les Syriens dans des ténèbres sanglantes.
Alain Coldefy : Personne n'a
véritablement mis en place de politique et donc de moyens. Il est
quasiment impossible de faire par exemple comme les Canadiens qui vont
sur place sélectionner les candidats et les transfère ensuite au Canada
en avion en fonction de leurs besoins. Le flux est ainsi régulé et de
qualité.
Pour mettre en place des moyens, il faudrait
être d'accord sur le fait que c'est une "menace" alors que Merkel a
déclaré pendant des semaines que c'était une aubaine… et que longtemps les pays de l'Europe du Nord n'ont pas voulu le reconnaître. Les "no border"
ont constamment promu l'idée que même Schengen ne devait pas avoir de
frontières extérieures et la plupart des pays, dont la France, n'ont pas
osé réagir. Il n'y a donc aucun moyen de défense "individuel", je veux
dire au niveau d'un seul pays. Éventuellement à deux ou trois : la
France, la Suisse, qui est dans Schengen, et l'Allemagne par exemple.
Caroline Galactéros
Caroline
Galactéros-Luchtenberg, Docteur en Science politique (Paris
I-Sorbonne), auditeur de l’Institut des hautes études de la Défense
nationale (AA59) et spécialiste des questions balkaniques, a longtemps
travaillé dans l’évaluation et la prospective stratégiques pour les
services de L’État. Elle dirige le cabinet de conseil privé et de
formation en intelligence stratégique PLANETING.
Elle tient le blog Bouger les lignes.
Jean-Bernard Pinatel
Général (2S) et dirigeant d'entreprise, Jean-Bernard Pinatel
est un expert reconnu des questions géopolitiques et d'intelligence
économique.
Il est l'auteur de Carnet de Guerres et de crises, paru aux éditions Lavauzelle en 2014.
Il anime aussi le blog : www.geopolitique-géostratégie.fr
Alain Coldéfy
L’Amiral Alain Coldefy est directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la politique et stratégie de défense, de la stratégie maritime et de l’industrie de défense.
Source http://www.atlantico.fr/decryptage/turquie-syrie-russie-europe-comment-migrants-sont-devenus-nouvelle-arme-non-conventionnelle-utilisee-presque-tous-jean-bernard-2613650.html#k05CVkUIghBoaW51.99
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