يشعل النار ويقول الدّخان منين
"Il allume le feu, puis vous demande : mais d'où sort cette fumée ?"Proverbe tunisien
La Belgique a toujours été un sanctuaire pour les wahhabites. Durant la guerre d'extermination du peuple algérien par les terroristes islamistes, la Belgique abritait les terroristes du GIA, les plus violents, les plus criminels, au vu et au su de tous. Elle a aussi établi de fortes relations avec les wahhabites saoudiens et turcs. Par conséquent, les Belges et les Français devraient demander des comptes à leurs gouvernements, pour leurs "amitiés" plus que douteuses avec les terroristes islamistes. Hannibal GENSERIC
Algeriepatriotique : La capitale belge vient d’être frappée par deux attentats meurtriers. Quelle lecture en faites-vous ?
Bahar Kimyongür : La même lecture aujourd’hui
partagée par tous les Belges, du chef de l’Etat au simple citoyen. Tout
le monde savait que les terroristes allaient frapper Bruxelles de
manière lâche et sauvage. Le drame était théoriquement prévisible et
attendu, Bruxelles étant une cible facile. L’autre raison qui laissait
p28enser à une attaque imminente est le nombre phénoménal de djihadistes
belges par tête d’habitant. La Belgique compte proportionnellement le
plus grand nombre de nationaux dans les rangs de Daech par rapport à son
nombre d’habitants. Officiellement, 117 djihadistes belges sont revenus
du front syrien. La plupart d’entre eux ne sont même pas passés par la
case prison.
Le déploiement de militaires et les mesures de sécurité
prises depuis des mois, en Belgique, n’ont pas pu empêcher ce drame.
Comment l’expliquez-vous ?
A moins d’un réflexe miraculeux, aucun moyen de détection ne peut
stopper des kamikazes déterminés qui débarquent par surprise au milieu
de la foule, ni à Bruxelles, ni à Beyrouth, ni à Homs, ni à Bagdad. Les attaques suicides sont imparables.
Signalons aussi qu’à l’entrée de l’aéroport de Zaventem, il n’y a
jamais eu de portique de sécurité. Quand bien même la sécurité à
l’aéroport aurait été plus sérieuse, nous n’aurions pas pu éviter
l’attentat. Il se serait probablement produit à l’entrée de l’aéroport…
Comment va réagir le gouvernement belge, concrètement, après ces attentats ?
Avec une certaine impuissance. L’Etat belge accueille le siège de
l’Otan, vend des armes, participe de manière symbolique à des coalitions
guerrières, mais n’est pas du tout préparé à une guerre asymétrique
menée sur son propre territoire. La Belgique n’a plus connu la guerre
sur son sol depuis plus de 70 ans. Ses polices, son armée, ses citoyens
n’ont ni le bagage politique ni militaire pour affronter cette situation
de guerre larvée face à un ennemi extrêmement imprévisible et difficile
à identifier.
La Belgique a toléré, et parfois encouragé, l’existence de
bandes armées salafistes sur son sol lesquelles profitent d’une
législation très souple en matière de surveillance. Le gouvernement
belge réussira-t-il à endiguer ces cellules terroristes implantées
depuis les années 1990, lorsque la Belgique donnait refuge aux
terroristes du GIA ?
La Belgique a commis plusieurs fautes. Durant les années 60 et 70, le
roi Baudouin s’est rapproché de l’Arabie Saoudite en pensant que la
religion prêchée par la monarchie pétrolière allait pouvoir encadrer les
travailleurs immigrés originaires de pays musulmans comme le Maroc ou
la Turquie. Cet accord belgo-saoudien s’est traduit par la mise à
disposition et la transformation du pavillon oriental du parc du
Cinquantenaire en siège de la Grande Mosquée de Bruxelles. Les
comportements de repli sur soi et de rejet de l’autre ont peu à peu
gagné les diverses communautés musulmanes en partie à cause des
prédicateurs formés en Arabie Saoudite. Malheureusement, la Belgique a
sous-estimé le cancer djihadiste en pensant que le takfirisme wahhabite
était un phénomène culturel relevant de la liberté d’expression et non
d’une idéologie terroriste, voire génocidaire. A l’époque de la guerre
froide, cette idéologie arrangeait bien le patronat belge et les hautes
sphères du pouvoir. Le travailleur musulman bigot était en effet bien
moins revendicatif que les ouvriers italiens ou espagnols davantage
coutumiers des luttes syndicales et de l’activisme politique au sein de
partis communistes.
C’est dans ce contexte que l’Etat belge a laissé prospérer certains
imams ultra-conservateurs. Au lendemain de la chute du mur de Berlin,
lorsque le théoricien néo-con Fukuyama a frauduleusement décrété la «fin
de l’histoire», les terroristes du GIA ont profité du vide laissé par
la défaite du camp socialiste. En tant qu’allié historique des
États-Unis, la Belgique a contribué à l’effondrement des idéaux et des
valeurs progressistes au sein du monde arabe et musulman comme le
socialisme, le panarabisme et la laïcité. L’émergence du
djihadisme en Belgique est le résultat de plusieurs décennies de
collaboration avec les ennemis arabes du progressisme arabe.
Ceux qui ont connu les luttes sociales des années 70 et 80 ont une
meilleure vision du processus d’érosion culturelle et idéologique qui a
gagné l’immigration musulmane en Belgique sous l’action des mosquées
salafistes. Il y a 50 ans, personne n’aurait pu prévoir la djihadisation
des esprits dans les rues de Bruxelles. Mais dès 2012, les autorités belges ont laissé partir les jeunes musulmans vers la Syrie dans l’espoir qu’ils liquident Assad.
Cette erreur de calcul a été fatale, car pour Daech, il n’y a aucune
différence entre la Syrie «mécréante» et la Belgique «mécréante». Vous
évoquez les législations belges trop souples en matière de surveillance.
Il y a en effet l’illusion que l’Etat de droit peut suffire à
désamorcer des bombes.
Depuis que la menace terroriste cible l’Europe, les
Occidentaux promettent une lutte sans merci contre le terrorisme
transnational. Seulement, sont-ils, selon vous, disposés à s’attaquer à
la racine d’un mal qui arrange leurs intérêts ?
Comme vous le dites, ce n’est pas dans leur intérêt. Du moins à court terme.
S’ils
avaient raisonné en tant que leaders politiques responsables et
respectueux de leurs citoyens, ils auraient réfléchi par deux fois avant
de se coucher devant les djihadistes en col blanc comme Erdogan ou en
dichdacha blanche comme le roi Salmane (d’Arabie) ou le prince Mohammed
Ben Nayef (d’Arabie – décoré de la légion d’honneur).
Les empires occidentaux ont miné ou détruit tous les États arabes souverains, laïcs et modernes
au nom des droits de l’Homme et de la lutte contre les dictateurs.
Résultat : l’Etat irakien de Saddam a été remplacé par une entité
défaillante assistée par des milices confessionnelles. L’Afghanistan
laïc s’est transformé en polygone de tirs pour les seigneurs de guerre
et les drones américains. Les ruines de la Libye débarrassée de Kadhafi
servent de décor pour une guerre entre clans et tribus. Quiconque
connaît la fragilité de ces pays en l’absence d’un Etat peut aisément
anticiper le scénario catastrophe. Avec la multiplication des fronts
djihadistes de par le monde, on peut aujourd’hui parler d’une apocalypse de longue durée.
La Belgique, comme la France, a développé une politique de
harcèlement, de diabolisation, de mépris et de racisme vis-à-vis de la
communauté musulmane. Comment protéger cette dernière d’éventuelles
représailles d’extrémistes de droite, selon vous ?
En cultivant l’unité entre musulmans et non-musulmans. Dans la foulée
des attentats de Bruxelles, des milliers de musulmans se sont engagés
corps et âmes dans la campagne citoyenne d’entraide avec les victimes
des attentats, qui en servant de chauffeur, qui en ouvrant sa porte, qui
en ouvrant son cœur. Ce sursaut citoyen qui s’est exprimé dans les rues
de Bruxelles est la meilleure réponse à donner aux ennemis du genre
humain, qu’ils se réclament de l’islam ou de l’anti-islam.