Un excellent connaisseur de la Russie distille, en dix points simples, le discours de Poutine à Sotchi le 24 octobre 2014
La plupart des gens dans les régions anglophones du monde ont manqué le discours de Poutine lors de la conférence de Valdaï à Sotchi il y a quelques jours, et il est très probable que ceux qui ont entendu parler du discours n’auront pas la chance de le lire, et auront raté son importance.Les médias occidentaux ont fait de leur mieux pour l’ignorer ou en tordre le sens. Indépendamment de ce que vous pensez de Poutine – comme le soleil et la lune, il n’existe pas à seule fin de vous permettre de cultiver une opinion – il s’agit probablement du discours politique le plus important depuis le discours de Churchill le 5 mars 1946 sur le «rideau de fer tombé en Europe».
Dans ce discours, Poutine a brusquement changé les règles du jeu. Auparavant, le jeu de la politique internationale a été joué comme suit : les politiciens ont fait des déclarations publiques, dans le souci de maintenir une fiction agréable au sujet de la souveraineté nationale, mais ces déclarations étaient strictement destinées à assurer le spectacle et n’avaient rien à voir avec la substance de la politique internationale ; dans l’intervalle, ils se sont engagés dans des négociations secrètes, en coulisses, dans lesquelles les vérités de situation ont été bafouées.
Auparavant, M. Poutine a essayé de jouer ce jeu, attendant seulement que la Russie soit traitée comme une égale. Mais ses espoirs ont été déçus, et lors de cette conférence, il a déclaré que les jeux étaient faits, violant explicitement le tabou occidental en parlant directement aux peuples, par dessus la tête des chefs de clans de l’élite et des dirigeants politiques.
1. La Russie ne s’amusera plus à engager des négociations en coulisses sur des bagatelles. Mais elle est prête à des conversations sérieuses et à des accords, si ceux-ci sont propices à la sécurité collective, et basés sur l’équité, prenant en compte les intérêts de toutes les parties.
2. Tous les systèmes de sécurité collective mondiale se trouvent aujourd’hui en ruine. Il n’y a plus de garanties internationales de sécurité pour tous. Et l’entité qui les détruit a un nom : les États-Unis d’Amérique.
3. Les constructeurs du Nouvel Ordre Mondial ont échoué, ayant bâti un château de sable. Qu’un nouvel ordre mondial, quel qu’il soit, doive être construit ou non ne dépend pas seulement de la décision de la Russie, mais c’est une décision qui ne sera pas faite sans la Russie.
4. La Russie est favorable à une approche prudente de l’introduction d’innovations dans l’ordre social, mais n’est pas opposée aux investigations et aux débats sur les innovations, pour voir si l’introduction de certaines d’entre elles pourraient être justifiées.
5. La Russie n’a pas l’intention d’aller à la pêche dans les eaux troubles créées par l’empire du chaos américain toujours en expansion et n’a aucun intérêt dans la construction d’un nouvel empire propre – c’est inutile ; les défis de la Russie se trouvent dans le développement de son immense territoire. La Russie n’est pas désireuse d’agir en sauveur du monde, comme elle l’a fait dans le passé.
6. La Russie ne tentera pas de reformater le monde à son image, mais ne permettra à personne de la reformater à son image. La Russie ne veut pas se fermer du reste du monde, mais toute personne qui tente de l’isoler du monde peut s’attendre, à coup sûr, à récolter la tempête.
7. La Russie ne souhaite pas la propagation du chaos, elle ne veut pas la guerre, et n’a pas l’intention d’en commencer une. Cependant, aujourd’hui, la Russie voit que le déclenchement de la guerre mondiale est presque inévitable, elle s’y est préparée, et continue de se préparer. La Russie ne fait pas la guerre, mais elle ne la craint pas.
8. La Russie n’a pas l’intention de jouer un rôle actif pour contrecarrer ceux qui sont encore tentés de construire leur Nouvel Ordre Mondial, pour autant que leurs efforts n’empiètent pas sur les intérêts fondamentaux de la Russie. La Russie préférerait rester en dehors et les regarder se prendre autant de coups que leurs pauvres têtes pourront en encaisser. Mais à ceux qui essaient d’entraîner la Russie dans ce processus, par mépris de ses intérêts, nous enseignerons la vraie signification de la douleur.
9. Dans sa politique extérieure, et plus encore intérieure, la puissance de la Russie ne repose pas sur ses élites et leurs arrangements d’arrière-cour, mais sur la volonté du peuple.
À ces neuf points je voudrais ajouter un dixième :
10. Il y a encore une chance de construire un nouvel ordre mondial qui permettra d’éviter une guerre mondiale. Ce nouvel ordre mondial devra par nécessité inclure les États-Unis, mais ne peut se faire que dans les mêmes conditions pour tout le monde : la soumission au droit international et aux accords internationaux, l’abstention de toute action unilatérale, le plein respect de la souveraineté des autres nations.
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