vendredi 6 décembre 2024

Le projet de « Grand Moyen-Orient ! » De Trump à Trump en passant par Biden…

« Insensé est celui qui tente de tester de nouveau une personne déjà mise à l’épreuve »  dit le proverbe libanais bien connu. Ce qui veut dire que certaines personnes sont incapables de changer et que l’on ne doit attendre rien de bon de leur part.

Ce proverbe ne s’applique pas seulement à M. Donald Trump, que nous avons testé durant son premier séjour à la Maison Blanche, mais aussi à toute la politique étrangère des États-Unis depuis la deuxième guerre mondiale vis-à-vis du Monde arabe… politique que nous pouvons résumer comme suit: la priorité va à l’entité sioniste, vu qu’elle constitue la base avancée de l’impérialisme étasunien (certains vont jusqu’à prétendre qu’elle est le 51eme des États de ce pays) dans la région arabe qui renferme les gisements essentiels du gaz naturel et du pétrole, d’une part, et, d’autre part, la route la plus courte, à travers le Canal de Suez, pour le transport de ces précieuses denrées vers l’Europe.

 Objectifs et répartition des rôles

Les États-Unis estiment que le contrôle du monde arabe par l’entité sioniste présente de nombreux avantages :

Premièrement, il permet à l’impérialisme de réaliser d’énormes profits en contrôlant (presque) unilatéralement l’extraction du pétrole et du gaz arabes dans la région du Golfe, ainsi que les prix de vente, en plus d’employer la majeure partie du pétrodollar dans le développement de l’économie américaine, sans parler des avantages que tirent les entreprises d’armement américaines de la vente de leurs produits à des pays de la région qui ne peuvent utiliser ces armes sans l’autorisation du producteur (l’avion AWACS est un exemple frappant de ce que nous disons).

 

 Deuxièmement, il s’agit d’un entrepôt d’armes stratégiques pour les États-Unis et il joue un rôle clé supplémentaire au stade actuel, à savoir contribuer à empêcher le projet chinois appelé « Route de la soie » d’atteindre son objectif de relier l’Asie et l’Europe, et même l’Afrique, où la présence et le rôle subversif du Mossad se développent (accompagnés d’investissements accrus de la part de « sociétés » israéliennes qui cachent le visage impérialiste direct) après que Pékin, avec Moscou, a réussi à réaliser une importante percée économique et politique sur le continent africain au cours de ces dix dernières années en particulier. (Voir nos articles sur « La Route de la Soie » https://les7duquebec.net/?s=route+de+la+soie).

Troisièmement, et c’est là le point le plus important, elle cherche à remodeler le Moyen-Orient, y compris la région arabe, dans le même sens que son contrôle unilatéral sur l’Europe et les changements qui ont eu lieu sur le «vieux continent » après la chute de l’Union soviétique et, avec elle, des frontières entre l’Europe capitaliste et l’ancien camp socialiste, à savoir la refragmentation des Balkans et l’expansion de l’OTAN dans le but d’assiéger et d’affaiblir la Russie et les BRICS que Washington considère comme une menace pour son leadership unilatéral sur le monde…. À cet égard, nous n’oublions pas le rôle de l’entité sioniste dans la guerre russo-ukrainienne, qui a facilité et favorisé l’accès de Washington à ce qu’il voulait en gérant cette guerre depuis le début.

 

Le « Nouveau Grand Moyen-Orient » revient sur le devant de la scène

Toutes ces questions sont bien sûr liées au projet de « Nouveau Moyen-Orient », diversement qualifié depuis 1993 et réitéré par Netanyahou depuis le début de l’agression contre Gaza puis contre le Liban. (Voir nos articles sur le Grand Moyen-Orient https://les7duquebec.net/?s=moyen-orient)

Ce projet, dont les principales directives n’ont pas été contestées par tous les présidents américains qui se sont succédé depuis trente ans, met aujourd’hui l’accent sur deux points :

Le premier point est que Washington va poursuivre sa mise en œuvre, même si cela conduit à des guerres d’extermination et à des crimes de nouveaux « transferts », étant donné le rôle que la prise de contrôle de la Méditerranée orientale et du Moyen-Orient jusqu’aux frontières de la Chine et de la Russie peut jouer dans la sécurisation du contrôle américain sur le monde pour les décennies à venir, que ce soit économiquement ou militairement, surtout après la « domestication » de l’Union européenne et l’acceptation des régimes capitalistes en Europe occidentale et au Japon de se plier aux diktats des administrations américaines, que ce soit sous le démocrate Biden ou le républicain Trump qui prendra le pouvoir en janvier prochain.

 

Le deuxième point concerne Netanyahou et ceux qui soutiennent les efforts déployés par les dirigeants sionistes mondiaux pour étendre l’entité israélienne en bafouant la résolution 242 et en s’emparant définitivement de Gaza et de la Cisjordanie, après que Trump a décidé que cette entité devait s’élargir, car « elle n’est qu’une goutte d’eau dans la mer du monde arabe qui l’entoure », et qu’il lui a « offert », au cours de son précédent mandat, la ville palestinienne de Jérusalem et le Golan syrien, ainsi que les fermes de Chebaa et les collines libanaises de Kafr Shuba, et après que l’administration Biden, et avant elle l’administration Obama, l’a rencontré à mi-chemin en gardant le silence sur l’expansion de la zone de colonisation au point qu’il ne reste plus assez de Palestine pour établir un État viable. …

Il convient de noter que les différentes administrations américaines n’ont jamais été enthousiastes à l’idée de mettre en œuvre la création d’un État palestinien, et que cette position impérialo-sioniste a été accueillie favorablement et même soutenue par la majorité des régimes arabes. En témoigne la récente déclaration du sommet arabe et islamique qui, tout en soutenant les « efforts appréciés » des États-Unis pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza (après treize mois d’agression !), a appelé « tous les pays à interdire l’exportation ou le transfert d’armes et de munitions vers Israël », sans pour autant proposer de mesures concrètes, telles que retirer l’argent arabe se trouvant dans les banques des pays capitalistes, ou empêcher les cargaisons d’armes qui transitent par la mer Rouge vers le port d’Eilat ou par le canal de Suez vers les ports méditerranéens utilisés par l’entité sioniste.

Trump et les anciennes politiques étasuniennes « renouvelées »

Nous n’allons pas, bien entendu, nous étendre sur ce que le célèbre journaliste d’investigation Bob Woodward a révélé dans son livre « War » (Guerre) sur les relations de certains régimes arabes avec la politique américaine et leur acquiescement ou approbation des positions américaines à l’égard de l’agression sioniste criminelle contre Gaza et le Liban ; de même, nous  ne nous étendrons pas sur le soutien à Netanyahu apporté par l’administration Biden ou sur les déclarations de soutien de Donald Trump pendant sa campagne électorale puis après sa victoire, aux crimes du premier ministre israélien, vu que beaucoup de médias ont largement diffusé des parties de ce livre.

Cependant, il est important d’attirer l’attention sur la différence non triviale entre les positions énoncées et celles qui ont été dites dans des salles fermées, ce qui laisse voir que l’administration étasunienne actuelle et celle qui viendra dans moins de trois mois ne feront rien pour arrêter les attaques sionistes sur Gaza, la Cisjordanie, et surtout sur le Liban. Nous avons déjà expliqué les motifs et les raisons de l’insistance de Washington sur le rôle de Netanyahou en particulier et sur l’expansion du pouvoir des sionistes « extrémistes » (comme on dit) sur l’ensemble de la région.

À cet égard, il suffit de mentionner quelques exemples et positions qui soutiennent notre point de vue selon lequel l’impérialisme américain, quel que soit le chef de son administration (qui, malgré le système présidentiel, ne peut pas prendre de décisions seul, mais est soumis aux principaux grands électeurs et aux magnats financiers), n’abandonnera jamais son soutien à cette entité sioniste, qui représente le dernier régime colonialiste dans le monde.

L’annonce du choix de Trump pour représenter la politique étrangère de son administration est peut-être la meilleure preuve des orientations que cette administration mettra en œuvre au cours des quatre prochaines années, que l’ex-nouveau président – et ceux qui sont derrière lui – s’efforceront de mettre en œuvre.

Le nouveau président, et ceux qui sont derrière lui, s’efforceront de finaliser la deuxième partie du film américain appelé « Accord des enfants d’Abraham », qui a été mis en scène par son gendre Kushner lors de la Conférence de Manama, non seulement en termes d’accélération de la normalisation des relations diplomatiques et économiques de nouveaux régimes arabes avec l’entité sioniste, mais aussi en termes de déclaration indirecte qu’il n’y a pas d’État palestinien à l’horizon ; et cette déclaration a été accompagnée de l’appel du Liban à « installer » définitivement les réfugiés palestiniens en leur accordant tous les droits civils. Nous attirons également l’attention sur les propos de M. Trump concernant le Liban, qui sont clairs dans leur contenu : «  Vos familles et vos amis au Liban méritent de vivre dans la paix, la prospérité et l’harmonie avec leurs voisins » ; ce qui signifie que le retour à l’accord du 17 mai 1984, qui a été renversé par le peuple libanais, et le retraçage, au dépens du Liban, de la frontière terrestre après la mainmise israélienne sur 1240 kilomètres carrés de nos eaux territoriales (ici Trump rencontre ce que Hochstein, le représentant de Biden, a apporté avec lui en termes de propositions pour un cessez-le-feu) est la clé de la solution qui ouvre grand la porte pour que le Liban rejoigne “ l’accord des enfants d’Abraham ” et transforme l’entité usurpée en une partie essentielle de la prochaine région du Moyen-Orient. Comme l’indique le livre de l’ancien Premier ministre sioniste Shimon Peres, cette région sera dirigée par « Israël » grâce aux pétrodollars et au labeur de la classe ouvrière arabe. …

 

C’est ce contre quoi la Résistance patriotique palestinienne et libanaise s’est élevée, et c’est ce à quoi cette Résistance est confrontée aujourd’hui en Palestine et au Liban…

C’est pourquoi le capitalisme mondial, sous la direction des États-Unis d’Amérique, a jugé nécessaire d’éliminer toute forme de résistance à ce projet, et c’est ce que Trump est sensé venir achever.

Attendons… pour voir !

7 commentaires:

  1. L'Iran a probablement organisé l'accident de son ex Président en hélicoptère, a abandonné le Hezbollah, ne s'est pas interposé aux forces terroristes en Syrie et a contrôlé ses attaques à Israël en prévenant à l'avance Israël et les US tout en ménageant les infrastructures critiques.
    Donc ? L'Iran serait un allié non déclaré des US dans la région ? Abandonnerait-elle le projet chinois au bénéfice de nouvelles infrastructures énergétiques rejoignant la Méditerranée ?
    Concernant la Turquie, son double jeu est avéré.
    Il faut écouter les 15 premières de T Meyssan lors de son dernier entretien qui explique les changements d'alliance en cours.
    https://www.youtube.com/watch?v=Dz-xLHdqxM8

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    1. En effet, on dirait bien que l'Iran a abandonné l'Axe de la Résistance. C'est d'ailleurs ce qu'avance Thierry Meyssan. Devant l'avancée des terroristes, les Gardiens de la Révolution iranienne ont même abandonné la ville d'Alep qu'ils protégeaient avec un petit contingent de militaires syriens.

      Dans cette interview avec Le Courrier des Stratèges :
      https://www.youtube.com/watch?v=Dz-xLHdqxM8

      Meyssan explique tout cela. Il explique aussi un truc que je ne crois pas du tout : que les USA vont s'arranger avec les BRICS pour qu'ils ne créent pas leur propre monnaie et soient d'accords pour maintenir le dollar dans les échanges internationaux.

      Par ailleurs, dans cette émission d'Ondes de Choc, Mehmet Yildiz explique le comportement du dindon Erdogan en rappelant comment fut créée la Dinde moderne (Jeunes Turcs (= suifs) etc. etc.

      https://www.youtube.com/watch?v=u1v-31ZHHDQ

      Machin

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    2. Concernant l'usage du dollar en négociation entre les US, la Chine et la Russie, c'est possible dans la mesure où les US abandonneraient les sanctions. D'autre part, les Brics ont encore du travail sur la planche pour mettre au point leur système de paiement concurrent au SWIFT.

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    3. Je pense que les BRICS ne vont pas accepter de continuer à utiliser le dollar, parce que les USA l'ont déjà "militarisé" plusieurs fois pour bloquer leurs concurrents commerciaux, et même extorquer des "amendes" faramineuses à leurs vassaux, grâce à leurs lois extraterritoriales.

      Dans pareilles conditions, il faudrait être fou pour refaire confiance à ces gangsters qui déclenchent des guerres partout. Mais je puis me tromper …

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    4. à Anonyme6 décembre 2024 à 15:52
      Vous avez raison, mais l'utilisation du dollar donnera de l'air aux 2 camps dans le cadre des échanges économiques (US, Chine, Russie), sachant que l'émancipation des Brics se fera. Il n'est plus possible de revenir en arrière, les US ont trop usé et abusé de leur droit exceptionnel.

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  2. Les sanctuaires unilatérales, l'exceptionnialisme américain, couplé a l'extraterritorialité de leur droit ont durablement entamé la "légitimité" de leur "ordre international fondé sur des règles" qui devrait plutôt se renommer "désordre international fondé sur notre bon vouloir" ... Les institutions financières occidentales restent cependant stables, FMI banque mondiale et BRI...donc pour l'instant pas de risque

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