La schizophrénie de Trump ne peut masquer le manque de profondeur stratégique des États-Unis

Au cours de la prochaine décennie, je pense que les éditeurs du Roget's Thesaurus ajouteront « Trump » comme nouveau synonyme du mot « erratique ». Trump a opéré une autre volte-face emblématique lors d'une réunion avec son cabinet.
Selon l’Economist :
L'Amérique a alarmé l'Ukraine et ses alliés européens en suspendant brutalement ses livraisons d'armes à l'Ukraine au début du mois (le 3 juillet). Tout aussi soudainement, le président Donald Trump a annulé cet ordre le 7 juillet. « Nous allons envoyer des armes supplémentaires. Il le faut. Ils doivent être capables de se défendre. Ils sont très durement touchés en ce moment.» Quelques heures plus tard, le Pentagone a confirmé l'envoi d'« armes défensives supplémentaires ». 

L'ancien président russe Medvedev n'a pas perdu de temps pour fustiger Trump avec ce message :

Il semble que les Russes ne soient pas impressionnés par le comportement erratique de Trump et qu'ils continuent de pulvériser les Ukrainiens. Bien que la décision de Trump d'envoyer à l'Ukraine des armes supplémentaires pour sa défense ait été interprétée comme une décision rapide, Sean Parnell, porte-parole du secrétaire au Département de la Défense, M. Hegseth, insiste sur le fait que le processus d'« évaluation des expéditions militaires à travers le monde reste en vigueur et fait partie intégrante de nos priorités de défense « America First ». Cela implique que certaines armes pourraient encore être refusées à l'Ukraine.

Ce que Trump ne comprend pas, c'est que la capacité des États-Unis à fournir divers systèmes d'armes – offensifs et défensifs – est limitée par un manque d'approvisionnement et une faible capacité industrielle à accélérer la production. Examinons quelques-uns de ces systèmes :

MISSILES PATRIOT :

Commençons par comprendre qu'au moins deux missiles Patriot doivent être tirés sur un missile entrant. Au cours des trois derniers jours, la Russie a lancé plus de 1.300 missiles et drones sur l’Ukraine. La production américaine annuelle de missiles Patriot, notamment la variante PAC-3 MSE, s’élève actuellement à environ 500 missiles par an. La production est contractuellement prévue pour atteindre 550 missiles par an vers la mi-2025 et 650 d’ici mi-2027.

En incluant les variantes PAC-2 et PAC-3 (produites par Lockheed Martin et Raytheon), la production américaine totale est estimée à environ 740 missiles Patriot par an en 2025, avec une augmentation prévue à environ 1 100 par an d’ici 2027. Autrement dit, si l’Ukraine tentait d’abattre chacun des 1 300 missiles et drones lancés cette semaine par la Russie, cette salve aurait consommé plus de trois ans de production actuelle de Patriot.

À quel prix ? Le coût d'un missile Patriot dépend de la variante :

• Missile PAC-2 GEM-T : environ 4 millions de dollars par missile.

• Missile PAC-3 MSE (Missile Segment Enhancement) : environ 7 millions de dollars par missile.

CHAR M1 ABRAMS :

En 2024, les États-Unis ont produit environ 30 chars M1 Abrams. Ce chiffre reflète une baisse par rapport aux années précédentes et s'aligne sur les plans budgétaires de l'armée américaine pour l'année fiscale 2024, qui prévoyaient la production de 30 chars pour cette même année.

La plupart de ces chars ne sont pas des constructions entièrement nouvelles, mais plutôt des chars modernisés ou reconstruits, principalement des conversions d'anciennes variantes du M1 vers les configurations les plus récentes (comme le M1A2 SEPv3). La production est assurée par General Dynamics Land Systems au Joint Systems Manufacturing Center de Lima, dans l'Ohio.

La Russie, quant à elle, en produit dix fois plus. En 2024, la Russie a produit entre 280 et 300 chars T-90M. Ce chiffre est corroboré par de nombreuses sources d'analyse de la défense, notamment la Conflict Intelligence Team (CIT), Army Recognition et Military Watch Magazine, qui font toutes état d'une forte hausse de la production par rapport aux niveaux d'avant-guerre. Cette augmentation est attribuée à l'expansion des activités de l'usine d'Uralvagonzavod, qui est passée à un fonctionnement en trois équipes 24 heures sur 24 pour répondre à la demande en temps de guerre.

MISSILES DE DÉFENSE DE ZONE À HAUTE ALTITUDE (THAAD) :

Les analyses industrielles et les rapports gouvernementaux suggèrent que les États-Unis produisent environ 60 à 80 intercepteurs THAAD par an. Cette estimation se fonde sur les taux de production historiques et les récentes augmentations de la demande dues aux déploiements au Moyen-Orient et aux nouvelles commandes des alliés. Israël aurait lancé plus de 90 THAAD contre des missiles balistiques iraniens pendant la guerre des 12 jours. Chaque missile coûte 13 millions de dollars, ce qui signifie que 1,2 milliard de dollars de THAAD ont été dépensés dans une tentative infructueuse de contrecarrer les attaques iraniennes.

MISSILES HIMARS :

En 2024, les États-Unis ont produit environ 14 000 missiles HIMARS, plus précisément des roquettes GMLRS (Guided Multiple Launch Rocket System), qui constituent les principales munitions utilisées par le lanceur M142 HIMARS.

• Production mensuelle : En septembre 2024, les États-Unis produisaient environ 1 167 roquettes GMLRS par mois, soit une augmentation de 40 % par rapport aux niveaux de 2022.

• Production annuelle : À ce rythme, la production annuelle est d’environ 14 000 roquettes GMLRS (1 167 × 12).

Le coût d’un missile HIMARS exporté est d’environ 220 000 dollars.

VÉHICULES DE COMBAT BRADLEY:

En 2024, les États-Unis ont signé un contrat avec BAE Systems pour produire plus de 200 nouveaux véhicules de combat Bradley modernisés, notamment les variantes A4 (M2A4 et M7A4). Cette augmentation de production répond au besoin de réapprovisionner les véhicules envoyés en Ukraine et de moderniser la flotte de l'armée. Ces véhicules sont principalement des véhicules modernisés/mis à niveau à partir d'anciennes variantes plutôt que des véhicules entièrement neufs, conformément aux stratégies actuelles d'approvisionnement et de modernisation de l'armée américaine. Le M2A4 Bradley modernisé coûte actuellement environ 4,35 millions de dollars par véhicule, selon les récents achats de l'armée américaine au milieu des années 2020. Début juillet 2025, la Russie avait détruit, endommagé, abandonné ou capturé au moins 140 véhicules de combat Bradley (BFV) fournis à l'Ukraine depuis février 2022, selon le groupe de renseignement open source Oryx et plusieurs rapports d'analyse de la défense. Ce chiffre inclut les véhicules dont la destruction, l'endommagement, l'abandon ou la capture au combat est confirmée visuellement. Cela représente 609 millions de dollars de pertes en Ukraine.

MISSILES STINGER :

Les États-Unis produisent actuellement environ 40 missiles Stinger par mois, et prévoient de porter leur production à 60 par mois en 2025, soit une augmentation de 50 % par rapport au rythme précédent. Cela signifie que la cadence de production annuelle en 2024 sera d’environ 480 missiles Stinger, avec un objectif de 720 missiles par an une fois la montée en puissance terminée.

OBUS D’ARTILLERIE DE 155 MM :

En 2024, les États-Unis ont produit environ 400 000 à 480 000 obus d’artillerie de 155 mm.

Le coût d’un obus d’artillerie de 155 mm dépend du type :

• Obus standard (non guidé) de 155 mm :

• Le prix actuel du marché est d’environ 3 300 à 4 000 € par obus (environ 3 600 à 4 400 $ US en 2024).

• Les données d'approvisionnement de l'armée américaine pour l'obus XM1113 indiquent un coût unitaire d'environ 13 656 $ par obus, et pour l'obus XM1113 à portée étendue, de 14 484 $. Ces chiffres peuvent inclure des coûts supplémentaires liés aux achats militaires américains.

• Obus de 155 mm à guidage de précision (par exemple, M982 Excalibur) :

• Coût supérieur à 110 000 $ par obus.

Obusiers de 155 mm :

En 2024, les États-Unis ont produit environ 200 à 250 nouveaux obusiers de 155 mm. Les principaux obusiers de 155 mm de l'armée américaine sont le M777 (remorqué) et le M109A7 Paladin (automoteur). Le fabricant de drones russe ZALA affirme que près de 200 obusiers M777 de fabrication américaine fournis à l'Ukraine ont été détruits par des drones russes Lancet depuis février 2022. En 2024, les États-Unis ont produit moins de 30 canons de remplacement par mois pour l'obusier M777, soit moins de 360 ​​canons pour l'année. L'unique usine de production américaine, Watervliet Arsenal, n'a pas été en mesure de répondre à la « demande sans précédent » créée par la cadence de tir élevée de l'artillerie ukrainienne, ce qui a entraîné une usure rapide des canons et un besoin urgent de remplacement. Le coût d'un canon de remplacement (tube de canon M776) pour l'obusier M777 est d'environ 690.000 $ US par canon. Ce chiffre est basé sur le contrat conclu par le Canada en juin 2022 pour la fourniture de 10 canons de remplacement à l'Ukraine, pour un montant total de 6,9 millions de dollars.

Comme vous pouvez le constater, la production américaine de ces systèmes d'armes est anémique et coûteuse. De plus, la demande pour ces systèmes ne se limite pas à l'Ukraine… Israël, Taïwan et d'autres alliés des États-Unis ont également besoin de ces armes, et les États-Unis doivent en fournir à leurs propres forces. L'Oncle Sam est devenu la Mère Hubbard… Le placard est vide.

Danny Davis et moi avons eu une conversation intéressante aujourd'hui sur le comportement erratique de Trump : vidéo

Par Larry C. Johnson, le 9 juillet 2025

Source

Traduit par La Cause du Peuple