Il y a soixante ans, le 17 octobre 1961, en pleine guerre d’Algérie, les rues de Paris ont connu la plus sanglante répression policière d’une manifestation pacifique dans l’histoire moderne de la République française. La manifestation parisienne organisée par le Front de Libération National (FLN) en faveur de l’indépendance de l’Algérie a été réprimée dans le sang. La police a massacré des travailleurs et travailleuses algériens, bravant le couvre-feu qui leur était imposé par le préfet de police de l’époque, Maurine Papon.
Les manifestants furent tués à coups de crosse, pendus ou étranglés. Plusieurs ont été arrêtés, torturés aux cris de "sales bicots", emprisonnés dans des conditions inhumaines ou éconduits en Algérie. Des cadavres seront repêchés dans la Seine ou dans le Canal Saint-Martin les jours suivants. Le bilan officiel laisse alors perplexe, puisqu’il annonce seulement trois morts et 64 blessés.
En 1991, Constantin Melnik, conseiller Sécurité auprès du Premier ministre 1959-1961, estimera que cette nuit-là, il y a eu un "pogrom" : des attaques, accompagnées de pillages et de massacres.
Aujourd'hui, les historiens estiment que plus de 200 personnes ont été tuées.
Un "black-out" de l’État français
La mémoire du 17 octobre 1961 a malheureusement été enfouie sous l’effet d’un black-out organisé. Ce n’est que dans les années 1980 et 1990 que la parole s’est libérée grâce à la détermination d’enfants de manifestants du 17-Octobre et à des personnalités d’extrême gauche.
C’est seulement en 2012 que pour la première fois, un président français – François Hollande – rend hommage à la mémoire des victimes du 17 octobre 1961 et reconnaît officiellement "une sanglante répression". Une reconnaissance à nuancer car elle attribue "une responsabilité individuelle de ce massacre au préfet Maurice Papon, il faut qu'elle soit collective", selon Franck, militant anti-raciste, à l'origine du compte Instagram @decolonisonsnous.
Le président Emmanuel Macron avait été sollicité par le Collectif du 17 octobre 1961 pour faire connaître sa position "précise" cet événement. Dans une lettre, le collectif s’adresse au chef d’État : "Nous sollicitons de votre bienveillance une audience pour connaître votre position précise à ce sujet (massacres du 17 octobre 1961), afin de pouvoir en rendre compte lors du rassemblement prévu le 17 octobre 2017 au Pont Saint-Michel à Paris."
Mais ce n’est qu’en 2018, qu’Emmanuel Macron admet à son tour "une répression violente" (voir ci-dessous).
Ce samedi, il devrait reconnaître "une vérité incontestable" lors de la cérémonie officielle, allant plus loin, selon l'Elysée, que François Hollande en 2012.
"Nous voulons que justice soit faite"
Les familles de victimes demandent que soit reconnu ce massacre comme crime d’État pour que soient jugés l’État français
Pour Franck et bien d'autres militants anti-racistes, la reconnaissance devient urgente. "Nous demandons que puissent être possibles les réparations autant mémorielles, immatérielles que matérielles. Qu’enfin Justice soit faite dans la mesure du possible, puisque rien ne ramènera les pertes, et rien ne fera oublier les douleurs", s'indigne-t-il.
Du côté des associations, il reste un peu d'espoir. "Le président Emmanuel Macron a un point de vue très incohérent sur la guerre d'Algérie, qui laisse perplexe. Cependant, si le crime d'État est reconnu, ça sera une avancée utile", témoigne François-Xavier Richard, président de l'association 4 ACG, "Anciens Appelés en Algérie et leurs Amis Contre la Guerre".
Aujourd'hui encore et soixante ans après les faits, la tragique répression du 17 octobre 1961 n'est pas considéré comme un crime d'État par le gouvernement français. Cette soirée d'octobre reste "la répression la plus meurtrière en Europe de l’Ouest après la Seconde Guerre mondiale", selon l’historien Emmanuel Blanchard.
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