Des pilotes nord-coréens se déploient en Russie : un tournant pour l’armée de l’air de Pyongyang

Des sources gouvernementales sud-coréennes ont rapporté que des pilotes d’aviation de combat nord-coréens ont été envoyés à Vladivostok, dans l’Extrême-Orient russe, en septembre, avant les premiers déploiements signalés des unités terrestres régulières et des forces spéciales du pays début octobre. Le déploiement signalé a alimenté de nombreuses spéculations quant à son objectif.

Le président Kim Jong-un avec un Su-35 russe et un pilote près de Vladivostok

L’armée de l’air russe souffre depuis des années d’une importante pénurie de pilotes, avec le rythme élevé des opérations sur le théâtre ukrainien, l’augmentation des besoins en pilotes à mesure que la production de chasseurs s’est accrue et la pression croissante sur les défenses aériennes due à l’expansion des forces de l’OTAN au-delà des frontières russes, tout cela augmentant encore cette tension. Les pilotes nord-coréens pourraient contribuer à remédier à ce problème, les pilotes des unités d’élite pilotant les chasseurs MiG-23ML et MiG-29 et les avions d’attaque Su-25 du pays ayant un niveau de formation similaire à celui de leurs homologues de l’armée de l’air russe. Piloter des avions de combat et des avions d’attaque russes permettrait aux pilotes nord-coréens d’acquérir une expérience payée par la Russie, tout en les exposant à relativement peu de risques et en contribuant simultanément à renforcer un partenaire stratégique contre les adversaires du bloc occidental de Pyongyang.

Bien que les avions de combat les plus récents de la Corée du Nord soient nettement plus anciens que la moyenne des chasseurs de la flotte russe, des efforts majeurs ont été faits pour moderniser l’avionique au niveau national, notamment l’installation de cockpits en verre et l’intégration d’une gamme d’armes guidées de précision. Cela pourrait contribuer à réduire considérablement la reconversion nécessaire pour piloter des chasseurs russes, même si le MiG-29 et le Su-25 jouent encore aujourd’hui un rôle limité dans la flotte russe. Il existe également une possibilité importante que la familiarisation du personnel nord-coréen avec de nouvelles classes d’avions russes et d’armes guidées lancées par voie aérienne puisse ouvrir la voie à l’exportation de l’un ou l’autre de ces appareils vers l’État d’Asie de l’Est. Les éventuelles failles que Moscou pourrait chercher à exploiter dans l’embargo actuel de l’ONU sur les armes contre Pyongyang pour faciliter les exportations de chasseurs ont été explorées en détail par un éminent expert de la sécurité nord-coréenne en janvier, au moment où les ventes de missiles balistiques coréens à la Russie ont été confirmées pour la première fois.

Des responsables nord-coréens inspectent le cockpit du Su-57

L’auteur du récent livre sur la sécurité nord-coréenne Surviving the Unipolar Era: North Korea’s 35 Year Standoff with the United States, A. B. Abrams, a souligné que Moscou avait deux principaux moyens de fournir des chasseurs à la Corée du Nord. Le premier serait « d’exporter des chasseurs de classes que le pays possède déjà, comme le MiG-29 », dont on pourrait prétendre qu’ils ont été livrés avant l’embargo pour « conserver un degré de déni plausible ». En ce qui concerne la deuxième option, plus controversée, il a précisé : « Si la Corée du Nord acquiert des avions de combat russes autres que les MiG-29, comme les chasseurs Su-35 et Su-57 plus perfectionnés récemment inspectés par son leader Kim Jong Un lors d’une visite en Russie en septembre, ceux-ci pourraient être accompagnés de personnel russe dans les bases nord-coréennes et présentés comme opérant dans le cadre d’une unité conjointe dirigée par la Russie – quelle que soit la réalité des structures de commandement sous lesquelles ils fonctionnent réellement. Ces chasseurs à long rayon d’action, qui sont très facilement capables de survoler la Corée à partir d’aérodromes situés de l’autre côté de la frontière russe, pourraient même être déployés entre des bases des deux pays pour renforcer cette perception – tout en conservant des tâches telles que l’interception de bombardiers américains près de la péninsule et les survols lors des défilés militaires à Pyongyang. »

Chasseurs russes Su-35 (arrière) et Su-57

La formation de pilotes nord-coréens en Russie serait une condition pour permettre au pays d’acquérir de nouvelles classes de chasseurs tels que le Su-35 ou le Su-57, le programme de formation pouvant se dérouler en parallèle avec des sorties de combat à faible risque sur le théâtre ukrainien. Des responsables nord-coréens auraient manifesté leur intérêt pour de telles acquisitions par le passé. Pour la Russie, un tel arrangement serait très favorable pour de multiples raisons. Une force aérienne nord-coréenne plus moderne réduirait la pression sur les défenses russes dans l’extrême est du pays en cas d’effort de guerre conjoint contre le bloc occidental dans la région, et créerait de plus grandes opportunités d’opérations conjointes dans le Pacifique. Un vivier de pilotes nord-coréens formés sur des avions de combat russes modernes donnerait également à l’État d’Asie de l’Est plus de capacité à prêter des pilotes à l’armée de l’air russe pour aider à alléger la pression sur la flotte. En outre, la Russie ayant de plus en plus de mal à exporter des avions de combat alors que les avions chinois rivaux offrent des niveaux de sophistication plus élevés, la Corée du Nord reste un marché captif avec une force aérienne très importante qui pourrait soutenir l’exportation de l’industrie russe.

24 octobre 2024

Military Watch Magazine