Scott Ritter. Les fuites des services secrets israéliens : un sinistre aperçu d’un avenir sombre

Celui qui a divulgué ces documents a fourni une boule de cristal qui montre ce qui pourrait arriver. C’est le devoir du peuple américain de s’assurer que cela n’arrive jamais.

 ROCKS ALBM (en orange) monté sur un F-16I

La fuite de deux documents hautement confidentiels qui, après examen, semblent contenir des informations sensibles des services secrets américains sur les préparatifs militaires israéliens en vue d’une attaque contre l’Iran, a créé une tempête de controverses aux États-Unis. Alors que les forces de l’ordre américaines se démènent pour découvrir la source de la fuite, très peu d’inquiétudes sont exprimées par les politiciens américains ou le public américain en général sur les implications non pas des documents divulgués, mais plutôt des informations qu’ils contiennent – qu’Israël prépare une frappe massive contre l’Iran qui pourrait déclencher un conflit plus vaste qui, de manière réaliste, pourrait finir par impliquer l’utilisation d’armes nucléaires.

Selon les documents de renseignement divulgués, Israël préparait une quarantaine de missiles balistiques balistiques ROCKS pour une éventuelle frappe contre l’Iran, ainsi que 16 missiles balistiques « Golden Horizon », qui semblent être ce que l’on appelle publiquement le missile « Blue Sparrow », une adaptation d’un missile cible développé par Israël pour imiter le missile balistique iranien Shahab-3. Le ROCKS a une portée démontrée de plus de 500 miles, tandis que le « Blue Sparrow/Golden Horizon » a une portée d’environ 1 200 miles.

Les frappes aériennes quotidiennes menées par Israël au-dessus du Liban et de la Syrie fournissent la couverture parfaite pour une frappe contre l’Iran. Les Israéliens frappent quotidiennement les sites de défense aérienne syriens dans le sud de la Syrie pour créer un modèle de comportement tout en traçant en même temps un chemin dans l’espace aérien syrien qui peut être utilisé par l’aviation israélienne pour pénétrer dans l’ouest de l’Irak, d’où des ALBM à longue portée peuvent être lancés contre l’Iran.

Il semble que ce soit la tactique utilisée par Israël le 19 avril dernier, lorsqu’un dispositif de frappe israélien qui a bombardé deux sites de défense aérienne syriens dans le sud de la Syrie est entré en Irak et a tiré trois ALBM ROCKS contre une batterie de défense aérienne iranienne S-300 à l’extérieur d’Ispahan. L’ALBM ROCKS utilise un booster « Blue Sparrow », dont l’un a été retrouvé dans un champ au sud de Bagdad après l’attaque.

Une évaluation du mélange de missiles en cours de préparation suggère qu’Israël se prépare à une attaque majeure contre une importante installation de production militaire à proximité de Téhéran (l’usine de production de missiles de Parchin vient à l’esprit, ainsi que le groupe industriel Shahid Hemmat) ou – plus probablement – à une frappe de décapitation contre des cibles de dirigeants iraniens à Téhéran et dans ses environs. Les attaques ALBM seraient appuyées par des drones armés secrets qui seraient utilisés pour suivre des cibles mobiles en temps réel et engager si nécessaire, en utilisant des armes embarquées.

À titre de comparaison, l’attaque menée par les États-Unis le jour de l’ouverture de l’opération Tempête du désert contre les huit cibles irakiennes dans les environs de Bagdad a utilisé 35 missiles de croisière à lanceur aérien. La plupart de ces missiles ont frappé l’usine de production et de stockage de missiles Taji, au nord de Bagdad. Le mélange d’armes préparé par Israël suggère un ensemble de cibles de taille similaire.

Les forces de sécurité iraniennes dans les rues,
septembre 2023

Mais il existe une autre possibilité de cible.

Dans un discours prononcé le 30 septembre, trois jours après qu’Israël a tué le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, dans un discours de trois minutes en anglais adressé au peuple iranien, a déclaré : « Il n’y a aucun endroit au Moyen-Orient qu’Israël ne puisse atteindre. Il n’y a aucun endroit où nous n’irions pas pour protéger notre peuple et protéger notre pays. » Netanyahu a noté que le gouvernement iranien rapprochait les Iraniens « de l’abîme », ajoutant que l’Iran et Israël ne seraient en paix que lorsque l’Iran serait « enfin libre », ce qui, selon Netanyahu, « arriverait beaucoup plus tôt que les gens ne le pensent ». Si Téhéran est la cible, Israël devra neutraliser les systèmes de défense aérienne iraniens sur le trajet de l’attaque. Si Israël répète son comportement passé, un important ensemble de F-15I, soutenu par des F-16I qui supprimeraient les défenses aériennes syriennes, pénétreraient dans l’ouest de l’Irak via la Syrie, et entreraient dans l’ouest de l’Irak. La première salve d’ALBM – très probablement des ROCKS – serait lancée, leurs cibles prévues étant les radars associés à la défense aérienne iranienne situés le long de la trajectoire de l’attaque. Les derniers missiles lancés seraient les missiles « Blue Sparrow/Golden Horizon », qui frapperaient leurs cibles à Téhéran et aux alentours.

Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei,
avec les dirigeants militaires iraniens
et les dirigeants du CGRI

Ces cibles pourraient inclure les résidences des hauts dirigeants iraniens, y compris le guide suprême, ainsi que des bâtiments associés aux symboles du gouvernement, tels que le Conseil des gardiens, le ministère du Renseignement, le siège du CGRI et d’autres cibles identifiées comme soutenant la République islamique.

Israël pourrait probablement faire suivre une telle attaque d'un appel au peuple iranien à se révolter contre le régime. Cet appel serait accompagné d'actions de groupes anti-régime opérant sous la direction d’Israël, des États-Unis et d’autres acteurs régionaux, parmi lesquels des groupes pro-monarchie, le MEK et divers mouvements indépendantistes kurdes, azéris, baloutches et arabes, Israël, la CIA et d'autres organismes de renseignement étrangers hostiles à l'Iran ont tenté une révolte similaire contre le gouvernement iranien en septembre 2023, après la mort de Mahsa Amini alors qu’elle était en garde à vue. Ce qui avait commencé comme des manifestations localisées a explosé en une véritable insurrection qui a coûté la vie à quelque 550 manifestants/insurgés et près de 70 membres des forces de sécurité iraniennes avant d’être violemment réprimée. Israël chercherait à répéter ce genre d’insurrection, mais cette fois en l’aidant en portant préventivement un coup fatal aux dirigeants iraniens. Les chances qu’Israël parvienne à mener à bien une telle frappe de décapitation sont minces. De même, compte tenu de la répression récente des groupes opposés au régime par le gouvernement iranien, il est peu probable que ceux que le gouvernement israélien espère voir se révolter contre le régime iranien se soient reconstitués de manière significative.

De plus, en se concentrant sur une frappe de décapitation, Israël n’aura pas fait grand-chose pour empêcher l’Iran de lancer sa propre attaque de représailles massive contre Israël. Peut-être que les dirigeants israéliens pensent qu’une fois qu’ils auront éliminé les plus hauts niveaux de la direction iranienne, la détermination à riposter s’affaiblira. C’est cependant un pari lourd, et Israël risque de subir des dommages existentiels à la suite d’une frappe de représailles iranienne concertée.

Les services de renseignement américains ont indiqué que la capacité de dissuasion nucléaire d’Israël, sous la forme de ses missiles Jéricho, n’était pas prête à être utilisée. Ce ne serait cependant pas le cas si l’Iran lançait des attaques de missiles contre Israël qui menaceraient son existence même. C’est précisément le scénario pour lequel « l’option Jéricho » israélienne (c’est-à-dire la capacité d’armes nucléaires) a été créée.

Le fait est que si Israël lance une frappe de décapitation contre l’Iran, elle échouera probablement. La contre-attaque iranienne sera toutefois tout à fait efficace. Et les représailles nucléaires israéliennes deviendront alors probables.

Les Américains devraient réfléchir à la signification des documents de renseignement divulgués. Si l’objectif de cette fuite était de réveiller le peuple américain, et par extension le gouvernement américain, quant au danger que représente une frappe israélienne contre l’Iran, il semble que la mission ait échoué.

Dans ce cas, nous récolterons ce que nous avons semé.

Réveille-toi, Amérique.

C’est ton avenir qui est en jeu.

Scott Ritter

24 octobre 2024

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Albo : Anthony Albanese, est le  Premier ministre d'Australie