Une
vraie fuite de données d’un cabinet d’avocats au Panama serait très
intéressante. Beaucoup de gens riches et/ou des politiciens cachent de
l’argent dans les sociétés fictives que ces firmes panaméennes
fournissent. Mais les fuites actuelles
de données, diffusées, à grand renfort de publicité, par plusieurs
empires de presse qui soutiennent l’OTAN et par une organisation non gouvernementale
financée par le gouvernement américain, ont simplement pour but
inavouable de salir des personnalités que l’empire américain n’aime pas.
Elles offrent aussi une belle occasion d’en faire chanter d’autres en
promettant de ne pas publier des informations en échange d’une faveur ou
d’une autre.
Il y a déjà 16 mois, Ken Silverstein a publié un reportage sur Vice à propos de Mossak Fonseca, un gros fournisseur véreux de sociétés fictives du Panama. (L’Intercept de Pierre Omidyar, pour lequel Silverstein travaillait alors, avait refusé de publier le reportage.) Yves Smith a publié plusieurs longs articles
sur le business du blanchiment d’argent de Mossak Fonseca. Silverstein a
également redit une chose bien connue, à savoir que Rami Makhlouf, un
riche cousin du président syrien Assad, avait de l’argent caché dans des
sociétés fictives de Mossak Fonseca. Il a écrit:
Pour
pouvoir fonctionner, les sociétés fictives comme Drex ont besoin d’un
agent agréé, parfois un homme de loi, qui dépose les documents
d’enregistrement nécessaires et dont le bureau sert habituellement
d’adresse à la société fictive. Cela crée un intermédiaire entre la
société fictive et son propriétaire, surtout si l’entreprise fictive est
enregistrée dans un paradis fiscal où l’information sur la propriété
est protégée par un mur impénétrable de lois et de règlements. Dans le
cas de Makhlouf – et, comme je l’ai découvert, dans le cas aussi
d’hommes d’affaires véreux et de gangsters du monde entier –
l’organisation internationale qui a permis d’enregistrer sa compagnie
fictive et de la protéger contre la surveillance internationale était un
cabinet d’avocats appelé Mossack Fonseca, qui a fait office d’agent
agréé de Drex du 4 juillet 2000 à la fin de 2011.
L’année dernière, quelqu’un a fourni des tonnes de données de Mossak Fonseca à un journal allemand, le Süddeutsche Zeitung. Le quotidien munichois est politiquement au centre droit et résolument pro-OTAN. Il coopère avec le Guardian, la BBC, Le Monde,
le Consortium international des journalistes d’investigation et
d’autres organes de presse qui sont tous des partisans avérés de
l’Establishment.
Le Süddeutsche affirme que les données fuitées
concernent quelques 214 000 sociétés fictives et 14 000 clients de
Mossak Fonseca. Il y a sûrement beaucoup de boue cachée là-dedans.
Combien de sénateurs des États-Unis sont impliqués dans ces sociétés ?
Quels politiciens de l’Union européenne ? Quelles sont les grandes
banques de Wall Street et les fonds spéculatifs qui se cachent au Panama
? Oh pardon. Le Süddeutsche et ses partenaires ne répondront pas à ces questions. Voici comment ils analysent les données:
Les
journalistes ont réuni des listes des politiciens importants, de
criminels internationaux, d’athlètes professionnels bien connus, etc. Le
traitement numérique a permis de rechercher ensuite si des noms de ces
listes figuraient dans les fuites. La liste «scandale des dons au parti»
contenait 130 noms, et la liste des sanctions de l’ONU plus de 600. En
quelques minutes, le puissant algorithme de recherche a comparé les
listes avec les 11,5 millions de documents.
Pour
chaque nom trouvé, un processus de recherche détaillé a été lancé au
moyen des questions suivantes: quel est le rôle de cette personne dans
le réseau des entreprises ? D’où vient l’argent ? Où va-t-il ? La
structure est-elle légale ?
En d’autres termes, le Süddeutsche
a pris des listes de criminels célèbres, de personnalités et
d’organisations connues que les Étasuniens n’aiment pas et a vérifié
s’ils étaient dans les données fuitées. Les résultats obtenus ont
ensuite été évalués. Comme résultat, il y a l’éternel retour annuel de la campagne de diffamation
contre le président russe Vladimir Poutine, qui n’est pas même
mentionné dans les données de Mossak Fonseca, des accusations contre
diverses personnes de la fédération de football de la FIFA, fort
détestée des États-Unis, et la mention de quelques autres mécréants de
moindre importance.
Il n’y a rien sur aucun Étasunien, rien du tout, ni sur aucun politicien important de l’OTAN. La victime la plus politique est
bizarrement, à ce jour, le Premier ministre de l’Islande, Sigmundur
David Gunnlaugsson, qui possédait, avec sa femme, une des sociétés
fictives. Il n’y a aucune preuve que la propriété ou que l’argent détenu
par cette société soient illégaux.
Alors, que faut-il déduire de tout ceci ?
Comme l’écrit
l’ancien ambassadeur britannique, Craig Murray, pour comprendre le sens
(s’il y en a un) de tout ça, il faut se pencher sur ce qui est caché
par les organisations qui gèrent la fuite:
Le
filtrage des informations de Mossack Fonseca par les médias est le
reflet direct de l’agenda gouvernemental occidental.
Bien qu’ils soient
leurs principaux clients. aucune grande société occidentale, aucun
milliardaire occidental n’est mentionné parmi ceux qui ont utilisé les
services de Mossack Fonseca, Et le Guardian se dépêche de les rassurer en disant que «la plus grande partie des informations fuitées ne sera pas divulguée».
A
quoi vous attendiez-vous ? La fuite est gérée par un organisme qui
porte le nom grandiose, mais qui prête à rire quand on connaît l’oiseau,
de Consortium international des journalistes d’investigation.
Il est entièrement financé et géré par le Centre des États-Unis pour
l’intégrité publique. Leurs bailleurs de fonds comprennent :
La fondation Ford
La fondation Carnegie
La fondation de la famille Rockefeller
La Fondation W K Kellogg
La Fondation pour une société ouverte (Soros)
La fuite
consiste en un ensemble de données sélectionnées par des organisations
amies des États-Unis à partir d’une base de données, probablement
obtenue par les services secrets américains, qui contient sans aucun
doute beaucoup d’informations fort compromettantes sur des personnes et
des organisations occidentales.
La publication d’informations triées sur le volet à partir des données fuitées a deux objectifs:
- Elle salit divers ennemis de l’empire, même si c’est seulement par personne interposée comme les présidents Poutine et Assad.
- Elle prévient d’autres personnalités, celles qui figurent dans la base de données, mais dont les noms n’ont pas encore été révélés, que les États-Unis ou leurs partenaires médiatiques peuvent, à tout moment, exposer leur linge sale en public. C’est donc un moyen de chantage idéal.
La fuite des Panama Papers
a été orchestrée par une petite coterie pour incriminer quelques
personnes et quelques organisations qui ne plaisent pas aux États-Unis.
Cela permet aussi de montrer les instruments de torture dont
ils disposent aux personnes qui ont fait affaires avec Mossak Fonseca,
mais dont les noms n’ont pas (encore) été publiés. Ces personnalités
sont maintenant entre les mains de ceux qui contrôlent la base de
données. Elles devront faire ce qu’on leur dit, sinon…
Traduction : Dominique Muselet
Tout a commencé en Grèce, en décembre 2008, avec des manifestations à la suite de l’assassinat d’un adolescent par un policier. La CIA a transporté par autobus des casseurs du Kosovo pour perturber une manifestation et installer un début de chaos [1]. Le département du Trésor a pu alors vérifier que des capitaux grecs quittaient le pays. L’expérience étant concluante, la Maison-Blanche décida de plonger cet État fragile dans une crise financière et économique qui remit en cause l’existence même de la zone euro. Comme prévu, à chaque fois que l’on s’interroge sur une éventuelle expulsion de la Grèce de l’euro ou sur une dissolution de la zone euro, des capitaux européens se précipitent dans les paradis fiscaux disponibles, principalement britanniques, états-uniens et hollandais. En 2012, une autre opération fut conduite contre le paradis fiscal chypriote. Tous les comptes bancaires furent confisqués au-delà de 100 000 euros. C’était la première et unique fois, dans une économie capitaliste, que l’on observait ce type de nationalisation [2].
Au cours des huit dernières années, nous avons assisté à de nombreuses réunions du G8 et du G20 qui ont établi toutes sortes de règles internationales, prétendument pour prévenir l’évasion fiscale [3]. Cependant, une fois ces règles adoptées par tous, les États-Unis —et dans une moindre mesure Israël, les Pays-Bas et le Royaume-Uni— s’en sont dispensés.
Actuellement, les principaux paradis fiscaux sont l’État indépendant de la City de Londres (membre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord), l’État du Delaware (membre des États-Unis), et Israël, mais bien d’autres paradis fiscaux existent, surtout britanniques, à commencer par les îles de Jersey et de Guernesey (membre du duché de Normandie et à ce titre placé sous l’autorité de la reine d’Angleterre, mais ni membre du Royaume-Uni, ni de l’Union européenne), Gibraltar (un territoire espagnol dont la propriété foncière est anglaise et que le Royaume-Uni occupe illégalement), jusqu’à Anguilla, les Bermudes, les îles Caïmans, les îles Turques, les îles Vierges ou Montserrat. Il y a en aussi quelques uns rattachés à la Hollande : Aruba, Curaçao, ou Sint Maarten.
Un paradis fiscal, c’est une « zone franche » étendue à tout un pays. Cependant, dans l’imaginaire collectif, une zone franche est indispensable à l’économie, tandis qu’un « paradis fiscal » est une calamité, c’est pourtant exactement la même chose. Bien sûr, certaines entreprises abusent des zones franches pour ne pas payer d’impôts, et d’autres abusent des paradis fiscaux, mais ce n’est pas une raison pour remettre en question l’existence de ces dispositifs indispensables au commerce international.
Dans leur guerre contre les paradis fiscaux non-anglo-saxons, les États-Unis ont surtout porté des coups contre la Suisse [4]. Ce pays avait développé un strict secret bancaire permettant à de petits opérateurs de mener des transactions à l’insu des gros. En contraignant la Suisse à abandonner son secret bancaire, les États-Unis ont étendu leur surveillance de masse aux transactions économiques. De la sorte, ils peuvent aisément truquer la concurrence et saboter l’action des petits opérateurs.
Alors que le Panama est un État de langue espagnole et que le Süddeutsche Zeitung est édité en Allemagne, les fichiers volés ont été dénommés en anglais par leurs espions : « Panama Papers ».
Au passage, les auteurs de cette carabistouille tentent de nous persuader que tous les hommes qui se dressent contre Washington seraient des voleurs. Souvenons-nous par exemple des campagnes qui furent menées contre Fidel Castro, accusé d’être un trafiquant de drogue et classé par Forbes parmi les plus grandes fortunes du monde [5]. Pour avoir constaté les difficiles conditions de vie de la famille Castro à Cuba, je me demande comment on a pu monter un bobard pareil. Les nouveaux magnats secrets seraient donc Vladimir Poutine, Bachar el-Assad et Mahmoud Ahmadinejad —dont la frugalité est pourtant légendaire—.
Cette propagande contre des adversaires politiques, n’est que la partie émergée de l’iceberg, l’important étant l’avenir du système financier international.
Dans les sociétés républicaines, la Justice doit être égale pour tous. Mais l’ICIJ, qui a déjà rendu publics plus de 15 millions de fichiers informatiques depuis sa création, n’a jamais attenté aux intérêts des États-Unis. Elle ne peut donc certainement pas prétendre agir par souci de justice.
En outre, des principes républicains de notre société découlent des obligations pour les journalistes. Celles-ci ont été formalisées dans la Charte de Munich, adoptée en 1971 par tous les syndicats professionnels du Marché commun, puis étendue au reste du monde par la Fédération internationale des journalistes.
Je comprends parfaitement que ce texte impose des limitations parfois difficiles à supporter. Et j’ai, il y a quelques années, fait partie de ceux qui croyaient utiles de pouvoir la violer de temps à autres. Mais l’expérience prouve qu’en la violant, on ouvre la voie à d’autres violations qui se retournent contre les citoyens.
Les journalistes de l’International Consortium of Investigative Journalists ne se sont pas posés de question éthique. Ils ont accepté de travailler sur des documents volés et triés, sans avoir la moindre capacité de vérifier leur authenticité.
La Charte de Munich stipule que les journalistes ne publieront que des informations dont l’origine est connue, qu’ils ne supprimeront pas d’informations essentielles et n’altéreront pas les textes et les documents ; enfin qu’ils n’useront pas de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents.
Trois exigences qu’ils ont violées en parfaite connaissance de cause, ce qui devrait les exclure des instances professionnelles et provoquer la révocation des directeurs de la BBC, de France-Télévisions, de NRK, et pourquoi pas de Radio Free Europe/Radio Liberty (la radio de la CIA qui est elle aussi membre du Consortium des journalistes).
L’International Consortium of Investigative Journalists n’en est pas à sa première affaire. C’est lui qui avait rendu publics, en 2013, 2,5 millions de fichiers informatiques volés à 120 000 sociétés off shore. Puis, c’est lui encore qui avait révélé, en 2014, les contrats signés entre des multinationales et le Luxembourg pour bénéficier d’une fiscalité privilégiée. Et c’est lui toujours qui révéla, en 2015, les comptes de la banque britannique HSBC en Suisse.
L’International Consortium of Investigative Journalists, on s’en doute, est financée par de nombreux organismes liés à la CIA, comme la Fondation Ford, et les fondations de George Soros. Ce dernier exemple est le plus intéressant : pour les membres de l’ICIJ, l’argent de M. Soros ne vient pas de la CIA, mais de ses spéculations financières au détriment des peuples ce qui le rendrait plus acceptable.
Que le président Ahmadinejad ait créé des sociétés off shore pour contourner l’embargo dont son pays était victime et vendre du pétrole n’est non seulement pas un crime, mais c’est tout à son honneur.
Que la famille Makhlouf, les cousins du président el-Assad, ait utilisé un montage financier pour contourner l’embargo illégal des puissances occidentales et permettre aux Syriens de se nourrir durant cinq années de guerre d’agression est tout aussi légitime.
Que va-t-il rester de ce vaste déballage ? D’abord la réputation de Panama est détruite et mettra de longues années à se relever. Ensuite, de petits malfrats qui ont abusé du système seront poursuivis en justice, tandis que quantité de commerçants honnêtes devront longuement se justifier devant les tribunaux. Mais contrairement aux apparences, ceux qui animent cette campagne veilleront à ce que rien ne change. Le système restera donc en place, mais toujours plus au seul profit du Royaume-Uni, de la Hollande, des États-Unis et d’Israël. En croyant défendre leurs libertés, ceux qui auront participé à cette campagne l’auront en réalité réduite.
Pourquoi les « Panama Papers » ?
Contrairement aux apparences, la campagne des « Panama Papers »
n’aura pas pour conséquence de restreindre les malversations financières
et d’augmenter les libertés, mais exactement le contraire. Le système
va se contracter un peu plus autour du Royaume-Uni, de la Hollande, des
États-Unis et d’Israël, de sorte qu’eux et eux seuls en auront le
contrôle. En violant le principe d’égalité devant la Justice et leur
éthique professionnelle, les membres de l’International Consortium of
Investigative Journalists se sont mis aux service des ennemis de la
liberté et des défenseurs du Grand capital, et le fait qu’ils aient
épinglé au passage quelques malfrats n’y changera rien. Explications.
- La doctrine Romer : contraindre les paradis fiscaux non-anglo-saxons à renoncer et déstabiliser l’Union européenne jusqu’à ce que les capitaux refluent vers les paradis fiscaux du Royaume-Uni, de la Hollande, des États-Unis et d’Israël.
La stratégie économique des États-Unis
Au début de son mandat, le président Obama a désigné
l’historienne Christina Romer pour présider son Comité des conseillers
économiques. Ce professeur à l’Université de Berkeley est une
spécialiste de la crise de 1929. Selon elle, ni le New Deal de
Roosevelt, ni la Seconde Guerre mondiale n’ont permis de sortir de cette
récession, mais l’afflux de capitaux européens, à partir de 1936,
fuyant la « montée des périls ».
C’est sur cette base que Barack Obama a conduit sa politique
économique. En premier lieu, il a agi pour fermer tous les paradis
fiscaux que Washington et Londres ne contrôlent pas. Puis, il a organisé
la déstabilisation de la Grèce et de Chypre, de sorte que les capitaux
européens se réfugient dans les paradis fiscaux anglo-saxons.Tout a commencé en Grèce, en décembre 2008, avec des manifestations à la suite de l’assassinat d’un adolescent par un policier. La CIA a transporté par autobus des casseurs du Kosovo pour perturber une manifestation et installer un début de chaos [1]. Le département du Trésor a pu alors vérifier que des capitaux grecs quittaient le pays. L’expérience étant concluante, la Maison-Blanche décida de plonger cet État fragile dans une crise financière et économique qui remit en cause l’existence même de la zone euro. Comme prévu, à chaque fois que l’on s’interroge sur une éventuelle expulsion de la Grèce de l’euro ou sur une dissolution de la zone euro, des capitaux européens se précipitent dans les paradis fiscaux disponibles, principalement britanniques, états-uniens et hollandais. En 2012, une autre opération fut conduite contre le paradis fiscal chypriote. Tous les comptes bancaires furent confisqués au-delà de 100 000 euros. C’était la première et unique fois, dans une économie capitaliste, que l’on observait ce type de nationalisation [2].
Au cours des huit dernières années, nous avons assisté à de nombreuses réunions du G8 et du G20 qui ont établi toutes sortes de règles internationales, prétendument pour prévenir l’évasion fiscale [3]. Cependant, une fois ces règles adoptées par tous, les États-Unis —et dans une moindre mesure Israël, les Pays-Bas et le Royaume-Uni— s’en sont dispensés.
Les paradis fiscaux
Chaque paradis fiscal a un statut juridique particulier, généralement saugrenu.Actuellement, les principaux paradis fiscaux sont l’État indépendant de la City de Londres (membre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord), l’État du Delaware (membre des États-Unis), et Israël, mais bien d’autres paradis fiscaux existent, surtout britanniques, à commencer par les îles de Jersey et de Guernesey (membre du duché de Normandie et à ce titre placé sous l’autorité de la reine d’Angleterre, mais ni membre du Royaume-Uni, ni de l’Union européenne), Gibraltar (un territoire espagnol dont la propriété foncière est anglaise et que le Royaume-Uni occupe illégalement), jusqu’à Anguilla, les Bermudes, les îles Caïmans, les îles Turques, les îles Vierges ou Montserrat. Il y a en aussi quelques uns rattachés à la Hollande : Aruba, Curaçao, ou Sint Maarten.
Un paradis fiscal, c’est une « zone franche » étendue à tout un pays. Cependant, dans l’imaginaire collectif, une zone franche est indispensable à l’économie, tandis qu’un « paradis fiscal » est une calamité, c’est pourtant exactement la même chose. Bien sûr, certaines entreprises abusent des zones franches pour ne pas payer d’impôts, et d’autres abusent des paradis fiscaux, mais ce n’est pas une raison pour remettre en question l’existence de ces dispositifs indispensables au commerce international.
Dans leur guerre contre les paradis fiscaux non-anglo-saxons, les États-Unis ont surtout porté des coups contre la Suisse [4]. Ce pays avait développé un strict secret bancaire permettant à de petits opérateurs de mener des transactions à l’insu des gros. En contraignant la Suisse à abandonner son secret bancaire, les États-Unis ont étendu leur surveillance de masse aux transactions économiques. De la sorte, ils peuvent aisément truquer la concurrence et saboter l’action des petits opérateurs.
- Durant une dizaine d’années, Forbes a classé Fidel Castro comme le chef d’État le plus fortuné au monde. S’il est aujourd’hui admis que c’était de la pure propagande, Forbes ne s’est jamais excusé.
Les « Panama Papers »
C’est dans ce contexte que Washington a fourni au Süddeutsche Zeitung 11 500 000 fichiers informatiques piratés au quatrième cabinet d’avocat au monde chargé de créer des sociétés off shore. Cet espionnage étant un crime, les prétendus « lanceurs d’alerte » qui l’ont accompli sont restés anonymes. Bien sûr Washington a d’abord soigneusement trié les dossiers et a exclu en premier lieu tous ceux relatifs à des ressortissants ou à des entreprises états-uniennes, puis probablement ceux qui concernent ses bons alliés. Le fait que quelques prétendus alliés, en délicatesse avec l’administration Obama, —comme le président Petro Porochenko— figurent dans ces documents, nous confirme qu’ils viennent d’être lâchés par leur puissant protecteur.Alors que le Panama est un État de langue espagnole et que le Süddeutsche Zeitung est édité en Allemagne, les fichiers volés ont été dénommés en anglais par leurs espions : « Panama Papers ».
Au passage, les auteurs de cette carabistouille tentent de nous persuader que tous les hommes qui se dressent contre Washington seraient des voleurs. Souvenons-nous par exemple des campagnes qui furent menées contre Fidel Castro, accusé d’être un trafiquant de drogue et classé par Forbes parmi les plus grandes fortunes du monde [5]. Pour avoir constaté les difficiles conditions de vie de la famille Castro à Cuba, je me demande comment on a pu monter un bobard pareil. Les nouveaux magnats secrets seraient donc Vladimir Poutine, Bachar el-Assad et Mahmoud Ahmadinejad —dont la frugalité est pourtant légendaire—.
Cette propagande contre des adversaires politiques, n’est que la partie émergée de l’iceberg, l’important étant l’avenir du système financier international.
Violation de l’éthique des journalistes
Le Süddeutsche Zeitung fait partie de l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), une association spécialisée non pas dans le journalisme d’investigation comme son intitulé pourrait le faire croire, mais dans la dénonciation de crimes financiers.Dans les sociétés républicaines, la Justice doit être égale pour tous. Mais l’ICIJ, qui a déjà rendu publics plus de 15 millions de fichiers informatiques depuis sa création, n’a jamais attenté aux intérêts des États-Unis. Elle ne peut donc certainement pas prétendre agir par souci de justice.
En outre, des principes républicains de notre société découlent des obligations pour les journalistes. Celles-ci ont été formalisées dans la Charte de Munich, adoptée en 1971 par tous les syndicats professionnels du Marché commun, puis étendue au reste du monde par la Fédération internationale des journalistes.
Je comprends parfaitement que ce texte impose des limitations parfois difficiles à supporter. Et j’ai, il y a quelques années, fait partie de ceux qui croyaient utiles de pouvoir la violer de temps à autres. Mais l’expérience prouve qu’en la violant, on ouvre la voie à d’autres violations qui se retournent contre les citoyens.
Les journalistes de l’International Consortium of Investigative Journalists ne se sont pas posés de question éthique. Ils ont accepté de travailler sur des documents volés et triés, sans avoir la moindre capacité de vérifier leur authenticité.
La Charte de Munich stipule que les journalistes ne publieront que des informations dont l’origine est connue, qu’ils ne supprimeront pas d’informations essentielles et n’altéreront pas les textes et les documents ; enfin qu’ils n’useront pas de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents.
Trois exigences qu’ils ont violées en parfaite connaissance de cause, ce qui devrait les exclure des instances professionnelles et provoquer la révocation des directeurs de la BBC, de France-Télévisions, de NRK, et pourquoi pas de Radio Free Europe/Radio Liberty (la radio de la CIA qui est elle aussi membre du Consortium des journalistes).
L’International Consortium of Investigative Journalists n’en est pas à sa première affaire. C’est lui qui avait rendu publics, en 2013, 2,5 millions de fichiers informatiques volés à 120 000 sociétés off shore. Puis, c’est lui encore qui avait révélé, en 2014, les contrats signés entre des multinationales et le Luxembourg pour bénéficier d’une fiscalité privilégiée. Et c’est lui toujours qui révéla, en 2015, les comptes de la banque britannique HSBC en Suisse.
L’International Consortium of Investigative Journalists, on s’en doute, est financée par de nombreux organismes liés à la CIA, comme la Fondation Ford, et les fondations de George Soros. Ce dernier exemple est le plus intéressant : pour les membres de l’ICIJ, l’argent de M. Soros ne vient pas de la CIA, mais de ses spéculations financières au détriment des peuples ce qui le rendrait plus acceptable.
- Principe fondamental des sociétés républicaines : pour être légitime, la Justice doit s’appliquer également à tous (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789). Or, depuis sa création, l’ICIJ s’abstient de dévoiler les crimes des États-Unis. Ce faisant, elle accroît les injustices.
Plus de Résistance sans paradis fiscaux non-anglo-saxons
Que le Hezbollah détienne des sociétés et des comptes secrets au Panama et ailleurs n’a rien de surprenant. J’évoquais dans un récent article les efforts de la Résistance libanaise pour s’auto-financer sans avoir à dépendre des subventions iraniennes. Le complexe montage financier auquel il s’est livré devra être entièrement recomposé, faute de quoi le Liban redeviendra la proie de ses voisins israéliens.Que le président Ahmadinejad ait créé des sociétés off shore pour contourner l’embargo dont son pays était victime et vendre du pétrole n’est non seulement pas un crime, mais c’est tout à son honneur.
Que la famille Makhlouf, les cousins du président el-Assad, ait utilisé un montage financier pour contourner l’embargo illégal des puissances occidentales et permettre aux Syriens de se nourrir durant cinq années de guerre d’agression est tout aussi légitime.
Que va-t-il rester de ce vaste déballage ? D’abord la réputation de Panama est détruite et mettra de longues années à se relever. Ensuite, de petits malfrats qui ont abusé du système seront poursuivis en justice, tandis que quantité de commerçants honnêtes devront longuement se justifier devant les tribunaux. Mais contrairement aux apparences, ceux qui animent cette campagne veilleront à ce que rien ne change. Le système restera donc en place, mais toujours plus au seul profit du Royaume-Uni, de la Hollande, des États-Unis et d’Israël. En croyant défendre leurs libertés, ceux qui auront participé à cette campagne l’auront en réalité réduite.
[1]
Merci aux lecteurs qui retrouveront l’interview que j’ai donné à un
média grec à ce sujet en 2009. Je n’avais pas écris d’article, juste un
paragraphe incident dans « La "révolution colorée" échoue en Iran », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 24 juin 2009.
[2] « Le pion chypriote », par Thierry Meyssan, Al-Watan (Syrie) , Réseau Voltaire, 25 mars 2013.
[3] « Le G 20 : une hiérarchisation des marchés financiers », par Jean-Claude Paye, Réseau Voltaire, 9 avril 2009.
[4] « Lutte contre la fraude fiscale ou main mise sur le système financier international ? », « UBS et l’hégémonie du dollar », par Jean-Claude Paye, Réseau Voltaire, 3 mars et 21 octobre 2009.
[5] « Forbes invente la fortune de Fidel Castro », par Salim Lamrani, Réseau Voltaire, 24 mai 2006.
[2] « Le pion chypriote », par Thierry Meyssan, Al-Watan (Syrie) , Réseau Voltaire, 25 mars 2013.
[3] « Le G 20 : une hiérarchisation des marchés financiers », par Jean-Claude Paye, Réseau Voltaire, 9 avril 2009.
[4] « Lutte contre la fraude fiscale ou main mise sur le système financier international ? », « UBS et l’hégémonie du dollar », par Jean-Claude Paye, Réseau Voltaire, 3 mars et 21 octobre 2009.
[5] « Forbes invente la fortune de Fidel Castro », par Salim Lamrani, Réseau Voltaire, 24 mai 2006.
CONCLUSION
L'empire contre-attaque ou le Titanic ?
Nous avons volontairement laissé passer quelques jours après la publication des Panama papers
car il était évident que ce qui avait motivé ces ""révélations""" (oui,
plusieurs guillemets ne sont pas de trop) allait sortir au grand jour.
C'était trop beau pour être vrai : le camp du Bien était composé de
blanches colombes immaculées (mis à part quelques exceptions pour la
forme) tandis que les adversaires de l'empire - Poutine, Assad, les
Chinois, les partis eurosceptiques - étaient cloués au piloris, souvent
sur des allégations peu probantes mais dans un défoulement général de la
volaille médiatique. Trop beau pour être vrai, effectivement...
On savait que la fondation Soros était derrière l'International consortium of investigate journalists (ICIJ) à la base de la publication, ce qui jette une ombre indélébile sur toute cette affaire. Wikileaks, qu'aucun plumitif occidental ne cite jamais, curieusement, va plus loin : "L'attaque contre Poutine est le fruit d'une collaboration entre l'USAid et la fondation Soros".
Pour mémoire, l'USAid, la (très) mal nommée Agence américaine pour le développement, est derrière la tentative de coup d'Etat contre Hugo Chavez au Venezuela en 2002 et traîne un certain nombre d'autres casseroles. Pas étonnant qu'aucun Américain ne soit cité par l'ICIJ, ce que le directeur de l'organisme justifie avec une hypocrisie invraisemblable :
"Nous n'avons pas l'intention de publier toutes les informations qui pourrait heurter la sensibilité d'innocents individus. Nous ne sommes pas Wikileaks, nous faisons du journalisme responsable" (ÉNORME !)
Ainsi, le gouvernement américain est directement impliqué dans ces fuites, ce qui, toujours selon Wikileaks, est un coup sérieux porté à son intégrité. Faut-il que l'empire soit désespéré pour ressortir à ce genre de tactique... Va-t-elle tout de même payer ? L'avenir nous le dira.
On savait que la fondation Soros était derrière l'International consortium of investigate journalists (ICIJ) à la base de la publication, ce qui jette une ombre indélébile sur toute cette affaire. Wikileaks, qu'aucun plumitif occidental ne cite jamais, curieusement, va plus loin : "L'attaque contre Poutine est le fruit d'une collaboration entre l'USAid et la fondation Soros".
Pour mémoire, l'USAid, la (très) mal nommée Agence américaine pour le développement, est derrière la tentative de coup d'Etat contre Hugo Chavez au Venezuela en 2002 et traîne un certain nombre d'autres casseroles. Pas étonnant qu'aucun Américain ne soit cité par l'ICIJ, ce que le directeur de l'organisme justifie avec une hypocrisie invraisemblable :
"Nous n'avons pas l'intention de publier toutes les informations qui pourrait heurter la sensibilité d'innocents individus. Nous ne sommes pas Wikileaks, nous faisons du journalisme responsable" (ÉNORME !)
Ainsi, le gouvernement américain est directement impliqué dans ces fuites, ce qui, toujours selon Wikileaks, est un coup sérieux porté à son intégrité. Faut-il que l'empire soit désespéré pour ressortir à ce genre de tactique... Va-t-elle tout de même payer ? L'avenir nous le dira.