vendredi 22 avril 2016

Salmane, Al-Sissi, Erdogan, Netanyahu, Daech, USA et les autres ...


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Offensives politiques de l’Arabie saoudite
Malgré ses échecs, l’Arabie saoudite dispose toujours de trois cartes maîtresses :
  • La sauvegarde d’une certaine influence sur la future gouvernance yéménite étant donné que les pourparlers de paix, au Koweït, ont lieu entre les Houtis et « Ali Mohsen al-Ahmar », l’homme des Saoudiens au Yémen, nommé vice-président par le président contesté Abd Rabbo Mansour Hadi, après limogeage de Khaled Bahah début avril.
  • Ladite opposition syrienne par le biais du « Groupe de Riyad » rendu cette semaine aux pourparlers entre Syriens à Genève.
  • Le Courant du Futur au Liban
drapeauxAyant échoué à éliminer ses adversaires au Yémen, en Syrie et au Liban, l’Arabie saoudite a imaginé pouvoir réunir ces trois cartes pour prouver qu’elle avait encore la capacité de jouer un rôle régional face à l’Iran en passant de la confrontation militaire à la confrontation politique
Une confrontation politique qui s’est traduite par une offensive du roi Salmane dans plusieurs directions :
  • Annonce calculée de la trêve au Yémen pendant sa visite en Égypte.
  • Mainmise sur les deux îles égyptiennes de Tiran et Sanafir en Mer Rouge.
  • Pressions sur les pays participant au sommet de l’OCI pour l’instrumentaliser contre l’Iran.
Le tout dans le but de créer une nouvelle équation qui établirait l’équilibre voulu par les USA et Israël devenu ouvertement le meilleur allié de l’Arabie saoudite : le trio « Arabie saoudite-Turquie-Égypte », face à l’Iran, l’Irak, la Syrie et l’Algérie.
La Trêve obligée au Yémen
Concernant le Yémen, il faut quand même noter que telle n’était pas leur position de départ. Les Al-Saoud voulaient tout simplement écraser les Houtis pariant sur leur puissance financière et la bénédiction des USA. Les voilà obligés de négocier avec eux, d’admettre qu’ils n’ont pas réussi à entrer dans Sanaa, ni à briser le siège de Taiz, et que le maximum qu’ils aient pu obtenir est leur mainmise sur Aden alors qu’il est désormais de notoriété publique que les forces sur lesquelles ils s’appuient sont en majorité affiliées à Daech et Al-Qaïda.
Au Yémen, nous avons donc affaire à une équation différente de la situation en Syrie, puisque ceux qui négocient sont ceux qui se battent sur le terrain, tandis que ladite opposition syrienne qui prétend négocier à Genève ne représente pas grand chose sur le terrain militaire et, par conséquent, ne peut pas arrêter la guerre menée contre l’Armée syrienne par l’intermédiaire de Daech et Al-Nosra alias Al-Qaïda, deux organisations exclues de la trêve et du processus politique.
La mainmise sur les îles de Tiran et de Sanafir en Mer Rouge
Ces deux îles inhabitées sont situées dans le détroit de Tiran qui sépare le golfe d’Aqaba de la Mer Rouge. L’Armée égyptienne les a occupées avant la guerre de 1967 empêchant Israël d’emprunter le détroit à partir du port d’Elat. Selon un récit égypto-saoudien, elles seraient sous la souveraineté de l’Égypte depuis 1950, le roi Abdul Aziz ayant demandé au roi Farouk d’y déployer des forces égyptiennes pour prévenir toute attaque israélienne contre les deux îles, tandis que des chercheurs, des diplomates et des juristes égyptiens, s’appuyant sur de vieilles cartes ottomanes, s’accordent à dire que les deux îles font partie intégrante du Sinaï et donc de l’Égypte.
Aujourd’hui, la question ne consiste pas à discuter de ce problème de souveraineté bien qu’il suscite de vives polémiques et de violentes manifestations en Égypte [5]. La question est, pourquoi maintenant, alors que les accords de Camp David, ayant restitué à l’Égypte ces deux îles occupées par Israël en 1967 à condition qu’elles ne soient cédées à quiconque sans son accord, datent de 1981, et que les discussions à leur sujet entre l’Arabie saoudite et l’Égypte durent depuis une trentaine d’années sans que l’Égypte ne consente à s’en séparer ? Certains prétendent qu’Israël, non plus, ne voyait pas cette cession d’un bon œil jugeant l’Arabie saoudite moins fiable que l’Égypte.
Tenant compte des accords de Camp David, de la satisfaction affichée par le corps diplomatique et les médias israéliens à l’annonce de cette cession, de la détresse économique de l’Égypte au bord de la faillite, et surtout de la chronologie des événements qui se sont rapidement succédés durant le périple de dix jours du roi Salmane entre l’Arabie saoudite, l’Egypte et la Turquie, il devient clair que ce transfert de souveraineté n’aurait pu se faire sans l’accord des Israéliens ; voire, sans leur planification [6].
Décidé à exploiter la trêve au Yémen, Salmane s’arrange pour être en Égypte au moment même de sa déclaration, ce qui suggère qu’il vient en sauveur et non en quémandeur de piétailles pour poursuivre sa guerre meurtrière au Yémen : au total, 25 milliards de dollars sur cinq ans c’est plus qu’une bouffée d’oxygène pour le gouvernement égyptien ; avec cependant, le projet de construction d’un pont terrestre entre l’Égypte et l’Arabie saoudite à un moment critique où on ne voit pas très bien son utilité pour l’Égypte, tandis qu’Israël espère ouvertement en profiter pour des trajets plus directs avec l’Arabie saoudite.
Certains rapports parlent d’un accord israélo-saoudien pouvant expliquer ce moment précis de l’acquisition de ces deux îles par les Saoudiens. Elles serviraient deux objectifs :
  • Le premier : Amener les pipelines saoudiens vers L’Europe suivant un trajet passant par la presqu’île du Sinaï, puis le port de Haïfa ; ce qui en ferait le « Rotterdam de la Méditerranée », un rôle lui ayant échappé suite à l’échec d’Israël dans sa guerre contre le Liban en 2006 grâce à la résistance héroïque du Hezbollah, alors qu’il était prévu de construire une connexion avec le réseau Nabucco venant du Kazakhstan en passant par le port turc de Ceyhan. De Haïfa, le pipeline aurait été prolongé jusqu’au port d’Ashqelon, puis la Mer Rouge, pour garantir les livraisons de pétrole à la Chine et à l’Inde, au cas où une guerre des États-Unis contre l’Iran conduirait à la fermeture du détroit d’Ormuz.
  • Le deuxième : Servir à la coopération entre les deux pays en matière de déploiement d’unités d’intervention militaire, de renseignements par satellites et radars hautement performants, évidemment après s’être accordés sur les normes communes d’identification des amis et des ennemis.
Quant à l’Égypte, elle risque de ne pas récolter grand-chose de ce pont terrestre qui prendra appui sur ces deux îles et certains pensent que l’expansion de Haïfa pourrait conduire à la fermeture du canal de Suez.
Pressions sur L’OCI
L’Arabie saoudite a pesé de tout son poids, notamment financier, pour que la déclaration finale du sommet de l’OCI accuse l’Iran de soutenir le terrorisme et d’interférer dans les affaires intérieures des États musulmans de la région, en plus d’ajouter une clause qualifiant le Hezbollah d’organisation terroriste.
Ce faisant, Salmane a poursuivi une action entreprise avant de se rendre en Égypte : payer le prix pour mettre fin à la diffusion d’Al-Manar TV par l’opérateur égyptien NileSat, après l’avoir expulsée du satellite ArabSat quelques mois auparavant.
Avant le sommet, Salmane a tenté de rallier à sa cause la Turquie et le Pakistan, profitant du parapluie politique US qui relie leurs trois pays à Washington. Et alors que des pays participants avaient décidé de créer un climat favorable à une médiation pakistanaise entre l’Iran et l’Arabie saoudite, son ministre des Affaires étrangères, Adel al-Joubeir, s’est chargé de faire ajouter à la déclaration finale des clauses propres aux Pays du Golfe condamnant l’Iran et le Hezbollah, des clauses non soumises à tous les chefs d’état ou ministres des Affaires étrangères et qui ne se discutent pas en assemblée [mais qui sont, sans surprise, les seules retenues par les médias dominants, NdT].
Résultat de cet art de la gestion des défaites : Al-Sissi a boudé le sommet ; tenant compte de leurs intérêts supérieurs sécuritaires et commerciaux, la Turquie et le Pakistan ont décidé de ne pas entrer en conflit avec l’Iran ; la délégation iranienne s’est retirée avant la réunion de clôture ; de nombreuses délégations se sont abstenues de commentaires et la Turquie a procédé à une opération cosmétique par un laïus de bonnes intentions appelant à des relations de coopération avec l’Iran. En d’autres termes, l’entreprise de Salmane a échoué.
Il n’en demeure pas moins qu’une fois de plus ce sommet a failli à la cause même de sa création, « la cause palestinienne » à peine évoquée, alors que l’Arabie saoudite cherche à couvrir Israël en saisissant toutes les occasions pour prétendre qu’une solution est sur les rails et en s’acharnant sur l’Iran, la Syrie, le Yémen et le Hezbollah.
Pressions sur le Liban
La participation du Liban au sommet de l’OCI a été une occasion de mesurer jusqu’où irait l’Arabie saoudite pour le transformer en champ de bataille contre le Hezbollah. Or, il semble qu’elle soit déterminée à aller plus loin encore et jusqu’à l’explosion, si toutefois les USA et l’Occident, parfaitement conscients que partout où elle est passée le terrorisme s’est enraciné, la laissaient faire.
En effet, l’ « Affaire Michel Samaha » semble n’avoir été qu’un exercice préparatoire pour mettre à l’épreuve les nerfs du gouvernement libanais et tester la fidélité de ses alliés locaux tels Saad Hariri et le ministre de la Justice Achraf Rifi ; lequel, non content d’avoir remis en cause le jugement de la Cour de cassation militaire au Liban, avait appelé à traduire l’ancien ministre Samaha devant la Justice canadienne au prétexte qu’il est détenteur de la nationalité canadienne et même devant le TPI [ici, le Tribunal International pour Liban].
Aujourd’hui, certains voudraient aller dans le sens inverse, considérant que ceux qui seraient accusés par le TPI devraient être traduits devant la Justice libanaise. Ceux-là n’ont pas trouvé mieux que d’accuser Sayed Nasrallah en personne de l‘assassinat de Rafiq Hariri ; une rumeur dont la source serait le Procureur du TPI. Ce même tribunal qui n’a cessé de balader ses accusations de la Syrie au Liban et dont nul n’ignore l’influence de l’argent sur ses décisions, comme l’ont reconnu nombre de ceux qui ont préféré démissionner que de continuer à y travailler.
Or, au stade où nous sommes, une simple question s’impose : Est-ce que l’organisation Al-Qaïda aurait pu se développer et être utilisée en Syrie si Rafiq Hariri n’avait pas été assassiné ?
Et soit dit en passant, ceux qui portent ces accusations, contre celui qui combat Al-Qaïda et évite que le Liban ne se laisse entraîner dans le bourbier de leur « fitna », se souviennent-ils que la première fois où ils ont entendu parler « d’Al-Nosra et du Jihad dans les Pays du Levant » c’était justement quand ces deux organisations ont déclaré être responsables de l’assassinat de Rafiq Hariri ?
Se souviennent-ils avoir entendu parler d’Al-Nosra presque simultanément par David Petraeus, l’ex patron de la CIA, disant : « Pas de victoire contre Daech sans coopération avec Al-Nosra ! » ? Par Moshe Ya’alon ainsi que Netanyahou affirmant tous les deux qu’ « Al-Nosra ne représente pas un danger pour Israël » ? Et par le président français, François Hollande, appelant à « considérer Al-Nosra comme un partenaire potentiel dans le processus politique en Syrie » ?
Nasser Kandil
11-16 avril 2016

Sources : Al-Binaa /Top News Nasser Kandil
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=5968
http://www.al-binaa.com/?article=108660
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=5991
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=5977
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=5986
http://www.al-binaa.com/?article=109591
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=5985
Synthèse et Traduction par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca

Notes : 

[1] Le Sinaï : Base américaine ?
[2] Le cadeau incroyable de l’Egypte à l’Arabie Saoudite
[3] Sissi offre deux îles égyptiennes stratégiques aux Saoud
[4] L’Iran se relie à l’Eurasie avec le Canal Perse : le canal de Suez de l’Iran
[5] Le président égyptien sous le feu des critiques pour avoir cédé deux îles à l’Arabie saoudite
[6] Israël dit avoir approuvé par écrit le transfert d’îles à l’Arabie saoudite
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