Le pire ministre des affaires étrangères
jamais offert à la France a déguerpi. Il laisse derrière lui une
diplomatie ruinée, décrédibilisée et démoralisée: seraient-ils les
meilleurs de la planète, nos diplomates ne peuvent faire de miracles
lorsqu’ils sont amenés à ne défendre que des dossiers indéfendables, qui
les placent systématiquement du mauvais côté de l’Histoire. C’est là
que le bât blesse.
Le départ d’un ministre aussi étranger
aux affaires étrangères, qui ne se réveillait qu’au nom de Bachar al
Assad, ne fera guère pleurer que lui-même et ses complices. Mais les
optimistes inoxydables, inondés d’espoir l’espace d’un adieu, devraient
se méfier: si le pire n’est jamais sûr, le meilleur l’est encore moins.
Le partant était un pilier du «groupe
des Amis de la Syrie», dont la liste des États membres illustrait alors
parfaitement la sentence bien connue: avec de tels amis, plus besoin de
se chercher des ennemis. Reprenant le flambeau brandi par la France lors
du rezzou de l’OTAN sur la Libye, Fabius a tout fait pour propulser
notre pays à l’avant-garde des va-t-en guerre de la vertueuse
«communauté internationale». N’est-ce pas lui qui, mi-dépité
mi-gourmand, estimait en juillet 2012 qu’il «reste encore quelques
renforcements possibles en matière de sanctions», insistant pour que la
Grèce cesse d’importer du phosphate syrien ?
Le club Elisabeth Arden (Washington,
Londres, Paris), qui prétend depuis un quart de siècle incarner la
«communauté internationale», s’est transformé au fil des dernières
années en un directoire de pères fouettards ayant pour inspirateurs les
néoconservateurs de «l’Etat profond» des pays d’Occident et d’ailleurs,
et pour alliés privilégiés les régimes moyen-orientaux les plus portés
sur la flagellation.
En 2011, après l’Irak, le Soudan,
l’Afghanistan, la Somalie, la Palestine, la Yougoslavie, l’Iran ou
l’Ukraine et quelques autres, nos pères fouettards, pourtant bien
absorbés par leur tâche du moment (protéger les populations civiles de
la Jamahiriya libyenne en les bombardant, avant de liquider physiquement
Kadhafi – NDLR), vont réserver à la Syrie un traitement de choix. C’est
ainsi que les sanctions vont pleuvoir en giboulées dès les premiers
beaux jours.
En juillet 2012 (on taira par décence le
nom du journal et ceux des journalistes), une vidéo apparaît sur le net
avec un titre en forme de question qui tue: «À quoi servent les
sanctions contre la Syrie ?» Celle-ci, note le commentaire écrit, «fait
depuis plus d’un an l’objet de mesures de rétorsion de la part de la
communauté internationale, avec un succès mitigé». Il faut «punir et
étouffer économiquement le régime de Bachar al Assad, qui réprime dans
le sang ses opposants: tel est l’objectif». On n’aura pas fini
d’entendre cette rengaine.
Notre vidéo précise que, le 23 juillet
2012, l’Union Européenne a adopté un nouveau train de sanctions, pour la
17ème fois en un an (sic). Elle rappelle que les États-Unis, le Canada,
l’Australie, la Suisse, la Turquie et la Ligue Arabe (kidnappée par le
Qatar et les régimes du Golfe) ont pris des mesures équivalentes.
Sans dresser une liste interminable des
sanctions imposées, renouvelées et renforcées les années suivantes, il
n’est pas inutile de rappeler au passage, à l’attention des distraits,
des ignorants ou des bonnes consciences, le script général du
chef-d’œuvre des dirigeants occidentaux et de leurs bureaucraties
sadiques:
1/ D’abord viennent les
sanctions classiques «de mise en situation» par le Conseil de Sécurité,
prises en mai 2011: Les premières mesures prises par l’Union Européenne
concernent la mise au ban (refus de délivrer des visas) et le gel des
avoirs de 150 personnalités du «régime syrien».
Par ailleurs, une cinquantaine de sociétés «soutenant le régime» sont soumises à boycott dont cinq organismes militaires, conformément à l’embargo adopté «sur les exportations d’armes et de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression». Il est ainsi interdit d’exporter vers la Syrie des équipements, des technologies ou des logiciels destinés à surveiller ou intercepter des communications sur Internet ou les téléphones.
Par ailleurs, une cinquantaine de sociétés «soutenant le régime» sont soumises à boycott dont cinq organismes militaires, conformément à l’embargo adopté «sur les exportations d’armes et de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression». Il est ainsi interdit d’exporter vers la Syrie des équipements, des technologies ou des logiciels destinés à surveiller ou intercepter des communications sur Internet ou les téléphones.
2/ Le 10 août 2011, le
gouvernement américain prend des sanctions économiques contre les
sociétés de télécommunication syriennes et les banques liées à Damas,
empêchant les citoyens étatsuniens de mener des affaires avec la Banque
commerciale de Syrie, la Banque syrienne libanaise commerciale ou
Syriatel.
Les avoirs de ces sociétés aux
États-Unis sont gelés, autant dire volés. Hillary Clinton annonce dans
la foulée un embargo total sur les importations de pétrole et de
produits pétroliers en provenance de Syrie.
Imitant aussitôt ses maîtres, l’Union
Européenne décide de plusieurs trains de sanctions supplémentaires, y
compris un embargo sur le pétrole. La dernière salve visera à réduire
les échanges commerciaux afin de finir d’asphyxier l’économie du pays.
3/ Viendront ensuite
les sanctions diplomatiques (rappel des ambassadeurs en consultation)
décidées dès l’automne 2011, après le double veto russo-chinois sur le
projet de résolution islamo-occidental visant à provoquer en Syrie un
processus à la libyenne. Les États-Unis ayant rappelé de Damas leur
ambassadeur du troisième type, plusieurs États de l’Union Européenne
rappellent les leurs.
Juppé rappellera le sien une première fois le 17 novembre 2011: «erreur fatale» pour le ministre ordinateur. Après un faux retour, ce sera le départ définitif en février 2012. Nommé en mai 2012, Fabius fera encore mieux: à peine intronisé, il expulsera l’ambassadrice de Syrie à Paris, ayant oublié que cette dernière est également représentante auprès de l’UNESCO et qu’il ne peut la contraindre au départ.
Juppé rappellera le sien une première fois le 17 novembre 2011: «erreur fatale» pour le ministre ordinateur. Après un faux retour, ce sera le départ définitif en février 2012. Nommé en mai 2012, Fabius fera encore mieux: à peine intronisé, il expulsera l’ambassadrice de Syrie à Paris, ayant oublié que cette dernière est également représentante auprès de l’UNESCO et qu’il ne peut la contraindre au départ.
4/ En 2012, ce sera la
fermeture de la compagnie aérienne «Syrianair» à Paris, puis
l’interdiction de toute liaison aérienne entre la France et la Syrie et,
plus généralement, entre les capitales européennes et Damas. Etc…
Hélas, se lamentent des experts pleins
d’onction et de componction, tout le monde n’est pas d’accord pour
mettre en place un embargo, ce qui en limite la portée. La belle
unanimité qui, de 1991 à 2011, a rassemblé les cinq Permanents du
Conseil de Sécurité autour des trois Occidentaux n’existe plus et c’est
un élément déterminant qui permet de briser l’arrogance et la
toute-puissance des puissances atlantiques.
Des doigts accusateurs pointent
«certains pays qui ne jouent pas le jeu ? (sic). Mais est-ce bien un jeu
? La Russie et la Chine soutiennent le gouvernement et l’état syriens:
ils seront priés de «rejoindre la communauté internationale» (sic). La
Syrie peut également compter sur l’aide multiforme de son allié, l’Iran,
mais celui-ci est déjà sous lourdes sanctions. D’autres pays, comme le
Brésil, ne soutiennent pas les Occidentaux ?
En outre, certains États traînent les
pieds au sein de l’Union Européenne, et les accrocs aux engagements pris
contre Damas se multiplient.
Ce blocus qui asphyxie progressivement
la Syrie est certes difficile à mettre en œuvre, mais que nos
perfectionnistes se consolent: il est indéniable que les résultats
escomptés sont là.
Après cinq années de sanctions et
d’acharnement collectif, le peuple syrien est épuisé et vit dans des
conditions terrifiantes. Nos grands dirigeants, si bons et si pudiques,
ne connaissent-ils pas la vérité, non pas celle de leurs protégés
émigrés qui vivent au chaud ou au frais à l’ombre de leurs protecteurs,
mais la vérité des habitants qui ont tenu bon dans leur pays.
Loin du paradis de la révolution auquel
les premiers feignent de croire, loin du paradis auquel aspirent les
djihadistes démocratiques et les terroristes modérés, c’est un enfer que
vivent les Syriens de la Syrie réelle, un enfer qu’ils doivent au
fanatisme de leurs «libérateurs» et de leurs alliés turcs ou arabes
ainsi qu’au sadisme de l’«Axe du Bien», parrain des terroristes et grand
déverseur de punitions devant l’éternel.
Les sanctions sont parvenues à détruire
un pays qui était plutôt prospère, quasiment sans endettement,
autosuffisant pour l’essentiel de ses besoins et globalement bien parti.
Elles ont fini par entamer le tissu national syrien, soudé par une
tolérance «laïque» assez exemplaire, sans réussir toutefois à le
déstructurer.
Le but de ce politicide était (et reste
toujours) de démoraliser les populations, en les amenant à perdre
confiance dans la légitimité de leur État, de leur gouvernement, de
leurs dirigeants, de leurs institutions, de leur armée, tout en leur
donnant l’illusion que l’Occident est heureusement là pour les «sauver
du tyran qui les massacre» et accueillir en son sein les réfugiés et les
transfuges.
Le terrible bilan enregistré en Irak -un
million et demi de morts, dont 500 000 enfants- est là pour rappeler
que les sanctions sont une arme de destruction massive, utilisée avec un
total cynisme par les «maîtres du monde». Pour Madeleine Albright
évoquant sans doute des «dégâts collatéraux», «cela en valait la peine».
[Fabius et M. Albright sont des juifs ultra sionistes dont le seul but est de contribuer à la construction du "Grand Israël" allant du Nil à l'Euphrate. Ils ne défendent ni l'honneur ni les intérêts des pays qui les abritent et qui leur donnent des fortunes. Le Grand Israël implique en premier lieu la destruction de la Syrie et de l'Irak. L’Égypte et la Jordanie sont déjà neutralisées. Les Arabes du Golfe sont des traîtres, des valets des Américains, des alliés objectifs d'Israël. La Tunisie et le Maroc, par corruption financière, suivent ces traîtres arabes. Que reste-t-il ? l'Algérie et le Liban du Hezbollah et des chrétiens. H. Genseric].
On voit le résultat.
En Syrie, les «punitions» occidentales
ne sont pas mieux intentionnées. Elles visent à mater un peuple
résistant et à le forcer à accepter la fatalité d’un changement de
régime, ou bien à l’amener à fuir ou à déserter…
Quitte à saigner le pays de sa jeunesse
déjà formée, de ses cadres aspirant à vivre mieux dans un climat de
paix…Quitte à faire de ces réfugiés un peuple de mendiants, à la merci
des trafiquants de toutes spécialités: en témoignent ces femmes et
enfants installés la nuit au coin des boulevards parisiens par des
équipes inquiétantes.
Depuis cinq ans, nos politiciens
combinards, nos journalistes complaisants, nos intellectuels perdus ou
dévoyés participent, à quelques exceptions près, à l’énorme conspiration
du mensonge qui fait passer la Syrie souveraine et légale pour
usurpatrice et massacreuse, et ses agresseurs et leurs parrains,
orientaux ou occidentaux, pour des libérateurs révolutionnaires.
Outre l’horreur et l’effroi que
soulèvent les images de cette guerre sauvage, comment ne pas avoir la
nausée devant l’aveuglement, volontaire ou non, de nos élites qui
préfèrent donner du crédit aux mensonges de leurs alliés et protégés
criminels plutôt qu’aux témoignages innombrables des victimes qui
désignent sans ambiguïté leurs bourreaux? Comment ne pas avoir la nausée
devant cette complicité assumée, à peine camouflée par une omerta
systématique? Comment enfin ne pas frémir devant cet aplomb et cette
bonne conscience bétonnée de nos faiseurs d’opinion?
La solution ne consiste pas à accueillir
en Europe les réfugiés que l’on a d’une façon ou d’une autre créés en
alimentant la guerre universelle d’agression et le djihad en Syrie.
Il faut lever immédiatement, sans délai
et sans conditions, les sanctions qui sont destinées à briser tout un
peuple. Il faut mettre fin à la guerre et non en décupler l’impact par
les moyens minables, sournois et iniques que sont les sanctions à la
mode occidentale.
Il faut rendre justice à ce peuple
martyrisé et humilié. Et la plus élémentaire des justices, la première,
est de ne plus couvrir d’un voile de vertu les criminels féroces qui
cherchent à détruire au nom de l’intolérance la Syrie tolérante. Elle
implique également de ne plus cautionner les impudeurs des maîtres
fouettards qui punissent en toute impunité avec la morgue des arrogants.
Assez de mensonges, assez d’hypocrisie, assez de leçons.
Répétons-le, il faut lever les sanctions
criminelles et scélérates qui tuent la Syrie et son peuple. Ni dans un
mois, ni dans un an, mais maintenant. Ce n’est pas une question de
diplomatie, c’est une affaire d’honneur, et la France s’honorerait en
prononçant, pour sa part et à titre national, la levée des sanctions.
Michel Raimbaud.
Ancien ambassadeur de France au Soudan, en Mauritanie et au Zimbabwé auteur de «Le Soudan dans tous ses États: l’espace soudanais à l’épreuve du temps», Paris, Karthala, 2012 et de «tempête sur le Grand Moyen-Orient» Ellipses 2015.
Ancien ambassadeur de France au Soudan, en Mauritanie et au Zimbabwé auteur de «Le Soudan dans tous ses États: l’espace soudanais à l’épreuve du temps», Paris, Karthala, 2012 et de «tempête sur le Grand Moyen-Orient» Ellipses 2015.
http://www.madaniya.info/2016/04/08/syrie-mensonge-nausee-sanctions/