mardi 22 août 2017

La Corée du Nord montre que le roi est nu (peut-être)



Dans le brouillard épais de la guerre – rhétorique – entre Washington et Pyongyang, il est encore possible de détecter un message fascinant sur le mur – allégorique.

On peut supposer que le président Trump utilise la Corée du Nord pour évacuer le récit obsédant, nuit et jour, 24/24, du Russiagate sur les ondes américaines. Cela fonctionne certainement. Après tout, dans le monde vu par l’Exceptionalistan, la perspective de la guerre et de ses récompenses possibles occulte certainement les accusations fumeuses de piratage et d’ingérence électorale russe.

La colline du Capitole n’envisagerait certainement jamais une tentative de destitution d’un président – si haut et entouré de généraux – alors que la suprématie géopolitique américaine est en danger. En outre, le Congrès l’a déjà mis au clair, Trump n’a même pas besoin d’autorisation pour bombarder la Corée du Nord.
Avoiding Nuclear War: Why Kim Jong-Un’s Strategy Makes Sense
Donc, selon cette hypothèse de travail, si Robert Mueller trouve quelque chose de sérieusement dommageable pour la réputation de Trump, le président pourrait réellement considérer un bombardement en Corée du Nord pour noyer le poisson
En attendant, quiconque portant attention à ce que Edward Snowden a révélé en détail sait que les pirates informatiques de toute obédience sont parfaitement branchés sur tous les systèmes informatiques et sur toutes les communications téléphoniques de Mueller. Ils sauront, en temps réel, ce que l’équipe de Mueller a réussi à trouver sur Trump – et planifient leurs éventualités en conséquence.
Quant à la guerre rhétorique elle-même, une source de renseignement américaine habituée à penser à l’extérieur du périphérique de Washington, pointe vers la variable cruciale, la Corée du Sud :
« La Corée du Sud abandonnera son alliance avec les États-Unis le jour où elle croira  que ceux-ci attaqueront la Corée du Nord, afin de s’épargner la mort de trente millions de ses habitants. La Corée du Sud est engagée dans des discussions secrètes avec la Chine pour un Traité de sécurité majeur en raison de la position des États-Unis qui vont bombarder la Corée du Nord pour leur propre défense, ignorant la destruction de la Corée du Sud que les États-Unis considéreront comme les moins chanceux. »
N’attendez pas d’information sur ces discussions secrètes entre Pékin et Séoul dans les médias aux ordres occidentaux. Et ce n’est qu’une partie de l’équation. La source ajoute : « Il y a des pourparlers secrets entre l’Allemagne et la Russie au sujet des sanctions conjointes, orchestrées par les États-Unis, contre ces deux nations, en vu d’un réalignement de la position allemande sur l’Ostpolitik de Bismarck pour la mise en œuvre d’un nouveau traité de réassurance avec la Russie. »
En supposant que ces négociations secrètes portent leurs fruits, les conséquences seront rien moins que cataclysmiques : « Les systèmes de sécurité européens et asiatiques des États-Unis risquent de s’effondrer en raison de la tourmente à Washington, qui ruine toutes les alliances américaines. Alors que le Congrès sape l’action de Donald Trump, les États-Unis mettent actuellement en péril toutes leurs relations stratégiques essentielles. »
Séoul considéré comme « dommage collatéral »
Pendant ce temps, de sérieuses questions demeurent sur les vraies capacités militaires de la Corée du Nord. Comme le dit une source de renseignement indépendante en Asie, familière de la péninsule coréenne, « Les missiles balistiques sous-marins (SLBM) et les missiles nucléaires terrestres sont disponibles au marché noir, donc la Corée du Nord n’aurait aucun problème à les acquérir. La Corée du Nord sait aussi que si elle n’a pas de capacité de dissuasion nucléaire, elle pourrait être soumise à une destruction comparable à celle qui a eu lieu en Irak et en Libye. En outre, les menaces irresponsables contre la Corée du Nord énoncées par le secrétaire d’État américain Tillerson, qui ferait mieux de se retirer sur ses lieux de pêche, pourraient causer des dommages graves aux États-Unis, car si la Corée du Nord croit que les États-Unis vont frapper, elle n’attendra pas comme Saddam Hussein – ayant appris la leçon –, elle frappera d’abord ».
Donc, le véritable problème, encore une fois, est de savoir si Pyongyang est déjà en possession de SLBM et d’une capacité nucléaire terrestre, acquise sur le marché noir. La source de renseignement en Asie a ajouté : « La Corée du Nord dispose actuellement de vingt sous-marins de classe Romeo qui, selon l’expert du site The Heritage Foundation, Bruce Klingner, ont la capacité de transporter des SLBM nucléaires. Ces sous-marins ont une autonomie de 9 000 milles et la distance entre Pyongyang et New York City est de 6 783 milles. Ces sous-marins pourraient être ravitaillés par exemple à Cuba. Par conséquent, il n’est pas inconcevable de trouver un sous-marin nord-coréen au large de la ville de New York équipé d’un missile nucléaire balistique lors d’une confrontation du style OK Corral avec Washington DC. »
La nébuleuse des think tanks US affiche un consensus effrayant en ce qui concerne la Corée du Nord. Tout analyste digne de son salaire sait que les sites de programmes nucléaires en Corée du Nord sont largement dispersés et ultra-renforcés ; tout le monde sait aussi que l’artillerie dévastatrice de la Corée du Nord est concentrée à proximité de la zone démilitarisée (DMZ) à une distance pouvant frapper Séoul. Pourtant, tout cela est emberlificoté dans le cadre d’un récit aseptisé où les États-Unis sont « extrêmement réticents » à bombarder.
Il est évidemment difficile pour les types de la CIA de reconnaître publiquement que Pyongyang a – avec succès – créé le cadre d’un nouveau style de négociation avec les États-Unis ainsi qu’avec la Corée du Sud, la Chine et la Russie. Toute intelligence rationnelle, hormis Dr. Folamour, sait qu’il n’y a pas de solution militaire à ce drame. La Corée du Nord est déjà une puissance nucléaire de fait – et la diplomatie devra en tenir compte.
Les groupes néocons et néolibérauxcons du parti de la guerre et de la CIA ont parié − devinez quoi − la guerre. Et rapidement, avant le point de non retour, quand Pyongyang disposera d’une arme nucléaire utilisable. C’est là où, de façon prévisible, la plupart des factions de l’État profond convergent avec Trump. Et voila la matière de toutes sortes de scénarios qui font froid dans le dos, en montrant une fois de plus que Washington n’a aucun scrupule à sacrifier son allié sud-coréen.
Ce que l’État profond veut vraiment
Malgré tous les problèmes insolubles qui affectent la péninsule coréenne, les analystes indépendants ont également considéré à quel point le drame de Washington face à Pyongyang n’est qu’une petite partie d’un panorama beaucoup plus grand : l’assujettissement, par les Américains, des relations internationales à leur intérêt, basé sur leur dépendance à ce qui est extrait du reste du monde sous la forme de leur dette en dollar.
Washington utilise les outils habituels – sanctions et bombes – pour renforcer la mainmise du dollar sur le commerce mondial en général et le commerce de l’énergie en particulier. La Chine a contre-attaqué tous azimuts, allant du plus grand projet de commerce et d’infrastructure gagnant-gagnant du XXe siècle, l’initiative des Routes de la soie – Belt and Road (BRI) – jusqu’aux achats d’énergie au yuan ; on peut appeler ça un puissant tacle contre la machine infernale de la dette des États-Unis.  La Russie pour sa part est complètement réapparue comme une puissance géopolitique et militaire de premier ordre.
La doctrine de Brzezinski – visant à empêcher l’émergence d’un concurrent crédible des États-Unis, sans parler d’une alliance de concurrents crédibles telle que dans le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine – prend l’eau de toutes parts. L’armement nucléaire de la Corée du Nord est seulement le dernier signe visible de l’effondrement. C’est comme si, en votant en faveur du dernier paquet de sanctions à l’ONU, la Russie et la Chine avaient permis un double défi – et ils savaient à l’avance que la guerre rhétorique s’intensifierait.
L’effet cumulatif, donné à voir au monde entier, est l’obsession devenue folle de Washington pour les changements de régimes  (Iran, Venezuela, etc.) et pour les sanctions commerciales illégales (Russie, Iran, Corée du Nord, etc.), alors que la Russie et la Chine sapent minutieusement la chaîne d’approvisionnement de Washington – comme pour la dette en dollars – et la possibilité de l’usage de la force armée – bombardez la Corée du Nord, si vous osez. Il n’est donc pas étonnant que la Russie et la Chine, en ce qui concerne le drame de la Corée du Nord, soient entièrement tournées vers la diplomatie, alors que l’exceptionnalisme de l’État profond des États-Unis est obsédé par le besoin de la guerre.
Pepe Escobar
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Le micro-théâtre militaire américain
Vite la guerre (lisez Ralph Raico pour comprendre) pour remonter dans les sondages. Le clown Trump sait à quoi se raccrocher, avec la bénédiction des faux sites comme Infowars.com !

Reprise de la quadruple troisième guerre mondiale, avec la bénédiction des bureaucraties mondialistes, de la gauche sociétale et des humanistes néocons.

Ceci dit, il va être dur de flanquer une raclée à tout le monde en même temps. Syrie, Russie, Iran, Corée, Chine, Venezuela… L’empire du bien ne sait plus où donner de la fête !
Or le plus marrant, comme le rappelle Fred Reed ce matin dans Unz.com, c’est que l’empire ne fait plus peur à personne. La Corée se fout du Donald, l’Iran hausse les épaules, la Chine rebâtît sa route de la soie. C’est quoi ce cirque alors ?
Un qui avait tout dit en 2002 est Emmanuel Todd. Je le cite presque sans commenter :
Nous assistons donc au développement d’un militarisme théâtral, comprenant trois éléments essentiels :
— Ne jamais résoudre définitivement un problème, pour justifier l’action militaire indéfinie de l’« unique superpuissance » à l’échelle planétaire.
— Se fixer sur des micro-puissances — Irak, Iran, Corée du Nord, Cuba, etc. La seule façon de rester politiquement au cœur du monde est d’« affronter » des acteurs mineurs, valorisants pour la puissance américaine, afin d’empêcher, ou du moins de retarder la prise de conscience des puissances majeures appelées à partager avec les États-Unis le contrôle de la planète : l’Europe, le Japon et la Russie à moyen terme, la Chine à plus long terme.
— Développer des armes nouvelles supposées mettre les États-Unis « loin devant », dans une course aux armements qui ne doit jamais cesser 1.
Todd aime cette métaphore théâtrale, et il la file durant tout son livre. L’empire des transformers développe un cirque planétaire sous les acclamations de tous les Slate.fr, lemonde.fr et liberation.fr de cette belle planète de gauche, de droit et de démocratie :
Il y a une logique cachée dans le comportement apparent d’ivrogne de la diplomatie américaine. L’Amérique réelle est trop faible pour affronter autre chose que des nains militaires. En provoquant tous les acteurs secondaires, elle affirme du moins son rôle mondial. Sa dépendance économique au monde implique en effet une présence universelle d’un genre ou d’un autre. L’insuffisance de ses ressources réelles conduit à une hystérisation théâtrale des conflits secondaires 2.
Le pompier pyromane agite et fait des bulles :
Un nouveau théâtre s’est récemment ouvert à l’activité de pompier pyromane des États-Unis : le conflit entre l’Inde et le Pakistan. Largement responsables de la déstabilisation en cours du Pakistan et de la virulence locale de l’islamisme, les États-Unis ne s’en présentent pas moins comme médiateur indispensable.
Quinze ans près, plus personne ne veut de ce cirque US, sauf les médias sous contrôle et lus par les robots et les bobos qui surnagent.
Sur l’Afghanistan, Todd écrit :
La guerre d’Afghanistan qui a résulté de l’attentat du 11 septembre a confirmé l’option. Une fois de plus, les dirigeants américains se sont engouffrés dans un conflit qu’ils n’avaient pas prévu, mais qui confortait leur technique centrale que l’on peut nommer le micro-militarisme théâtral : démontrer la nécessité de l’Amérique dans le monde en écrasant lentement des adversaires insignifiants. Dans le cas de l’Afghanistan, la démonstration n’a été qu’imparfaite 3.
On parodiera un titre célèbre de l’âge d’or hollywoodien : il n’y a pas de show business comme le business de la guerre.
There no show business like war-business!
A propos de l’OTAN et de ses gesticulations en pays balte, un colonel français, le colonel Lion je crois, a parlé d’opérations de « communication ». On verra. Mais malgré Libération et le NYT, l’Allemagne je crois préfèrera le gaz russe au nucléaire russe.
Emmanuel Todd montrait comme les Nord-Coréens ou les Iraniens son absence de peur face à l’abrutissement impérial :
Le gros de l’activité militaire américaine se concentre désormais sur le monde musulman, au nom de la « lutte contre le terrorisme », dernière formalisation officielle du « micro-militarisme théâtral ». Trois facteurs permettent d’expliquer la fixation de l’Amérique sur cette religion qui est aussi de fait une région. Chacun de ces facteurs renvoie à l’une des déficiences — idéologique, économique, militaire — de l’Amérique en termes de ressources impériales 4.
Le délirium transsexuel et féministe de l’empire est ainsi souligné par Emmanuel Todd :
Ce conflit culturel a pris depuis le 11 septembre un côté bouffon et à nouveau théâtral, du genre comédie de boulevard mondialisée. D’un côté, l’Amérique, pays des femmes castratrices, dont le précédent président avait dû passer devant une commission pour prouver qu’il n’avait pas couché avec une stagiaire ; de l’autre, Ben Laden, un terroriste polygame avec ses innombrables demi-frères et demi-sœurs. Nous sommes ici dans la caricature d’un monde qui disparaît. Le monde musulman n’a pas besoin des conseils de l’Amérique pour évoluer sur le plan des mœurs [Ibid, p.152].
Sautons quelques références et concluons sévèrement :
Le cauchemar caché derrière le rêve de Brzezinski est en cours de réalisation : l’Eurasie cherche son équilibre sans les États-Unis.
C’est la fin de McKinder et du rêve impérial anglo-saxon de contrôler l’île-monde à coups de trique.
Je terminerai avec Plaute, qui dans son Miles Gloriosus, avait écorné l’image du militaire fanfaron (Remacle.org) :
Soignez mon bouclier; que son éclat soit plus resplendissant que les rayons du soleil dans un ciel pur. Il faut qu’au jour de la bataille, les ennemis, dans le feu de la mêlée, aient la vue éblouie par ses feux. Et toi, mon épée, console-toi, ne te lamente pas tant, ne laisse point abattre ton courage, s’il y a trop longtemps que je te porte oisive à mon côté, tandis que tu frémis d’impatience de faire un hachis d’ennemis.
Bibliographie
  • Après l’empire, Gallimard, p. 32
  • Ibid, p. 147
  • Ibid, p. 149
  • Ibid, p. 150
  • Ibid, p. 152
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Conclusion
L’essentiel est que les États-Unis ne peuvent pas se permettre d’attaquer la RPDC. Pyongyang continuera à développer son propre arsenal nucléaire, avec la bénédiction cachée de Pékin malgré sa position officielle de condamnation de ces développements. Dans le même temps, la Corée du Sud est susceptible de persévérer dans une attitude hostile, notamment en ce qui concerne le déploiement de nouvelles batteries THAAD. Tôt ou tard, Séoul va arriver à un point de rupture en raison de nouvelles restrictions sur le commerce entre la Chine et la Corée du Sud. Tant que Séoul pourra supporter les sanctions chinoises, peu de choses changeront.
Ce qui entraînera un changement majeur sera l’effet économique de ces restrictions qui obligeront finalement Séoul à considérer son rôle dans la région et son avenir. Le leadership de Séoul est conscient de trois situations qui vont à peine changer, à savoir : 
1- Pyongyang n’attaquera jamais le premier ; 
2- Pékin continuera à soutenir la Corée du Nord plutôt que d’accepter les États-Unis à sa frontière ; 
3- Washington n’est pas capable d’apporter de solution, mais seulement un plus grand chaos et une aggravation de la situation économique mondiale dans la région.

À la lumière de ce scénario, le temps joue pour Pékin et Pyongyang.  
Finalement, la situation économique de Séoul deviendra insupportable, et l’amènera à la table de négociation dans une position affaiblie et certainement précaire. Pékin et Pyongyang ont un objectif commun à long terme, qui consiste à briser le lien de soumission entre la Corée du Sud et les États-Unis, libérant Séoul du programme des néocons de Washington pour contenir la Chine – sur le modèle du confinement de la Russie.
Le travail indirectement coordonné entre Pékin et Pyongyang n’est pas compréhensible pour les analystes occidentaux, mais en examinant tous les aspects, en particulier en ce qui concerne les relations de cause à effet, ces décisions ne sont pas si incompréhensibles que cela et même plutôt rationnelles dans une vision plus large de la région et de son équilibre. D’une part, Séoul voit la RPDC offrir la paix, la stabilité et la prospérité sur la base d’un accord-cadre entre Séoul, Pyongyang et Pékin. Cela favoriserait également le commerce sud-coréen avec la Chine, revenant finalement aux relations normales entre pays, avec des avantages économiques importants.
D’autre part, l’alternative est une alliance avec Washington qui éliminerait complètement les avantages économiques d’une relation saine avec Pékin. Cela pourrait même conduire à une guerre impliquant des millions de morts, menée sur le sol sud-coréen et pas aux États-Unis
Les États-Unis n’offrent aucune solution à la Corée du Sud, à court ou à long terme. La seule chose que Washington offre est une présence fixe dans le pays, ainsi qu’une politique anti chinoise têtue qui aurait de graves conséquences économiques pour Séoul. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les missiles de Kim Jong-un sont beaucoup moins une menace que le partenariat de Séoul avec Washington dans la région et semblent offrir à Séoul la solution ultime à la crise dans la péninsule.


Source : lesakerfrancophone.fr