L’Empire des pleurnichards n’en a décidément jamais fini de bomber le
torse, de s’époumoner et de faire la gueule ; aujourd’hui, c’est devenu
l’Empire des sanctions.
Par une majorité orwellienne de 99% à faire pâlir d’envie la
dynastie Kim de Corée du Nord, la « démocratie représentative » de Capitol Hill
a imposé son dernier paquet de sanctions,
principalement contre la Russie, mais aussi l’Iran et la Corée du Nord.
Trump devra justifier devant le Congrès, par écrit, toute initiative
pour alléger les sanctions contre la Russie. Et le Congrès est autorisé à
lancer une révision automatique de toute tentative de cet ordre.
Traduction : c’est le glas
de toute possibilité de détente entre la Maison-Blanche et la Russie. Le
Congrès, de fait, ne fait que ratifier la diabolisation de la Russie orchestrée
par les néocons et les néolibérauxcons de l’État profond, le Parti de la guerre
dans l’establishment des USA.
Une guerre économique a été déclarée à la Russie depuis au moins trois
ans. La différence est que ce dernier paquet de sanctions déclare la guerre
économique également à l’Europe, tout particulièrement à l’Allemagne.
Cette guerre se concentre sur le front de l’énergie, en diabolisant la
construction du pipeline Nord Stream 2, et en forçant l’UE à acheter le gaz naturel américain
plus cher.
Que l’on ne s’y trompe pas ; les leaders de l’UE vont contre-attaquer.
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, l’a énoncé
gentiment quand il a dit : «
L’Amérique d’abord ne peut pas signifier que les intérêts européens arrivent en
dernier. »
Sur le front russe, ce que l’Empire des sanctions a gagné n’est même
pas comparable à l’esquisse d’une victoire. Le quotidien russe Kommersant
a rapporté que Moscou, parmi d’autres actions, va répliquer en interdisant de territoire
toutes les entreprises de technologies de l’information américaines et tous les
produits agricoles des USA, et en cessant son exportation de titane à Boeing
(dont 30% provient de Russie).
Sur le front du partenariat stratégique Russie-Chine, essayer de brider
les accords énergétiques entre la Russie et l’UE ne fera que stimuler les
échanges en roubles et en yuans, un des socles du monde multipolaire post-USA.
Et ensuite, il y a un front possible qui pourrait changer la donne
de façon spectaculaire : le front allemand.
Les cinglés sur la colline de Washington
Même sans tenir compte du bilan historiquement stratosphérique de Washington
en matière non seulement d’ingérence, mais de bombardements et de changements
de régimes sur de vastes régions de la planète – de l’Irak à la Libye jusqu’aux
menaces actuelles contre l’Iran, le Venezuela et la Corée du Nord – l’hystérie
du Russiagate sur l’ingérence russe dans les élections présidentielles de 2016
est un non-événement aujourd’hui minutieusement démonté.
Le centre de l’affaire est, cette fois encore,
la guerre de l’énergie.
Selon une source basée au Moyen-Orient et indépendante du consensus de
Washington, « Le message de ces sanctions est que l’UE n’a pas d’avenir si
elle n’achète pas le gaz naturel des USA en éliminant la Russie.
Barrer l’accès de la Russie au marché de l’UE était le but de la guerre très
récemment perdue en Syrie, qui prévoyait de mettre en route un pipeline
Qatar-Arabie Saoudite-Syrie-Turquie-UE, et une ouverture à l’Iran
pour un pipeline Iran-Irak-Syrie-Turquie-UE. Aucun de ces deux plans n’a
marché. »
La source ajoute une pièce au dossier, la guerre des prix du pétrole de
2014 contre la Russie, provoquée par le « dumping des surplus
pétroliers des États du Golfe sur le marché mondial. Puisque cela n’a pas suffi
à mettre la Russie à genoux, la destruction du marché du gaz naturel russe de
l’UE est devenue une priorité nationale pour les USA. »
En ce moment, 30% de toutes les importations de gaz et de pétrole de
l’UE viennent de Russie. En parallèle, le partenariat énergétique russo-chinois
est progressivement consolidé. La Russie se prépare déjà à augmenter ses
exportations de gaz et de pétrole vers la Chine et plus généralement l’Asie.
Les leaders de Berlin sont aujourd’hui convaincus que Washington met en
péril la sécurité et la diversification énergétique allemande à travers la
guerre des sanctions. Le gaz et le pétrole russes sont acheminés par des routes
terrestres et ne dépendent pas des océans qui, souligne la source, « ne sont
plus sous contrôle des USA. Si, en réponse au bellicisme des USA, la Russie
décidait de refaire tomber un rideau de fer sur l’Europe et redirigeait toutes
ses exportations de gaz et de pétrole vers la Chine et l’Asie, l’Europe serait
totalement dépendante de sources d’énergie aussi peu fiables que celles du
Moyen-Orient et de l’Afrique. »
Ce qui nous amène à l’option « nucléaire » qui se profile à l’horizon :
un alignement Allemagne-Russie avec un Traité de réassurance du même type que
celui mis en place par Bismarck. La nébuleuse des think tanks bichonnés
par la CIA cogite maintenant intensément autour de cette éventualité.
Une autre source du monde politico-affairiste, également habituée à
penser hors de la basse-cour washingtonienne, souligne : « C’est le
but du jeu. C’est le véritable dessein de la Russie, et les États-Unis sont
tombés dans le panneau. Les États-Unis en ont assez de l’Allemagne et de ce
qu’ils considèrent comme du dumping de produits allemands sur le marché des
USA, au travers de la manipulation de la monnaie. Ils menacent aujourd’hui l’Allemagne
de sanctions, et l’Allemagne ne peut rien faire, avec l’UE sur le dos, et les
menaces de veto de la part de pays comme la Pologne, qui lui donnent du fil à
retordre. Les cinglés du Congrès en ont vraiment après l’Allemagne, et ils jettent
du même coup l’Allemagne dans les bras de la Russie. »
Les USA en nouvelle Carthage
Une alliance possible Allemagne-Russie, comme je l’ai déjà écrit, arrangerait une entente
Chine-Russie-Allemagne capable de réorganiser le territoire eurasien dans son
intégralité.
Le partenariat stratégique Russie-Chine est une idée extrêmement
attrayante pour le milieu du business allemand, parce qu’il facilite l’accès à
de nouveaux marchés grâce à l’initiative Belt and Road (nouvelle Route de la
soie).
Selon la source politico-affairiste, « Les USA sont en guerre avec
la Chine et la Russie (mais pas le président Trump) et l’Allemagne renâcle à
l’idée de fournir de la chair à canon pour les USA. J’en ai parlé en
Allemagne, et ils pensent à renouveler le Traité de réassurance avec la Russie.
Personne n’a confiance dans ce Congrès des USA, qui est
considéré comme un asile de fous. Ils pourraient demander à Merkel
de partir prendre le poste de Secrétaire général de l’ONU et ensuite, ils
signeraient le traité. Cela secouerait le monde et pulvériserait la conception
des USA en tant que première puissance mondiale, ce qui de toute façon n’est
plus le cas. »
La source ajoute mi-figue mi-raisin : « Nous pensons que
Brzezinski est mort à cause de sa déception, quand il a réalisé ce qui se
passait et que toute sa haine de la Russie, tout le travail de sa vie pour la
jeter à bas, était en totale déconfiture. »
Ainsi, dans un sens, c’est « Bienvenue au retour des années 1930 et
à la montée du nationalisme en Europe. Cette fois, l’Allemagne ne répétera pas
ses erreurs de 1914 et de 1941, mais s’élèvera contre ses
ennemis traditionnels anglo-saxons. Les USA sont devenus
la Carthage des temps modernes, et le désordre du Congrès reflète la
stupidité dont Carthage avait fait preuve face à Rome. Les législateurs avaient
sapé l’autorité de leur génie Hannibal tout comme aujourd’hui, ils sont en train
de saper le plus grand président des USA depuis Andrew Jackson. Comme Sophocle
l’avait écrit dans Antigone, ‘Les Dieux rendent fous ceux qu’ils veulent
perdre’. Ce Congrès est fou. »
http://lesakerfrancophone.fr/la-folie-de-lempire-rapproche-lallemagne-de-la-russie