dimanche 6 août 2017

Combien de guerres les USA peuvent-ils mener simultanément ?



Avec plus de 800 bases militaires dans le monde, des dépenses militaires à hauteur de la moitié de leur budget fédéral, un état de guerre permanent soutenu par une propagande belliciste omniprésente, des membres du Congrès dits « neocons » qui réclament, jour après jour, toujours plus d’interventions militaires, de bombardements, de changements de régimes, de sanctions (récemment contre la Corée du Nord, le Vénézuela, l’Iran, la Russie et incidemment l’Allemagne et la France), de livraisons d’armes à des forces par procuration (ces derniers jours, à l’Ukraine de l’ouest) et de projets de guerres futures (l’Iran, la Corée du Nord), les USA, dont l’économie se centre sur les guerres depuis la Deuxième Guerre mondiale, cherchent à perpétuer coûte que coûte leur système, quittes à provoquer des puissances nucléaires et à mettre la planète entière en danger. De plus, comme tout système capitaliste, l’appareil guerrier des USA implique une croissance. Traduction : toujours plus de guerres. Jusqu’où, et jusqu’à quand ?

Apparemment, les guerres des USA en Afghanistan, Syrie, Irak, Yémen et Somalie ne sont pas suffisantes pour rassasier le Parti de la guerre.
Samedi, Kim Jong-un a testé un missile de portée suffisante pour frapper le territoire des USA. Il travaille dorénavant sur leur précision, et sur une tête nucléaire assez réduite pour tenir sur le missile et supporter la rentrée dans l’atmosphère.
Sauf si nous pensons que Kim est un fou suicidaire, sont but semble clair. Il veut ce que veulent toutes les puissances nucléaires – la capacité à frapper le territoire de l’ennemi avec une force horrifiante, de façon à le dissuader.
Kim veut que son régime soit reconnu et respecté, et que les USA, qui ont massivement bombardé le Nord entre 1950 et 1953, partent de Corée.
Ou est-ce que cela nous laisse ? Cliff Kupchan de l’Eurasia Group dit « Les USA font face à un choix binaire : soit accepter la Corée du Nord dans le club nucléaire, soit risquer une action militaire qui se solderait par des pertes civiles monumentales. »
Disons la vérité. Les sanctions américaines contre la Corée du Nord, comme celles qui ont été votées la semaine dernière, ne vont pas empêcher Kim de progresser sur ses missiles. Il est trop près du but.
Toute attaque préventive contre le Nord pourrait déclencher une contre-attaque contre Séoul qui tuerait des dizaines de milliers de Sud-Coréens, ainsi que les troupes américaines stationnées dans le pays et leurs familles.
Cela déclencherait une guerre totale contre la Corée du Nord, et c’est une guerre dont la population américaine ne veut pas.
Samedi, le président Trump a tweeté sa frustration à propos des manquements de la Chine à tirer les marrons du feu pour les USA : « Ils ne font RIEN pour nous avec la Corée du Nord, seulement parler. Nous ne permettrons pas à cela de continuer. La Chine pourrait aisément résoudre ce problème. »
Dimanche, des bombardiers américains B-1B ont survolé la Corée et le commandant de l’US Air Force du Pacifique, le général Terrence J. O’Shaughnessy a déclaré que ses unités étaient prêtes à frapper la Corée du Nord avec « une force rapide, létale et écrasante. »
Pourtant, également dimanche, Xi Jinping a passé en revue un énorme défilé militaire de tanks, d’avions, de troupes et de missiles, avec des officiels chinois qui se moquaient de Trump, « un président novice » et un « enfant gâté » qui bluffe contre la Corée du Nord. Est-ce vrai ? Nous le saurons bientôt.
Selon le Premier ministre japonais Shinzo Abe, Trump a fait le vœu de « prendre toutes les mesures nécessaires » pour protéger les alliés des USA. Et l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley a déclaré toutes griffes dehors, « le temps des palabres est révolu ».
Allons-nous vers une confrontation militaire avec le Nord ? Les marchés, qui ont encore enregistré des records lundi, ne semblent pas le penser.
Mais la Corée du Nord n’est pas le seul adversaire potentiel dont les relations avec les USA se dégradent à toute vitesse.
Après que le Congrès ait approuvé une nouvelle salve de sanctions contre la Russie à une écrasante majorité, la semaine dernière, et que Trump ait signé cette loi, qui le prive de tout droit de lever ces sanctions sans l’accord du Congrès, la Russie a abandonné tout espoir de rapprochement avec l’Amérique de Trump. Dimanche, Poutine a ordonné à l’ambassade et au consulat des USA de réduire son personnel de 755 postes.
La seconde Guerre froide, entamée quand les USA ont positionné l’OTAN à la frontière russe et aidé à renverser le régime pro-russe de Kiev, se refroidit à grande vitesse. Attendons-nous à une réponse de Moscou à l’hostilité du Congrès, quand les USA auront besoin d’une assistance en Syrie ou avec la Corée du Nord.
Les sanctions de la semaine dernière frappent aussi l’Iran, après son test d’une fusée destinée à mettre un satellite sur orbite, même si l’accord sur le nucléaire porte seulement sur les tests de missiles balistiques capables de porter des têtes nucléaires. Les Iraniens ont fermement répliqué que leurs tests de missiles allaient continuer.
Ces derniers jours ont également vu des navires de guerre américains et des bateaux de patrouille iraniens dans une dangereuse proximité, avec les navires américains allant jusqu’à des signaux d’avertissement et des tirs de sommation. Les avions et les navires des USA se sont également croisés à une fréquence de plus en plus élevée avec des navires et des avions russes et chinois dans la Baltique et la Mer de Chine méridionale.
Alors qu’elle se méfie d’une guerre contre la Corée du Nord, Washington semble saliver à l’idée d’une guerre contre l’Iran. De fait, Trump menace de déclarer que l’Iran est en violation de l’accord sur les armes nucléaires, ce qui suggère une confrontation à venir.
De quoi se poser des questions : Si le Congrès est si décidé à se confronter au mal représenté par l’Iran, pourquoi n’annule-t-il pas la commande d’avions passée par les mollahs à Boeing ?
Pourquoi les USA vendent-ils des avions de ligne au « principal sponsor de terrorisme du monde » ? Qu’ils laissent Airbus prendre l’argent du sang.
Apparemment, les guerres américaines en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yémen et en Somalie ne sont pas suffisantes pour rassasier le Parti de la guerre. Il veut désormais lancer les sunnites du Moyen-Orient contre les chiites, qui dominent en Iran, en Irak, en Syrie et dans le sud du Liban, et représentent une majorité au Bahreïn et dans les zones pétrolifères de l’Arabie Saoudite.
Les forces armées des USA ont du pain sur la planche. Le président Trump aura besoin des soldats transgenres, après tout.
L’une des raisons pour lesquelles Trump a abattu un à un ses rivaux républicains au cours des Primaires de 2016 était qu’il semblait partager le désir des Américains de se concentrer sur la politique intérieure.
Et pourtant, aujourd’hui, la relation des USA avec la Russie et à la Chine a atteint un nadir, alors qu’ils parlent de plus en plus ouvertement de guerre contre l’Iran et la Corée du Nord.
C’est exactement contre cela que l’Amérique a voté.

Par Patrick J. Buchanan
Paru sur
Buchanan.org sous le titre Shall We Fight Them All?

Situation de la guerre aux USA en juillet 2017

La campagne de bombardements en Irak et en Syrie est aujourd’hui la plus étendue depuis les bombardements du Vietnam, du Cambodge et du Laos dans les années 1960-70, avec 84 000 bombes et missiles largués entre 2014 et la fin mai 2017. Ceci est presque le triple des 29 200 bombes larguées sur l’Irak au cours de la campagne « shock and awe » de 2003.
L’administration Obama a durci la campagne de bombardements en octobre dernier, au début de l’assaut conjoint des USA et des forces irakiennes à Mossoul, en larguant 12 290 bombes entre octobre et la fin janvier, quand Obama a quitté la présidence. L’administration Trump a encore durci la campagne, en larguant 14 965 bombes et missiles depuis le 1er février. Mai a vu les pires bombardements à ce jour, avec 4 374 bombes et missiles largués.
Mossoul juste après les bombes américaines
 L’organisation basée au Royaume-Uni Airwars.org a compilé des rapports selon lesquels entre 12 000 et 18 000 civils ont été tués par presque trois ans de bombardements menés par les USA en Irak et en Syrie. Ces rapports peuvent ne représenter que le sommet de l’iceberg, et le vrai nombre des civils tués pourrait dépasser les 100 000, si nous nous fondons sur les quotas habituels entre les victimes rapportées et leur vrai nombre dans les zones de guerre précédentes.

Alors que les USA et leurs alliés se rapprochaient de Mossoul en Irak et de Raqqa en Syrie, et alors que les forces américaines occupent huit bases militaires en Syrie, Daech et ses alliés ont frappé à Manchester et à Londres ; occupé Marawi, une ville de 200 000 habitants aux Philippines ; et fait sauter un camion chargé de bombes à l’intérieur des fortifications de la « Zone verte » de Kaboul, en Afghanistan.

Ce qui a commencé en 2001 par un usage malavisé de force militaire pour punir un groupe de djihadistes précédemment soutenu par les USA en Afghanistan pour les crimes du 11 septembre s’est transformé en guerre mondiale asymétrique. Chacun des pays détruit ou déstabilisé par les actions militaires des USA est aujourd’hui devenu un bouillon de culture de terroristes. Il serait naïf de penser que cela n’empirera pas, aussi longtemps que les deux côtés continueront à justifier leur radicalisation comme des réponses à la violence de leurs ennemis, au lieu de tenter d’apaiser la violence et le chaos désormais mondiaux.

Mossoul, après le passage/carnage des USA. Photo Laurent Van Der Stockt

Il y a, cette fois encore, 10 000 soldats américains en Afghanistan, contre 8 500 en avril dernier, avec des rapports selon lesquels 4 000 soldats de plus peuvent y être bientôt déployés. De centaines de milliers d’Afghans ont été tués au cours des 15 ans de guerre, mais les talibans contrôlent aujourd’hui plus de territoire qu’à n’importe quel moment depuis l’invasion des USA en 2001.

Les USA apportent une aide vitale à la guerre saoudienne contre le Yémen, en soutenant un blocus de ports yéménites, en fournissant des renseignements militaires et en ravitaillant en vol les avions saoudiens et leurs alliés qui bombardent le Yémen depuis 2015. Les rapports de l’ONU qui dénombrent 10 000 victimes civiles, ne représentent qu’une fraction du vrai nombre de personnes tuées, et des milliers de plus ont pu mourir de maladies et de faim.

Aujourd’hui, le Yémen subit une crise humanitaire majeure, et une épidémie de choléra s’est déclenchée à cause du manque d’eau potable et de médicaments causé par les bombardements et le blocus. Selon l’ONU, des millions de Yéménites pourraient mourir de faim et de maladies. Un projet de loi américain visant à limiter les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite a été rejeté par 53 votes (48 républicains et 5 démocrates) contre 47 en juin dernier.

Plus près des USA, une conférence de l’U.S. Southern Command (commandement Sud des États-Unis, SOUTHCOM) a récemment accueilli les présidents du Guatemala, du Honduras et du Salvador à Miami. Ceci a signalé une militarisation accrue de la « Guerre contre la drogue » en Amérique Centrale et des efforts pour limiter l’immigration en provenance de ces pays, alors même qu’un rapport d’inspecteurs généraux des Départements d’État et de la Justice dénonce la responsabilité d’agents du Département d’État et de la DEA (Drug Enforcement administration, service de police fédérale US en charge de la lutte contre la drogue) dans l’assassinat de quatre civils innocents (un homme, deux femmes et un adolescente de quatorze ans) par tir de mitrailleuse d’un hélicoptère du Département d’État près d’Ahuas, au Honduras, en 2012.

Le rapport des inspecteurs généraux établit que les officiels de la DEA avaient menti de façon répétée au Congrès sur cet incident, en prétendant que ces Honduriens avaient été tués dans un fusillade avec des trafiquants de drogue, ce qui soulevait des doutes sérieux sur la responsabilité et les comptes à rendre des acteurs de terrain dans le cadre de l’escalade des opérations paramilitaires en Amérique Centrale.

Les manifestations de l’opposition de droite au Vénézuela deviennent de plus en plus violentes, avec 99 personnes tuées depuis avril, alors que les manifestations n’arrivent pas à engranger un soutien populaire suffisant pour renverser le gouvernement de gauche de Nicolas Maduro. Les USA soutiennent l’opposition et ont mené des efforts diplomatiques pour forcer le gouvernement à démissionner, ce qui laisse présager une escalade possible vers une guerre civile soutenue par les USA.

Pendant ce temps, en Colombie, des escadrons de la mort opèrent de nouveau dans les zones où les FARC ont déposé les armes, tuant et menaçant des gens pour les chasser de terres convoitées par des propriétaires terriens riches.

Sur notre monde de plus en plus déchiré par les guerres, planent de nouvelles menaces des USA d’actions militaires contre la Corée du nord et l’Iran, deux pays qui jouissent de défenses bien plus robustes que n’importe quel autre pays ciblé par les USA depuis la Guerre du Vietnam. L’escalade des tensions avec la Russie et la Chine engendrent d’encore plus grands risques, et même des risques existentiels, comme symbolisé par l’horloge de l’apocalypse du Bulletin of the Atomic Scientists [NdT : une publication en ligne qui réunit des journalistes scientifiques et des universitaires] dont les aiguilles se tiennent aujourd’hui à minuit moins deux minutes et demie.

Bien que les guerres de l’après 11 septembre aient probablement tué au moins 2 millions de personnes dans les pays attaqués, envahis ou déstabilisés par les USA, les forces américaines n’ont subi que des pertes historiquement très basses au cours de ces opérations. Le danger réel est que cela ait donné un faux sentiment d’assurance aux leaders politiques et militaires, et dans une certaine mesure à la population, quant au nombre véritable des victimes des USA [NdT : typiquement occultées ou très sous-estimées par les médias américains/occidentaux] et aux très sérieuses conséquences futures possibles des interventions américaines. Nous devons nous attendre à ce que les leaders des USA intensifient les guerres en cours, émettent de nouvelles menaces contre l’Iran et la Corée du Nord, et attisent les tensions avec la Russie et la Chine.



Traduction Entelekheia

NdT : L’auteur a oublié les actions militaires des USA en Somalie et la guerre des drones, également intensifiées sous Trump, ainsi qu’une prévision d’envoi de troupes américaines supplémentaires en Libye (selon CNN et le Washington Post en date du 10 juillet, non encore confirmé par d’autre sources).

par Admin · Publication 12 juillet 2017 · Mis à jour 12 juillet 2017



Par Nicolas J S Davies
Paru sur
Counterpunch sous le titre The U.S. State of War: July 2017


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