Avec plus de 800
bases militaires dans le monde, des dépenses militaires à hauteur de la moitié
de leur budget fédéral, un état de guerre permanent soutenu par une propagande
belliciste omniprésente, des membres du Congrès dits « neocons » qui
réclament, jour après jour, toujours plus d’interventions militaires, de
bombardements, de changements de régimes, de sanctions (récemment contre la
Corée du Nord, le Vénézuela, l’Iran, la Russie et incidemment l’Allemagne
et la France), de livraisons d’armes à des forces par procuration (ces
derniers jours, à l’Ukraine de l’ouest) et de projets de guerres futures (l’Iran,
la Corée du Nord), les USA, dont l’économie se centre sur les guerres depuis la Deuxième Guerre mondiale,
cherchent à perpétuer coûte que coûte leur système, quittes à provoquer des
puissances nucléaires et à mettre la planète entière en danger. De plus, comme
tout système capitaliste, l’appareil guerrier des USA implique une croissance.
Traduction : toujours plus de guerres. Jusqu’où, et jusqu’à quand ?
Apparemment, les guerres des USA en Afghanistan, Syrie,
Irak, Yémen et Somalie ne sont pas suffisantes pour rassasier le Parti de la
guerre.
Samedi,
Kim Jong-un a testé un missile de portée suffisante pour frapper le territoire
des USA. Il travaille dorénavant sur leur précision, et sur une tête nucléaire
assez réduite pour tenir sur le missile et supporter la rentrée dans
l’atmosphère.
Sauf si nous
pensons que Kim est un fou suicidaire, sont but semble clair. Il veut ce que
veulent toutes les puissances nucléaires – la capacité à frapper le territoire
de l’ennemi avec une force horrifiante, de façon à le dissuader.
Kim veut que son
régime soit reconnu et respecté, et que les USA, qui ont massivement bombardé
le Nord entre 1950 et 1953, partent de Corée.
Ou est-ce que
cela nous laisse ? Cliff Kupchan de l’Eurasia Group dit « Les USA
font face à un choix binaire : soit accepter la Corée du Nord dans le club
nucléaire, soit risquer une action militaire qui se solderait par des pertes
civiles monumentales. »
Disons la
vérité. Les sanctions américaines contre la Corée du Nord, comme celles qui ont
été votées la semaine dernière, ne vont pas empêcher Kim de progresser sur ses
missiles. Il est trop près du but.
Toute attaque
préventive contre le Nord pourrait déclencher une contre-attaque contre Séoul
qui tuerait des dizaines de milliers de Sud-Coréens, ainsi que les troupes
américaines stationnées dans le pays et leurs familles.
Cela
déclencherait une guerre totale contre la Corée du Nord, et c’est une guerre
dont la population américaine ne veut pas.
Samedi, le
président Trump a tweeté sa frustration à propos des manquements de la Chine à
tirer les marrons du feu pour les USA : « Ils ne font RIEN pour nous
avec la Corée du Nord, seulement parler. Nous ne permettrons pas à cela de
continuer. La Chine pourrait aisément résoudre ce problème. »
Dimanche, des
bombardiers américains B-1B ont survolé la Corée et le commandant de l’US Air
Force du Pacifique, le général Terrence J. O’Shaughnessy a déclaré que ses
unités étaient prêtes à frapper la Corée du Nord avec « une force rapide,
létale et écrasante. »
Pourtant,
également dimanche, Xi Jinping a passé en revue un énorme défilé militaire de
tanks, d’avions, de troupes et de missiles, avec des officiels chinois qui se
moquaient de Trump, « un président novice » et un « enfant
gâté » qui bluffe contre la Corée du Nord. Est-ce vrai ? Nous le
saurons bientôt.
Selon le Premier
ministre japonais Shinzo Abe, Trump a fait le vœu de « prendre toutes les
mesures nécessaires » pour protéger les alliés des USA. Et l’ambassadrice
américaine à l’ONU, Nikki Haley a déclaré toutes griffes dehors, « le
temps des palabres est révolu ».
Allons-nous vers
une confrontation militaire avec le Nord ? Les marchés, qui ont encore
enregistré des records lundi, ne semblent pas le penser.
Mais la Corée du
Nord n’est pas le seul adversaire potentiel dont les relations avec les USA se
dégradent à toute vitesse.
Après que le
Congrès ait approuvé une nouvelle salve de sanctions contre la Russie à une
écrasante majorité, la semaine dernière, et que Trump ait signé cette loi, qui
le prive de tout droit de lever ces sanctions sans l’accord du Congrès, la
Russie a abandonné tout espoir de rapprochement avec l’Amérique de Trump.
Dimanche, Poutine a ordonné à l’ambassade et au consulat des USA de réduire son
personnel de 755 postes.
La seconde Guerre
froide, entamée quand les USA ont positionné l’OTAN à la frontière russe et
aidé à renverser le régime pro-russe de Kiev, se refroidit à grande vitesse.
Attendons-nous à une réponse de Moscou à l’hostilité du Congrès, quand les USA
auront besoin d’une assistance en Syrie ou avec la Corée du Nord.
Les sanctions de
la semaine dernière frappent aussi l’Iran, après son test d’une fusée destinée
à mettre un satellite sur orbite, même si l’accord sur le nucléaire porte
seulement sur les tests de missiles balistiques capables de porter des têtes
nucléaires. Les Iraniens ont fermement répliqué que leurs tests de missiles
allaient continuer.
Ces derniers
jours ont également vu des navires de guerre américains et des bateaux de
patrouille iraniens dans une dangereuse proximité, avec les navires américains
allant jusqu’à des signaux d’avertissement et des tirs de sommation. Les avions
et les navires des USA se sont également croisés à une fréquence de plus en
plus élevée avec des navires et des avions russes et chinois dans la Baltique
et la Mer de Chine méridionale.
Alors qu’elle se
méfie d’une guerre contre la Corée du Nord, Washington semble saliver à l’idée
d’une guerre contre l’Iran. De fait, Trump menace de déclarer que l’Iran est en
violation de l’accord sur les armes nucléaires, ce qui suggère une
confrontation à venir.
De quoi se poser
des questions : Si le Congrès est si décidé à se confronter au mal
représenté par l’Iran, pourquoi n’annule-t-il pas la commande d’avions passée
par les mollahs à Boeing ?
Pourquoi les USA
vendent-ils des avions de ligne au « principal sponsor de terrorisme du
monde » ? Qu’ils laissent Airbus prendre l’argent du sang.
Apparemment, les
guerres américaines en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yémen et en Somalie
ne sont pas suffisantes pour rassasier le Parti de la guerre. Il veut désormais
lancer les sunnites du Moyen-Orient contre les chiites, qui dominent en Iran,
en Irak, en Syrie et dans le sud du Liban, et représentent une majorité au
Bahreïn et dans les zones pétrolifères de l’Arabie Saoudite.
Les forces
armées des USA ont du pain sur la planche. Le président Trump aura besoin des
soldats transgenres, après tout.
L’une des
raisons pour lesquelles Trump a abattu un à un ses rivaux républicains au cours
des Primaires de 2016 était qu’il semblait partager le désir des Américains de
se concentrer sur la politique intérieure.
Et pourtant,
aujourd’hui, la relation des USA avec la Russie et à la Chine a atteint un
nadir, alors qu’ils parlent de plus en plus ouvertement de guerre contre l’Iran
et la Corée du Nord.
C’est exactement
contre cela que l’Amérique a voté.
Situation de la guerre aux USA en juillet 2017
La campagne de bombardements en Irak et en Syrie est aujourd’hui la plus étendue depuis les bombardements du Vietnam, du Cambodge et du Laos dans les années 1960-70, avec 84 000 bombes et missiles largués entre 2014 et la fin mai 2017. Ceci est presque le triple des 29 200 bombes larguées sur l’Irak au cours de la campagne « shock and awe » de 2003.
L’administration Obama a durci la
campagne de bombardements en octobre dernier, au début de l’assaut conjoint des
USA et des forces irakiennes à Mossoul, en larguant 12 290 bombes entre octobre
et la fin janvier, quand Obama a quitté la présidence. L’administration Trump a
encore durci la campagne, en larguant 14 965 bombes et missiles depuis le 1er
février. Mai a vu les pires bombardements à ce jour, avec 4 374 bombes et
missiles largués.
Mossoul juste après les bombes américaines |
L’organisation basée au
Royaume-Uni Airwars.org a compilé des rapports selon lesquels entre 12 000 et 18
000 civils ont été tués par presque trois ans de bombardements menés par les
USA en Irak et en Syrie. Ces rapports peuvent ne représenter que le sommet de
l’iceberg, et le vrai nombre des civils tués pourrait dépasser les 100 000, si
nous nous fondons sur les quotas habituels entre les
victimes rapportées et leur vrai nombre dans les zones de guerre précédentes.
Alors que les USA et leurs alliés
se rapprochaient de Mossoul en Irak et de Raqqa en Syrie, et alors que les
forces américaines occupent huit bases militaires en
Syrie, Daech et ses alliés ont frappé à Manchester et à Londres ; occupé
Marawi, une ville de 200 000 habitants aux Philippines ; et fait sauter un camion chargé de bombes
à l’intérieur des fortifications de la « Zone verte » de Kaboul, en
Afghanistan.
Ce qui a commencé en 2001 par un usage malavisé de force militaire
pour punir un groupe de djihadistes précédemment soutenu par les USA en
Afghanistan pour les crimes du 11 septembre s’est transformé en guerre mondiale
asymétrique. Chacun des pays détruit ou déstabilisé par les actions militaires
des USA est aujourd’hui devenu un bouillon de culture de terroristes. Il serait
naïf de penser que cela n’empirera pas, aussi longtemps que les deux côtés
continueront à justifier leur radicalisation comme des réponses à la violence
de leurs ennemis, au lieu de tenter d’apaiser la violence et le chaos désormais
mondiaux.
Mossoul,
après le passage/carnage des USA. Photo Laurent Van Der Stockt
Il y a, cette fois encore, 10 000 soldats américains
en Afghanistan, contre 8 500 en avril dernier, avec des rapports selon lesquels
4 000 soldats de plus peuvent y être bientôt déployés. De centaines de milliers
d’Afghans ont été tués au cours des 15 ans de guerre, mais les talibans
contrôlent aujourd’hui plus de territoire qu’à
n’importe quel moment depuis l’invasion des USA en 2001.
Les USA apportent une aide vitale
à la guerre saoudienne contre le Yémen, en soutenant un blocus de ports yéménites,
en fournissant des renseignements militaires et en ravitaillant en vol les
avions saoudiens et leurs alliés qui bombardent le Yémen depuis 2015. Les rapports
de l’ONU qui dénombrent 10 000 victimes civiles, ne représentent qu’une
fraction du vrai nombre de personnes tuées, et des milliers de plus ont pu
mourir de maladies et de faim.
Aujourd’hui, le Yémen subit une crise humanitaire majeure,
et une épidémie de choléra s’est
déclenchée à cause du manque d’eau potable et de médicaments causé par les
bombardements et le blocus. Selon l’ONU, des millions de Yéménites pourraient
mourir de faim et de maladies. Un projet de loi américain visant à limiter les
ventes d’armes à l’Arabie Saoudite a été rejeté par 53 votes (48
républicains et 5 démocrates) contre 47 en juin dernier.
Plus près des USA, une conférence
de l’U.S. Southern Command (commandement Sud des États-Unis, SOUTHCOM) a
récemment accueilli les présidents du
Guatemala, du Honduras et du Salvador à Miami. Ceci a signalé une
militarisation accrue de la « Guerre contre la drogue » en Amérique
Centrale et des efforts pour limiter l’immigration en provenance de ces pays,
alors même qu’un rapport d’inspecteurs généraux des
Départements d’État et de la Justice dénonce la responsabilité
d’agents du Département d’État et de la DEA (Drug Enforcement administration,
service de police fédérale US en charge de la lutte contre la drogue) dans
l’assassinat de quatre civils innocents (un homme, deux femmes et un
adolescente de quatorze ans) par tir de mitrailleuse d’un hélicoptère du
Département d’État près d’Ahuas, au Honduras, en 2012.
Le rapport des inspecteurs
généraux établit que les officiels de la DEA avaient menti de façon répétée au
Congrès sur cet incident, en prétendant que ces Honduriens avaient été tués
dans un fusillade avec des trafiquants de drogue, ce qui soulevait des doutes
sérieux sur la responsabilité et les comptes à rendre des acteurs de terrain
dans le cadre de l’escalade des opérations paramilitaires en Amérique Centrale.
Les manifestations de l’opposition
de droite au Vénézuela deviennent de plus en plus violentes, avec 99 personnes tuées depuis avril, alors que les
manifestations n’arrivent pas à engranger un soutien populaire suffisant pour
renverser le gouvernement de gauche de Nicolas Maduro. Les USA soutiennent l’opposition et
ont mené des efforts diplomatiques pour forcer le gouvernement à démissionner,
ce qui laisse présager une escalade possible vers une guerre civile soutenue
par les USA.
Pendant ce temps, en Colombie,
des escadrons de la mort opèrent de
nouveau dans les zones où les FARC ont déposé les armes, tuant et
menaçant des gens pour les chasser de terres convoitées par des propriétaires
terriens riches.
Sur notre monde de plus en plus
déchiré par les guerres, planent de nouvelles menaces des USA d’actions
militaires contre la Corée du nord et l’Iran, deux pays qui jouissent de
défenses bien plus robustes que n’importe quel autre pays ciblé par les USA
depuis la Guerre du Vietnam. L’escalade des tensions
avec la Russie et la Chine engendrent d’encore plus grands risques, et même des
risques existentiels, comme symbolisé par l’horloge de l’apocalypse du Bulletin
of the Atomic Scientists [NdT : une publication en ligne qui réunit des
journalistes scientifiques et des universitaires] dont les aiguilles se tiennent
aujourd’hui à minuit moins deux minutes et demie.
Bien que les guerres de l’après
11 septembre aient probablement tué au moins 2 millions de personnes
dans les pays attaqués, envahis ou déstabilisés par les USA, les forces
américaines n’ont subi que des pertes historiquement très basses au cours de
ces opérations. Le danger réel est que cela ait donné un faux sentiment
d’assurance aux leaders politiques et militaires, et dans une certaine mesure à
la population, quant au nombre véritable des victimes des USA [NdT :
typiquement occultées ou très sous-estimées par les médias
américains/occidentaux] et aux très sérieuses conséquences futures possibles
des interventions américaines. Nous devons nous attendre à ce que les leaders
des USA intensifient les guerres en cours, émettent de nouvelles menaces contre
l’Iran et la Corée du Nord, et attisent les tensions avec la Russie et la
Chine.
Traduction Entelekheia
NdT : L’auteur a oublié les
actions militaires des USA en Somalie et la guerre des drones,
également intensifiées sous Trump, ainsi qu’une prévision d’envoi de troupes
américaines supplémentaires en Libye (selon CNN et le Washington Post en
date du 10 juillet, non encore confirmé par d’autre sources).
par Admin ·
Publication 12 juillet 2017 · Mis à jour 12 juillet 2017
Par Nicolas J S Davies
Paru sur Counterpunch sous le titre The U.S. State of War: July 2017