En 2015, les forces de l’ordre ont acquis, en secret, un logiciel d’analyse d’images de vidéosurveillance de la société israélienne Briefcam. Depuis huit ans, le ministère de l’intérieur dissimule le recours à cet outil qui permet l’emploi de la reconnaissance faciale.
Des témoignages d’anciens soldats israéliens, révélés par le Washington Post et l’ONG israélienne Breaking the Silence,
décrivent une vaste base de données de photos et d’informations sur les
Palestiniens mise en place par Tsahal.
Pour Breaking the
Silence, c’est une “nouvelle démonstration que lorsqu’il s’agit des
Palestiniens, l’armée juge que les droits humains les plus basiques ne
s’appliquent même pas”.
La France contrôle-t-elle ses citoyens de la même manière qu'Israël contrôle les Palestiniens ?
C’est devenu une habitude. Ce mardi 14 novembre, comme ce fut le cas lors de l’édition précédente, Gérald Darmanin inaugure le salon Milipol, au parc des Expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Consacré à la sécurité intérieure des États, ce salon est une vitrine mondiale pour des entreprises souvent inconnues du grand public. C’est le cas de Briefcam, une société israélienne spécialisée dans le développement de logiciels destinés à la vidéosurveillance algorithmique (VSA). Grâce à l’intelligence artificielle, cette technologie permet d’analyser des images captées par des caméras ou des drones et de détecter des situations jugées « anormales ».
Jusqu’en mai dernier, la VSA ne pouvait être utilisée par la police nationale que dans de très rares cas. Mais à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, le gouvernement est parvenu à faire adopter une loi au parlement qui autorise son expérimentation par la police nationale à une large échelle et ce, jusqu’au 31 mars 2025. Face aux risques d’atteinte à la vie privée, les députés ont néanmoins interdit le recours à la reconnaissance faciale, qui permet d’identifier une personne sur des images à partir des traits du visage. Un outil ultra-intrusif que certains logiciels commercialisés par Briefcam permettent d’activer en quelques clics. Et que les services de Gérald Darmanin connaissent bien.
Un logiciel déployé au niveau national
D’après des documents internes au ministère de l’intérieur obtenus par Disclose, les forces de l’ordre utilisent les systèmes de Briefcam depuis 2015, dans le plus grand secret. Le logiciel en question, baptisé « Vidéo Synopsis », permet de traquer une personne sur un réseau de caméras grâce, par exemple, à la couleur de son pull. Il peut également suivre un véhicule à l’aide de sa plaque d’immatriculation ou examiner plusieurs heures de vidéos en quelques minutes. Il peut aussi analyser des visages. Le slogan de Briefcam, rachetée par le géant de la photo Canon en 2018 : « Transformer la vidéosurveillance en intelligence active ».
Il y a huit ans, la direction départementale de sécurité publique (DDSP) de Seine-et-Marne est choisie pour expérimenter le logiciel israélien. Deux ans plus tard, en 2017, l’application est déployée plus largement. Les services de police du Rhône, du Nord, des Alpes-Maritimes, et de Haute-Garonne en sont à leur tour équipés. Ainsi que le service interministériel d’assistance technique (SIAT), une unité de police en charge des infiltrations, de la mise sur écoute et de la surveillance de la grande criminalité.
« Il semble préférable de ne pas en parler » (Un haut-fonctionnaire de la police nationale.
Dans la foulée, ce sont les services de la police judiciaire, les préfectures de police de Paris et Marseille, la sûreté publique et la gendarmerie nationale qui vont être dotés du logiciel de Briefcam sur des ordinateurs utilisés à cet effet. Une installation massive qui s’est faite en dehors du cadre légal prévu par une directive européenne et la loi française Informatique et Libertés.
Avant d’utiliser une technologie aussi intrusive que celle proposée par Briefcam, le ministère de l’intérieur aurait dû mener une « analyse d’impact relative à la protection des données » et la remettre à une administration indépendante : la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Or, la Direction générale de la police nationale (DGPN), placée sous l’autorité directe de Gérald Darmanin, n’avait toujours pas réalisé cette analyse d’impact en mai 2023. Pas plus qu’elle n’a averti la CNIL. Fin 2020, un cadre de la police invite ainsi à la discrétion : « Certains services ont l’outil Briefcam, mais celui-ci n’étant pas déclaré à la CNIL, il semble préférable de ne pas en parler ». Ou encore ce message envoyé quelques mois plus tard par un autre gradé, rappelant que « sur le plan juridique (...) l’application Briefcam n’a jamais été déclarée par la DGPN ».
Contactée par Disclose, la CNIL déclare, embarrassée, qu’elle « ne dispose pas d’éléments permettant d’infirmer ou de confirmer que la police nationale utilise Briefcam. » La DGPN n’a pas répondu à nos questions.
L’option reconnaissance faciale activable en quelques clics
La popularité de Briefcam parmi les services de la police pourrait s’expliquer par l’utilisation hors de tout cadre légal d’une de ses fonctionnalités phares : la reconnaissance faciale. Celle-ci permet « de détecter, de suivre, d’extraire, de classer, de cataloguer » une personne en fonction de son visage, explique l’entreprise sur son site Internet. Et pour l’utiliser, rien de plus simple : il suffit de sélectionner « un ou plusieurs visages » avant de cliquer sur « le bouton reconnaissance faciale affiché à droite de la zone de lecture », comme l’indique le manuel d’utilisation transmis à Disclose par La Quadrature du Net, une association de défense des droits et libertés sur Internet. En quelques clics, le tour est joué.
Cette possibilité offerte par Briefcam a d’ailleurs été mise en avant comme un véritable « plus » par le service en charge des outils technologiques au sein de la DGPN. Dans un courriel envoyé en novembre 2022, un haut-gradé de la police explique que le logiciel possède des « fonctionnalités comme : les plaques d’immatriculation, les visages », mais aussi « des fonctionnalités plus « sensibles » » telles que la « distinction de genre, âge, adulte ou enfant, taille ». Il précise enfin que certains modules de l’application permettent de « détecter et d’extraire des personnes et objets d’intérêts a posteriori », mais aussi de faire de l’analyse vidéo en « temps réel ».
Ce possible recours à la reconnaissance faciale inquiète au sein même de l’institution. Dans un « point de situation juridique » daté de mai 2023, un cadre de la direction nationale de la sécurité publique (DNSP) alerte en effet sa hiérarchie : « Quel que soit le logiciel utilisé (Briefcam en particulier), il est interdit de recourir à un quelconque dispositif de rapprochement de visage ou de reconnaissance faciale », en dehors d’un cadre légal strict.
Briefcam équipe la police municipale dans près de 200 communes
En France, la reconnaissance faciale n’est autorisée qu’à de rares exceptions. Elle peut s’inscrire dans le cadre d’enquêtes judiciaires ou administratives « sanctionnant un trouble à l’ordre public ou une atteinte aux biens, aux personnes ou à l’autorité de l’État », comme le souligne un rapport parlementaire d’avril 2023. Dans ce cas, les enquêteurs peuvent s’appuyer sur le TAJ, le traitement des antécédents judiciaires, qui comptait, en 2018, environ huit millions de fiches avec des photos de visages. L’autre cas où la reconnaissance faciale est autorisée concerne le système de passage rapide aux frontières extérieures (Parafe), soit les portiques de sécurité qui comparent le visage des voyageurs à leur passeport biométrique.
Pourtant, selon une source bien informée au sein de la police nationale, la reconnaissance faciale de Briefcam serait activement utilisée. Sans contrôle ni réquisition judiciaire. « N’importe quel policier dont le service est équipé peut demander à recourir à Briefcam, en transmettant une vidéo ou photo », assure notre interlocuteur. La DGPN n’a pas donné suite aux questions de Disclose sur ce point. Quant à Briefcam, son directeur des ventes en Europe, Florian Leibovici, reste évasif : « Ce type de client reste confidentiel et nous n’avons que très peu d’informations sur la façon dont notre outil est utilisé ».
La société Briefcam, créée en 2008 par trois enseignants de l’école d’informatique et d’ingénierie de l’Université hébraïque de Jérusalem, n’équipe pas seulement les forces de l’ordre françaises. D’après un document de présentation confidentiel obtenu par Disclose, Briefcam a assisté des services de police en Israël, aux États-Unis, au Brésil mais aussi à Taïwan ou Singapour. Selon le centre de recherche indépendant Who Profits, Briefcam serait également utilisé par le ministère israélien du Logement pour surveiller des zones palestiniennes de Jérusalem-Est occupées par des colons.
En France, « plus d’une centaine de villes » ont équipé leur police municipale avec l’application Briefcam, selon son représentant en Europe, Florian Leibovici. C’est notamment le cas de Nice, Roanne, Aulnay-sous-Bois, Perpignan ou Roubaix. Les algorithmes de Briefcam scrutent également les visiteurs du parc d’attraction du Puy du Fou et, bientôt, les élus de l’Assemblée nationale. Une implantation qui fait de la société l’un des leaders sur le marché hexagonal.
Du côté du ministère de l’intérieur, on ne semble pas disposé à se passer du logiciel israélien de sitôt. Avant l’été, la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) a validé le renouvellement de la licence Briefcam pour les services de sûreté départementale du Rhône, du Nord et de Seine-et-Marne. Lesdites licences arrivent à échéance à la fin de l’année 2023. Pour continuer à les utiliser, la hiérarchie policière a pioché dans le « Fonds de concours drogue ». Une enveloppe, alimentée par les saisies liées au trafic de stupéfiants, qui doit normalement servir la lutte contre le trafic de drogue et la prévention contre les addictions.
Par Mathias Destal, Clément Le Foll, Geoffrey Livolsi
»» https://disclose.ngo/fr/article/la-police-nationale-utilise-illegaleme...
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Comment Israël utilise la reconnaissance faciale pour surveiller les Palestiniens
Publié le :
“J’ai déjà averti par le passé que l’architecture de l’oppression [technologique] était en train de se mettre en place. Nous y sommes.” Edward Snowden, le célèbre lanceur d’alerte à l’origine du scandale du programme d’écoutes électroniques de la NSA en 2013, réagissait ainsi sur Twitter, lundi 8 novembre 2021, à la description faite par le Washington Post des efforts de surveillance technologique déployés par l’armée israélienne en Cisjordanie.
I once warned that the architecture of oppression was near.
— Edward Snowden (@Snowden) November 8, 2021
It has arrived.https://t.co/Ph9s3qhlwH
Tsahal s'est constitué son “Facebook secret de Palestiniens” - selon les dires de l’un des ex-soldats israéliens interrogés par le journal américain - connecté un système de reconnaissance faciale utilisé dans les zones jugées les plus à risques de Cisjordanie, à l'instar de la ville d’Hébron.
“Prendre le plus de photos possibles”
Tout commence il y a près de deux ans avec des smartphones équipés d’un programme de reconnaissance faciale baptisé "Blue Wolf". Ils en ont distribué à des soldats israéliens en poste à Hébron, d’après plusieurs témoignages recueillis par Breaking the Silence, une ONG israélienne qui travaille avec d’ex-soldats pour documenter les abus de l’armée israélienne à l’égard des Palestiniens.
Ces militaires ont ensuite pris des photos de Palestiniens afin de nourrir une base de données qui n’a cessé de s'enrichir pour atteindre plusieurs milliers de visages reliés à des noms, des adresses et toutes informations que les services israéliens de renseignement pourraient avoir sur ces individus.
Enfants, personnes âgées, tout le monde pouvait être pris en photo. “On n’avait pas besoin de ‘signes suspects’ pour le faire. Tout ce qu’on nous demandait, c’était de prendre le plus de photos possibles. Il y avait même des sortes de compétition entre les unités”, raconte un ex-sergent en poste à Hébron en 2020 dans un témoignage publié par Breaking the silence. Les prix pour les photographes les plus prolifiques pouvaient être des permissions de nuit supplémentaires, précise le Washington Post.
Cette base de données photographiques peut ensuite être interrogée en temps réel par les soldats israéliens lors de contrôles d’identité en Cisjordanie. “On reçoit alors des indications par code couleur pour chaque individu. Le jaune signifiant qu’il faut détenir la personne, le rouge qu’il faut l’arrêter et le vert qu’on peut la laisser passer”, raconte un ex-soldat à l’ONG Breaking the silence.
Pour obtenir ces informations, “on scanne un code-barre sur les papiers d’identité de la personne contrôlée, ou alors, si elle n’en a pas sur elle, on peut directement scanner son visage avec le programme sur le téléphone”, précise dans un autre témoignage un ex-lieutenant de Tsahal qui a pu tester l’efficacité du système de reconnaissance faciale Blue Wolf.
Mais d'autres mécanismes sont également reliés à "Blue Wolf". Le réseau de caméras de surveillance installé à Hébron y a également accès. Ce dispositif, baptisé “Hebron Smart City”, permet ainsi de “reconnaître les Palestiniens avant même qu’ils présentent leurs papiers d’identité lors d’un contrôle à un check-point”, note le Washington Post.
Le programme “Hebron Smart City” - démarré l’an dernier - avait jusqu’à présent simplement été décrit comme un réseau traditionnel de caméras de surveillance, utilisé pour aider Tsahal à lutter contre le “risque terroriste”. Dans un article du quotidien israélien gratuit Israel Hayom paru en octobre 2020, ce dispositif est décrit par l’armée comme “un ensemble de capteurs capables d’identifier en temps réel ce qui sort de l’ordinaire et de fournir rapidement aux soldats sur place toutes les informations utiles sur ce qui se passe”.
Un petit air de “Big Brother”
Mais les révélations du Washington Post sur le lien entre “Hebron Smart City” et la base de données photographiques Blue Wolf procurent à ce programme un aspect beaucoup plus “Big Brother” version chinoise. Pékin a, en effet, été très critiqué pour son recours à la reconnaissance faciale afin de contrôler la minorité musulmane des Ouïghours. Et avec son système "made in Israël", Tel Aviv “est en train de construire un petit coin de Chine en Cisjordanie”, a déploré sur Twitter Haggai Matar, un journaliste israélien réputé pour ses prises de position hostiles à la présence de l’armée israélienne en Cisjordanie.
Et les militaires israéliens ne seraient pas les seuls à profiter des informations contenues dans cette base de données, d’après les ex-soldats qui ont témoigné de son existence. Un programme parallèle, baptisé "White Wolf", est mis à disposition des colons juifs en Cisjordanie et leur permet d’interroger cette base de données en scannant les papiers d’identité des Palestiniens qui viennent travailler dans les implantations juives. “C’est une version édulcorée avec beaucoup moins de données fournies [aux colons]. Ils ne reçoivent que les informations sur les permis de travailler et les éventuelles restrictions de circulation”, a précisé un ex-lieutenant de Tsahal interrogé par Breaking the silence.
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Des critiques ont permis de bloquer - du moins temporairement - l’adoption du texte en Israël, mais qui n’ont nullement empêché Tsahal de déployer la technologie en Cisjordanie “à l’insu de la population”, note le Washington Post. Pour Breaking the Silence, c’est une “nouvelle démonstration que lorsqu’il s’agit des Palestiniens, l’armée juge que les droits humains les plus basiques ne s’appliquent même pas”.
Bien à vous,
RépondreSupprimerS'il s'agissait d'un état de droit française, le terme ILLEGALEMENT serait approprié pour votre chapeau.
En l'espèce, si vous me le permettez je suis désolé de vous l'annoncer, mais il n'en n'est pas le ²_K_²
La police je ne sais pas, mais de toutes façons, c’est pas grave, puisqu’il paraît que toute l’administration française, des caves aux greniers de l’Etat, utilise Windows.
RépondreSupprimerDe cette manière, ces feignants de fonctionnaires n’ont pas besoin de se décarcasser à pondre les rapports obligatoires pour Washington. Tout ce qui se passe dans l’Etat français, est automatiquement connu aux USA, grâce au génial logiciel espion.
Et, comme si ça ne suffisait pas, les Américains ont installé sur la terrasse de leur ambassade, qui se trouve à proximité de l’Elysée, une superstructure abritant tout un fourbi d’antennes servant à espionner les communications.
ça fait plus de dix ans que c'est le cas dans le métro parisien
RépondreSupprimeren France on a mme un ministre juif chef de l'institut du monde arabe. comme quoi on se paye bien 2 forces alliées ET aux manettes.
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