Clarté après la frappe iranienne, alors qu’Israël tente de basculer vers l’arc nucléaire. Par Simplicius

Deux jours après l'attaque décisive de l'Iran contre Israël, certaines choses sont en train d'être clarifiées.

Toutes les premières affirmations selon lesquelles tout avait été abattu ont été lentement démenties, et des titres plus réalistes ont pris leur place, témoignant de la confusion dans les coulisses.

Les missiles iraniens ont réussi à vaincre la défense aérienne israélienne à plusieurs niveaux, écrit le magazine "Der Spiegel". La publication note que cette fois, l'attaque au missile a été nettement plus réussie que celle du mois d’avril... "Ils ont probablement tiré les leçons des attaques d'avril et ont choisi cette fois-ci les missiles balistiques", estime l'expert militaire Fabian Hinz de l'Institut international d'études stratégiques (IISS).

Des vidéos comme celle-ci sont difficiles à nier : regardez la fin pour voir des explosions majeures sur les sites qui ont été touchés.

Se trouvant apparemment à l'extérieur de la base de Nevatim.

Nous avons enfin quelques BDA (Battle Damage Assessment évaluation des dégâts de combat) des coups sûrs, même s’ils présentent une certaine incertitude quant aux véritables objectifs de l’Iran.

Voici un reportage confirmant que l’un des missiles a atterri à l’extérieur du QG du Mossad.

Mais s’agissait-il d’un échec ou d’un « message » délibéré envoyé ?

Il y a désormais deux camps : l’un prétend que l’Iran ne peut rien frapper, l’autre que l’Iran a délibérément évité de causer trop de dégâts. Il existe des preuves pour les deux.

Trump vient de publier une interview dans laquelle il confirme – si on peut lui faire confiance – que l’Iran lui avait déjà dit à l’avance qu’il frapperait les actifs américains pendant son mandat, mais qu’il ne causerait intentionnellement aucun dommage simplement comme une démonstration de force .

C’est tout à fait normal dans les relations internationales.

Mais dans la dernière partie de la vidéo, Trump   admet que les missiles sont « très précis », mais que tous les médias disent qu’ils les auraient ratés – pourquoi les « missiles précis » de l’Iran rateraient-ils une cible facile et importante comme la base américaine en question ? ?

Cela nous donne un aperçu des SOP iraniennes, et nous pouvons ainsi en déduire que l’Iran a pu traiter la frappe israélienne actuelle de la même manière. Une frappe près du QG du Mossad pourrait simplement être un message.

Nous avons maintenant des BDA satellites de la base de Nevatim.

Un hangar a été touché et, sur une photo satellite précédente, il y avait la queue de ce qui ressemble à un avion de chasse qui en dépassait :

Cependant, d’autres succès sont apparus un peu partout.

La zone de la base touchée était la zone « transport, ravitaillement, surveillance et reconnaissance », abritant apparemment le 122e Escadron Nachshon (EW/signaux), et non la zone des avions de combat où sont habituellement hébergés les fameux F-35.

La zone du hangar frappé se trouve dans la partie sud-est de l'image ci-dessous :

Les experts ont ensuite identifié 32 points de frappe à partir d’une vue satellite plus large de 3 mètres :

*

Cependant, nous ne semblons pas encore disposer de photos satellite pour les autres sections en détail, ni pour les autres bases aériennes potentiellement touchées, les bases aériennes de Hatzerim et Tel Nof.

Ce qui est le plus intéressant, c’est qu’il y a eu hier une brève controverse autour de certains nuages numériques irréguliers apparemment « peints » sur les bases israéliennes, bloquant la capacité d’évaluer les dégâts. Cela a été rejeté par « les experts » comme de simples « nuages » – même si, étrangement, cela semble rarement se produire en Ukraine – mais le plus étrange de tout était que les deux bases pénétrées ont apparemment eu cette « chance » nuageuse :

Pour rappel, les États-Unis semblent restreindre les images satellite d’Israël, comme l’a déjà confirmé NPR – il est donc très difficile d’obtenir des clichés post-mortem précis :

Personnellement, j’ai une théorie expliquant pourquoi certains résultats précis apparaissent alors que d’autres semblent simplement « aléatoires ». D’après les caractéristiques des missiles que nous avons vus, il semblerait que de nombreux types de missiles aient été tirés. Par exemple, certains sont clairement descendus extrêmement rapidement, à des vitesses proches de l’hypersonique, comme je l’ai souligné la dernière fois, tandis que beaucoup d’autres semblent descendre à des vitesses assez moyennes.

Il est probable que ce que fait l'Iran, c'est saturer l'espace aérien avec un tas de ses anciens missiles de niveau inférieur, ceux qui n'ont pas beaucoup de précision et sont bon marché, alors qu'il existe un nombre moindre de missiles hypersoniques plus avancés avec un meilleur guidage qui profitent de ce « nuage » de saturation pour frapper leurs cibles. Ainsi, le type de résultat BDA visible serait un ensemble de tirs aléatoires dans un large champ de dispersion, parmi lesquels quelques tirs précis, grâce à l’arme principale – qui pourrait être l’Emad ou le Fattah-2, etc.

Quant à la question  de savoir si l'Iran a réellement informé tout le monde avant les frappes, le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi a déclaré que l’Iran a averti les États-Unis après le lancement des missiles.

 

La vérité est que nous savons pertinemment que les États-Unis et Israël s’attendaient déjà à ces frappes puisque des articles ont été publiés plusieurs heures plus tôt, affirmant que l’Iran pourrait se préparer à des frappes. Cela aurait probablement été connu grâce à la surveillance par satellite américano-israélienne, qui a vu l’Iran installer l’équipement nécessaire dans sa base à l’extérieur de Chiraz – images que j’ai vues.

Ainsi, connaissant un le virement de bord était imminent, même si les paroles d'Araghchi sont vraies, Israël et les États-Unis auraient environ 10 à 15 minutes pour effectuer les mouvements de dernière minute nécessaires, comme faire décoller les F-35 vers le ciel, etc., car c'est le temps qu'il faudrait aux missiles pour atteindre atteindre Israël. En bref, nous pouvons affirmer avec certitude qu’Israël a bénéficié d’un minimum d’avertissement préalable. C’est une façon pour l’Iran de sauver diplomatiquement la face en pouvant affirmer qu’il n’a vraiment averti personne, puisque techniquement, l’avertissement est intervenu après le lancement, mais, en pratique, il a été donné. L’Iran utilise également ouvertement des sites de lancement connus. Si l’Iran voulait réellement mener une attaque surprise dévastatrice, il pré-positionnerait probablement des lanceurs dans des zones reculées que les satellites américains ne surveillent pas. Tout cela fait donc encore partie du théâtre dont je parlais la dernière fois, la danse subtile entre les deux côtés.

L’autre chose intéressante est que certaines contradictions au sein de l’élite dirigeante iranienne ont été mises en évidence par les dernières frappes. Le NY Times a initialement rapporté que le nouveau président Masoud Pezeshkian n'avait même pas été informé de la décision des frappes :

Alors que dans un autre article, ils affirmaient que c'était le commandement du CGRI lui-même qui avait supplié le Guide suprême de frapper, leurs pressions ont fini par l'emporter :

https://archive.ph/QyeLS

Un collaborateur principal de M. Pezeshkian a déclaré lors d’un entretien téléphonique avant l’attaque au missile que quelles que soient les réserves privées du président sur la guerre avec Israël, il soutiendrait publiquement toute décision prise par M. Khamenei – comme il l’a fait mardi.

Le changement de stratégie de l’Iran, ont déclaré des responsables, découle d’un jugement de la part de ses dirigeants, dont le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi.
Ils ont décidé que l’Iran avait mal calculé en ne répondant pas à l’assassinat du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, en juillet, et à l’assassinat plus récent du plus haut commandant iranien, le général Abbas Nilforoushan.

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Mais maintenant, les choses deviennent intéressantes.

Israël a affirmé qu’il lancerait une contre-réponse majeure avant de soudainement revenir sur ses menaces par peur :

"Israël envisage de frapper les actifs iraniens au Yémen ou en Syrie, au lieu de frapper directement l'Iran", déclare un communiqué américain. Officiel – Politico

Le Liban ne figure pas sur la liste, semble-t-il.

PS : La frappe israélienne d'aujourd'hui contre des bâtiments apparents à Beyrouth, ciblant une députée du Hezbollah, avec la mort de 100 civils aurait été effectuée via la flotte maritime israélienne... personne ne sait pourquoi AUCUN F-35, F-15 ou F-16 aéroporté n'a été utilisé.

Hier soir, des actifs iraniens auraient été frappés à Jableh, à l’extérieur de Khmeimim – on ne sait pas vraiment si c’est censé être la « réponse ». De fausses informations prétendaient qu’Israël avait lui-même frappé la base russe de Khmeimim, mais les géolocalisations ont montré que ce n’était pas le cas.

Cependant, d’autres sources continuent de laisser entendre qu’en coulisses, Israël et les États-Unis conspirent pour quelque chose de plus grand :

Vous voyez, c’est un peu déroutant car, en surface, les grands médias dépeignent l’administration Biden comme étant totalement rejetée par Israël, l’état voyou :

 

Mais même si cela est vrai en apparence, d’autres factions au sein de l’État profond semblent travailler en étroite coordination avec Israël sur tous les plans et actions en cours :

Tout le monde sait qu’il existe des factions concurrentes au sein du gouvernement américain, c’est pourquoi le Département d’État a été témoin d’une vague de démissions cette année en raison du soutien de l’équipe Biden à Israël. Cependant, Brian Berletic a présenté une autre explication probable de ces divergences apparemment incohérentes. D’un côté, Biden a réitéré qu’il ne soutiendrait pas les frappes israéliennes, qui doivent être « proportionnelles », dit-il :

Mais d’un autre côté, Berletic cite l’article de Brookings de 2009 intitulé « Quel chemin vers la Perse ? », qui décrit une stratégie consistant à « maintenir un déni plausible tout en attaquant en fait l’Iran, y compris ses sites nucléaires ».

En substance, il s’agit de la même vieille tactique de la CIA et des agences de renseignement.

Aujourd’hui, Trump s’est joint à lui pour blâmer l’Iran. Dans ce cas, il agit clairement comme une marionnette ventriloque, avec « quelqu’un » parlant par la bouche afin de détourner à nouveau l’armée américaine vers une fausse cible, tout comme au lendemain du 11 septembre.

En fait, aujourd’hui encore, le journaliste d’investigation Lee Smith a publié un rapport décrivant comment le FBI a monté la fausse histoire iranienne pour détourner l’attention de la véritable source derrière les assassins potentiels de Trump.

Il est évident qu’une faction pro-sioniste de l’État profond au sein du gouvernement américain travaille en tandem avec le Mossad pour faire de l’Iran le bouc émissaire d’une manière ou d’une autre. Qu’ils amènent les démocrates à attaquer l’Iran, ou qu’ils éliminent Trump et rejettent la faute sur l’Iran afin de lancer une campagne militaire de vengeance.

Partout dans les médias sociaux et dans les médias du régime, des voix s’élèvent désormais pour paralyser le programme nucléaire iranien, pour le plus grand plaisir d’Israël. C’est devenu tellement pervers que même les néoconservateurs de la guerre en Irak répètent leur même vieux jeu à une nouvelle génération ignorante : André Damon écrit :

En 2003, Bret Stephens a chanté que « Saddam pourrait dévoiler, à un monde étonné, la première bombe nucléaire du monde arabe ». Aujourd’hui, dit-il, « l’Iran était en mesure de produire suffisamment d’uranium de qualité militaire pour une bombe nucléaire en une semaine ou deux ». Vingt ans plus tard, c'est le même scénario.

Au moment même d’écrire ces lignes, FP a lancé son propre appel à la guerre :

https://archive.ph/IfbIp

 Il cite la banderole désormais répandue des grands médias selon laquelle l’Iran n’est qu’à quinze jours de La Bombe :

En effet, c’est l’occasion idéale de détruire le programme nucléaire iranien. Le temps nécessaire pour qu'une bombe se déclenche dans le pays est réduit à une à deux semaines. Il n’y a pas de nouvel accord nucléaire à l’ordre du jour. Le Hamas et le Hezbollah ne sont pas en mesure de riposter. Et la République islamique l’a simplement demandé. En fait, c’est peut-être la dernière chance de protéger Téhéran de la bombe.

Ce qui est évident, c’est qu’Israël pousse toutes ses marionnettes néocons à tirer le meilleur parti de son tourbillon désastreux d’attaques non provoquées contre les pays voisins. Israël se contentera de toute sorte de « victoire », qui peut être définie comme tout ce qui lui fera gagner du temps civilisationnel contre ses ennemis. Supprimer le programme nucléaire iranien « vaudrait » le prix du massacre et de l’échec probable de la campagne libanaise.

Eh bien, nous pouvons certainement comprendre pourquoi Israël serait paranoïaque : après les dernières frappes, il est clair que les défenses aériennes occidentales combinées n’ont aucune chance contre une attaque de saturation de missiles balistiques du type iranien. La seule vraie question est celle de l’exactitude, mais si l’Iran devait se doter de l’arme nucléaire, l’exactitude n’aurait pas beaucoup d’importance. À ce stade, Israël serait tenu à la pointe d’une arme existentielle pour toujours.

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Quant à cette nouvelle campagne libanaise, l’ISW et d’autres sources affirment que Tsahal a fait des avancées marginales dans le sud du Liban dans un mouvement en tenaille depuis la Haute Galilée et la région du nord-est de la Galilée  :

Voici une description plus claire et plus détaillée, avec les noms exacts des unités, leurs positions, etc.

Cependant, des informations font déjà état de lourdes pertes pour Tsahal dans des embuscades.

Les choses ne s’annoncent pas bien jusqu’à présent, avec des photos montrant des Merkavas détruits et les affirmations du Hezbollah selon lesquelles des dizaines de soldats de Tsahal ont déjà été éliminés avec pratiquement aucun territoire capturé. À ce rythme, Israël devra naturellement se « détourner » à nouveau vers une campagne de frappes majeures menée par les États-Unis contre l’Iran pour masquer et effacer ce qui pourrait s’avérer être un autre énorme échec au Liban.

Dernière mise à jour pertinente, dans la foulée des frappes iraniennes, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a rencontré le président iranien à Doha, au Qatar, pour une ouverture symbolique d'un nouveau chapitre de rapprochement .

Quelque chose me dit que ce n’est pas le « nouveau Moyen-Orient » souhaité par Netanyahu : juste un jour après l’attaque de missiles iraniens, le ministre saoudien des Affaires étrangères rencontre le président iranien, déclarant que l’Arabie saoudite veut « fermer définitivement le chapitre de nos divergences ».

A l'occasion, Arnaud Bertrand écrit :

J'ai trouvé les citations exactes (https://english.news.cn/20241003/9ed1ef8a2572491abca18736bce8f761/c.html…): en plus du ministre saoudien des Affaires étrangères disant au président iranien qu'il voulait « fermer définitivement le chapitre sur nos différences », il a également qualifié les frappes iraniennes contre Israël d'« attaques de représailles » (ce qui signifie qu'elles étaient justifiées) et a déclaré que l'Arabie saoudite « faisait confiance à la sagesse et au discernement de l'Iran pour gérer la situation et contribuer au rétablissement du calme et de la paix dans la région ».

Soulignant cette réunion historique, le ministre des Affaires étrangères a écrit un article d’opinion pour le FT, soulignant l’engagement de l’Arabie Saoudite à établir un État palestinien indépendant, avec sa capitale à Jérusalem-Est, et l’absence de relations diplomatiques avec Israël jusqu’à ce moment-là :

https://www.ft.com/content/06a1f31d-7cf9-4559-a7d4-8f0f19f2aced

Ainsi, il snobe Israël tout en rencontrant le président iranien sous prétexte de « [fermer] définitivement le chapitre sur nos divergences ».

Il semble que les dernières lueurs d’espoir se tournent rapidement contre Israël.

Par Simplicius

04 octobre 2024

https://simplicius76.substack.com/p/clarity-after-iran-strike-as-